30

La petite navette personnelle des Dendariis volait aussi vite que la grosse vedette du baron Fell. Elles arrivèrent en même temps à la clinique Durona. Un engin appartenant à la maison Dyne et qui avait été temporairement alloué à la SecImp les attendait poliment dans le petit parc de l’autre côté de la rue.

Pendant qu’ils s’apprêtaient à atterrir. Miles demanda à Quinn qui tenait les commandes :

— Elli… si on volait ensemble dans une vedette ou un aérocar et si je te demandais tout d’un coup de nous écraser à terre, le ferais-tu ?

— Maintenant ? s’étonna Quinn.

La vedette plongea.

— Non ! Pas maintenant. Je veux dire, en théorie. Obéirais-tu sur-le-champ ? Sans poser de question ?

— Eh bien, oui. J’imagine. Mais je te poserais les questions après. Probablement en t’étranglant.

— C’est ce que je pensais.

Satisfait, Miles s’enfonça dans son siège.

Ils retrouvèrent le baron Fell devant l’entrée principale. Celui-ci fronça les sourcils en voyant Quinn, Taura et Bel, en demi-armure, qui l’accompagnaient.

— Nous sommes ici chez moi, dit le baron.

Ses deux hommes considéraient sans joie les trois Dendariis.

— Ce sont mes gardes du corps, annonça Miles. Et le passé récent montre que j’en ai besoin. Votre écran de protection ne fonctionne pas toujours.

— Cela n’arrivera plus, fit Fell, lugubre.

— Quoi qu’il en soit… (En guise de concession, Miles pointa un pouce négligent vers le parc.) Mes autres amis peuvent attendre dehors.

Fell réfléchit un moment.

— Très bien, dit-il enfin.

Ils le suivirent à l’intérieur. Hawk vint à leur rencontre et les escorta à travers la clinique jusqu’à l’appartement privé de Lilly Durona.

En y pénétrant, Miles ne trouva qu’un mot pour désigner ce qui les attendait : un « tableau ». Tout et tous étaient soigneusement placés, comme sur une scène.

Mark était le centre. Il était confortablement installé dans le fauteuil de Lilly Durona, son pied droit bandé reposant sur un coussin de soie placé sur la petite table à thé. Il était encerclé de Durona. Lilly elle-même, ses longs cheveux blancs emprisonnés dans une natte qui lui ceignait le crâne comme une couronne, se tenait à la droite de Mark, adossée au haut dossier du fauteuil, souriant avec bienveillance. Hawk se posta à la gauche de Mark. Dr. Chrys, Dr. Poppy et Dr. Rose étaient admirablement disposés autour d’eux. Dr. Chrys avait un grand extincteur à ses pieds. Rowan n’était pas là. La fenêtre avait été réparée.

Au centre de la table, se trouvait une boîte froide transparente. À l’intérieur, on voyait une main coupée avec une grosse bague d’argent munie d’une pierre carrée qui ressemblait à de l’onyx.

L’apparence physique de Mark troubla Miles. Il s’était préparé à contempler les effets de tortures innommables mais le corps de Mark était entièrement caché sous une tenue grise identique à la sienne qui le couvrait de la tête aux chevilles. Seules les cicatrices et ecchymoses sur son visage et sur son pied laissaient deviner ce qu’il avait enduré ces cinq derniers jours. Mais son visage et son corps avaient incroyablement enflé. Son ventre énorme avait quelque chose de malsain. C’était bien pire encore que lors de leur dernière rencontre, cinq jours plus tôt, quand il l’avait vu dans son propre uniforme dendarii et sans commune mesure avec son double quasi identique qu’il avait essayé de secourir lors du raid quatre mois auparavant. Chez quelqu’un d’autre, le baron Fell par exemple, l’obésité ne le dérangeait nullement mais chez Mark… Miles pourrait-il un jour devenir ainsi… s’il se calmait ? Il fut pris d’une soudaine aversion pour les desserts de toutes sortes. Elli contemplait Mark avec une répugnance qu’elle ne dissimulait même pas.

Mark souriait. Une petite boîte de contrôle se trouvait sous sa main droite. Son index frôlait le bouton.

En voyant la main dans la boîte froide, le baron Fell ne put se retenir. Il se précipita vers elle en criant :

— Ah !

— Stop ! dit Mark.

Le baron s’immobilisa et le considéra.

— Oui ? fit-il, méfiant.

— L’objet qui vous intéresse tant dans cette boîte repose sur une petite grenade thermique… contrôlée (il montra la boîte de contrôle sous sa main) par ceci. Cet interrupteur est en phase avec moi : il se déclenchera si j’appuie dessus, si je meurs ou si je m’évanouis. Il y a un deuxième interrupteur entre les mains d’une autre personne qui ne se trouve pas dans cette pièce. Neutralisez-moi, assommez-moi et ça explosera. Effrayez-moi et ma main pourrait glisser. Fatiguez-moi et mon doigt pourrait se fatiguer. Et si vous m’exaspérez, je pourrais la faire sauter pour en finir tout simplement.

