En cas d’invasion, tout propriétaire d’un véhicule à moteur devrait être prêt à empêcher sa voiture, sa motocyclette ou son camion de fonctionner, dès que l’ordre en sera donné.
Le pasteur revint donner à Eileen et au reste du personnel leurs premières leçons de conduite le jour qui suivit son retour d’Oxford.
— Vous n’êtes pas effrayée ? demanda Una.
— Non, lui assura Eileen, qui enlevait son tablier. Je suis certaine que le révérend est un excellent professeur.
Et, grâce à mon séjour à Oxford, je serai une excellente élève.
Bien qu’elle n’ait disposé que de deux jours et d’aucune aide de Polly, elle n’avait pas seulement appris comment entrer dans la Bentley, mais aussi comment la démarrer, changer les vitesses et se servir du frein à main.
Juste avant son retour, elle avait conduit le long du High, monté à Headington Hill, et elle en était rentrée saine et sauve.
— Je crois plutôt que les leçons seront amusantes, déclara-t-elle à Una.
Et elle rejoignit la voiture. Mais ce n’était pas la Bentley, c’était l’Austin défoncée du pasteur.
— Mme la comtesse avait une réunion du WVS à Daventry, expliqua M. Goode.
Et elle ne veut pas que sa Bentley soit endommagée !
— Mais conduire une voiture ou en conduire une autre, c’est à peu près la même chose, assura-t-il.
Faux. Sur l’Austin, la pédale d’embrayage semblait obéir à des principes entièrement différents. Eileen calait, quelle que soit la vitesse utilisée… quand elle parvenait à démarrer, pour commencer. Ou bien le moteur refusait de tourner, ou encore elle le noyait. Quand elle réussit finalement à maintenir l’allumage et à se mettre en prise, il s’étouffa avant qu’elle ait parcouru dix mètres.
— Ma vieille compagne est d’humeur plutôt capricieuse, j’en ai peur, sourit M. Goode. Vous vous en sortez très bien.
— Je croyais que les hommes d’église n’étaient pas censés raconter de mensonges !
Cependant, après trois nouveaux essais, Eileen manœuvrait l’Austin jusqu’à la fin de l’allée. Comparée à Una, qui n’arrivait même pas à se rappeler quel pied poser sur quelle pédale, et qui éclatait en sanglots chaque fois que le pasteur tentait de le lui montrer, elle était carrément douée.
Samuels se révéla pire encore, convaincu de pouvoir mater « ce maudit engin » par la force brute et le blasphème. Eileen s’étonnait que le pasteur n’abandonne pas le projet tout entier, lady Caroline ou pas. En vérité, il continuait d’un air déterminé, malgré ses élèves et les Hodbin qui avaient décidé que ces leçons étaient le spectacle le plus drôle qu’ils aient jamais vu. Aussi se hâtaient-ils de rentrer de l’école ces jours-là pour s’asseoir sur les marches et chahuter.
— Qu’esse qu’y croient qu’y font ? demandait Alf à Binnie d’une voix claironnante.
— Z’apprennent à conduire, pour quand les Boches y vont nous infester.
Alf observait les manœuvres pendant un moment, puis il ajoutait d’un ton innocent :
— Y sont de quel bord ?
Et les deux de s’étouffer de rire !
Je dois retourner à Oxford pendant ma prochaine demi-journée et pratiquer sur une Austin, se dit Eileen, mais elle n’y parvint pas. Le lundi matin, quatre nouveaux évacués arrivèrent, ce qui mit le point de transfert désespérément hors d’atteinte. Et une semaine plus tard, les évacués qu’ils avaient hébergés auparavant commençaient à revenir – Jill Potter, Ralph et Tony Gubbins –, et tous rejoignaient les Hodbin sur les marches pour regarder les cours de conduite et crier des sarcasmes.
— Faut prendre un canasson ! brailla Alf pendant une leçon d’Una particulièrement pénible. Ça s’ra plus fastoche d’y apprendre à conduire qu’à celle-là, révérend !
