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« Jasper ? »

Des cris nous parviennent par le soupirail. Les vampires ont entrepris de fouiller méthodiquement les abords de l’immeuble.

J’arrache mon regard du corps de la reine et du sourire figé sur son visage.

« Elle restera comme elle est, grâce aux plantes et à la magie du pentacle. Personne ne la touchera plus. Personne.

– Jasper, il faut partir.

– J’arrive, Ombe. »

Je fais un pas en direction du soupirail.

– Hum… Maître ? Eh ! Maître !

J’allais oublier Ralk’, posé contre le mur au fond de la pièce.

– Désolé, vieux, je murmure en glissant le miroir dans ma sacoche. J’avais la tête ailleurs.

– J’ai l’habitude de rester seul, Maître, ce n’est pas ça qui m’effraye.

– Un démon connaît la peur ?

– Oh oui, Maître ! Un démon craint l’ail et le millepertuis, le jais et la turquoise, le cuivre et l’antimoine. Il a peur des autres démons plus puissants que lui – c’est pour cela qu’il s’attache les bonnes grâces d’un protecteur ! Il s’inquiète aussi des sorciers invocateurs qui peuvent le retenir dans le monde des hommes. Et puis il redoute le pouvoir des oyuns, ces maudits chamanes qui n’hésitent pas à traquer les démons comme on chasse du gibier.

– Tu as peur de tout ça, Ralk’ ?

– Oui, Maître. Mais pas seulement.

– De quoi d’autre ?

– J’ai peur du noir, Maître.

Malgré le côté dramatique de la situation et la honte que je décèle dans sa voix, je manque d’éclater de rire. Un démon qui a peur du noir !

– Mademoiselle Rose ne t’a jamais torturé, je le gronde. Et la liberté, tu t’en moques. En réalité, tu ne supportais pas de rester dans l’obscurité de son appartement !

– Vous avez raison, Maître. Honte sur moi ! J’ai cherché à vous tromper. Mais votre clairvoyance exceptionnelle et l’intelligence puissante de…

– Arrête de fayoter, Ralk’, ça ne marche pas avec moi.

– Ah bon ? Les Maîtres démons adorent qu’on les flatte, pourtant.

– Ralk’, il ne fait jamais noir dans ton monde ?

– Non, Maître. Le Nûr-Burzum est éclairé en permanence par les flammes rouges de Ghâsh-lug, la montagne de feu. Vous connaissez le poème : Ghaash agh akûl ! Karn ghaamp agh nût…

– « Feu et glace », je traduis à voix basse. « Rouge sont la terre et le ciel ».

« C’est très touchant mais il faut bouger, Jasper.

– Désolé, Ombe. Tu te rends compte que je comprends le… démonique ?

– On dit le Parler Noir.

– Comment tu sais ça, toi ?

– Je le sais, c’est tout. Bon, tu te décides ?

– Oui, oui, j’y vais ! »

Comme j’aimerais avoir le temps de traiter les dizaines d’informations qui me tombent dessus depuis quelques heures !

Mais Ombe a raison.

Chaque chose en son temps.

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