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Laure partie et Ombe calmée, je referme la porte.
Le petit salon n’a pas bougé. Le canapé sur lequel je me suis effondré la dernière fois est toujours là, ainsi que la table basse. L’appartement était loué meublé.
En me dirigeant vers la chambre d’Ombe, identifiable au poster « Million Dollar Baby » scotché sur la porte, je jette un coup d’œil dans celles de Laure et de Lucile : les armoires sont vides, les murs sont déserts, les lits sont nus.
Chez Ombe, par contre, rien n’a changé.
La pièce, sous les toits comme le reste de l’appartement, est basse de plafond.
Sur le lit, la couette est toujours froissée.
Le sac de frappe, accroché à une poutre, ressemble à un pendu. La paire de skis et le matos d’escalade, qui lui tiennent compagnie, ont l’air de s’ennuyer ferme.
L’armoire, au fond, est fermée.
Sur les rayonnages de la bibliothèque, les ouvrages en anglais, en espagnol et en russe n’ont pas bougé. Pas plus que le coffret recouvert de velours défraîchi dans lequel se trouvait la gourmette d’Ombe.
Sur le mur, les photos commencent à se décoller. Le drapeau multicolore, lui, s’affaisse dangereusement.
La fenêtre est ouverte.
Par terre, à proximité d’une robe roulée en boule et d’un réveil qui clignote, l’ordinateur portable – éteint – dans lequel Fafnir a batifolé.
« Ça va, Ombe ?
– Comment veux-tu que ça aille ?
– J’en sais rien. J’avais juste besoin de dire quelque chose. »
J’attends un moment avant de poser la question suivante.
« Alors, qu’est-ce que je prends ?
– Aucune idée.
– Comment ça, aucune idée ?
– Je pensais que je saurais immédiatement ce qui est important. Mais tout me semble lointain. Sans intérêt. Même le sac sur lequel je me défoulais et que je finissais par serrer dans mes bras.
– C’est plutôt positif, Ombe. À quoi bon s’attacher à des objets que tu ne peux plus posséder ?
– C’est idiot, mais ces objets sont tout ce qui me relie au monde. À part toi, bien sûr.
– Je n’avais pas vu ça sous cet angle.
– D’un autre côté, ta vision est intéressante. »
Je furète un moment dans la pièce, en espérant déclencher une réaction chez Ombe.
Alors que je m’approche de l’armoire bancale dans laquelle Ombe range sa garde-robe, mon instinct me hurle de reculer. Je m’arrête aussitôt. Par le cor du Gondor ! Mon sixième sens s’est sacrément renforcé !
« Jasper ? Qu’est-ce qui se passe ?
– J’en sais rien mais j’ai peur qu’il y ait autre chose que des vêtements dans ton armoire. »
Comme pour me donner raison, la porte du meuble s’ouvre de l’intérieur et une silhouette en jaillit.
Une silhouette familière.