80.

Toute la journée, il avait plu. Des nappes de brouillard gravissaient lentement la pente des Abruzzes de notre côté, puis semblaient hésiter un instant avant de franchir la crête et de disparaître vers la mer Adriatique. Le vol des oiseaux de proie était comme aspiré par l'horizon.

Le père Nil m'avait abrité dans son ermitage, taillé à même le roc. Une paillasse jetée sur un lit de fougères sèches, une petite table devant la minuscule fenêtre. Une cheminée rudimentaire, une Bible sur une étagère, des fagots. Moins que l'essentiel nécessaire : l'essentiel, ici, était ailleurs.

Il m'avertit que nous parvenions au terme de son histoire. C'est après coup, dans le silence de cette montagne, qu'il en avait compris toutes les péripéties. Il ne se troubla qu'une fois, et je le perçus au frémissement de sa voix : quand il me parla de Rembert Leeland, du calvaire intérieur que cet homme avait vécu et qui s'était dénoué en quelques heures, tragiquement.

Dès l'instant où il avait mis la main sur le manuscrit perdu, les événements s'étaient entrechoqués. En exhumant de l'oubli ce texte d'un autre temps, il avait ouvert les vannes derrière lesquelles piaffaient des hommes inconnus de lui, qui défendaient chacun sa propre cause avec un acharnement dont la violence lui demeurait incompréhensible, encore aujourd'hui.

1 Coran 4,89.

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