— Le fait que vous ayez pris de telles dispositions, dit lentement Fell, montre que vous connaissez la valeur de ce que vous détenez. Vous n’oseriez pas vous en priver. Vous bluffez.

Le baron scrutait Lilly d’un regard perçant.

— Ne me tentez pas, dit Mark, toujours souriant.

Après avoir bénéficié pendant cinq jours de l’hospitalité de votre demi-frère, je suis vraiment de très mauvaise humeur. Ce qui se trouve dans cette boîte a de la valeur pour vous. Pas pour moi. Cependant (il reprit son souffle), vous possédez certaines choses qui ont de la valeur à mes yeux. Baron, faisons un marché.

Fell se suça la lèvre inférieure, son regard fouillant celui de Mark.

— Je vous écoute, dit-il finalement.

Mark hocha la tête. Deux Durona se précipitèrent pour offrir une chaise au baron et à Miles. Les gardes du corps se disséminèrent dans la pièce. Les hommes de Fell semblaient en proie à une intense réflexion, considérant alternativement la boîte et leur maître. Les Dendariis se contentaient de les surveiller. Fell s’installa et attendit, l’air très officiel.

— Du thé ? s’enquit Lilly.

— Merci, fit le baron.

Les deux enfants Durona s’esquivèrent sur un signe de leur grand-mère. Le rituel avait commencé. Miles s’assit en serrant les dents. Il n’avait aucune idée de ce qui était en train de se dérouler. C’était clairement à Mark de jouer. Mais il n’était pas certain que Mark fût sain d’esprit actuellement. Intelligent, oui. Sain d’esprit, non. À en juger d’après la tête du baron Fell, lui aussi était parvenu à la même conclusion.

Les deux concurrents attendirent en silence que le thé arrive. Ils mettaient ce délai à profit pour se jauger, se mesurer. Le garçon apporta un plateau qu’il posa à côté de la boîte au contenu grotesque. La fille servit deux tasses – en porcelaine du Japon, les plus belles de Lilly – pour Mark et le baron et offrit des gâteaux secs.

— Non, merci, fit Mark d’un air dégoûté quand elle les lui présenta.

Le baron en prit deux qu’il becqueta. Mark souleva sa tasse de la main gauche mais il tremblait trop. Il dut la reposer violemment sur la sous-tasse placée sur le bras de son fauteuil pour ne pas en renverser le contenu. La fille se faufila en silence à ses côtés et leva la tasse jusqu’à ses lèvres. Il prit une gorgée et opina pour la remercier. Elle reposa la tasse mais resta à ses genoux, prête à le resservir à sa demande. Il souffre foutrement plus que ce qu’il veut nous laisser croire, se dit Miles, le ventre glacé. Le baron considéra la main gauche tremblante de Mark puis sa main droite et parut soudain extrêmement mal à l’aise.

— Baron Fell, dit Mark, je pense que vous serez d’accord avec moi si je dis que nous n’avons pas de temps à perdre. Commencerai-je ?

— Je vous en prie.

Mark montra la main coupée.

— Dans cette boîte, se trouve la clé de la maison Ryoval. Cette bague est le code d’accès à tous… les secrets de Ry Ryoval.

Un ricanement lui échappa qu’il ravala très vite et fit signe à la fille de lui donner un peu de thé. Retrouvant le contrôle de sa voix, il poursuivit :

— Tous les codes d’accès de feu le baron Ryoval sont scellés dans cette pierre. Bien… Il se trouve que la maison Ryoval possède une structure administrative particulière. Dire que le baron Ry était un taré paranoïaque serait un doux euphémisme. Mais Ryoval est mort, laissant à l’abandon ses subordonnés éparpillés dans la nature, les privant du seul chef qu’ils connaissaient. Quand la nouvelle de sa mort les atteindra, qui sait comment ils réagiront ? Vous avez déjà été témoin des résultats d’une telle réaction.

« D’ici un jour ou deux, les vautours voleront autour de la carcasse de la maison Ryoval. La loi n’existe pas par ici. Plus exactement possession ayant seule force de loi, on peut imaginer ce qui se passera. Par exemple, la maison Bharaputra partage à l’évidence un intérêt des plus marqués pour certains biens de la maison Ryoval. Je suis sûr, baron, que vous n’aurez aucun mal à penser à d’autres groupes intéressés.

Fell hocha la tête.

