Maître Gill installa les deux garçons à une table discrète, dans un coin de la salle, puis il demanda à une des serveuses d’apporter trois repas. Dès qu’il vit les assiettes, Rand secoua tristement la tête. De fines tranches de bœuf noyées dans la sauce, une cuillerée de moutarde brune et deux pommes de terre… Pas un festin, mais l’aubergiste les avait prévenus, on « manquait de tout en ce moment ». Déçu mais n’en voulant à personne, Rand s’empara de ses couverts et se demanda ce qui arriverait quand « on » n’aurait carrément plus rien du tout. Si on regardait les choses ainsi, le plat maigrichon devenait bel et bien un festin.
L’avenir n’avait rien d’engageant, décidément…
Maître Gill avait choisi une table isolée et il s’était assis dos au mur, afin de surveiller la salle. Si quelqu’un approchait pour écouter la conversation, il le verrait à coup sûr. Dès que la serveuse fut partie, il entra dans le vif du sujet :
— Alors, vos problèmes ? Si je dois vous aider, il vaudrait mieux que je sache où je mets les pieds.
Rand voulut consulter Mat. Foudroyant son assiette du regard comme s’il en voulait à la pomme de terre qu’il coupait, le jeune homme ne s’en aperçut même pas.
— À vrai dire, commença Rand, je ne comprends pas très bien moi-même…
Il simplifia les événements et omit de mentionner les Trollocs et les Blafards. Quand quelqu’un vous proposait son aide, raconter une histoire à dormir debout ne paraissait pas très malin. Cela dit, minimiser le danger n’était pas loyal, tout comme entraîner quelqu’un dans une affaire qu’on ne cernait pas vraiment soi-même.
Des hommes les poursuivaient, Mat et lui, traquant également des amis à eux. Ces adversaires apparaissaient toujours là où on les attendait le moins, et ils avaient l’intention de tuer leurs proies, pas de les capturer. Selon Moiraine, certains de ces assassins étaient des Suppôts des Ténèbres. Thom se méfiait de Moiraine, mais, en mémoire de son neveu, il n’avait pas voulu abandonner les jeunes gens.
Sur le chemin de Pont-Blanc, le groupe avait été obligé de se séparer à cause d’une attaque. Plus tard, à Pont-Blanc, Thom s’était sacrifié pour sauver ses deux compagnons. Depuis, il y avait eu d’autres embuscades…
Un récit truffé de trous et d’incohérences. Mais Rand ne pouvait rien faire de mieux sans révéler trop de choses à maître Gill.
— Mat et moi, nous avons continué à avancer vers Caemlyn, selon le plan. Tar Valon est la prochaine destination.
Rand s’agita nerveusement sur son siège. Après avoir tout gardé secret pendant si longtemps, se « confesser », même partiellement, faisait une étrange impression.
— Si nous ne nous écartons pas du plan, conclut Rand, nos amis nous retrouveront tôt ou tard.
— S’ils sont vivants…, souffla sombrement Mat… à son assiette.
Rand ne daigna même pas froncer les sourcils. Mais il se sentit obligé d’ajouter :
— Nous aider peut vous attirer des ennuis…
Maître Gill chassa cette idée d’une main boudinée pleine de nonchalance.
— Je n’en cherche pas avec une lanterne, mais ce ne sera pas non plus la première fois que j’en aurai. Le Suppôt des Ténèbres qui me forcera à abandonner des protégés de Thom n’est pas encore né ! Cette amie venue du nord dont tu parlais… Si elle se montre à Caemlyn, je le saurai. En ville, des gens tiennent le compte des arrivées et des départs, et les nouvelles se répandent vite.
— Et Elaida ? demanda Rand après une brève hésitation. Est-ce un recours pour nous ?
L’aubergiste prit le temps de réfléchir avant de répondre :
— Non, j’ai peur que non… Si vous n’étiez pas liés à Thom… Mais elle le découvrira, et que vous arrivera-t-il ? Impossible de le dire. Un long emprisonnement ? Un tête-à-tête final avec le bourreau ? Elaida a l’art de sentir les choses, d’après ce qu’on dit. Elle est aussi douée pour anticiper les événements. Et pour mettre du premier coup le doigt sur ce qu’on voudrait lui cacher. Non, à votre place, je ne prendrais pas un tel risque…
» Les Gardes pourraient vous aider, s’il n’y avait pas le problème avec Thom. Avec eux, les Suppôts des Ténèbres ne feraient pas long feu, croyez-moi ! Mais même si vous ne parlez pas du trouvère, mentionner les Suppôts suffira à alerter Elaida – qui sera informée de vos propos, n’en doutez pas un instant. Et si ça se passe ainsi, vous en serez revenus à la case départ.
— Pas question d’aller voir les Gardes, approuva Rand.
Tout en gobant un morceau de viande, Mat hocha vigoureusement la tête – si vigoureusement, en fait, que de la sauce coula sur son menton.
