Notes historiques

Je me suis efforcé de décrire la Rhénanie du XIVe siècle de la façon la plus exacte possible, mais ce qui est déjà délicat à accomplir pour le monde d’ici et de maintenant est quasiment impossible pour un milieu où la mentalité différait à ce point de la nôtre.

En ce temps-là, pour commencer, les gens prenaient la religion au sérieux, plus encore, à bien des égards, que les prédicateurs d’aujourd’hui. Dans le même temps, ils la considéraient avec une certaine neutralité. Si leur univers était celui de la chrétienté, il se nuançait déjà de ce nationalisme qui allait entraîner sa perte. À Crécy ou ailleurs, l’appartenance à une nation ou à une race commençait à avoir son importance.

Les philosophes étudiaient la nature sans interférence de la part des théologiens, qui pratiquaient eux-mêmes la philosophie naturelle. Cette discipline constituait le fondement de l’enseignement scolaire, avec la logique et les « sciences exactes » – mathématiques, astronomie, optique, statique et musique. On n’enseignait nulle part les arts et les humanités. Les docteurs en théologie, en médecine et en droit devaient d’abord maîtriser ce cursus. Jamais l’enseignement de la logique, de la raison et de la science n’avait connu un tel développement, et jamais par la suite il n’en connut de comparable.

Le concept clé était celui de causalité : Dieu a doué les corps matériels de la capacité à agir les uns sur les autres de par leur propre nature. D’où les « lois naturelles ». Si Dieu a créé le monde dans sa totalité, alors invoquer Dieu pour expliquer l’arc-en-ciel, le magnétisme ou le mouvement rectiligne n’ajoute rien à l’entendement humain. Par conséquent, les philosophes ont cherché des explications naturelles aux phénomènes naturels. Nul doute qu’ils auraient été stupéfaits d’apprendre que, lors des siècles à venir, on ferait appel à la religion pour résoudre une question aussi triviale que le mouvement de la terre.


À deux exceptions près, les personnages et événements historiques cités dans ces pages sont authentiques. Marguerite de Görtz, la « Vilaine Duchesse », a inspiré la Reine de Cœur dans Alice au pays des merveilles. Le margrave Frédéric cité dans le texte était Frédéric III de Bade et non son cousin Frédéric IV, qui régnait à Pforzheim. Le calendrier de la progression géographique de la Peste noire a été établi par Peter Ravn Rasmussen et se trouve à l’adresse suivante :

http://www.scholiast.org/history/blackdeath/index.html.

Le maréchal de Villars a bien refusé d’entraîner ses troupes dans le Höllental en évoquant l’excuse citée en exergue. La déposition du conseil municipal de Strasbourg et le massacre de juifs du vendredi 13 février sont décrits dans les Chroniques de Strasbourg. Le duc Albert et le roi Casimir ont offert asile aux juifs persécutés, et les milices des guildes de Ratisbonne ont protégé leur quartier dans cette ville. À chaque époque ses justes. L’histoire du démon du Feldberg est relatée dans les Annales de Sankt-Blasien. L’argument du droit des peuples face à leurs princes est avancé par Guillaume d’Occam dans son Opus nonaginta dierum, et avant lui par saint Thomas d’Aquin dans De la royauté. Bien qu’ayant fait des études couronnées par l’inceptio, Occam n’a jamais reçu le titre de docteur. On perd sa trace après qu’il eut quitté Munich en mars 1349 pour aller faire la paix avec le pape. Sur le monument érigé en son honneur dans cette ville, on donne 1347 comme date de son décès, mais il s’agit d’une erreur, ainsi que l’attestent plusieurs documents.

Les deux principales entorses à la vérité historique concernent la procession des Flagellants et la prise de Falkenstein. Les Flagellants ne sont arrivés à Strasbourg qu’en juin 1349 et la bulle papale condamnant leur pratique ne date que du 20 octobre de la même année, ce qui la rend postérieure à cette histoire. J’ai situé les deux événements en février pour les faire coïncider avec la conférence de Benfeld.

Les milices de Fribourg-en-Brisgau ont pris le château de Falkenstein en 1389. J’ai avancé l’événement de quarante ans afin que Manfred y prenne part. Le casus belli romantique est conforme à la vérité historique.

Autre altération : c’est après les événements décrits ici que Nicole Oresme a écrit De monete, où il énonce la loi de Gresham. Je me suis livré à quelques autres ajustements similaires.

Загрузка...