Dulwich, Surrey, le 14 juin 1944

En attendant, il est important de ne pas donner à l’ennemi la moindre information susceptible de l’aider à diriger ses tirs grâce à la localisation des points d’impact de ses missiles.

Herbert Morrison, ministre de l’Intérieur britannique, le 16 juin 1944


Mercredi matin, Mary commençait à s’inquiéter. Il n’y avait toujours aucune mention du pont ferroviaire de Bethnal Green ni des autres V1 tombés la nuit du 12 juin. Si les quatre premiers V1 avaient frappé à l’heure indiquée par son implant, on aurait dû en avoir entendu parler, maintenant.

Mais bien que les deux dernières filles du FANY, Parrish et Sutcliffe-Hythe, aient rapporté une boîte de sparadrap de Platt, qui se situait à moins de sept kilomètres du premier point d’impact, et que Talbot ait téléphoné à Bethnal Green pour leur demander de lui mettre de côté tous les escarpins, personne n’avait parlé d’explosions ou d’avions étranges dont les fuselages auraient craché des flammes jaunes.

Rien dans les journaux non plus, mais Mary s’y était attendu. Le gouvernement avait gardé le secret sur les V1 jusqu’au 15. À ce moment-là, plus d’une centaine de fusées avaient déferlé, et il n’était plus possible de se taire. Cependant, Mary avait pensé trouver quelque chose au sujet d’une explosion de gaz : c’était la version que l’on faisait circuler en guise d’explication.

Les journaux de Londres ne rapportaient rien de tel, et les fiançailles de Mlle Betty Buntin avec Joseph Morelli, soldat de première classe de Brooklyn, New York, occupaient la une de la South London Gazette. Dans le poste du FANY, on se demandait qui porterait la première la robe de tulle rose, et c’était le seul sujet de conversation. Si Mary avait été transférée là sans préparation historique, elle aurait été incapable de déduire qu’une guerre était en cours, encore moins que les lieux subissaient une attaque. Et les prochaines fusées ne seraient pas tirées avant la nuit du lendemain, si bien qu’il n’y avait aucun moyen d’aborder le sujet.

Elle s’y efforça quand même.

— J’étais censée arriver lundi. J’ai raté quelque chose ?

— Le débarquement en Normandie, répondit Reed, qui se vernissait les ongles.

— Et le char à fourbi, ajouta Camberley, qui essayait la robe de soirée rose. Nous t’aurions pris la dentelle écrue si nous avions su que tu viendrais. (Elle se tourna vers Grenville.) Impossible de manger ou de respirer là-dedans. Il faudra l’élargir à nouveau. (Elle se retourna vers Mary.) Dis donc, Kent, tu n’aurais pas des robes de soirée, par hasard ?

— Ne leur réponds oui que si tu es prête à les partager, prévint Fairchild.

— Mais si tu partages avec nous, on partage avec toi, avança Camberley.

Parrish roula des yeux.

— Je suis sûre qu’elle bave d’envie juste à l’idée de porter le Péril jaune.

— Avec ses cheveux blonds, ça pourrait lui aller, assura Camberley.

— Le Péril jaune ne peut aller à personne, assena Maitland, mais Camberley l’ignora.

— Alors, as-tu une robe de soirée, Kent ?

— Oui, dit Mary, ouvrant le sac de marin qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion de déballer. En vérité, j’en ai deux, et je serai heureuse de les partager avec vous.

Elle les montra et sut dans l’instant qu’elle avait commis une erreur. Les filles les observaient, la bouche ouverte. Quand elle les avait choisies à Garde-robe, elle avait opté pour celles qui semblaient avoir été portées, de façon à passer inaperçue, mais, comparées à la robe de tulle rose à l’ourlet déchiré et aux coutures manifestement retouchées, les siennes, en soie vert pâle et en organdi bleu, paraissaient flambant neuves.

— Où diable as-tu réussi à trouver de telles merveilles ? demanda Fairchild, qui palpait la soie verte.

— Tu ne sortirais pas avec un richissime général américain, par hasard ? s’enquit Reed.

— Non. Ma cousine me les a données quand elle est partie pour l’Égypte. Elle est dans le corps médical.

