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Je m’approche du soupirail pour jauger la situation.

Elle n’est pas fameuse.

Les abords des Abattoirs grouillent de vampires.

Je n’ai pas d’autre solution que regagner la frontière des mondes pour me dissimuler à leurs yeux. En espérant que les gardes que j’ai rossés (un mot pudique pour évoquer la raclée que je leur ai mise) n’aient pas parlé de la menace fantôme…

Je ferme les paupières. J’ai jeté les pétales de rose, tout à l’heure. J’espère que leur souvenir suffira. Je me concentre du mieux que je peux et prononce la formule où il est question de terres étrangères et de frontière vibrante.

Le bourdonnement familier peine à surgir. La cave où je me trouve se nimbe d’une vague lueur blanchâtre et les silhouettes, dehors, sont à peine floues.

Le sortilège s’est bel et bien mis en route, mais de façon imparfaite. Je ne suis pas devenu invisible, juste difficile à voir.

C’est hélas insuffisant pour prendre la poudre d’escampette.

Voilà que je pèche par orgueil, maintenant. Parce que la magie ne s’est jamais comportée aussi docilement avec moi, j’imagine que je peux brûler ou négliger les étapes ! Le sortilège des roses exige des roses, point final. Et pas des souvenirs de roses.

Je me mords la lèvre. La leçon est retenue. Même si, pour l’heure, ça ne règle pas mes affaires.

Kraaa ! Kraaa !

Un éclair de lumière rouge, un bon mal de crâne. Je suis en connexion avec Fafnir. Établie par lui, comme la dernière fois.

Kraaa ! Kraaa ! Kraaabattt !

J’ai mal entendu…

Kraaa !

Je préfère ça !

Rrroook rokkk kaaasparr !

Est-ce que je deviens fou ? Fafnir a prononcé mon nom ! Enfin, il a dit Kaspar, ce qui y ressemble.

Je me rappelle avoir lu dans le Livre des Ombres d’un certain Georges le Freux que les corvidés sont capables d’imiter les sons de leur environnement, voix humaine comprise. Ils poussent aussi des cris d’alarme, de vol et de poursuite, produisent des sons non vocaux, parmi lesquels sifflements d’ailes et claquements de bec (entre Ombe, Ralk’ et Fafnir, je vais me pencher d’urgence sur un sortilège de silence !).

À travers le filtre rouge des yeux du corbeau, je vois mon fidèle espion survoler l’avenue Vonnegut, qui conduit aux Abattoirs.

Tout en regrettant d’avoir douté de lui, je constate qu’il ne vient pas seul : marchant au pas de course, une centaine d’hommes se dirigent vers la forteresse des vampires.

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