— J’crois qu’le révérend y devrait m’apprendre à conduire, déclara Binnie. Je s’rais mille fois meilleure qu’Una.
Aucun doute. Cependant, une version des Hodbin en Bonnie et Clyde, avec Binnie conduisant la voiture pour s’enfuir, c’était la dernière chose dont le pasteur avait besoin.
— Si vous voulez vraiment aider à gagner la guerre, allez chercher des papiers pour la campagne de recyclage ou trouvez-vous autre chose à faire !
Hélas ! le lendemain, Eileen s’aperçut qu’ils avaient « recyclé » le carnet de rendez-vous de lady Caroline, une première édition de Shakespeare, et toutes les recettes de cuisine de Mme Bascombe.
— Ils sont impossibles, se plaignit-elle au pasteur quand il arriva pour sa leçon suivante.
— Notre religion nous l’enseigne, l’espoir d’une rédemption est accessible à tous, proféra-t-il avec la componction d’un discours en chaire, mais, je dois l’admettre, les Hodbin nous poussent aux limites de cette conviction.
Et il entreprit de lui montrer comment faire marche arrière avec l’Austin.
Elle se sentait coupable qu’il passe tant de temps à l’initier. Il ne restait plus que quelques semaines avant son départ. Il aurait dû former quelqu’un d’autre, présent quand la guerre commencerait à s’intensifier. Elle se conforta en se disant que la situation de Backbury n’avait pratiquement pas nécessité d’ambulanciers. Pas un bombardement, et le crash d’un seul avion, en 1942, un Messerschmitt allemand, à l’ouest du village. Mort sur le coup, le pilote n’avait pas eu besoin d’ambulance. Et, de toute façon, le rationnement de l’essence empêcherait rapidement tout le monde de conduire quoi que ce soit.
Elle doutait que des leçons supplémentaires perfectionnent Una ou Samuels, et Mme Bascombe refusait toujours aussi résolument d’apprendre. Quand le pasteur tenta de la persuader, elle s’exclama :
— Je ferai de mon mieux pour aider à gagner cette guerre, comme tout le monde, mais pas dans une automobile, et je me fiche de ce que Sa Seigneurie désire.
— Moi, j’crains pas les guimbardes, déclara Binnie. Vous pourriez m’les donner à moi, ces leçons, mon révérend !
— Qu’en pensez-vous ? demanda-t-il à Eileen plus tard. Elle assimile vraiment vite.
C’était un euphémisme !
— Je la trouve bien assez dangereuse à pied, répondit-elle.
Cependant, après une semaine où Binnie n’avait cessé de voler les enseignes des portails d’entrée, elle se ravisa.
Quand elle l’avait surprise avec le panneau « Cottage Hyacinthe » de Mlle Fuller, l’adolescente s’était exclamé « on doit l’faire ! », et lui avait montré une directive du War Office vieille d’un an qui ordonnait l’enlèvement de tous les poteaux indicateurs. Eileen décida qu’entre deux maux conduire risquait d’être le moindre.
— Mais tu devras faire exactement ce que le révérend te demande, exigea-t-elle d’un ton sévère. Et interdiction de mettre le pied dans l’Austin en dehors de tes leçons de conduite.
Binnie hocha la tête.
— Alf, y peut aussi en avoir, des leçons ?
— Non. Il n’est pas autorisé à monter dans la voiture avec toi. Pas un instant. Est-ce clair ?
Binnie acquiesça, mais quand elle et le pasteur revinrent au manoir après leur première tentative, Alf était affalé sur le siège arrière.
— Nous l’avons trouvé au bout du chemin, expliqua le pasteur. Il s’est tordu la cheville.
— L’est plus fichu de marcher du tout, renchérit Binnie.
— Une belle histoire, commenta Eileen en ouvrant la portière arrière. Tu ne t’es pas abîmé la cheville, Alf. Dehors ! Maintenant !
Alf sortit, grimaçant.
— Ouaille ! ça m’fait mal !
Binnie l’aida à boitiller jusqu’à l’entrée des serviteurs, appuyé sur elle de tout son poids.
