67.

Située au rez-de-chaussée du Palais, l’armurerie royale est une grande salle voûtée, ornée de tapisseries représentant des batailles célèbres. Tout autour, des dizaines d’armures, y compris les tenues et équipements des anciens rois. Sept cavaliers chevauchant leur monture grandeur nature trônent au milieu, vêtus de tout leur harnachement de guerre.

Garza comprit pourquoi il avait été enfermé dans cette pièce.

Certes, l’armurerie était l’une des salles les plus sûres du Palais, mais ils avaient choisi cet endroit surtout pour l’humilier.

C’est ici même que j’ai été embauché !

Vingt ans auparavant, Garza avait été convoqué dans cette salle prestigieuse. On l’avait auditionné — un long et pénible interrogatoire — avant de lui accorder enfin la charge de la Guardia Real.

Et ce soir, ses propres hommes l’avaient arrêté.

Il n’y comprenait rien.

Concernant la Guardia, Garza se trouvait au sommet de la chaîne de commandement. Ce qui signifiait que l’ordre venait de plus haut. Une seule personne avait l’autorité nécessaire : le prince Julián.

Valdespino avait monté le prince contre lui !

En fin manipulateur qu’il était, l’archevêque, pour assurer sa survie, avait jeté l’opprobre sur Garza.

Si Julián et Valdespino faisaient équipe ce soir, Garza se savait perdu. La seule personne qui aurait pu le sauver était un vieillard moribond, reclus dans le Palacio de la Zarzuela.

Le roi d’Espagne !

Mais jamais le roi ne désavouerait l’archevêque ou son propre fils.

Le commandant entendait au loin les clameurs de la foule devant les grilles du Palais. Elles étaient de plus en plus violentes. Il n’en croyait pas ses oreilles :

D’où vient l’Espagne ?! Où va l’Espagne ?!

À l’évidence, les manifestants avaient repris à leur compte les deux questions de Kirsch.

La jeunesse espagnole condamnait les erreurs du passé et réclamait le changement. Ils exigeaient plus de modernité, plus de démocratie, ils voulaient en finir avec la royauté. La France, l’Allemagne, la Russie, l’Autriche, la Pologne, et plus de cinquante nations s’étaient débarrassées de leur monarque depuis bien longtemps. Même en Angleterre, des voix s’élevaient pour demander un référendum, visant à abolir la monarchie après la disparition de leur reine actuelle.

Le Palais royal traversait une crise terrible, ce soir… Il n’y avait rien d’étonnant d’entendre à nouveau ces protestations.

Au moment où le prince Julián allait monter sur le trône… Il n’avait pas besoin de ça !

Au fond de la salle, la porte s’ouvrit. L’un de ses hommes apparut sur le seuil.

— Je veux un avocat ! lui cria Garza.

— Et moi, je veux une déclaration pour la presse ! répliqua Mónica Martín en surgissant derrière le garde. Commandant Garza, pourquoi avez-vous fait assassiner Edmond Kirsch ? Dans quel but ?

Que pouvait-il répondre à ça ? Ils étaient tous tombés sur la tête !

— On sait que vous avez piégé l’archevêque Valdespino ! Le Palais exige vos aveux complets !

Encore une fois, Garza ne savait que répondre.

Parvenue au centre de la salle, Mónica Martín se retourna.

— C’est une conversation privée !

L’agent hésita, puis recula et ferma la porte.

La jeune femme trotta vers Garza.

— Des aveux ! Je veux des aveux ! hurlait-elle, sa voix résonnant sur la voûte.

Elle se planta devant le commandant de la Guardia Real.

— Je n’avouerai rien du tout, répliqua Garza d’une voix glaciale. Je n’ai rien à voir avec tout ça. Ces allégations sont totalement fausses !

Après avoir jeté un coup d’œil derrière elle, elle s’approcha de l’oreille du prisonnier.

— Nous le savons très bien ! Taisez-vous et écoutez-moi.

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