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Abe s’en va. Ebranlé jusqu’au tréfonds, Jim se surprend à rôder dans son appart, inlassablement. N’y trouve rien qui puisse le consoler ne serait-ce qu’un peu. Quelle journée…

Plus il passe de temps dans l’appart, plus s’accroît l’intensité de sa nervosité, impuissante, misérable. Il ne trouve rien qu’il puisse faire. Quelle heure est-il, de toute manière ? 3 heures du matin. L’heure creuse. Rien à faire, personne vers qui se tourner – les amis auxquels il aurait pu demander de l’aide recherchent la sienne, et il ne se sent pas de taille.

Aucune chance de dormir. La malignité de la pensée, de la vision et de la mémoire, toutes trois stimulées par la drogue, emballées, aiguillonnées par la peur, rendent le sommeil hors de question. La journée n’arrête pas de se redébobiner dans son théâtre mental en un méli-mélo d’images, chacune pire que celle qui l’a précédée, le rendant au total malade avec une toxicité synergique. Il se rappelle le visage de Hana, au moment où elle les a vus, lui et Virginia, sortir ensemble en titubant du Hungry Crab. Pas de spectaculaire grimace de souffrance ou de désespoir, non, rien d’aussi mélodramatique ; juste un choc soudain, un instant de surprise, puis un regard instantanément averti, un désengagement, un refus de le considérer. Bon Dieu de merde !

Il renonce à toute tentative de se reprendre en main, et compose le numéro de Hana, sans avoir en tête la moindre idée de ce qu’il va lui dire. Le bruit de la sonnerie le fait paniquer, son pouls s’accélère, il raccrocherait s’il n’avait pas la certitude que Hana saurait que c’est lui qui l’a réveillée et qu’il n’a pas eu les nerfs assez solides pour lui parler, et, cette perspective devant lui, il insiste, sonnerie après sonnerie… Personne.

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