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Ombe se tient devant moi, ramassée sur le sol et prête à bondir.

Je reste pétrifié.

– Ça alors…

Bon sang, je ne rêve pas ! C’est Ombe !

Silhouette fine et athlétique, cheveux blonds coupés court et coiffés en pétard, yeux grands ouverts.

Quelques détails incongrus attirent mon attention : elle arbore une tenue gothique sexy où prédominent le cuir et le métal, un maquillage sombre et outrancier ainsi que des lentilles rouges.

Elle tient dans la main un tee-shirt appartenant à Ombe, un de ceux qu’elle aimait particulièrement.

« Jasper ? C’est… c’est quoi, ça ?

– Ben… c’est toi !

– C’est impossible !

– Pour le coup, ça c’est dingue ! »

Un peu léger pour rassurer la vraie Ombe qui se niche en moi. Mais j’ai des excuses ! Cette apparition est la dernière que j’aurais pu imaginer…

– Hé ! je lance à la fille tapie sur le sol. Tu es qui ? Qu’est-ce que tu fais là ?

Elle ne répond pas tout de suite. Elle m’observe en fronçant les yeux, comme si elle fouillait dans sa mémoire à la recherche d’un détail. Une expression étonnée envahit son visage.

– Je m’appelle Ombe, dit-elle avec la voix d’Ombe, avant de brandir le tee-shirt pris dans l’armoire. Je suis venue chercher quelque chose qui m’appartient. Tu comptes m’en empêcher… Jasper ?

Entendre mon nom prononcé par cette Ombe–bis me plonge dans un état de réelle confusion.

Elle en profite. Avec une rapidité inhumaine, elle saute sur le rebord de la fenêtre et s’élance dans le vide.

Le temps que je m’y penche à mon tour, elle a disparu.

« Jasper… C’est un cauchemar, n’est-ce pas ?

– Un cauchemar ? Oui, sûrement. »

Ou un rêve.

« Jasper, tu me crois, n’est-ce pas ? Tu sais que c’est moi qui te parle ? Hein Jasper ? Tu me crois, dis !

– Je te crois, Ombe. Et plus encore : tu m’as donné plusieurs fois la preuve que tu es réellement celle que tu dis être. Mais cette fille-là…

– Elle me ressemble, n’est-ce pas ?

– Plus que ça, Ombe. Cette fille, c’est toi.

– Tu ne peux pas dire ça, Jasper ! Je suis unique !

– Tu es unique, Ombe. Tu as simplement un double.

– Un… double ?

– Oui, ma vieille. Un double étonnamment ressemblant. »

Je n’ajoute pas que la fille qui vient de sauter par la fenêtre dégage un truc malsain – au-delà de son ridicule déguisement de vampire.

Je ne lui avoue pas non plus que si elle m’avait ouvert ses bras, je me serais précipité dedans, sans réfléchir…

« Jasper ! Tu es là ?

– Oui, ne t’inquiète pas.

– Tu ne m’abandonnes pas, hein ?

– Non, Ombe. Jamais.

– Parce que toi, tu peux voir des gens, leur parler, les toucher. Moi, je n’ai que toi. Quand tu te caches dans tes pensées, quand tu m’ignores, quand tu doutes de mon existence, je n’existe plus. Et dans ces moments-là, je regrette de ne pas être morte pour de vrai dans cette attaque au Taser. »

Il y a des mots qu’on préférerait ne jamais entendre.

« On est ensemble, Ombe. À la vie, à la mort. »

Je la sens soupirer. Une tension se défait quelque part.

Maintenant, Ombe pleure. Je le sais quand elle pleure, parce que ça me mouille à l’intérieur.

Je m’assieds sur le matelas et me recroqueville, je la serre en moi, contre moi, je la berce et la rassure, en même temps que je cherche à me rassurer.

Surtout, éviter de laisser mes pensées me submerger.

Parce que soit Ombe a une sœur jumelle, soit Ombe est revenue d’entre les morts…

Je vais avoir des choses à raconter, moi, tout à l’heure, à la réunion de l’Association !

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