— Le problème, c’est que vous êtes mouillés dans une histoire pleine d’implications politiques. Je sais que c’est involontaire, mais ça ne change rien, et la vie publique est un sacré nœud de serpents.
La cuisinière se découpa soudain dans l’encadrement de la porte de son fief. Lorsqu’elle aperçut maître Gill, elle lui fit signe de venir la rejoindre, puis retourna dans son antre.
— Je pourrais tout aussi bien l’épouser…, soupira l’aubergiste. Elle trouve des choses à réparer dont j’ignorais parfois jusqu’à l’existence. Quand ce n’est pas l’évier bouché, c’est l’évacuation des égouts à nettoyer, et, lorsqu’il n’y a rien à signaler sur ce champ de bataille-là, elle entonne sa chanson sur les rats ! Mon établissement est très sain, je tiens à le souligner, mais avec tant de monde en ville, les rongeurs sont partout. Les humains les attirent, que voulez-vous… Actuellement, Caemlyn en est infestée. Si je vous disais à quel prix se négocie un bon souricier, en ce moment. On ne croirait jamais qu’un matou peut avoir tant de valeur !
» Bon, votre chambre est sous les combles. Je donnerai le numéro aux servantes, histoire que chacune puisse vous y accompagner. Surtout, ne vous inquiétez pas au sujet des Suppôts ! Je n’apprécie guère les Capes Blanches mais, entre les Gardes et les Fils de la Lumière, les complices du Ténébreux n’oseront pas se montrer en ville. (Gill se leva, sa chaise en grinçant de soulagement.) Pourvu que ce ne soient pas les égouts…
Rand voulut se concentrer sur son repas, mais il vit que Mat avait arrêté de manger.
— Je te croyais affamé, dit-il. Et voilà que tu boudes ta nourriture comme un enfant gâté ! Il faut manger, mon vieux. Pour atteindre Tar Valon, nous aurons besoin d’être en forme.
— Tar Valon, maintenant ! Jusque-là, c’était Caemlyn. À Caemlyn, Moiraine nous attendrait, et tout s’arrangerait. À Caemlyn, Egwene et Perrin seraient là pour nous accueillir. À Caemlyn, on raserait gratis et les poules auraient des dents ! Eh bien, nous y sommes, et rien ne va mieux. Où sont Moiraine, Perrin et les autres ? Et tu veux me faire gober que le salut c’est Tar Valon ?
— Nous sommes vivants, non ? lança Rand, plus agressivement qu’il l’aurait voulu. (Il inspira à fond pour se calmer.) Oui, vivants, et c’est déjà bien. J’ai l’intention de continuer à vivre, Mat, histoire de découvrir pourquoi nous sommes si importants. Sache-le bien, je n’abandonnerai pas !
— Tant de gens, et tous des Suppôts en puissance… Tu ne trouves pas que maître Gill est un peu trop pressé de nous aider ? Quel homme faut-il être pour ne pas craindre les Aes Sedai et les Suppôts ? Ce n’est pas normal. À sa place, n’importe qui nous dirait de déguerpir ou… ou… Eh bien, je n’en sais rien, moi !
— Mange…, dit Rand, ému par la détresse de son ami.
Il attendit jusqu’à ce que Mat s’attaque à une tranche de bœuf, puis baissa les yeux sur sa propre assiette et posa les mains sur la table pour les empêcher de trembler. Il crevait de peur. Pas au sujet de maître Gill, mais il y avait bien d’autres raisons légitimes. Le mur d’enceinte de cette ville, si haut fût-il, n’arrêterait pas un Blafard, c’était couru. Aurait-il dû en parler à l’aubergiste ? Mais, s’il le croyait, l’homme serait-il encore disposé à s’impliquer ?
Il y avait aussi les rats… Peut-être bien que les humains les attiraient, mais Rand se souvenait du rêve qui n’en était pas un, à Baerlon. Des échines brisées…
Rand se remémora les paroles de Lan : « Les sbires du Ténébreux recrutent souvent leurs espions parmi les dévoreurs de cadavres. Les corbeaux et les corneilles, le plus fréquemment. Et les rats, dans les cités… »
Cédant à son estomac, le jeune homme mangea. Une fois son plat terminé, il aurait été incapable de dire quel goût il avait.
La serveuse qui polissait les chandeliers, au moment de leur arrivée, guida les deux jeunes gens jusqu’à leur chambre. Dans la minuscule pièce mansardée éclairée par une lucarne, il y avait tout juste la place pour les deux lits. En ce qui concernait le rangement, des crochets fixés à la porte devraient suffire, parce qu’il n’y avait rien d’autre.
