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J’ai dit hommes ? Pardon. Loups-garous serait une appellation plus conforme. Certains se transforment déjà.
– Rooook ! Faaafnoorr krrra krrra karrrou rokkk ! Tok !
Comprends rien.
– Ralk’ ?
– Maître ?
– Que signifie « Rooook ! Faaafnoorr krrra krrra karrrou rokkk ! Tok ! » ?
– En substance, que Fafnir est allé chercher les garous pour vous tirer de là.
– Merci, Ralk’.
– Serviteur !
Georges l’Affreux a aussi écrit que les corbeaux étaient des oiseaux très intelligents. L’ADN d’une de ces bestioles combinée à l’essence fafnirienne ne pouvait donner que de l’explosif !
Retour dans la caboche de ce satané oiseau.
Je distingue maintenant Nacelnik, à la tête des lycans.
Je comprends alors comment Fafnir a réussi à le convaincre. Et comment le chef du clan des entrepôts est parvenu, en si peu de temps, à regrouper autant de garous.
Serré dans le poing de Nacelnik, il y a le tee-shirt d’Ombe.
Le lycan vient pour ma sœur.
Appelé par la seule force des souvenirs.
S’il s’est mis en tête que les vampires ont joué un rôle dans sa mort, la bataille risque d’être brutale…
Peu importe, elle tombe à poing nommé (si j’ose dire). Dans la cohue générée par l’affrontement, je pourrai mettre les voiles en douceur.
Les vampires comprennent enfin ce qui se passe. Des cris sont lancés, des avertissements échangés. Les guerriers de l’ex-reine prennent position pour accueillir leurs ennemis de toujours.
La voie du soupirail est à nouveau dégagée.
Je m’y engage souplement, pose le pied sur le goudron de la cour.
Les combats ont commencé. Je cherche des yeux Nacelnik, puis Séverin. Je les aperçois tous les deux à la tête de leur troupe.
« Jasper ! C’est Nacelnik ! Là-bas ! Il se bat contre des vampires ! Il faut l’aider ! »
Ma curiosité me perdra !
« Qu’est-ce que tu attends ? Par les cornes de Belzébuth, Jasper, action ! »
Agir ? J’hésite. Il serait certes honorable d’aider ceux qui sont venus à notre secours. D’un autre côté… j’ai mieux à faire.
Mieux et, surtout, plus important.
– Suivez vos pas, Maître, tracez votre route, intervient Ralk’ qui, depuis le miroir dépassant de ma sacoche, a compris mon dilemme. Vampires et lycans n’ont pas besoin de vous, ni pour déclencher leur ancestrale querelle, ni pour la régler.
– Serais-tu philosophe dans le Nûr-Burzum ?
– J’ai été l’intendant d’un démon Majeur, Maître. Cela oblige à être philosophe !
– Je vais suivre ton conseil, Ralk’, parce que c’est aussi ce que je crois.
« Jasper ! N’écoute pas ce démon ! Nacelnik est un ami, il faut l’aider !
– Nacelnik est peut-être un ami, mais je ne l’aiderai pas.
– Hein ?
– Il est venu avec sa propre armée, il se bat d’égal à égal avec les vampires.
– Tu peux faire pencher la balance ! Jasper, s’il te plaît !
– Non.
– Maudit soit ce démon avec ses conseils !
– J’ai peur que Ralk’ ne soit maudit depuis longtemps.
– Jasper, pour l’amour de m…
– Stop ! Arrête ça ! J’ai répondu aux attentes de la reine, dans la cave, pour l’amour de toi et parce que tu avais raison. Mes hésitations étaient purement égoïstes. Maintenant, la situation est inversée. Je ne me jetterai pas dans la bataille pour tes beaux yeux, ou plutôt pour ceux de ton garou.
– Jasper…
– L’inimitié entre lycans et nosferatus est ancienne, Ombe. La bataille de Nacelnik n’est pas la mienne. Je suis peut-être un démon, mais j’ai choisi mon camp dans la ruelle où le Sphinx est mort. Fulgence en a choisi un autre. Je dois venir en aide à mes amis et affronter ce monstre ! »
Ombe n’est pas en état de répondre. Elle suffoque de colère et tout mon être le ressent.
Tant pis, elle se calmera.
Il faut savoir écouter notre conscience, quelles qu’en soient les conséquences.
Je m’empresse de quitter le lieu de l’affrontement.
Occupés à se battre, ni les vampires ni les garous ne se sont aperçus de ma présence.