— Mais un homme qui posséderait tous les codes d’accès de Ryoval aujourd’hui se retrouverait dans une position considérablement avantageuse, reprit Mark. Surtout s’il se trouve à la tête d’une armée efficace. Débarrassé de la tâche fastidieuse de briser tous les codes d’accès de Ryoval un par un, il pourrait s’installer immédiatement à la tête de la maison. Ajoutons à cela un lien de famille qui lui conférerait une vague légitimité, j’en déduis que la plupart de ses concurrents renonceraient à une coûteuse confrontation par la force avec lui.

— La bague de mon demi-frère ne vous appartient pas, dit froidement Fell. Vous n’avez aucun droit de la vendre.

— Au contraire, elle m’appartient, dit Mark. Je l’ai gagnée. Je la contrôle. Et… (Il se lécha les lèvres, la fille leva à nouveau la tasse.) J’ai payé pour l’avoir. Vous ne vous verriez pas offrir cette exclusivité – c’est encore une exclusivité – sans moi.

Le baron n’eut d’autre choix que de concéder du bout des lèvres :

— Continuez.

— À combien estimerez-vous la valeur du Groupe Durona comparée à celle de la maison Ryoval ? Proportionnellement.

Le baron fronça les sourcils.

— Un-vingtième. Un-trentième peut-être. La maison Ryoval possède des terres, des biens immobiliers. La propriété intellectuelle est bien plus difficile à estimer. Ils se sont spécialisés dans des recherches biologiques très différentes.

— Oublions, ou plutôt mettons de côté les biens immobiliers. La maison Ryoval est sans conteste bien plus riche. Des laboratoires, des techs, des esclaves. Des listes de clients. Des chirurgiens. Des généticiens.

— J’en conviens.

— Bien. Voici le marché. Je vous donne la maison Ryoval en échange du Groupe Durona plus un dédommagement financier correspondant à dix pour cent de la valeur de la maison Ryoval.

— Dix pour cent : la commission d’un agent, dit Fell en regardant Lilly.

Celle-ci, souriante, ne dit rien.

— Une faible commission, acquiesça Mark. Deux fois moins importante que la normale. Vous perdriez beaucoup plus sans la bague.

— Et que feriez-vous de toutes ces dames, Mark, si vous les aviez ?

— Nous avons notre idée.

Par ce nous, il incluait les Durona. Fell fit comme s’il ne l’avait pas compris.

— Envisageriez-vous de vous lancer sur ce marché ? De devenir le baron Mark ?

Miles se pétrifia, terrorisé par cette nouvelle alternative.

— Non, soupira Mark. Je n’envisage que de rentrer chez moi, baron. C’est tout ce dont j’ai besoin. J’abandonnerai le Groupe Durona… à lui-même. Et vous les laisserez partir, libres, sans crainte et sans poursuite là où ils le désirent. Escobar, n’est-ce pas, Lilly ?

Il se tourna vers Lilly qui le regarda en souriant avant de hocher à peine la tête.

— C’est plus que bizarre, murmura le baron. Je pense que vous êtes fou.

— O baron… vous n’imaginez pas à quel point.

Mark émit un étrange gloussement. S’il jouait la comédie, Miles se dit qu’il n’avait jamais vu meilleur acteur, bien meilleur que lui-même dans ses pires délires.

Le baron s’enfonça dans son siège et croisa les bras. Quand il réfléchissait, la graisse qui boursouflait son visage se transformait en pierre. Allait-il tenter un coup de force ? Frénétiquement, Miles se mit à calculer les options militaires qui s’offraient à eux. Les Dendariis au sol, la SecImp en orbite, Mark et lui-même en situation très risquée. La flamme qui explosait soudain du museau de l’arme… Ô Seigneur, quel gâchis…

— Dix pour cent, dit enfin le baron, moins la valeur du Groupe Durona.

— Qui chiffrera la valeur de cette propriété intellectuelle, baron ?

— Moi. Ils devront évacuer les lieux sur-le-champ. Et tout laisser : leurs biens, leurs notes, leurs dossiers et toutes les expériences actuellement en cours devront être abandonnés intacts.

Mark leva les yeux vers Lilly qui se pencha pour lui murmurer quelques mots à l’oreille.

— Le Groupe Durona, annonça-t-il un instant plus tard, devra avoir le droit de dupliquer les dossiers techniques. Et celui d’emporter les effets personnels comme les vêtements ou les livres.

Le baron contempla pensivement le plafond.

— Ils peuvent emporter… ce que chacun peut porter seul et sans aide. Rien de plus. Ils ne peuvent pas dupliquer les dossiers techniques. Et leurs avoirs bancaires restent, comme ils l’ont toujours été, miens.

Les sourcils de Lilly tombèrent. Une autre conférence chuchotée avec Mark eut lieu derrière sa main. Il balaya une objection, pointant le doigt vers le ciel. Elle finit par acquiescer.

— Baron Fell (Mark respira profondément), marché conclu.

— Marché conclu, confirma Fell en l’observant avec un mince sourire.