Elle espérait qu’aucune n’assurerait qu’elle connaissait une infirmière, en Égypte, qui se rendait en permanence à tous les bals.

— Je n’ai pas encore eu la moindre occasion de les mettre, ajouta-t-elle en toute honnêteté.

— À l’évidence, dit Parrish.

Camberley paraissait sur le point de fondre en larmes.

— Tu es sûre que tu es d’accord pour les partager avec nous ? interrogea-t-elle avec déférence.

Voilà qui montrait à quel point la guerre avait changé la vie de ces jeunes femmes. Elles provenaient de familles aisées, elles avaient été des débutantes, présentées à la Cour, et aujourd’hui l’idée d’endosser des robes démodées et usées les enchantait.

— Je n’avais pas vu de soie de cette qualité depuis le début de la guerre ! dit Sutcliffe-Hythe, qui touchait l’étoffe. J’espère qu’elle ne se terminera pas avant que j’aie pu la porter.

Tu en auras l’occasion !

Une grosse partie du pire était encore à venir, mais toutes les filles du poste étaient persuadées que la guerre serait terminée à l’automne. Elles avaient même conçu un pari mutuel sur le jour où elle prendrait fin.

— À propos de la fin de la guerre, dit Fairchild, tu ne nous as jamais indiqué quelle date tu choisissais pour le pari, Kent.

Le 8 mai 1945, pensa-t-elle. Mais le calendrier qu’elles utilisaient n’allait que jusqu’au mois d’octobre, et la plupart des dates de la fin juin et du début juillet étaient déjà prises, alors que le débarquement n’avait commencé que depuis deux semaines.

— Tu peux prendre le 18, indiqua Fairchild, qui regardait le calendrier.

Le 18, un V1 avait frappé la chapelle des Gardes pendant l’office, tuant cent vingt et un Londoniens. Si cette date et ce lieu n’étaient pas eux aussi des erreurs.

— Ou le 5 août.

Ce jour-là, c’étaient les magasins Co-op, à Camberwell, qui avaient été touchés. Mais elle devait choisir quelque chose.

— Je prends le 30 août.

Pendant que Fairchild écrivait son nom dans la case, Mary ajouta :

— Hier, sur le chemin, j’ai entendu quelqu’un parler d’une explosion à…

— Kent, appela Parrish, qui se penchait par la porte, le major veut te voir dans son bureau.

— Tu ne dis rien sur le pari, l’avertit Fairchild. Ni sur la fin de la guerre. Elle est d’une humeur massacrante quand on aborde ce sujet.

Elle jeta le calendrier dans un tiroir.

— Le major est convaincue que la guerre peut encore être perdue, expliquait Parrish, qui montrait le chemin à Mary. Même s’il est difficile d’imaginer comment. On a déjà pris les plages et la moitié des côtes françaises, et les Allemands sont en fuite, non ?

Le major avait raison. Les forces alliées s’empêtreraient bientôt dans les haies françaises, et si elles n’avaient pas stoppé les Allemands à la bataille des Ardennes…

— Détends-toi, dit Parrish en s’arrêtant devant le bureau. Le major n’est rosse que si tu lui racontes des craques.

Elle frappa à la porte, l’ouvrit et annonça :

— Le lieutenant Kent est là, major.

— Qu’elle entre, lieutenant. Avez-vous trouvé ces couvertures ?

— Non, major. Croydon et New Cross n’en ont aucune de reste. J’ai un appel prévu avec Streatham.

— Bien. Dites-leur que c’est une urgence. Et envoyez-moi Grenville.

Elle sait tout au sujet des V1. Voilà pourquoi elle s’est montrée aussi déterminée à stocker des réserves.

Parrish sortit.

— Quelle formation médicale avez-vous reçue, lieutenant ?

— J’ai des diplômes de secourisme et d’infirmière urgentiste.

— Excellent, approuva le major en regardant les papiers de Mary. Je vois que vous étiez basée à Oxford. Dans une unité d’ambulances ?

— Oui, major.

— Ah ! vous avez donc rencontré… qu’y a-t-il ? demanda-t-elle alors que Parrish apparaissait dans l’ouverture de la porte.