La serveuse aux yeux noirs avait – curieusement – tendance à glousser et à triturer le devant de sa robe chaque fois qu’elle regardait Rand. Elle était très jolie mais, s’il osait lui faire un compliment, le jeune berger était sûr de se ridiculiser. En sa présence, il se prenait à regretter de n’avoir pas l’aisance de Perrin, en matière de filles. Très perturbé, il fut franchement soulagé quand elle s’en alla.
En d’autres temps, il aurait eu droit aux commentaires acerbes de Mat. Là, son ami se jeta tout habillé sur un des lits et se tourna vers le mur.
Rand suspendit sa cape tout en observant Mat – la main glissée sous sa veste, il devait de nouveau serrer sa précieuse dague.
— Tu veux rester caché dans ton coin ? finit par demander Rand.
— Je suis fatigué…
— Peut-être, mais nous avons encore des questions à poser à l’aubergiste. Il nous dira peut-être comment trouver Egwene et Perrin. S’ils n’ont pas perdu leurs chevaux, ils sont sûrement ici depuis un moment…
— Ils sont morts…, lâcha Mat sans se retourner.
Rand hésita, puis il décida de ne pas insister. Une fois sorti, il ferma derrière lui, espérant que Mat trouverait au moins le repos.
En bas, Rand ne vit pas trace de maître Gill. Croisant la cuisinière, il lut dans son regard qu’elle le cherchait aussi, très agacée qu’il se soit défilé. Un moment, Rand resta assis dans la salle commune. Mais il se lassa très vite de sursauter chaque fois qu’un nouveau client, presque toujours en cape noire, entrait dans l’établissement. Si on lâchait un Blafard dans cette salle, il ferait un massacre, comme un renard dans un poulailler.
Un Garde en uniforme rouge entra et vint étudier attentivement tous les étrangers présents dans la salle. Pendant cet examen, Rand préféra s’intéresser à sa table et aux pointes de ses bottes. Quand il releva la tête, le type était déjà reparti.
La serveuse aux yeux noirs, une pile de serviettes sur les bras, passa à côté du jeune homme.
— Ils font ça assez souvent, souffla-t-elle sans s’arrêter. Pour notre sécurité, simplement… Ils veillent sur les sujets de la reine. Tu n’as aucune raison de t’inquiéter.
Rand acquiesça. Pourquoi se méfiait-il de tout ? Le Garde n’était pas venu lui demander s’il connaissait Thom Merrilin, pas vrai ? Mais il devenait aussi craintif que Mat.
Il se leva et approcha de l’autre serveuse, qui vérifiait le niveau d’huile de toutes les lampes murales.
— Il n’y a pas une autre pièce où je pourrais passer un moment ? lui demanda-t-il.
Il refusait de s’enfermer dans la chambre avec Mat et son incessante mauvaise humeur.
— Une salle à manger privée vide, par exemple ?
— Il y a la bibliothèque… Il faut passer cette porte, tourner à droite et aller jusqu’au bout du couloir. À cette heure-ci, il ne doit y avoir personne.
— Merci beaucoup… Si vous voyez maître Gill, pouvez-vous lui dire que Rand al’Thor voudrait lui parler, s’il a cinq minutes de libres ?
— Je lui transmettrai le message… Mais la cuisinière veut le voir aussi.
Et c’est sûrement pour ça qu’il se cache ! songea Rand en s’éloignant.
Une fois dans la bibliothèque, il s’immobilisa devant un spectacle fascinant. Les étagères contenaient au bas mot trois ou quatre cents livres, et il n’avait jamais vu ça de sa vie. Des volumes brochés ou reliés, souvent avec des tranches dorées. Très peu de ces ouvrages avaient des couvertures en bois – désormais rendues obsolètes par le cuir. Lisant les titres, Rand repéra de vrais petits trésors : Les Voyages de Jain l’Explorateur, Les Essais de Willim de Maneches et même un exemplaire des célèbres Traversées avec le Peuple de la Mer, un livre que Tam avait toujours rêvé de lire.
Quand il imagina son père debout devant la cheminée, feuilletant l’ouvrage rare avant de s’asseoir avec sa pipe au bec, prêt à s’immerger dans la lecture, le sentiment de solitude qui étreignit Rand lui gâcha tout le plaisir qu’auraient pu lui procurer les livres.
Entendant quelqu’un se racler la gorge derrière lui, Rand s’avisa qu’il n’était pas seul. Il se retourna, décidé à s’excuser, et fut stupéfié pour la deuxième fois en quelques minutes. En règle générale, il était plus grand que tous les gens qu’il rencontrait. Mais là, ses yeux remontèrent, remontèrent… et atteignirent presque le plafond avant de découvrir la tête de l’autre amateur de lecture – ou de solitude.
Un nez incroyablement large – presque un museau –, des sourcils pendant comme de petites queues, des yeux aussi grands que des soucoupes… Et, sous une crinière noire broussailleuse, des oreilles qui parvenaient à exhiber leurs pointes poilues.