— Ils sont vraiment bons, apprécia le pasteur, qui les regardait s’éloigner. Ils devraient envisager de faire du théâtre. (Il sourit à Eileen.) Surtout si l’on se représente que la cheville foulée était une improvisation de dernière minute. Nous avons débouché du tournant plutôt brusquement et l’avons surpris : il se préparait à répandre des punaises sur la route.
— Pour crever les pneus des Allemands quand ce sera l’invasion, pas de doute !
— Pas de doute !
Il jeta un coup d’œil à Binnie, qui franchissait la porte avec son poids mort.
— Pour prévenir toute attaque future contre mes pneus, je crois qu’il vaut mieux que je garde un œil sur lui pendant les prochaines leçons. Ne vous inquiétez pas, je n’ai pas l’intention de le laisser derrière le volant et, de toute façon, il n’est pas assez grand pour atteindre les pédales. (Il sourit.) Binnie se débrouille bien. Je suis heureux que vous ayez suggéré de lui donner des leçons.
Oui, eh bien, nous verrons, mon révérend !
Pourtant, même si Binnie conduisait beaucoup trop vite – « les ambulances doivent filocher, pour arriver à l’hosto avant qu’les gens y calanchent » –, les leçons se déroulaient par ailleurs sans accroc, et Eileen était éperdue de reconnaissance pour ces quelques moments où elle cessait de se demander ce que les Hodbin étaient en train de fabriquer, d’autant que quatre nouveaux évacués étaient arrivés, tous en guenilles, et l’un d’entre eux pisseur au lit.
Chacun de ses instants libres passait à repriser et à coudre des boutons, mais ils se faisaient rares, ces instants épargnés. Lady Caroline avait décidé que tout le monde devait apprendre à se servir d’une pompe à main portative, et elle leur annonça que le pasteur allait leur montrer comment mettre en panne une automobile en enlevant la tête et les fils de l’allumeur.
Dans l’intervalle, Eileen tentait de garder un œil sur Alf et Binnie, qui avaient arrêté de chahuter durant les leçons d’Una et s’engageaient dans des projets plus ambitieux, tels que déterrer les roses primées de lady Caroline afin de planter un jardin de la victoire, si bien qu’Eileen commença de compter les jours qui la séparaient de sa libération.
Quand elle en avait le temps.
Alan, le fils de lady Caroline, vint de Cambridge avec deux amis passer les vacances au manoir, ce qui promettait encore plus de lessives et de lits à faire et, tandis que les nouvelles de la guerre empiraient, de plus en plus d’évacués arrivaient. À la fin de mars, ils étaient si nombreux que le manoir ne pouvait pas les accueillir tous. Il fallait les répartir dans les villages alentour, et dans chaque cottage et ferme des environs.
Eileen et le pasteur se servaient des leçons de conduite pour prendre les enfants en triste état à la gare. Ils étaient souvent en sanglots, ou le train les avait rendus malades, et plus d’un vomit dans la voiture pendant que le pasteur et son élève les emmenaient sur le lieu de cantonnement qui leur avait été attribué. Certains de ces lieux se révélaient extrêmement rudimentaires, avec des cabinets extérieurs et de sévères parents nourriciers qui s’imaginaient que des raclées régulières étaient indiquées pour des gosses âgés de cinq ans.
Si ceux dont elle avait la charge n’avaient pas déjà submergé Eileen, elle aurait été plus que capable d’étudier les évacués « dans des situations variées ».
Mais ils en étaient à vingt-cinq enfants, plus de la moitié présents à l’origine et revenus après leur retour à Londres. À mi-avril, ils étaient tous là, excepté Theodore. Sa mère n’a probablement pas réussi à le récupérer au train, se disait Eileen, tout en dressant d’une main lasse de nouveaux lits. Je ne peux croire que j’ai pu me plaindre un jour de ne pas avoir assez d’évacués !
