51.

– Mes frères...

C'était la première réunion de la Société Saint-Pie V depuis l'admission du nouveau frère. Modestement, Antonio occupait la place du douzième apôtre en bout de table.

– Mes frères, je suis en mesure de vous dévoiler une des preuves du secret que nous avons pour mission de protéger : récemment mise à jour, elle se trouve depuis peu en notre possession. Je veux parler de l'inscription placée par l'empereur Charlemagne dans l'église de Germigny, et dont le sens caché ne pouvait être compris que par quelques rares érudits. J'ai la joie de la présenter maintenant à votre dévotion. Deuxième et troisième apôtre, je vous prie...

Deux frères se levèrent, et se placèrent devant le crucifix, à droite et à gauche du recteur. Celui-ci saisit le clou qui transperçait les pieds du Maître. Ses deux acolytes en firent autant du clou fiché dans sa main droite et sa main gauche. Sur un signe de tête, chacun fit tourner son clou selon un chiffre.

Il y eut un déclic : le panneau d'acajou coulissa.

Laissant apparaître un renfoncement, dans lequel étaient placées trois étagères. Celle du bas, au niveau du sol, contenait une dalle de pierre levée sur son champ.

– Mes frères, vous pouvez vous approcher pour la vénération.



Les apôtres se levèrent, et chacun à son tour vint s'agenouiller devant la dalle. L'enduit avait été totalement nettoyé : le texte latin du Credo de Nicée était parfaitement lisible, réparti sur vingt-deux lignes d'égale longueur et encadré par deux lettres grecques. Chaque frère s'inclina profondément, souleva son voile et apposa ses lèvres sur l'alpha et l'oméga. Puis se releva et baisa l'anneau épiscopal que lui présentait le recteur, resté debout sous le crucifix.

Antonio était très ému quand vint son tour. C'est la première fois qu'il voyait l'armoire ouverte : à l'intérieur se trouvaient deux preuves matérielles du secret, dont la préservation justifiait à elle seule l'existence de la Société des Douze. Au-dessus de la dalle, sur l'étagère médiane, un coffret en bois précieux luisait doucement. Le trésor des Templiers ! Il serait offert bientôt à la vénération des frères, le prochain vendredi 13 du calendrier.

L'étagère supérieure était vide.

En se relevant, il apposa lui aussi ses lèvres sur la bague du recteur. Parsemé de paillettes rouge sombre, le jaspe vert foncé, taillé en losange oblong, était enchâssé dans une monture d'argent ciselé qui lui donnait la forme d'un cercueil miniature. L'anneau du pape Ghislieri ! Le cœur battant, il reprit sa place sur le douzième siège tandis que le recteur repoussait le panneau d'acajou, qui se ferma automatiquement avec un déclic.

– Mes frères, l'étagère supérieure de ce coffre devrait abriter un jour le plus précieux de tous les trésors, dont ceux que nous possédons ici ne sont que l'ombre ou le reflet. Ce trésor, nous soupçonnons son existence mais nous ignorons encore où il se trouve : la mission en cours va peut-être nous permettre de le reprendre, pour le placer sous notre garde, enfin en sécurité. Alors, nous aurons vraiment les moyens d'accomplir ce pour quoi nous avons voué notre vie au Seigneur : la protection de l'identité du Christ ressuscité.

– Amen !

La joie illuminait le regard des Onze, tandis que leur recteur reprenait sa place à droite du trône central recouvert de velours rouge.

– J'ai retiré au douzième apôtre la charge d'écouter les entretiens des deux moines : cette surveillance nécessite des temps de présence qui l'auraient immobilisé inutilement. Mon agent palestinien s'en charge, et je serai bientôt en mesure de vous tenir au courant du contenu des premières bandes magnétiques – que je suis en train d'analyser. Le douzième apôtre surveillera discrètement la réserve de la Vaticane. Le père Breczinsky ne le connaît pas encore, ce qui facilitera les choses. Je garde pour l'instant l'entière maîtrise des informations que reçoit le cardinal. Quant au Saint-Père, nous continuons à le tenir totalement à l'écart de ce souci trop lourd pour lui.

Les Onze hochèrent la tête en signe d'approbation. Cette mission devait être menée avec grande précision : le recteur savait faire preuve d'efficacité.

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