Jim se décontracte. En fait, quand Tashi le repose et le relâche, il est à deux doigts de tomber. Une fois le bref éblouissement surmonté, il tente de ramasser une des pierres pour la balancer sur I. Magnins, mais Tashi l’en empêche. Tash s’empare des deux cailloux, les relance dans le jardin dévasté.
— Bon Dieu, Jim ! Merde, qu’est-ce qui déconne ?
Jim s’assied et se met à trembler. Tashi s’accroupit à côté de lui. Il semble devenu incapable de respirer comme il faut. Il s’est esquinté quelque chose à l’intérieur, chaque respiration provoque un élancement de douleur. « Je… je… » Il n’arrive pas à parler.
Tash lui pose la main sur l’épaule.
— Détends-toi. Tout va bien, maintenant.
— Non ! Non, c’est pas vrai ! (L’hystérie le submerge de nouveau.) C’est pas vrai !
— O.K., O.K. Détends-toi. T’as des ennuis ?
Jim hoche la tête.
— Bon. Alors on va aller chez moi, et te mettre à l’abri. Viens.
Il l’aide à se lever.
Ils remontent la colline, le long des trottoirs éclairés qui traversent l’obscurité de Newport Heights, et arrivent à la tour de Tashi. Une voiture de police passe en vrombissant, et Jim se recroqueville. Tash secoue la tête :
— Merde, qu’est-ce qui s’est passé ?
Sur son toit, Tashi se débrouille pour arracher à Jim des fragments balbutiés de l’histoire.
— T’as la respiration complètement bousillée, remarque Tash. Tiens, cille un coup de ça.
Il lui fait ciller un peu de California Mello. Puis Tashi reste planté devant la tente à réfléchir à tout ça.
— Bon, fait-il. J’avais prévu de me tailler d’ici, de toute façon. Et on dirait que t’as besoin de quitter la ville un certain temps. Là, assieds-toi, Jim. Assieds-toi ! Bon, je vais aller emballer un deuxième sac de couchage et te préparer un sac à dos. Faudra qu’on rachète des vivres à Lone Pine demain matin. Reste assis là.
Jim reste assis. Il est possible qu’il soit dans l’incapacité de faire quoi que ce soit d’autre.
Une heure plus tard, Tash a fini de faire leurs bagages. Il fait enfiler à Jim un sac à dos bien rempli, en prend lui-même un autre, et les voilà partis. Ils descendent et gagnent la petite voiture de Tashi, prennent l’autoroute.
Jim, à la place du passager, contemple le fleuve de lumières rouges/blanches, rouges/blanches. L’autopie défile. Lentement, millimètre par millimètre, son estomac commence à se dénouer. Sa respiration s’améliore. Quelque part au nord de LA., il est secoué d’un frisson convulsif, tremble.
— Bon Dieu, tu croiras jamais ce que j’ai fait aujourd’hui.
— Sans blague.
Jim tâche de raconter. Tout au long du récit, Tashi s’exclame et s’exclame encore.
— Mais pourquoi ? Pourquoi ?
Et tout au long du récit, Jim répond :
— Je sais pas ! Je sais pas.
Quand il conclut, ils sont sur une route vide et noire, sur les hauteurs désertiques du nord-est de LA., agités de légers frissons, faisant de temps à autre un bond en avant, et il sombre dans un sommeil agité.