Elle était si occupée qu’elle ne tenta même pas de se rendre au point de transfert, bien qu’elle n’ait pas traversé depuis février. En eût-elle eu le temps, il était presque impossible de s’échapper sans se faire repérer et suivre par les Hodbin, ou sermonner par Mme Bascombe sur les dangers des rencontres avec les jeunes hommes dans les bois. Et il ne lui restait plus qu’une semaine de mission.
J’arriverai sûrement à tenir quelques jours de plus…
Pourtant, lorsque deux lots supplémentaires d’évacués leur parvinrent, les cheveux pleins de poux, elle en fut moins certaine. Elle passa la semaine entière à leur laver la tête à la paraffine. Minuit avait sonné, le dimanche, quand elle put enfin s’enfermer dans sa chambre, découdre un bout de l’ourlet de son manteau, et en extraire la lettre que Fournitures lui avait procurée… Il était sans doute préférable qu’elle ne l’ait pas sortie plus tôt. Aucune cachette ne pouvait être considérée comme sûre avec les Hodbin.
La lettre était à son nom, et l’adresse de réexpédition indiquait un village qui n’existait pas dans le lointain Northumberland. Elle avait été légèrement salie de façon à la rendre illisible, tout comme le cachet de la poste. Elle la déchira pour l’ouvrir.
« Chère Eileen, était-il écrit, viens aussi vite que possible. Maman va très mal. J’espère que tu arriveras à temps. Kathleen. »
Elle devait faire en sorte que Mme Bascombe ou Una la découvrent sur son lit après qu’elle serait partie. Elle se demanda si elle n’allait pas la cacher sous le matelas jusqu’au lendemain après-midi, puis évoqua les Hodbin et l’enfouit de nouveau dans la doublure de son manteau, faufilant l’ourlet pour le refermer.
Levée à 5 heures le lundi, elle travailla comme une forcenée toute la matinée afin que chaque chose soit en ordre avant le début de son demi-jour de congé, à 13 heures. Elle espérait qu’ils pourraient trouver quelqu’un pour la remplacer. Elle avait supposé que lady Caroline embaucherait simplement une autre servante quand elle s’en irait, mais hier Mme Bascombe avait dit que Mme Manning passait une annonce depuis trois semaines et n’avait pas eu la moindre réponse.
— C’est la guerre. Les filles qui devraient être domestiques sont parties rejoindre les Wrens ou les ATS. Les filles, ça ne pense à rien d’autre qu’à faire la chasse aux soldats, de nos jours.
Pas toutes !
Eileen se débarrassa de son uniforme et mit le corsage et la jupe dans lesquels elle était arrivée au manoir. Elle retira l’enveloppe de la doublure de son manteau, sortit la lettre et la disposa sur le lit de telle façon que l’on puisse croire qu’elle l’avait laissée tomber dans sa hâte.
On frappa à la porte.
— Eileen ? demanda Una.
Oh ! quoi, maintenant ?
Eileen entrebâilla la porte.
— Que se passe-t-il, Una ?
— Mme vous mande dans le salon.
Eileen ne pouvait pas annoncer à Una qu’elle était sur le point de partir, pas alors qu’elle était censée plier bagage sur-le-champ, trop affolée pour penser à prévenir quiconque après avoir lu la lettre de sa sœur. Il fallait qu’elle aille voir ce que voulait lady Caroline.
C’est probablement une autre troupe de pisseurs au lit pleins de poux…
Elle remit son uniforme et se précipita dans le couloir.
Ou alors elle a décidé que le personnel devait apprendre à faire fonctionner un canon de DCA.
Eh bien, quoi que ce soit, Eileen n’aurait plus à s’y coller après aujourd’hui. Elle n’aurait plus jamais à se tenir devant elle, les mains jointes et les yeux sagement baissés, à prendre ses ordres en disant :
— Vous m’avez demandée, ma’ame ?
— Oui, dit lady Caroline d’un air sévère. Mlle Fuller est venue me rendre visite. Elle sort tout juste d’ici. Quand elle se trouvait à la réunion du Women’s Institute, hier, quelqu’un a volé l’ornement de capot et les poignées de porte de sa Daimler.
