37. DIMANCHE 6 MAI, 04 H 25


— Alors, tu t’amènes ? fit la voix de Vic.

— Deux minutes ! Je suis en train de pisser ! répondit Stéphane.

Sur sa hanche gauche, un tatouage. « Parle-moi de Mélinda. Mes messages sont sur les murs de la chambre 6. Les Trois Parques. Laisses-y les tiens. »

Il sortit des toilettes en titubant et traversa le vaste hall. La statuette gisait toujours sur le sol, pulvérisée. Il passa sous le portrait austère de la baronne de Reille et rejoignit Vic dans le salon. Le flic ne s’était pas rasé depuis des jours.

Il fumait une Marlboro.

Sur la table basse, s’empilaient des canettes vides.

— Je crève de chaud, avoua Stéphane. Ça me fait toujours pareil quand je bois de la bière. Avec Sylvie, on…

— Tu devrais peut-être arrêter alors. Ça commence à faire beaucoup. Bientôt, tu ne tiendras plus debout.

— Je m’en fiche. Pourquoi je tiendrais debout, hein ? Dis-le-moi.

— Il le faut. J’ai rembobiné un peu. Regarde attentivement.

La cigarette entre les lèvres, Vic enfonça le bouton « play » du magnétoscope.

Stéphane fixa l’image, de qualité médiocre. La caméra d’où provenait l’enregistrement semblait placée en hauteur, dans un angle, à proximité d’un lampadaire. En arrière-plan se laissaient entrevoir les ombres noires d’une usine aux formes géométriques, dominée par une haute cheminée. Au bas de l’écran étaient incrustés à l’image une date et un horaire : samedi 5 mai 2007,22 h 09.

— Tout est identique, fit Stéphane dans un souffle. Ça n’a pas fonctionné.

— Attends, ça arrive… Maintenant !

Sur la vidéo, il pleuvait des cordes. Tout à coup, une forme se faufila dans le champ jusqu’à atteindre un trou dans un grillage. Elle portait un sac à dos, des gants et un long imperméable noir. Vic fit un arrêt sur image au moment précis où la silhouette passait sous la lumière du lampadaire.

— Voilà notre assassin, dit Vic en finissant sa bière.

— Rien n’a changé. Absolument rien…

Malgré la pluie et la mauvaise définition de l’image, le visage sur l’écran paraissait monstrueux, couvert de boursouflures, les yeux se perdaient sous des amas de peau et on ne distinguait pas les cheveux car l’homme portait une capuche. Vic poussa au maximum la luminosité du téléviseur.

— À ton avis, il porte un masque ?

Stéphane se leva et s’approcha de l’écran. Sous le lecteur de DVD, la chaîne hi-fi indiquait la date et l’heure. Le 13 mai 2007,0h20.

— Je n’en sais rien. On voit rien sur cette vidéo de surveillance. Il fait noir, il flotte. Ça ressemble bien à la prothèse que je t’ai donnée, non ?

— À peu de chose près, oui.

— C’est tout ce qu’on a ?

— Oui. Cet enfoiré est un courant d’air, répondit Vic, la tête baissée.

Il paraissait résigné à accepter son destin.

Stéphane décapsula une autre canette.

— À nos malheurs… dit-il d’un ton horriblement triste.

Il leva sa canette devant lui et ajouta :

— Stéphane, si tu nous regardes. Bon courage. Et à la tienne, mon pauvre gars.


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