65. VENDREDI 11 MAI, 00 H 46


Lentement, sur le parking des Trois Parques, une voiture vint se garer à proximité d’un individu qui patientait dans le noir, debout contre un arbre. La femme, au volant, baissa sa vitre et fit un signe interrogatif du menton. L’homme au visage brûlé acquiesça de la tête, les mains dans les poches. A bien regarder au fond de ses yeux, il faisait peur. Mais cette part de ténèbres, la femme ne pouvait la deviner. Autour d’eux, la nuit régnait, les arbres étendaient leurs ombres sinistres sous la lune.

Le couple d’une nuit passa devant l’enseigne de l’auberge sous la lueur des phares. L’homme portait un vieux sac à la main.

Le réceptionniste, à l’accueil, ne posa aucune question, il ne releva d’ailleurs même pas la tête vers ce visage marqué par le sceau des flammes. L’habitude, sans doute. Sans un mot, la femme régla et prit la direction de la chambre 24. Elle devait bien peser cent vingt kilos et n’avait pas l’air commode. Ongles longs, fringues noires, chaussures très pointues. Jolie fête en perspective. Quand elle se retourna, elle fronça les sourcils : plus personne derrière elle. Où était passée cette face cramée qu’elle se réjouissait de baiser ?

Stéphane sortit la clé de son sac et pénétra dans la chambre 6. Ainsi déguisé, on ne viendrait jamais le chercher ici. Néanmoins, par précaution, il avait caché la Ford bien plus loin, dans les profondeurs du bois.

Il ôta sa prothèse en latex, tira les rideaux et alluma la lumière. Ses yeux s’agrandirent de surprise. La tapisserie avait été changée depuis la semaine dernière, elle était verte à rayures jaunes à présent, comme dans le troisième rêve, « Les Trois Parques », au lieu de bleue. Stéphane se tapa la main sur le front. Logique, fichtrement logique ! Le réceptionniste avait dû voir les mots tracés au marqueur et avait donc changé la tapisserie.

Stéphane s’assit quelques minutes sur le lit, l’arme à ses côtés, et souffla longuement. Une fois arrivé à Sceaux, il s’était garé derrière la Porsche de Hector Ariez, immatriculée 8866 BCL 92, puis était sorti discrètement. Là, il avait cogné à la porte, Ariez avait répondu, sa femme se tenait derrière lui… À ce moment, Stéphane n’avait pas trouvé le courage de buter l’amant de Sylvie. Alors, il avait juste détruit son couple, en révélant à Victoria Ariez que son cher mari la trompait.

Quant à la famille de Sylvie, elle avait déjà probablement débarqué à Lamorlaye et appris qu’on le recherchait pour le meurtre d’une gamine.

Il alluma la télé, dans l’attente d’un flash d’informations. Contrairement à Stéfur, il prit garde à ne pas trop augmenter le volume, pour ne pas se faire remarquer. Hors de question de se faire virer de la chambre.

Il posa le sac sur le matelas, en sortit le dossier des meurtres et un marqueur, et recommença à noter sur les murs ce qu’il avait inscrit dans Darkland. Le contenu d’une lettre, à remettre à Victor Marchal.

Une heure plus tard, tout y était. La nouvelle tapisserie était noire d’explications claires et cohérentes. Le Stéphane du passé comprendrait.

En levant ses yeux vers les informations diffusées à la télé, Stéphane songea à Mélinda. Et il ne put s’empêcher d’exploser en larmes.


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