Un Trolloc ! Affolé, Rand cria, recula et tenta de dégainer son épée. Hélas, il s’emmêla les pieds et se retrouva vite assis sur les fesses.
— J’aimerais que les humains ne fassent pas ça…, murmura une voix profonde comme le roulement d’un tambour. (Les oreilles couvertes de poils frémissaient et une étrange mélancolie voilait le regard du monstre.) Mais vous nous avez oubliés, et c’est notre faute. Si peu d’entre nous se sont mêlés à vous depuis que les Ténèbres se sont abattues sur les Chemins. Il y a de ça… eh bien, six générations. Juste après la guerre des Cent Années, exactement… (Le curieux Trolloc – si c’en était un – eut un soupir que n’aurait pas renié un taureau de combat.) Si longtemps, et si peu d’entre nous pour voyager et voir… Nous aurions tout aussi bien pu ne plus nous montrer, pour ce que ça change.
Rand resta les fesses par terre et la bouche ouverte, étudiant l’inconnu aux larges bottes montantes et au manteau bleu foncé boutonné du col à la taille avant de s’évaser pour former une sorte de kilt au-dessus de ses braies bouffantes. Dans une de ses mains énormes, l’être tenait un livre qui semblait minuscule, par contraste. Et le doigt qui servait de marque-page en valait bien trois mis côte à côte d’un colosse comme Perrin.
— J’ai cru que…, commença Rand. Quel genre de… (Non, ce n’était pas une bien meilleure entrée en matière.) Hum… Bonjour. (Il se leva et tendit la main au géant.) Je m’appelle Rand al’Thor.
D’énormes doigts enveloppèrent ceux de Rand et son interlocuteur inclina gracieusement la tête.
— Je suis Loial, fils d’Arent fils d’Halan. Ton nom chante à mes oreilles, Rand al’Thor.
Comprenant qu’il s’agissait d’un rituel, Rand inclina à son tour la tête et souffla :
— Ton nom chante à mes oreilles, Loial fils d’Arent… fils d’Halan.
Une expérience surréaliste, car Rand ignorait encore à qui – ou à quoi – il avait affaire. La poignée de main de Loial se révéla étrangement délicate, mais le jeune berger fut quand même soulagé de récupérer ses cinq doigts en bon état de marche.
— Vous êtes très nerveux, vous les humains, dit Loial de sa voix de basse noble. J’ai entendu cent fois les récits, et lu tous les livres disponibles, mais ça ne s’est pas vraiment gravé dans mon esprit. Mon premier jour à Caemlyn, j’ai été ébahi par le vacarme. Des enfants et des femmes criaient tandis que des brutes me poursuivaient en brandissant des gourdins, des couteaux et des torches. Un seul mot montait de toutes les gorges : « Trolloc ». J’ai failli perdre mon calme, je l’avoue. Qui sait ce qui serait arrivé sans l’intervention d’une patrouille de Gardes de la Reine ?
— Un coup de chance…, dit Rand.
— Certes, mais les Gardes semblaient avoir aussi peur de moi que les autres… Depuis, en quatre jours, je n’ai pas pu mettre un pied hors de l’auberge. Ce bon maître Gill m’a même demandé d’éviter la salle commune. (Les oreilles poilues palpitèrent.) Non qu’il ne se soit pas montré hospitalier, bien au contraire… Mais le premier soir, quelle panique ! Tous les humains semblaient vouloir sortir en même temps, alors que la porte n’est pas très large… Il aurait pu y avoir des blessés.
Fasciné, Rand ne pouvait plus détourner le regard des oreilles étrangement mobiles de son compagnon.
— Vraiment, si j’avais su, je n’aurais peut-être pas quitté mon Sanctuaire !
— Vous êtes un Ogier ! s’exclama Rand. Une minute… Vous avez parlé de six générations depuis la guerre des Cent Années. Quel âge avez-vous ?
Une question d’une rare impolitesse, s’avisa Rand juste après l’avoir posée. Mais Loial ne parut pas offensé, même s’il se tendit un peu.
— Quatre-vingt-dix ans, dit-il. Encore une décennie, et je pourrai m’adresser à la Souche. Selon moi, les Anciens auraient dû me laisser parler, puisqu’ils étaient en train de décider si j’avais ou non le droit de quitter le Sanctuaire. Mais, dès que quelqu’un veut découvrir l’Extérieur, ils s’inquiètent, peu importe l’âge de la personne en question. Les humains sont si agités et si fébriles… (Il tressaillit puis inclina humblement la tête.) Désolé, je n’aurais pas dû dire ça… Mais vous vous battez tout le temps, même quand ce n’est pas nécessaire…
— Il n’y a pas de mal, assura Rand.
Il essayait toujours d’assimiler l’âge de Loial. Plus vieux que Cenn Buie, et pourtant trop jeune pour…
Rand s’assit dans un fauteuil et Loial sur un sofa à deux places qui suffit à peine pour lui. Assis, il était encore plus grand que la plupart des hommes… debout.