— Un appel du QG, major.

Elle hocha la tête et tendit la main vers le receveur.

— Excusez-moi une minute…, prévint-elle. Ici le major Denewell. (Une pause suivit.) J’en suis tout à fait consciente, mais mon unité ne peut se passer de ces couvertures. Nous commençons à transporter les blessés cet après-midi. (Elle raccrocha et sourit à Mary.) Où en étions-nous ? Ah, oui ! vos précédentes missions. Et je vois que vous conduisiez une ambulance à Londres pendant le Blitz. Dans quel quartier ?

— Southwark.

— Ah ! vous devez donc connaître…

On frappa.

— Entrez, dit le major.

Et Grenville passa la tête par la porte.

— Vous vouliez me voir, major ?

— Oui, je veux un inventaire de toutes nos fournitures médicales.

Grenville acquiesça et partit.

— Où en étions-nous ? reprit le major, qui soulevait de nouveau les papiers de Mary.

Tu t’apprêtais à m’interroger sur quelqu’un que je connaissais à Londres pendant le Blitz…

Mary rassemblait ses forces, mais le major dit :

— Je vois que votre autorisation de réaffectation date du 7 juin.

— Oui, ma’ame. Il a été difficile de trouver un moyen de transport. Le débarquement…

Le major hocha la tête.

— L’essentiel est que vous soyez ici, maintenant. Nous serons submergées de travail les jours qui viennent. Bethnal Green et Croydon finiront aussi par transporter des blessés de l’hôpital de Douvres à Orpington, mais pour le moment, nous sommes la seule unité assignée à cette tâche. Je vous envoie à Douvres avec Talbot et Fairchild cet après-midi. Elles vous apprendront l’itinéraire. Fairchild vous a-t-elle montré le planning et le tableau de service ?

— Oui, major.

— Nos responsabilités sont extrêmement importantes, lieutenant. Cette guerre n’est pas gagnée. Nous pouvons encore la perdre, sauf si nous contribuons tous de notre mieux. Je compte sur vous.

— Oui, ma’ame. Je ne vous décevrai pas.

— Rompez, lieutenant.

Mary salua vivement et se tourna vers la porte. Elle s’efforçait de ne pas donner l’impression de chercher à s’enfuir. Elle posa la main sur la poignée.

— Un instant, lieutenant. Vous disiez que vous étiez basée à Oxford…

Mary retint sa respiration.

— J’imagine qu’ils n’ont pas de couvertures en trop ?

— Je crains que non. Notre poste était toujours à court.

— D’accord. Vous demanderez à Douvres s’il leur en reste. Et transmettez au lieutenant Fairchild que je n’ignore rien de ses paris et que je ne tolérerai aucune déclaration prématurée de victoire dans mon poste.

— Oui, major.

Mary s’en fut retrouver Fairchild, qui ne fut pas du tout alarmée d’apprendre que le major connaissait ses combines.

— Au moins, elle ne nous a pas interdit de parier, dit-elle dans un haussement d’épaules. Viens, on part.

Elles conduisirent en direction du sud à travers Croydon, puis tournèrent à l’est, en plein milieu de ce qui, dans deux jours, serait nommé « l’allée des bombes ».

J’aurais dû me faire implanter l’heure et les points d’impact de tous les missiles au lieu de me contenter de ceux du sud-est de Londres, pensait Mary, mais elle savait bien que ce n’aurait pas été possible. Il y en avait eu beaucoup trop. Près de dix mille V1 et onze cents V2, si bien qu’elle s’était focalisée sur ceux qui avaient frappé Dulwich et ses faubourgs, Londres, et le territoire qui les reliait. Mais elle n’avait rien enregistré sur la zone comprise entre Dulwich et Douvres.

M. Dunworthy fera une attaque quand il apprendra que j’ai emprunté l’allée des bombes.

Cela dit, elles n’effectueraient le trajet que jusqu’au moment où les V1 commenceraient à se manifester. Après, le poste aurait trop d’incidents à gérer dans le voisinage immédiat.