— Dans ce cas, annonça Mark.

Il retourna la petite boîte et actionna un bouton qui se trouvait dessous, désactivant le système de mise à feu. Se laissant ensuite aller dans son fauteuil, il secoua faiblement sa main qui tremblait.

Fell s’étira, essayant lui aussi de chasser la tension qui l’habitait. Les gardes se détendirent. Miles faillit s’effondrer sur place. Mazette, qu’avons-nous fait ? Obéissant aux directives muettes de Lilly, les Durona s’éparpillèrent à toute allure.

— C’était très amusant de faire des affaires avec vous, Mark. (Fell se leva.) J’ignore quel est l’endroit que vous appelez chez vous mais si vous cherchez du travail un jour, revenez me voir. Je pourrais utiliser un agent comme vous dans mes affaires galactiques. Votre à-propos est… vicieusement élégant.

— Merci, baron, dit Mark. Je n’oublierai pas cette proposition, au cas où certaines de mes autres options échoueraient.

— Votre frère aussi, ajouta Fell après coup. À condition qu’il guérisse complètement, bien sûr. Mes troupes ont besoin d’un chef plus actif.

Miles s’éclaircit la gorge.

— Les besoins de la maison Fell sont principalement défensifs. Je préfère les missions des Dendariis, elles sont d’un type plus offensif.

— Il se pourrait bien que nous passions à l’offensive bientôt, dit Fell, le regard soudain perdu au loin.

— Vous songez à conquérir le monde ? s’enquit Miles.

L’empire Fell ?

— L’acquisition de la maison Ryoval mettra la maison Fell dans une position intéressante, fit Fell. Pour quatre ou cinq années de règne, cela ne vaudrait guère la peine de se lancer dans une politique d’expansion illimitée et de faire face à l’opposition ainsi provoquée. Mais si l’on avait encore par exemple cinquante ans de vie devant soi, on pourrait offrir un travail absorbant à un militaire capable…

Fell haussa un sourcil inquisiteur vers Miles.

— Non merci.

Et je vous souhaite de bien vous amuser.

Les yeux mi-clos, Mark adressa à Miles un regard amusé.

Mark avait trouvé une extraordinaire solution, songea Miles. Quel Contrat ! Un Jacksonien pouvait-il défier toute son éducation et rejoindre l’armée des anges ? Pouvait-il devenir un rebelle en devenant incorruptible ? Il le semblait bien. Mon frère est plus jacksonien qu’il se l’imagine. Un Jacksonien renégat. L’esprit plus fort que la matière…

Au geste de Fell, un de ses gardes du corps s’empara avec précaution de la boîte. Fell se tourna vers Lilly.

— Eh bien, ma vieille sœur. Tu as eu une vie intéressante.

— Elle n’est pas terminée, sourit Lilly.

— Pas encore.

— Il m’en reste largement assez, mon avide petit garçon. Nous voici donc au bout de la route. C’est la fin de notre pacte de sang. Qui aurait pu imaginer cela quand nous pataugions dans les égouts de Ryoval pour nous enfuir ?

— Pas moi, dit Fell. (Ils s’embrassèrent.) Au revoir, Lilly.

— Au revoir, Georish.

Fell se tourna vers Mark.

— Un Contrat est un Contrat et ma maison le respectera. Cela vaut aussi pour moi. Au nom du passé. (Il tendit une main épaisse.) Puis-je vous serrer la main, monsieur ?

Mark parut stupéfait et méfiant mais Lilly hocha la tête. Il laissa sa main se faire avaler par celle de Fell.

— Merci, dit Georish Stauber, sincère.

Un coup de menton vers ses hommes puis il disparut avec eux dans le tube.


— Croyez-vous que ce Contrat tiendra ? demanda Mark à Lilly d’une petite voix inquiète.

— Le temps suffisant. Pendant les prochains jours, Georish sera trop occupé à s’amuser et à comprendre sa nouvelle acquisition. Il va s’y consacrer entièrement. Après cela, il sera trop tard. Il aura des regrets, bien sûr… plus tard. Mais il n’y aura ni traque ni vengeance. Cela nous suffit. Il ne nous faut rien de plus.

Elle lui caressa affectueusement les cheveux.

— Maintenant, reprit-elle, reposez-vous. Et reprenez du thé. Nous allons être très occupés pendant un moment. (Elle se tourna vers les jeunes Durona.) Robin ! Violet ! Venez ici vite…

Elle les poussa vers une autre pièce.

Mark se tassa, visiblement très fatigué. Il grimaça en apercevant sa tasse de thé. Il la cueillit de la main droite et la fit pensivement tourner avant d’avaler une gorgée.

Elli toucha le casque de sa demi-armure, écouta et éclata soudain d’un rire féroce.