— Au moins, ils vous ont laissé partir…
Loial baissa les yeux sur le sol, plissa le nez et le tapota du bout d’un index démesuré.
— Eh bien, c’est-à-dire que… La Souche n’était pas en délibération depuis longtemps – à peine un an –, et, d’après ce qu’on disait, j’ai conclu que j’aurais l’âge requis lorsque nos nobles Anciens seraient enfin arrivés à une décision. Ils diront sûrement que j’ai pris mes aises avec la loi, mais je… Hum, je suis parti, tout simplement. Les Anciens m’ont toujours reproché d’être une tête brûlée, et ils ne se trompaient pas, je le crains. Je me demande s’ils se sont aperçus de mon départ. Mais je devais m’en aller…
Rand se mordit la lèvre pour ne pas éclater de rire. Si Loial était une tête brûlée, il imaginait aisément à quoi ressemblaient les Ogiers raisonnables. Et cette histoire de réunion commencée un an plus tôt ? Maître al’Vere en serait resté comme deux ronds de flan. Un Conseil qui durait une demi-journée tapait sur les nerfs de tout le monde, y compris Haral Luhhan.
Une vague de mal du pays submergea Rand, lui serrant le cœur. Champ d’Emond, l’Auberge de la Cascade à Vin, Tam, Egwene, les fêtes de Bel Tine sur la place Verte, au bon vieux temps.
Non, il ne fallait pas y penser !
— Si je puis me permettre, pourquoi ce désir de connaître le… hum… l’Extérieur ? Si j’avais eu le choix, je ne serais jamais parti de chez moi.
— Je voulais tout voir, répondit Loial comme si ça tombait sous le sens. J’ai lu tous les livres, les récits de voyages, mais ça ne suffisait pas. Il fallait que je voie de mes propres yeux ! J’ai consulté tous les textes existant sur les voyages, les Chemins et les coutumes des humains. Sans oublier les cités que nous avons construites pour eux après la Dislocation du Monde. Plus je lisais, et plus une certitude s’installait en moi : je devais partir, voir ces lieux où nous étions jadis et découvrir par moi-même les bosquets.
— Les bosquets ?
— Oui, les bosquets… Les arbres. Enfin, une partie des Grands Arbres, bien entendu, s’élançant vers le ciel pour entretenir le souvenir de chaque Sanctuaire…
Loial s’agita sur son sofa, qui gémit sous son poids. Les yeux brillants, les oreilles presque tremblantes, il fit de grands gestes avec ses mains, dont l’une tenait toujours le livre.
— Pour l’essentiel, ils utilisaient les arbres qu’on trouvait dans le pays ou la région concernés. On ne peut pas forcer une terre à aller contre sa nature. En tout cas, pas longtemps, parce qu’elle se révolte. Il est possible d’adapter sa vision à une terre, mais pas d’adapter une terre à sa vision. Dans chaque bosquet, mes ancêtres plantèrent les arbres qui pourraient pousser et s’épanouir à cet endroit précis. Chaque spécimen placé pour assurer l’équilibre de son voisin, et l’ensemble conçu afin d’être complémentaire – pour permettre la meilleure croissance possible, bien sûr, mais aussi pour que l’harmonie soit visible par les yeux et perceptible par le cœur. Les livres évoquent les bosquets afin de faire dans la même seconde pleurer et rire les Anciens. Des bosquets destinés à demeurer à tout jamais verts dans nos mémoires.
— Et les villes ? demanda Rand. (Loial lui jeta un regard intrigué.) Oui, les villes construites par les Ogiers. Comme Caemlyn. C’est vous qui l’avez bâtie, non ? En tout cas, c’est ce que disent les légendes.
— Travailler la pierre… (Loial haussa les épaules.) C’est un métier que nous avons appris après la Dislocation du Monde, pendant l’Exil, alors que nous tentions de retrouver les Sanctuaires. C’est une bonne chose, je suppose, mais secondaire… D’après ce que j’ai lu, mes ancêtres n’ont pas ménagé leurs efforts, mais il est resté impossible de rendre la pierre vivante. Quelques-uns d’entre nous sont toujours des bâtisseurs, parce que vous ne cessez d’abîmer les bâtiments avec vos guerres. Quand je suis passé à… Cairhien – oui, c’est bien le nom actuel – quelques Ogiers y étaient. Par bonheur, ils appartenaient à un autre Sanctuaire, ce qui ne les a pas empêchés de s’étonner que je sois à l’Extérieur à mon âge. Pour échapper à leur curiosité, je ne me suis pas attardé auprès de ces maçons… Mais sache une chose, Rand al’Thor : travailler la pierre est un talent qui nous fut imposé par le tissage de la Trame. Les bosquets, en revanche, viennent de notre cœur et de notre âme.
