Nous le pleurerons plus tard, se dit Langdon. Pour l’instant il faut agir.
Il avait déjà demandé à Winston d’analyser les images des caméras de surveillance. Et de faire discrètement des recherches sur des liens éventuels entre l’archevêque Valdespino et Ávila.
L’agent Fonseca revint vers eux, toujours au téléphone.
— Sí… Sí. Claro. Inmediatamente.
Il coupa la communication et se tourna vers Ambra.
— Mademoiselle Vidal, nous partons. Don Julián demande que l’on vous reconduise tout de suite au Palais. Pour votre sécurité.
Ambra se raidit.
— Je ne vais pas laisser Edmond !
— Les autorités locales vont s’occuper de lui. Le médecin légiste est en route. M. Kirsch sera traité avec le plus grand respect. Pour le moment, nous devons partir. Nous pensons que vous êtes en danger.
— C’est idiot ! L’assassin avait tout le temps de me tirer dessus et il ne l’a pas fait. C’est Edmond qu’il visait !
— Mademoiselle Vidal… (Une veine palpitait dans le cou de l’agent.) Le prince veut qu’on vous ramène à Madrid. Il s’inquiète pour vous.
— Non, il s’inquiète des répercussions politiques !
Fonseca poussa un long soupir et baissa la voix :
— Mademoiselle Vidal, ce qui s’est passé ce soir est terrible pour l’Espagne. Cela l’est aussi pour le prince. Inviter cette personne dans votre musée était une très mauvaise décision.
La voix de Winston résonna dans la tête de Langdon :
— Professeur ? La sécurité a visionné les images. Ils ont trouvé quelque chose.
Langdon écouta les explications de Winston et fit signe à Fonseca, interrompant ses réprimandes envers la jeune femme.
— L’ordinateur dit qu’une caméra sur le toit a filmé le véhicule emprunté par Ávila.
— Ah bon ?
— Une berline noire, annonça Langdon répétant mot pour mot les paroles de Winston. Quittant l’allée de service… Sous cet angle les plaques ne sont pas visibles… mais il y a un autocollant bizarre sur le pare-brise.
— À quoi il ressemble ? s’impatienta l’agent. On va prévenir la police.
— Je ne connais pas précisément cet autocollant, répondit Winston dans les écouteurs. Mais en le comparant avec les banques de données disponibles sur la planète, j’ai trouvé une correspondance. Une seule.
Déjà ! s’émerveilla Langdon.
— Il s’agit d’un ancien symbole alchimique, poursuivit Winston. Celui de l’amalgamation.
Langdon s’attendait plutôt au logo d’un parking ou d’une quelconque organisation.
— Le symbole de l’amalgamation ?
L’agent fronçait les sourcils, perplexe.
— Ce doit être une erreur, Winston, insista Langdon. Pourquoi un symbole alchimique ?
— Je n’en sais rien. C’est la seule correspondance que j’ai trouvée. Identique à quatre-vingt-dix-neuf pour cent.
Langdon se souvenait de ce symbole ancien :
— Winston, décrivez-moi cet autocollant.
Le programme répondit aussitôt :
— Une tige verticale, coupée par trois lignes transversales. Au sommet de la tige il y a une arche inversée en « U ».
— Et, au sommet des branches du « U », y a-t-il des chapeaux ?
— Oui. Deux petits traits horizontaux.
C’était bien le signe de l’amalgamation…
Troublant.
— Winston, pouvez-vous nous envoyer l’image ?
— Bien sûr.
— Sur mon portable ! intervint Fonseca.
Langdon passa le mot à Winston et, quelques secondes plus tard, le téléphone de l’agent émit un bip. Tout le monde s’approcha pour examiner le cliché en noir et blanc.
Une voiture noire. Et sur le pare-brise le symbole décrit par Winston.
L’amalgamation ? Vraiment étrange.
Langdon effleura l’écran pour agrandir la photo, et se pencha pour examiner un détail.
Dans l’instant, il comprit le problème.
— Ce n’est pas l’amalgamation.
Le signe était très proche. Mais pas exactement similaire. Et en symbologie, la différence entre similitude et exactitude était abyssale, c’est ce qui différenciait la croix nazie du symbole bouddhiste de la prospérité.
Voilà pourquoi l’esprit humain reste parfois plus efficace qu’un ordinateur.
— Il ne s’agit pas d’un seul autocollant, mais de deux différents, qui se chevauchent un peu. Celui du bas est un crucifix particulier appelé croix papale. Très connu, en particulier en Espagne.
Avec l’élection du souverain pontife le plus progressiste de l’histoire, des milliers de gens sur la planète brandissaient cette croix à triple croisillon pour montrer leur soutien à la nouvelle politique papale. Même à Cambridge, dans le Massachusetts, ce signe fleurissait partout.
— Quant au « U », c’est un symbole d’une tout autre nature.
— Vous avez raison, admit Winston. J’appelle tout de suite la compagnie.
Winston était quand même sacrément rapide ! se dit Langdon.
— Bonne idée. Avec un peu de chance, ils pourront suivre la voiture.
Fonseca était perdu.
— Comment ça « suivre la voiture » ?
— Notre homme a pris un Uber !