— Le commandeur de la SecImp à la station Hargraves-Dyne est en ligne. Il nous annonce que les renforts sont arrivés et voudrait savoir où les envoyer.

Miles et Mark se regardèrent. Miles ignorait à quoi songeait son frère mais toutes les réponses qui lui venaient étaient violemment obscènes.

— À la maison, dit enfin Mark. Et ils peuvent nous offrir le passage tant qu’ils y sont.

— Je dois d’abord retrouver la flotte dendarii, fit vivement Miles. Ah… Où est-elle, Elli ?

— Quelque part entre Illyrica et Escobar mais vous, monsieur, n’irez nulle part tant que les médecins de la SecImp ne vous autoriseront pas à reprendre du service actif, dit-elle fermement. La flotte va bien. Pas toi. Illyan m’arrachera les yeux si je te laisse aller ailleurs que chez toi maintenant. Et puis, il y a ton père.

— Quoi, mon père ? s’enquit Miles.

Elena avait, elle aussi, commencé à dire quelque chose… une terreur immonde s’insinua en lui.

— Il a fait un grave accident coronarien pendant que j’étais avec lui, annonça Mark. Quand je suis parti, ils l’avaient cloué au lit à l’HôpImp dans l’attente d’une transplantation cardiaque. Ils ont dû la faire maintenant.

— Tu étais là-bas ? (Que lui as-tu fait ? Miles avait l’impression qu’on venait de lui retrousser les intestins.) Il faut que je rentre !

— C’est ce que je viens de dire, fit Mark avec lassitude. Pourquoi crois-tu qu’on a tous rappliqué ici sinon pour te ramener à la maison ? Ce n’était pas pour passer des vacances gratuites dans le centre de cure de Ry Ryoval, crois-moi. Mère pense que je suis le prochain héritier des Vorkosigan. Je dois pouvoir me débrouiller avec Barrayar mais je ne pourrais sûrement pas me débrouiller avec ça.

C’était beaucoup trop, beaucoup trop vite. Miles s’assit pour essayer de se calmer avant de déclencher une nouvelle crise de convulsions. C’était exactement le genre de pépin physique qui lui vaudrait une interdiction médicale de reprendre son service. Il avait jusqu’ici cru que ses crises ne dureraient pas… seulement le temps de sa convalescence. Et si elles ne disparaissaient pas ? Ô Seigneur…

— Je vais prêter mon navire à Lilly, dit Mark, puisque le baron Fell les a si opportunément dépouillés de tout leur argent : ils ne peuvent pas s’offrir trente-six billets pour Escobar.

— Quel navire ? demanda Miles.

Pas un des miens… !

— Celui que Mère m’a donné. Lilly devrait pouvoir le revendre à Escobar avec un joli profit. Après avoir remboursé Mère, racheté les hypothèques sur Vorkosigan Surleau, il me restera encore pas mal d’argent de poche. J’aimerais bien avoir mon propre yacht un jour mais il me faudra un bon moment avant de pouvoir l’utiliser.

Quoi ? Quoi ? Quoi ?

— Je me disais, poursuivait Mark, que les Dendariis pourraient partir avec Lilly. Lui fournir un peu de protection en échange d’un retour rapide et gratuit à la flotte. Et ça épargnerait à la SecImp le prix de quatre billets commerciaux.

Quatre ? Miles avisa Bel qui ne disait absolument rien et qui lui rendit son regard, impassible.

— Et ainsi sortir tout le monde d’ici le plus vite possible, conclut Mark, avant que quelque chose ne tourne mal.

— Amen ! marmonna Quinn.

Rowan et Elli, sur le même navire ? Sans parler de Taura. Et si elles se mettaient à comparer leurs notes ? Et si elles se querellaient ? Ou pire : si elles passaient une sorte d’alliance pour se le partager ? Moi, je prends ce Miles-là, moi celui-ci… Ce n’était pas, il pouvait le jurer, qu’il avait eu tant de femmes que ça. Comparé à Ivan, il était pratiquement un moine. C’était juste qu’il était incapable de refuser. À long terme, cette accumulation se révélait extrêmement gênante. Il avait besoin… d’une lady Vorkosigan pour en finir avec cette situation ridicule. Mais même Elli la brave refusait de se porter volontaire pour cette charge.

— Oui, dit Miles. Ça marche. On rentre. Capitaine Quinn, prenez les dispositions avec la SecImp pour Mark et moi. Sergent Taura, vous voulez bien vous mettre à la disposition de Lilly Durona ? Plus tôt nous ficherons le camp d’ici, mieux ce sera, je suis d’accord. Et euh… Bel, voulez-vous rester un moment, s’il vous plaît ?

Quinn et Taura, saisissant ce qu’on attendait d’elles, s’esquivèrent promptement. Mark… Mark avait son mot à dire, décida Miles. De toute manière, il n’osait pas lui demander de se lever. Il avait peur de ce qui risquerait d’arriver. La petite phrase sèche à propos du centre de cure de Ry Ryoval lui triturait encore les tympans.