Rand hocha pensivement la tête. La moitié des histoires qui avaient bercé son enfance n’étaient ni plus ni moins que de l’esbroufe.
— Loial, j’ignorais que les Ogiers croyaient à la Trame.
— Bien entendu, que nous y croyons ! La Roue du Temps tisse la Trame des Âges et les vies sont les fils qui la dessinent. Nul ne peut dire de quelle façon sa vie s’intégrera à la Trame, ni comment sera tissé le destin d’un peuple. La Roue nous a donné la Dislocation du Monde, l’Exil, la Pierre et la Longue Errance. Au bout du compte, avant que nous mourions tous, elle nous rendra les Sanctuaires. Parfois, je me dis que les humains sont… comme ils sont parce que leur « fil » est trop court. Du coup, ils doivent s’agiter afin de se faire remarquer dans le tissage. Bon sang ! j’ai encore fait une gaffe ! Les Anciens le disent et le répètent : les humains n’aiment pas qu’on leur rappelle combien leur existence est courte. J’espère ne pas t’avoir blessé…
Rand eut un petit rire et secoua la tête.
— Pas du tout ! J’imagine qu’il doit être agréable de vivre aussi longtemps que vous, mais ce sujet ne m’a jamais empêché de dormir ! Si j’arrive à l’âge de Cenn Buie, je m’estimerai content…
— Il est très vieux ?
Rand hocha simplement la tête. Comment faire comprendre à Loial que le « vieux Cenn Buie » était plus jeune que lui ?
— Eh bien, votre espérance de vie n’est pas extraordinaire, mais vous n’en perdez pas une miette, au moins. Toujours en train de courir et de bondir partout. Et, pour vos cabrioles, vous avez le monde entier. Les Ogiers, eux, sont liés à un Sanctuaire.
— Non, puisque vous êtes à l’Extérieur.
— Provisoirement, Rand… Mais je devrai finir par rentrer… Ce monde vous appartient, alors que les Sanctuaires sont à nous. Dehors, il y a trop d’agitation. Et tout se révèle tellement différent de mes lectures.
— Au fil des ans, les choses changent. Certaines d’entre elles, en tout cas…
— Certaines ? La moitié des cités n’existent plus et la plupart des autres n’ont plus le même nom. Cairhien, par exemple. Son véritable nom est « Al’cair’rahienallen », ce qui veut dire « Colline de l’Aube Dorée ». Ses habitants ne s’en souviennent même plus alors que le soleil continue de projeter sa lumière dorée sur leurs étendards. Et le bosquet, en ce lieu… Personne ne s’en est plus occupé depuis les guerres des Trollocs. Ce n’est plus qu’une forêt où on coupe du bois, désormais… Et ici, Rand ? Caemlyn n’a pas changé de nom, mais on a laissé la cité grandir aux dépens du bosquet. Nous sommes à moins d’un quart de lieue du centre du bosquet – enfin, de ce qui devrait être son centre. Mais il ne reste plus un seul arbre ! J’ai également été à Illian et à Tear. Des noms nouveaux et plus aucun souvenir… À Tear, ce qui était le bosquet sert de pâturage pour les chevaux du palais. À Illian, il est devenu la réserve de chasse du roi, et il faut sa permission pour y entrer. Tout change, Rand, et j’ai bien peur de faire la même constatation partout où j’irai. Tous les bosquets disparus, tous les souvenirs envolés et tous les rêves morts…
— Tu ne peux pas abandonner, Loial ! s’écria Rand, passant d’instinct au tutoiement. Si tu baisses les bras, autant renoncer à vivre !
Rand se radossa à son siège et sentit qu’il s’empourprait. À coup sûr, l’Ogier allait se moquer de son idéalisme…
Mais il n’en fut rien.
— C’est la façon dont ton espèce voit les choses, n’est-ce pas ? (La voix de l’Ogier changea, comme s’il récitait quelque chose.) Jusqu’à ce que l’ombre s’efface, jusqu’à ce que l’eau ne coule plus, souriant dans les Ténèbres, hurlant son défi avec son dernier souffle, et prêt à cracher dans l’œil du Faiseur d’Aveugles le jour du Jugement Dernier…
Loial inclina la tête, comme s’il attendait quelque chose. Mais Rand n’avait pas la première idée de ce qu’il devait dire ou faire.
L’attente s’éternisa, l’Ogier fronçant ses longs sourcils en signe de perplexité. Et, même s’il ne se passait rien, il continua à patienter dans un silence que Rand trouva de plus en plus pesant.
— Les Grands Arbres, dit-il pour chasser son malaise, sont-ils comme Avendesora ?
Loial se leva d’un bond, martyrisant son pauvre sofa, qui en gémit de douleur.
— Tu connais la réponse – toi mieux que personne d’autre !
— Moi ? Et pourquoi donc ?
— Te moques-tu de moi ? Parfois, les Aiels ont un sens de l’humour qui me dépasse.
