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– Mademoiselle Rose !
– Ça va, Nina. Mais les mages de Fulgence sont extrêmement puissants ! Jasper met trop de temps à apporter le second bâton-foudre. Va voir ce qu’il fabrique.
– Moi ?
– Oui, toi. Il y a un problème ?
– Non, non. Enfin… Si.
– Que se passe-t-il, Nina ?
– Il se passe… Oh, mademoiselle Rose ! Jasper et moi…
– Vous vous êtes disputés ?
– C’est plus grave. Il ne… m’aime plus.
– Il te l’a dit ?
– Pas besoin. J’ai compris… Tout s’écroule ! Dehors, dedans… Oh, j’ai envie de mourir…
– Ne dis pas de bêtises, Nina. Nous faisons tous en ce moment des efforts considérables pour survivre !
– Je souffre tant…
– Plaie d’amour n’est pas mortelle ; ça ne l’empêche pas d’être douloureuse ! Jasper éprouve des sentiments pour toi. Mais il se sent prisonnier.
– Vous ne pouvez pas dire ça ! Je l’aime ! L’amour n’a jamais emprisonné personne !
– La différence est infime entre une cage et un écrin.
– Je suis si malheureuse, mademoiselle Rose…
– J’ai été amoureuse, moi aussi, une fois dans ma vie. De deux hommes en même temps.
– Vous ?!
– Les adolescents sont toujours surpris que les adultes aient pu être jeunes !
– Deux hommes… Et qu’est-ce que vous avez fait ?
– Rien.
– Rien ?
– Je n’ai pas pu me résoudre à choisir. Alors, au lieu de rendre une seule personne malheureuse, j’en ai irrémédiablement blessé trois. Ce non-choix me semblait le seul possible. Il n’était pas forcément bon, mais il me correspondait.
– Que cherchez-vous à me dire, mademoiselle Rose ?
– Aucun choix, même s’il nous paraît aberrant ou cruel, n’est bon ou mauvais dans l’absolu.
– Je ne comprends pas.
– C’est normal, je remplace par des mots les expériences qu’il te faut vivre. En attendant, arrête de t’apitoyer sur ton sort et concentre-toi sur le présent ! On a un combat à gagner. Maintenant, tu veux bien aller voir ce que fabrique Jasper ?
– J’y vais tout de suite, mademoiselle Rose !
– Vérifie l’ascenseur, il est peut-être bloqué.
– Eh bien, Rose, vous aviez l’air en grande discussion avec Nina.
– Jasper a rompu avec elle. Je vous fais un résumé, Walter ?
– Oh ! Non, je m’en passerai volontiers.
– Où est Jules ? Toujours opérationnel ?
– Oui, Rose. Les images de sa caméra continuent de nous parvenir. L’Agent Deglu tient l’entrée de l’immeuble, mais les Auxiliaires se font décimer.
– C’était inévitable. Ils ont prêté le serment de défendre l’Association…
– … jusqu’à la mort…
– … si nécessaire ! Ils ne seront pas les premiers à tomber.
– Contre d’autres membres de l’Association, Rose ?
– Peu importe. Nous agissons en notre âme et conscience. Nos hommes ont confiance dans notre jugement. Ils savent que ce que nous leur demandons, nous en sommes capables nous aussi.
– Il n’y a donc pas d’autre alternative ? Gagner et survivre, ou perdre et mourir ?
– Il y a souvent une troisième option, Walter. J’espère qu’elle se dessinera avant qu’il ne soit trop tard…
– Mademoiselle Rose ?
– Oui, Nina ?
– L’ascenseur était bloqué. Au niveau de l’armurerie.
– L’armurerie ?
– Oui, Walter. Et j’ai trouvé le bâton dans le couloir.
– Qu’est-ce que Jasper manigance ? Vous avez une idée, Rose ?
– Il cherche peut-être une arme secrète sur les étagères du Sphinx, ou des plantes pour fabriquer un sortilège ! Que sais-je ? Ce garçon me rendra folle !