L’itinéraire pour Douvres serpentait à travers une succession de chemins tortueux et de villages minuscules. Mary fit de son mieux pour le mémoriser, mais il n’y avait aucun panneau de signalisation et, au retour, elle dut accorder toute son attention au patient qu’elles avaient pris en charge.

— On doit l’opérer de la jambe, avait dit l’infirmière comme on le transportait dans l’ambulance.

Elle avait baissé la voix de façon qu’il ne puisse pas l’entendre.

— J’ai bien peur que l’amputation ne soit inévitable. Gangrène.

Et lorsque Mary était montée derrière à son côté, elle avait pu sentir une écœurante odeur douceâtre.

— Il est sous sédation, avait indiqué l’infirmière.

Pourtant, ils n’avaient pas parcouru huit kilomètres depuis Douvres que le blessé ouvrait déjà les yeux pour demander :

— Ils ne vont pas me la couper, hein ?

Et que pouvaient répondre les infirmières, en 1944, à de telles questions ? Que pouvait-on dire, quelle que soit l’époque ?

— Vous ne devriez pas penser à ça maintenant. Il faut vous reposer.

— Ça va bien. Je sais déjà qu’ils vont le faire. C’est étrange, non ? J’ai traversé Dunkerque, El-Alamein et le débarquement en France sans une blessure, et voilà qu’une saleté de camion se retourne sur moi.

— Vous ne devriez pas parler. Vous allez vous fatiguer.

Il hocha la tête.

— Les soldats tombaient comme des mouches autour de moi à Sword Beach, et moi, pas même une égratignure. Verni tout du long. Je vous ai déjà parlé de Dunkerque, ma sœur ?

Il devait la prendre pour son infirmière de l’hôpital, à Douvres.

— Essayez de dormir, murmura-t-elle.

— J’ai cru que je ne m’en sortirais pas. J’ai cru qu’on m’abandonnerait sur cette plage, les Allemands arrivaient si vite, mais ma chance a résisté. Le gars qui m’a pris sur son bateau, on l’avait ramené de Dunkerque deux jours plus tôt, mais il était revenu pour aider les derniers comme moi à partir. Il avait déjà traversé trois fois et, la troisième, on avait failli les torpiller.

Il parlait encore quand ils atteignirent l’hôpital des urgences à Orpington.

— J’étais en train de me noyer. Il a sauté à l’eau et m’a sauvé, il m’a hissé à bord. S’il n’avait pas été là…

Talbot ouvrit la porte, et deux brancardiers approchèrent pour décharger la civière. Mary sortit de l’ambulance, la bouteille de plasma brandie au-dessus de sa tête. L’un des hommes s’en saisit.

— Bonne chance, soldat, dit-elle alors qu’ils l’emmenaient vers l’hôpital.

— Merci. S’il n’avait pas été là, et vous pour m’écouter…

— Attendez ! cria Fairchild.

Elle bondit au-dessus de Mary et se précipita à l’intérieur.

— Vous ne pouvez pas nous piquer cette couverture. C’est la nôtre.

— Oh ! zut ! dit Mary à Talbot, j’ai complètement oublié de demander à Douvres s’ils avaient des couvertures.

— J’y ai pensé. Négatif.

Fairchild revint, portant triomphalement la couverture.

— As-tu demandé s’ils en ont quelques-unes en surplus ? interrogea Talbot.

— Ils n’en ont pas. J’ai presque dû me battre pour récupérer la nôtre.

— Et à Bethnal Green ? suggéra Mary. On ne pourrait pas passer par leur poste sur le chemin du retour pour s’assurer que…

— Non, on leur a déjà demandé, le jour du char à fourbi, déclara Talbot.

Mary devrait trouver un autre moyen de s’approcher de Bethnal Green pour obtenir confirmation de l’attaque. Peut-être emprunter une bicyclette à la fin de son service ? Hélas ! le major l’envoya avec Reed à Bromley chercher du sparadrap et de l’alcool à 90 °C et, tôt le lendemain matin, elles retournaient à Douvres.

— Et là, tu prends sur la gauche au pont, disait Fairchild, qui lui apprenait l’itinéraire. Ensuite, à droite juste après ces arbres.