— Quel Aiel ? Je n’en suis pas un ! Je viens de Deux-Rivières, et je n’ai jamais vu l’ombre d’un Aiel.
Loial secoua la tête, secouant les touffes de poils qui couronnaient ses oreilles.
— Tu vois ? Tout a changé, et la moitié de mes connaissances sont inutiles. Encore une fois, j’espère ne pas t’avoir offensé. Je suis sûr que Deux-Rivières est un endroit charmant, où qu’il puisse être dans le monde…
— Quelqu’un m’a dit que le territoire s’appelait jadis Manetheren. Je n’avais jamais entendu ce nom, mais peut-être que ce n’est pas ton cas.
Les oreilles du géant se redressèrent joyeusement.
— Oui, Manetheren ! (Loial se rembrunit.) Il y avait un très beau bosquet, autrefois… Ton chagrin chante dans mon cœur, Rand. Nous n’avons pas pu arriver à temps…
Loial s’assit et inclina le torse. Rand lui rendit la pareille, certain que l’Ogier serait peiné s’il ne le faisait pas, ou le trouverait au moins très impoli.
Loial pensait-il qu’un humain avait le même genre de souvenirs qu’un Ogier ? Sans doute, puisqu’il baissa la tête, l’air accablé, comme s’il partageait le désespoir de Rand. À croire que la destruction de Manetheren ne remontait pas à deux mille ans. Un très vieil événement que le jeune berger n’aurait même pas connu sans les révélations de Moiraine.
— La Roue tourne, soupira enfin Loial, et nul ne peut dire ce que nous réserve sa rotation. Mais tu es aussi loin de chez toi que moi, mon ami… Une très longue distance, maintenant que les Chemins sont fermés. Avant, c’était différent, bien sûr, mais ce temps est révolu depuis des siècles. Pourquoi ce voyage, Rand ? Afin de voir quelque chose, comme moi ?
Rand faillit répondre : « Oui, le faux Dragon », mais il ne put se résoudre à mentir. Pourquoi ? Eh bien, peut-être parce que Loial, malgré ses quatre-vingt-dix ans, se comportait comme s’il avait le même âge que lui. Pour un Ogier, frôler le siècle d’existence pouvait encore être la prime jeunesse…
Depuis quand Rand ne s’était-il pas confié à quelqu’un ? Les inconnus risquaient d’être des Suppôts des Ténèbres et Mat, fermé sur lui-même et perdu dans ses soupçons, n’était pas en état de dialoguer. À sa grande surprise, le jeune berger se retrouva en train de raconter à Loial les événements de la Nuit de l’Hiver. Pas une version expurgée, mais un compte-rendu précis de l’apparition d’un Blafard sur la route de la Carrière, puis de l’attaque des Trollocs.
Une partie de lui-même s’indignait qu’il se comporte ainsi. Mais il avait le sentiment d’être double, l’un de ses « moi » tentant de se taire pendant que l’autre se confessait, recouvrant par la même occasion une paix intérieure qu’il croyait à jamais perdue. Très ému, il bégaya beaucoup, dut revenir plusieurs fois en arrière et fit des bonds en avant souvent incompréhensibles.
Shadar Logoth, la séparation brutale d’avec ses amis, l’angoisse d’ignorer s’ils étaient vivants, le Blafard de Pont-Blanc et l’héroïque sacrifice de Thom… Puis Baerlon, un nouveau Blafard, le Suppôt Howal Godot, le jeune empoté qui avait peur de ses proies et la tueuse à la dague. Le Myrddraal, devant L’Oie et la Couronne.
Même s’il en frissonnait de terreur, tous les poils de sa nuque se hérissant, Rand parla de ses rêves. Soudain tétanisé, il se tut, regardant l’Ogier avec l’espoir qu’il pense à de simples cauchemars. Toute cette aventure ressemblait à un mauvais rêve et il y avait largement de quoi empoisonner les nuits de quiconque. Avec un peu de chance, Loial croirait avoir affaire à un fou.
— Ta’veren, souffla l’Ogier.
— Pardon ?
— Ta’veren, répéta Loial en se grattant l’arrière d’une oreille. L’Ancien Haman me reprochait toujours de ne pas écouter, mais il se trompait. Parfois, j’écoutais de toutes mes oreilles… Tu sais comment est tissée la Trame, je suppose ?
— Eh bien, je n’y ai jamais vraiment réfléchi… Elle est tissée, voilà tout.
— Ce n’est pas si simple… La Roue du Temps tisse la Trame des Âges et nos vies sont les fils qu’elle utilise pour cela. La Trame n’est pas toujours prédéterminée, tu le sais sûrement. Si un homme veut altérer la trajectoire de sa vie, et si la Trame lui en laisse la possibilité – en d’autres termes, s’il y a de la place pour ça –, la Roue continue de tisser en intégrant la modification. Les petits changements ne sont jamais un problème, mais il arrive que la Trame refuse un bouleversement majeur, même si on insiste sans relâche. Tu comprends ce que je veux dire ?
