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Je saute dans la fosse.
En bas, pas de clameurs. Pas de spectres-acteurs.
Seulement Fulgence et moi.
Et trois membres de l’Association qui assistent à la scène, impuissants, comme des insectes emprisonnés dans une goutte d’ambre.
J’attaque sans perdre de temps.
Comment se déroulent les duels entre démons dans le Nûr-Burzum ? À mains nues ? À l’aide de sorts ? Avec des armes ?
En l’absence d’informations, j’y vais comme un boxeur. Coup de poing figure, crochet, coup de pied au foie, coup de pied dans le genou.
Fulgence encaisse ou pare mes assauts sans difficulté. Je frappe pourtant de toutes mes forces. Mais mon adversaire compte vingt centimètres et trente kilos de plus que moi…
Mademoiselle Rose, Walter et Nina sous leur bulle hurlent des encouragements (j’imagine) que je n’entends pas.
Soudain, il contre-attaque.
Ses coups pleuvent si vite que j’en esquive seulement un sur deux. Je ne tarde pas à être sonné.
– Que croyais-tu, jeune imbécile ? lance Fulgence avec mépris. Que tu avais une chance de me vaincre ?
– Vaincre ou perdre, c’est une chose, je réponds, essoufflé, en paraphrasant Gaston Saint-Langers ; se battre en est une autre.
– Tu parles là comme un Maître démon, Jasp’r, reconnaît-il. C’est dommage qu’il me faille te tuer.
J’évite de justesse un coup à la gorge.
– Pourquoi m’en vouloir à ce point alors que nous appartenons à la même espèce ? je lui demande pour essayer de le déconcentrer.
– Justement pour cela. Tu en connais si peu sur ta propre nature !
– C’est vrai, Lokr’. Il y a une semaine, j’étais encore un humain normal, enfin, paranormal.
Je m’écarte un poil trop tard et un uppercut me racle la joue. Ça fait hyper mal ! De colère, je riposte par une frappe à l’entrejambe. Fulgence pousse un grognement de souffrance mais ne ralentit pas pour autant la cadence de ses coups.
– Puisque tu vas mourir, m’annonce-t-il, tu as le droit de savoir.
– Je ne suis pas encore mort ! je m’insurge.
– C’est un détail, un simple contretemps. Mais si tu préfères rester dans l’ignorance…
À chaque fois c’est pareil. Dans tous les films du genre, le méchant qui tient le gentil à sa merci, au lieu de l’achever, lui raconte sa vie, ce qui permet soit aux renforts d’arriver, soit au gentil de trouver une idée géniale pour s’en sortir. Je ne fais pas exception à la règle !
Et je comprends brusquement pourquoi le gentil ne soupire pas, ne dit pas au méchant de la fermer et de le tuer tout de suite.
Parce que, même si les renforts sont improbables (dans mon cas) et si les idées formidables commencent à manquer, il reste la volonté farouche de s’accrocher au plus petit espoir.
– Je t’écoute, je réponds à Fulgence.