58. MERCREDI 9 MAI, 23 H 23


Wang et Mortier sortirent de la salle d’interrogatoire, en nage, le front plissé et les yeux lourds. Vic patientait dans le couloir, les mains dans les poches.

— Alors ? demanda-t-il.

Wang haussa les épaules.

— J’ai jamais vu ça. Il hurle pour parler à sa femme, il ne cesse de répéter qu’elle va mourir. Pire qu’une bête furieuse, ce type. On aurait beau le torturer à mort, il ne nous dirait même pas son âge.

— Torturer à mort, ça te connaît, non ? Ton tatouage effacé au laser, le dragon… L’ancienne mafia chinoise…

— Ferme ta gueule !

Alors que Wang s’éloignait, le regard mauvais, Vic s’adressa à Mortier :

— Il faut envoyer quelqu’un chez la femme de Kismet, tout de suite.

— Tu t’y mets, toi aussi ? On vient de le faire, pour le calmer un peu. On l’a aussi laissé appeler là-bas. Sylvie Kismet n’a pas répondu, mais ce taré lui a laissé un message. En substance, quelque chose comme : « La police va bientôt arriver, mais tu dois fuir maintenant, ou il va te tuer. Il va te tuer avant 2 h 35 du matin ! » Sacrément allumé, non ?

Vic regarda sa montre. 23 h 41.

— Quand est partie la patrouille ?

— Elle ne devrait pas tarder à arriver.

— Pourquoi on ne le relâche pas, bon sang ? Joffroy vient juste de me dire qu’il possédait un alibi pour la mort de Liberman.

Mortier alluma une cigarette. Des câbles électriques gisaient sur le sol.

— On en a eu la confirmation voilà tout juste une heure, il traînait bien dans un bar à Lamorlaye, le soir du meurtre. Il n’est effectivement pas coupable. Comme sa femme refuse de porter plainte pour cette escapade en Ardèche, alors oui, on devrait bientôt le libérer. Elle ne veut pas que la justice vienne interférer avec les procédures qu’elle a lancées. D’après ce que j’ai compris, demain, elle le fait interner, il ne manque plus qu’une signature. L’hôpital psychiatrique, direct.

— On doit le relâcher ! Maintenant !

— Non. Sa femme ne veut plus l’avoir sur le dos avant son internement. On a trouvé un petit motif pour le garder, genre effraction. Pourquoi tu t’intéresses tant à lui ? Ton appel, sur son portable… Qu’est-ce que ça veut dire ?

Piégé, Vic décida de la jouer franc jeu. Il bouillait intérieurement.

— Il avait prédit que mon bébé allait mourir, forcément, ça crée des liens. Il ne vous est jamais venu à l’esprit que ses intuitions pouvaient être réelles ? Que son épouse pouvait vraiment être en danger ?

Mortier le fusilla d’un regard noir.

— Tu te fous de ma gueule ou quoi ?

— Stéphane Kismet correspond exactement au profil des victimes, il expose la monstruosité pour en tirer profit. Et tuer sa femme pourrait être un moyen de le faire souffrir, lui. De le torturer au-delà de la mort physique.

— Connerie !

Le portable du commandant se mit à sonner.

— La patrouille…

Après qu’il eut répondu, son visage se décomposa. Il raccrocha, les mâchoires serrées, le désespoir au fond des yeux.

Il n’eut pas besoin d’expliquer.


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