Rand acquiesça.
— Je pourrais vivre dans une ferme isolée ou à Champ d’Emond sans que ça révolutionne tout. Mais si je voulais devenir roi…
Le jeune berger sourit et son nouvel ami l’imita, dévoilant des dents blanches larges comme des lames de couteau.
— Voilà, c’est tout à fait ça ! Parfois, c’est le changement qui te choisit, et non l’inverse. Et il arrive aussi que la Roue décide pour toi. En de rares occasions, elle plie le fil qui représente une vie – ou plusieurs fils – d’une telle manière que tous les fils environnants soient obligés de s’infléchir de la même façon. Par contagion, ce mouvement se transmet à ceux qui les entourent, et ainsi de suite. Ce premier infléchissement à l’origine d’un Lacis se nomme ta’veren, et il est impossible de l’altérer, à part si la Trame se modifie aussi. Le Lacis – ta’maral’ailen, dans ma langue – peut englober des semaines ou des années. Il concerne parfois une ville entière, et à d’autres occasions, la Trame dans sa totalité. Artur Aile-de-Faucon était ta’veren et Lews Therin Fléau de sa Lignée également. (Loial ricana.) L’Ancien Haman serait fier de moi. Il radotait et je trouvais les livres sur les voyages bien plus intéressants, mais je l’écoutais quand même de temps en temps…
— C’est passionnant, dit Rand, mais quel rapport avec moi ? Je suis un berger, pas le nouvel Artur Aile-de-Faucon. Idem pour Mat et Perrin. Toute cette histoire est ridicule.
— Je n’ai pas dit que tu étais le nouvel Artur, mais, en t’écoutant, j’ai presque senti la Trame s’infléchir, et je n’ai aucun don pour ça. Tu es ta’veren, c’est évident. Et tes amis aussi, probablement…
L’Ogier se tut, pinçant pensivement l’arête de son nez. Quand il parut avoir pris une décision, il reprit la parole :
— Rand, je voudrais voyager avec toi.
Un moment, le jeune homme crut qu’il avait mal entendu.
— Avec moi ? répéta-t-il quand il fut remis de sa surprise. N’as-tu pas compris ce que je t’ai dit ?
Inquiet, Rand regarda la porte. Elle était bien fermée et semblait assez épaisse pour que nul ne puisse entendre ce qui se disait dans la bibliothèque, même en collant l’oreille contre le bois. Malgré tout, le jeune berger baissa la voix :
— Je t’ai dit qui me poursuivait, non ? Et, de toute façon, tu veux aller voir tes arbres…
— Il y a un très beau bosquet à Tar Valon, et on raconte que les Aes Sedai l’entretiennent très bien. Cela dit, je ne suis pas là exclusivement pour voir les bosquets. Tu n’es peut-être pas un nouvel Artur, mais une partie du monde s’infléchira par rapport à toi – ou s’infléchit déjà, c’est tout à fait possible. Même l’Ancien Haman ne voudrait rater ça pour rien au monde…
Rand hésita. Avoir un compagnon de voyage serait bien agréable. Avec l’évolution de Mat, être avec lui ne valait guère mieux que la solitude. De plus, la présence de l’Ogier était réconfortante. Même s’il restait juvénile pour les siens, il semblait solide comme un roc, à l’instar de Tam. De plus, il avait pas mal bourlingué…
Rand regarda l’Ogier assis en face de lui, son large visage exprimant une infinie patience. Assis, et toujours plus grand que la plupart des hommes…
Comment cacher un fugitif qui fait dans les dix pieds de haut ?
— Ce n’est pas une bonne idée, Loial… Même si Moiraine nous retrouve, nous serons en danger jusqu’à Tar Valon. Et si elle ne nous retrouve pas…
Ça voudra dire qu’elle est morte, et tous les autres aussi. Egwene…
Rand s’ébroua. Egwene allait très bien et les retrouvailles étaient pour bientôt.
— Je suis sûr que tes amis sont indemnes, Rand, dit Loial.
Il tendit le bras et tapota l’épaule du jeune homme.
Trop ému pour répondre, le jeune berger hocha la tête.
— Veux-tu au moins me parler de temps en temps ? Et disputer une partie de jeu des pierres contre moi ? Depuis des jours, je n’ai personne avec qui discuter, à part maître Gill, et il est occupé ailleurs la plupart du temps. La cuisinière ne lui laisse pas une minute de répit. Je me demande si l’auberge n’est pas à elle…
— Je suis d’accord pour parler, et pour jouer…, souffla Rand. (Il s’éclaircit la voix et tenta de sourire.) Si nous nous rencontrons à Tar Valon, tu me montreras le bosquet.
Nos amis vont bien. Lumière, fais qu’il ne leur soit rien arrivé !