— Assieds-toi, Bel.

Miles désigna la chaise laissée vide par le baron Fell. Cela les placerait en triangle équilatéral, Mark, Bel et lui. Bel accepta et prit place, son casque sur le ventre, la cagoule repoussée. Miles se rappela comment il l’avait pris pour une femme cinq jours plus tôt, avant de retrouver la mémoire. Auparavant, et sans doute parce que cela l’arrangeait, il avait toujours plutôt songé à Bel comme à un homme. Etrange. Un silence gêné s’installa.

Miles déglutit et le brisa.

— Je ne peux pas te rendre le commandement de l’Ariel.

— Je sais, dit Bel.

— Ce serait trop mauvais pour la discipline de la flotte.

— Je sais.

— Ce n’est pas… juste. Si tu avais été malhonnête, si tu avais fermé ta gueule, si tu avais continué à faire semblant de ne pas avoir deviné l’identité de Mark, personne n’aurait rien su.

— Je sais, dit Bel qui ajouta après réflexion : Au combat, dans l’urgence, il fallait que je reprenne mon commandement. Je ne pensais pas pouvoir laisser Mark continuer à donner les ordres. Trop dangereux.

— Pour ceux qui vous avaient suivis.

— Oui. Et… j’aurais dû le savoir, fit Bel.

— Capitaine Thorne, soupira l’amiral Naismith, je dois exiger votre démission.

— Vous l’avez, monsieur.

— Merci.

Et voilà. C’était fini. Déjà. Il repassa en revue dans son esprit les quelques images éparses qui lui restaient du raid de Mark. Il lui en manquait, il en était certain. Mais il y avait eu des morts. Trop de morts qui avaient rendu cette démission irrémédiable.

— Sais-tu ce qui est arrivé à Phillipi ? Je crois qu’elle avait une bonne chance de s’en sortir, non ?

Bel et Mark échangèrent un regard. Bel répondit.

— Ça n’a pas marché pour elle.

— Oh… Je suis navré.

— La cryoréanimation est un truc risqué, soupira Bel. On accepte les risques quand on s’engage.

Mark fronça les sourcils.

— Ça ne me paraît pas très juste. Bel perd sa carrière et moi on me laisse tranquille.

Bel contempla un long moment le corps ravagé de Mark blotti au fond du fauteuil. Il haussa lentement les sourcils.

— Que comptes-tu faire, Bel ? s’enquit Miles prudemment. Rentrer chez toi sur la Colonie Beta ? Tu en parlais souvent.

— Je ne sais pas, dit Bel. Ce n’est pas que je n’y ai pas réfléchi. Ça fait des semaines que je réfléchis. Je ne suis pas certain de pouvoir m’y intégrer désormais.

— J’ai réfléchi moi aussi, dit Miles. Il me semble que ça calmerait la parano de pas mal de gens si on ne te laissait pas te balader aux quatre coins de la galaxie avec la tête pleine d’informations secrètes à propos de Barrayar. Tu pourrais rester sur les fiches de paie d’Illyan, comme informateur… ou comme agent, pourquoi pas ?

— Je n’ai pas le talent d’Elli Quinn pour les missions infiltrées, dit Bel. J’étais un commandant de vaisseau.

— Les commandants de vaisseau se retrouvent souvent dans des endroits intéressants. Ils sont en position d’apprendre des tas de choses.

Bel pencha la tête.

— Je… vais y réfléchir sérieusement.

— J’imagine que tu n’as pas envie de traîner par ici, dans l’Ensemble de Jackson ?

Bel éclata de rire.

— Aucune chance.

— Penses-y alors, pendant le voyage jusqu’à Escobar. Quand tu auras pris ta décision, annonce-la à Quinn.

Bel acquiesça, se leva et regarda autour de lui le paisible salon de Lilly Durona.

— Je ne regrette pas vraiment, tu sais, dit-il à Mark. On a quand même réussi à tirer quatre-vingt-dix personnes de ce trou puant. On les a sauvées d’une mort certaine ou de l’esclavage. C’est pas mal pour un vieux Betan comme moi. Tu peux être sûr que je repenserai à eux quand je repenserai à tout ça.

— Merci, chuchota Mark.

Bel fixa Miles.

— Tu te souviens de notre première rencontre ?

— Oui. Je t’avais neutralisé.

— Oh que oui ! (Il contourna sa chaise, vint jusqu’à lui pour lui prendre le menton.) Reste tranquille. Ça fait des années que j’ai envie de faire ça.

Il l’embrassa, longuement et profondément. Miles songea aux apparences, à l’ambiguïté ; il pensa à la mort soudaine puis envoya ses pensées se faire foutre et rendit son baiser à Bel. Celui-ci se redressa en souriant.

