— Mademoiselle Vidal… Professeur… Venez vite !
Langdon et Ambra remontèrent l’escalier à toute allure. Arrivés en haut, ils débouchèrent dans les ténèbres.
Ils n’y voyaient rien du tout !
Progressant avec précaution dans le noir, Langdon attendit que sa vue s’adapte à la faible luminosité de l’église. Ambra paraissait tout aussi désorientée.
— Par ici ! Vite ! hurla Beña.
Se dirigeant grâce à la voix du prêtre, ils finirent par le découvrir agenouillé près d’une forme allongée. En s’approchant, Langdon reconnut le corps de l’agent Díaz, dont la tête était complètement dévissée. Le garde gisait sur le ventre, mais son regard sans vie était fixé à jamais sur le plafond de la basilique.
Un frisson de terreur le parcourut. Il se raidit, à l’affût du moindre mouvement.
— Son arme, chuchota Ambra en indiquant l’étui vide de Díaz, elle a disparu. Fonseca ? appela-t-elle en sondant les ténèbres autour d’eux.
Soudain, ils entendirent des pas précipités, puis des bruits de lutte. Ensuite, une détonation assourdissante résonna tout près d’eux.
Une voix paniquée cria :
— ¡ Corre ! Fuyez !
Un deuxième coup de feu retentit, suivi d’un bruit sourd — semblable à la chute d’un corps sans vie sur le sol.
Langdon saisit Ambra par la main et l’entraîna au creux d’une niche, le père Beña sur leurs talons. Tous trois se tapirent contre le mur de pierre.
Tandis qu’il scrutait la pénombre, Langdon s’efforça d’analyser la situation.
Quelqu’un venait de tuer Díaz et Fonseca ! Mais qui ? Et pourquoi ?
Une seule réponse s’imposait : le tueur caché dans la Sagrada Família n’était pas venu assassiner les agents de la Guardia… Sa cible, c’était Ambra et lui.
Tout à coup, un rai de lumière éclaira le sol du sanctuaire, balayant la surface en un mouvement circulaire.
Il venait dans leur direction !
Dans moins d’une minute, ils seraient découverts.
— Par ici, chuchota Beña en guidant Ambra le long du mur, dans la direction opposée au tueur.
Langdon les suivit. La lumière se rapprochait. Brusquement, Beña et Ambra disparurent dans une ouverture de la paroi. Langdon s’élança derrière eux… et trébucha sur une marche invisible. Le temps qu’il retrouve son équilibre, les deux autres étaient déjà dans l’escalier. Langdon jeta un coup d’œil derrière lui et vit le faisceau de la torche s’arrêter sur l’entrée.
La lumière hésita un moment, puis gagna en intensité.
Il les suivait !
Ambra et Beña s’efforçaient de grimper le plus silencieusement possible. Quand Langdon voulut s’élancer à leur suite, il se heurta à un mur. La cage d’escalier était incurvée ! Vaillamment, il commença l’ascension des marches.
Puis il comprit où il se trouvait.
La spirale de la mort !
Le faible halo distillé par le puits de lumière au-dessus de lui révélait le cylindre où il était piégé. Ses jambes manquant de se dérober, il dut ralentir. Dans ce passage exigu, sa claustrophobie se rappelait à son bon souvenir.
Surtout, ne t’arrête pas !
Sa raison le pressait de continuer de monter, mais ses muscles se tétanisaient de peur.
Des pas lourds résonnèrent derrière lui. Il se força à grimper le plus vite possible en longeant la paroi en hélice. La luminosité augmenta lorsqu’il passa devant une ouverture dans le mur — une large fente qui lui permit d’entrevoir les lumières de la ville. Un souffle d’air froid lui gifla le visage, avant qu’il ne soit de nouveau happé par l’obscurité. Les pas derrière lui se rapprochaient et la lueur de la lampe gagnait du terrain. Son poursuivant avait forcé l’allure !
Langdon rattrapa Ambra et le vieux prêtre, qui s’était arrêté afin de reprendre son souffle. Il profita de ce répit pour observer le puits central de la cage d’escalier. La chute devait être vertigineuse ! Une trouée circulaire plongeait dans l’œil de la spirale. Le rebord, qui lui arrivait tout juste à la cheville, n’offrait aucune protection.
Ne regarde pas en bas !
Langdon avait entendu dire que l’escalier ne comptait pas moins de quatre cents marches. Si c’était vrai, jamais ils n’atteindraient le sommet à temps. Leur poursuivant était bien trop rapide.
— Allez-y… tous les deux, balbutia le recteur qui s’écarta pour les laisser passer.
— Pas question, mon père, répliqua Ambra en lui prenant le bras. On continue ensemble…
Langdon admira l’instinct protecteur de la jeune femme envers le vieil homme. Mais prolonger l’ascension était suicidaire. Ils allaient écoper tous les trois d’une balle dans le dos. Des deux réflexes de survie — se battre ou s’enfuir —, le second n’était plus une option.
Laissant Ambra et le père Beña grimper dans le colimaçon, Langdon fit volte-face et se prépara à affronter l’ennemi. Il regarda la lumière ramper dans sa direction. Puis il se recroquevilla dans l’ombre et attendit que la torche éclaire les marches juste au-dessous. Et le tueur apparut — une ombre noire sous lui, une lampe de poche dans une main, un pistolet dans l’autre.
D’un coup, Langdon surgit de sa cachette et sauta à pieds joints sur l’homme. Surpris, celui-ci n’eut pas le temps de lever son arme. Il reçut les talons de Langdon en pleine poitrine. Le choc le projeta en arrière. Il heurta la paroi de pierre.
Ensuite tout se passa très vite.
Langdon retomba lourdement sur le côté ; un éclair de douleur lui traversa la hanche. Sonné, son agresseur dégringola plusieurs marches. La torche cascada derrière lui avant de s’immobiliser, jetant son faisceau oblique sur un objet métallique à mi-chemin entre Langdon et le tueur.
Le pistolet !
Les deux hommes plongèrent en même temps, mais Langdon, parti de plus haut, fut le premier à saisir l’arme. Il la pointa sur son agresseur. L’homme s’arrêta net et considéra avec méfiance le canon du pistolet.
Dans le halo de la torche, Langdon reconnut la barbe poivre et sel et le pantalon blanc de l’homme.
L’officier de marine du Guggenheim.
Langdon dirigea l’arme vers la tête de l’homme, le doigt sur la détente.
— Vous avez tué mon ami Edmond Kirsch.
Bien qu’à bout de souffle, l’homme répliqua du tac au tac :
— Ça fait un partout. Il a tué ma famille.