— Sait-elle qui c’était ? interrogea Eileen, bien qu’elle connaisse déjà la réponse.
— Oui. Elle a vu l’un des coupables s’enfuir. C’était Alf Hodbin. Ce genre de comportements scandaleux ne peut être toléré plus longtemps. Dieu me soit témoin que je fais de mon mieux, comme il en a toujours été, mais je ne peux abriter des criminels au manoir.
— Je veillerai à ce qu’ils soient rapportés par Alf, mentit Eileen. Est-ce que ce sera tout, ma’ame ?
— Non. La chef de cantonnement, Mme Chambers, vient cet après-midi. Elle amène trois enfants de plus. Deux d’entre eux devaient être envoyés au Canada, à l’origine, mais leurs parents ont décidé que l’Atlantique nord était trop dangereux.
Il l’est, approuva Eileen en silence, se remémorant le City of Benares, qui serait torpillé en septembre et dont le naufrage tuerait soixante-dix-sept petits évacués sur les quatre-vingt-dix qu’il transportait.
— Mme Chambers me garantit que ce sont des enfants très bien élevés.
Eileen en doutait et, même s’ils l’étaient, trois jours dans le voisinage de Binnie et Alf pouvaient changer un ange en un vandale qui séchait les cours, jetait des pierres, et volait les têtes d’allumage.
— Il faudra préparer des lits. Je ne serai pas présente cet après-midi. Nous avons une réunion de la Women’s Home Defence à Nuneaton, Mme Fitzhugh-Smythe et moi, et je compte sur vous pour vous occuper des tâches administratives quand Mme Chambers arrivera. Elle sera là à 15 heures.
Et c’est la dernière fois que tu peux m’obliger à faire quelque chose pendant ma demi-journée de congé !
— Oui, ma’ame. Y aura-t-il quelque chose d’autre ?
— Dites à Mme Chambers que je suis désolée d’avoir dû m’absenter, ajouta lady Caroline, qui enfilait ses gants. Oh ! et après que vous aurez installé les enfants, cette fibre de coton doit être déchirée en bandes et en rouleaux pour bandages. J’ai promis que ce serait fait pour la réunion de demain du St John Ambulance. Et demandez à Samuels d’avancer la voiture. (Elle attrapa son sac.) Vous pouvez y aller.
C’est exactement ce que j’ai l’intention de faire !
Eileen descendit en courant prévenir Samuels puis remonta en trombe dans sa chambre. Mais, avant qu’elle ait même commencé à déboutonner son uniforme, Una surgit pour l’informer que Mme Chambers l’attendait en bas avec trois enfants.
— Il doit y avoir une erreur, gémit la fille, presque en larmes. Ils ne peuvent venir ici, n’est-ce pas ?
— Malheureusement, si. Madame est-elle partie ?
Una hocha la tête.
— Qu’est-ce qu’on fera, avec encore plus de gosses ? pleurnicha-t-elle. Nous en avons déjà tant !
Et Una ne s’en sortirait jamais avec les formulaires administratifs. Eileen jeta un coup d’œil à sa montre. 14 h 30. Les gamins arriveraient de l’école dans une heure.
Je les abandonne en plein chaos, elle et Mme Bascombe, je peux au moins installer les nouveaux évacués avant mon départ.
— Allez dresser trois lits de plus dans la nursery, je m’occupe de Mme Chambers. Où sont-ils ?
— Dans le petit salon. Comment allons-nous contrôler trente-deux enfants, alors qu’on est juste trois ?
Juste deux, corrigea Eileen, qui descendait en hâte au petit salon. Lady Caroline devrait simplement se donner un peu de mal pour trouver une nouvelle domestique. Ou s’y coller et faire enfin cet effort de guerre dont elle se vantait.
Eileen ouvrit la porte du petit salon.
— Madame Chambers, Mme la comtesse m’a demandé de…
Theodore Willett se tenait devant elle avec sa valise.
— Je veux rentrer à la maison, s’exclama-t-il.