Des voix flottaient dans le tube, montant vers eux.

— C’est juste là en haut, ma’ame.

Elena Bothari-Jesek apparut et balaya la pièce du regard.

— Salut, Miles, je dois parler à Mark, annonça-t-elle dans le même souffle. (Elle avait les yeux sombres et inquiets.) On peut aller quelque part ? demanda-t-elle à Mark.

— Vaudrait mieux que j’me lève pas, dit celui-ci d’une voix traînante.

— Je vois ça. Bel, Miles, sortez, s’il vous plaît, commanda-t-elle.

Perplexe, Miles se leva. Il lui adressa un regard inquisiteur. Muette, elle lui répondit de façon éloquente : Pas maintenant. Plus tard. Il haussa les épaules.

— Allons-y, Bel. On peut peut-être donner un coup de main à quelqu’un.

Il voulait retrouver Rowan. Mais il observa Elena et son frère jusqu’à ce que le tube l’avale. Elena tira une chaise et s’assit face à lui, ouvrant déjà les mains d’un air pressé. Mark semblait extrêmement lugubre.


Miles affecta Bel au Dr. Poppy et se rendit dans l’appartement de Rowan. Comme il l’espérait, elle s’y trouvait, faisant ses valises. Une autre jeune Durona était assise là. Il n’eut aucun mal à la reconnaître.

— Lilly junior ! Tu as réussi. Rowan !

Rowan se retourna, ravie, et se précipita sur lui pour l’embrasser.

— Miles ! Tu es bien Miles Naismith. Je l’ai toujours su. Tu as subi la cascade, n’est-ce pas ? Quand ?

Il s’éclaircit la gorge.

— Eh bien, ça s’est passé chez Bharaputra.

Le sourire de Rowan se figea quelque peu.

— Avant mon départ… Et tu ne m’as rien dit.

— Par souci de sécurité, se défendit-il.

— Tu n’avais pas confiance en moi.

C’est l’Ensemble de Jackson. Tu l’as dit toi-même.

— C’était surtout Vasa Luigi que je craignais.

— Bien sûr…

— Quand êtes-vous arrivées toutes les deux ?

— Je suis rentrée hier matin. Lilly est arrivée hier soir. C’était génial ! Je n’aurais jamais pensé que tu parviendrais à la faire libérer elle aussi !

— De la fuite de l’une dépendait la fuite de l’autre. Tu as réussi à t’évader, c’est ce qui a permis à-Lilly de partir à son tour. (Il adressa un sourire éclatant à Lilly junior qui les dévisageait avec curiosité.) Je n’ai rien fait. D’ailleurs, ces derniers temps, j’ai l’impression d’être condamné à ne rien faire. Mais je continue à croire qu’il vaudrait mieux que vous quittiez la planète avant que Vasa Luigi et Lotus aient compris ce qui s’est passé.

— Nous serons tous sur orbite avant la nuit. Regarde !

Elle le conduisit à la fenêtre : la petite navette dendarii avec Taura aux commandes s’élevait lourdement avec huit autres Durona à bord.

— Escobar, Miles ! s’enthousiasma Rowan. Nous allons tous sur Escobar. O Lilly, tu vas adorer la vie là-bas !

— Resterez-vous en groupe une fois là-bas ?

— Au début, oui, je pense. Jusqu’à ce que les autres se soient un peu habitués. À la mort de Lilly, nous serons indépendants. Le baron Fell a dû y songer. Cela fera moins de concurrence pour lui, à long terme. J’imagine que dès demain matin, il va installer les meilleurs spécialistes de Ryoval ici.

Miles arpenta la pièce et remarqua une petite commande à distance sur le fauteuil.

— Ah ! C’était toi qui détenais l’autre contrôle de la grenade thermique. J’aurais dû m’en douter. Donc, tu as écouté. Je me demandais si Mark bluffait.

— Mark n’a bluffé sur rien, affirma-t-elle avec force.

— Tu étais ici quand il est arrivé ?

— Oui. C’était un peu avant l’aube ce matin. Il a débarqué en titubant d’une vedette, avec des drôles de vêtements. Il voulait parler à Lilly.

Miles haussa les sourcils en s’imaginant la scène.

— Qu’ont dit les gardes à l’entrée ?

— Ils ont dit : Oui, monsieur. Il avait une aura… Je ne sais pas trop comment dire. Sauf que… je suis certaine que dans une ruelle sombre, une bande de voyous l’éviterait. Ton clone-jumeau est un formidable jeune homme.

Miles cilla.

— Lilly et Chrys l’ont emmené à la clinique sur une civière flottante et je ne l’ai plus revu après ça. Puis les ordres ont commencé à pleuvoir. (Elle observa une pause.) Alors… Tu vas retourner auprès de tes Mercenaires Dendariis ?