Plus loin, elle désigna deux tanks, installés dans un pré.

— C’est étrange. Je croyais que tous nos tanks se trouvaient en France.

Étaient-ce de vrais chars d’assaut ? Mary s’interrogeait. L’un des éléments du plan des services secrets britanniques pour persuader les Allemands que le débarquement serait lancé depuis le sud-est de l’Angleterre avait été d’utiliser des chars en caoutchouc gonflables. Peut-être les avait-on laissés sur place après l’opération.

Une pensée terrible la saisit. Les services secrets britanniques avaient aussi tenté d’égarer les Allemands sur les cibles que touchaient les V1. Ils avaient monté de toutes pièces de faux reportages textes et photos dans les journaux afin que les agresseurs altèrent les trajectoires des missiles. De cette façon, ils tomberaient avant Londres. C’est la raison pour laquelle les villes de Dulwich, Croydon, et l’allée des bombes avaient été frappées plus qu’ailleurs.

Et si Recherche lui avait fautivement implanté les données erronées au lieu des heures et des endroits exacts ? Cela expliquerait pourquoi personne n’avait parlé de Bethnal Green, parce que le V1 n’avait pas explosé là-bas. Si c’était le cas, elle avait quelque raison de s’angoisser. Sa sécurité dépendait de sa connaissance précise des heures et des points d’impact de chaque V1 et V2.

Dès que nous arriverons au poste, je dois trouver le moyen d’apprendre si ce chemin de fer a été endommagé.

Cependant, à l’instant où elles atteignaient le poste, le major l’envoyait avec Fairchild à Woolwich chercher les couvertures supplémentaires qu’elle avait enfin réussi à se procurer, et la nuit était tombée avant leur retour. Elle devrait attendre le lendemain pour aller à Bethnal Green… sauf si les V1 frappaient à l’heure, cette nuit. Si tel était le cas, cela validerait les données de son implant, et elle pourrait cesser de s’inquiéter. À moins, bien sûr, que l’un d’entre eux touche le poste.

Elle s’agita toute la soirée, dans l’attente de l’impact de 23 h 43, quand le premier V1 était supposé frapper. La sirène devait sonner à 23 h 31. Mary écoutait impatiemment les filles se chamailler pour décider qui porterait d’abord la robe en soie verte et tentait de s’empêcher de regarder sa montre toutes les cinq minutes. Quand 23 heures arrivèrent, avec l’extinction des feux, elle ressentit un immense soulagement. Elle s’enfouit sous ses couvertures, armée d’une lampe de poche pour surveiller sa montre et d’un magazine qu’elle avait emprunté dans la salle commune. Si quelqu’un remarquait la lumière, elle raconterait qu’elle lisait.

Elle cala le magazine sur le culot de la torche pour en masquer le flux lumineux et attendit. 23 h 10. 23 h 15. Les filles continuaient à débattre dans le noir.

— Donald ne t’a jamais vue avec le Péril jaune, disait Sutcliffe-Hythe, et je l’ai déjà porté deux fois avec Edwin.

— Je sais, lui accordait Maitland, mais je pense que Donald me demandera peut-être en mariage.

23 h 20. 25. Encore six minutes, se dit Mary, qui attendait le début miaulant de la sirène, le bourdonnement du V1. Elle regrettait de ne pas en avoir écouté un enregistrement à la Bodléienne, ce qui lui aurait permis de connaître exactement le bruit qu’ils faisaient. Leur crépitement caractéristique, dont on disait qu’il ressemblait à une pétarade de moteur automobile, avait été assez fort pour qu’il soit possible de plonger dans le caniveau le plus proche quand on l’entendait et de sauver sa peau.

23 h 29. La demie. 23 h 31.

Ma montre est en avance, pensa-t-elle en la portant à son oreille. Oh ! allez ! que cette alerte sonne ! Je ne veux pas avoir à retourner à Oxford. Que dirai-je au major ? Et à M. Dunworthy ? S’il découvre que je ne me suis pas seulement baladée dans l’allée des bombes, mais que l’on m’a donné par surcroît un implant fautif, il ne me laissera jamais revenir.

23 h 32. 23 h 33…

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