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– Jasp’r, mon fils !
Je ne sais pas ce qui m’impressionne le plus, son apparence terrible ou qu’il m’ait appelé fils.
– Père…
– J’ai eu connaissance de tes exploits et je suis très impressionné. Bon sang ne saurait mentir !
– C’est généreux de votre part, je réponds, parce que je ne sais pas quoi dire d’autre.
– Que veux-tu de moi en récompense ? Tu m’as aidé à capturer Lokr’ ! Parle ! Comme tu le dis fort justement, je sais me montrer généreux.
C’est le moment que tout le monde attend. Le génie sort de la lampe et il demande à son propriétaire de faire un vœu.
Le problème, c’est que j’ai manqué de temps pour y réfléchir !
Khalk’ru m’encourage :
– Souhaites-tu soumettre le monde des humains ? Ta double nature t’en offre la possibilité et tu aurais l’appui du Nûr-Burzum.
Je secoue la tête. Devenir le maître du monde ? Sûrement pas !
– En ce cas, rejoins-moi, Jasp’r. Renonce à ta part humaine, devient totalement démon ! Tu seras prince en mon royaume.
Bon sang de bon sang… Démon pour de vrai.
Mettre un terme à mes tourments, à mes interrogations ! À mes états d’âme pourris !
Courir avec les loups, nager avec les requins, me battre contre des guerriers, fouler une herbe rouge et des galets sanglants, ne plus avoir peur, ne plus avoir mal !
Ce marché ne manque pas d’attraits. Mais la contrepartie me paraît infiniment lourde. Car accepter de partir, ça signifie abandonner mes amis, ne plus revoir Nina, Jean-lu, Arglaë et Erglug, mademoiselle Rose et Walter.
L’Association.
Ma mère.
Jamais je n’en aurai le courage.
Je secoue encore la tête.
– Ce que je veux, père, c’est rester dans le monde des humains. Tel que je suis. Et sans chercher à le dominer. Pour y vivre ma propre vie, simplement.
Je devine (même s’il en est dépourvu) que Khalk’ru fronce les sourcils.
– Du coup, je continue, j’aimerais que vous laissiez ce monde tranquille. Vous avez Lokr’, plus rien ne vous oblige à verser de l’huile sur un feu que Normaux et Anormaux arrivent très bien à allumer tout seul !
Cette fois, c’est lui qui secoue la tête.
– T’imaginer loin de moi pour toujours me désole, Jasp’r. Je rêve depuis longtemps d’une descendance dont je pourrais être fier ! Ta décision me prive de cette satisfaction. C’est pourquoi j’accéderai à tes requêtes si tu laisses partir ta sœur. Elle m’accompagnera à ta place dans le Nûr-Burzum !
Mon cœur s’arrête brusquement de battre.