— Oui. Enfin… pas tout de suite.

— Tu n’es pas décidé à t’arrêter, à t’installer. Malgré tout ce qui t’est arrivé.

— Je dois dire que la vue d’une arme à projectiles me met très mal à l’aise mais j’espère ne pas avoir à abandonner les Dendariis trop longtemps. Euh… à propos, ces convulsions : tu crois qu’elles vont durer longtemps ?

— Non. Elles devraient disparaître. La cryoréanimation comporte toujours un risque. Alors… tu n’envisages pas de… prendre ta retraite. Sur Escobar, par exemple.

— On passe assez souvent sur Escobar, pour l’entretien de la flotte. Et aussi l’entretien des gens. C’est un nœud de connexion majeur dans la galaxie. Nous risquons de nous croiser à nouveau.

— Mais ce ne sera pas comme lors de notre première rencontre, fit Rowan en souriant.

— Laisse-moi te dire une chose. Si jamais j’ai encore besoin d’une cryoréanimation, je laisserai des ordres pour que ce soit toi qui t’en charges.

Il hésita. J’ai besoin d’une lady Vorkosigan pour mettre un terme à ce vagabondage… Rowan pouvait-elle être celle-là ? Trente-cinq belles-sœurs et beaux-frères constitueraient un handicap lointain s’ils restaient sur Escobar.

— Est-ce que ça te dirait de vivre et de travailler sur la planète Barrayar ? demanda-t-il avec précaution.

Son nez frémit.

— Quoi ? Ce trou perdu ?

— J’y… possède quelques intérêts. En fait, c’est là que j’ai l’intention de me retirer. C’est une très belle planète, vraiment. Et sous-peuplée. Ils encouragent, hum… les enfants. (C’était un jeu dangereux : un peu plus et il perdait sa couverture. Il révélait cette identité pour laquelle il avait tant souffert ces derniers temps.) Et puis, il y aurait beaucoup de boulot pour un médecin galactique.

— Je veux bien le croire. Mais j’ai été une esclave toute ma vie. Pourquoi choisirais-je d’être un sujet alors que je peux être une citoyenne ? (Elle grimaça un sourire et l’enlaça.) Ces cinq jours pendant lesquels nous étions enfermés chez Vasa Luigi… ce n’était pas que l’effet de l’emprisonnement ? Tu es vraiment comme ça, quand tu es toi-même ?

— Plus ou moins, admit-il.

— Commander des milliers d’hommes suffit à peine à absorber ton énergie, n’est-ce pas ?

— Oui, soupira-t-il.

— Je pense que je t’aimerai toujours, d’une certaine façon. Mais vivre à plein temps avec toi me rendrait folle. Tu es l’être le plus incroyablement dominateur que je n’aie jamais rencontré.

— Tu es censée ne pas te laisser faire. Je compte sur… (Il ne pouvait dire Elli ou pire mes femmes)… ma partenaire pour me résister. Sinon, je ne pourrais pas me détendre et être moi-même.

Exact. Une trop grande intimité avait détruit leur amour ou plutôt les illusions de Rowan. Le système barrayaran qui consistait à utiliser des intermédiaires pour arranger les mariages lui paraissait chaque jour plus judicieux. Peut-être valait-il mieux s’épouser d’abord pour ensuite essayer de mieux se connaître. Quand son épouse aurait enfin compris à qui elle avait affaire, il serait trop tard pour reculer. Il soupira, sourit et effectua une profonde révérence devant Rowan.

— Je serai très heureux de vous rendre visite sur Escobar, milady.

— J’aurai ainsi la formidable chance de vous rendre heureux, monsieur, rétorqua-t-elle du tac au tac

— Ah !

Bon sang, elle aurait pu être la seule et unique, elle se sous-estimait…

Lilly junior, assise sur le divan, observait tout cela avec une réelle fascination. Miles l’aperçut du coin de l’œil et repensa à son récit de son bref passage parmi les Dendariis.

— Mark sait-il que tu es ici, Lilly ?

— Je ne sais pas. Je suis restée avec Rowan.

— La dernière fois qu’il t’a vue, tu retournais auprès de Vasa Luigi. Je… crois qu’il aimerait savoir que tu as changé d’avis.

— Il a essayé de me convaincre de rester sur le navire. Il ne parlait pas aussi bien que vous.

— C’est grâce à lui que tout ceci est arrivé. C’est lui qui t’a offert ton billet pour sortir d’ici. (Et Miles n’avait pas trop envie de penser au prix de ce billet.) Je n’ai fait que le suivre. Viens. Au moins pour lui dire bonjour, au revoir et merci. Ça ne te coûtera rien et je pense que ça peut être très important pour lui.

À regret, elle se leva et l’autorisa à l’emmener dehors. Rowan hocha la tête en signe d’approbation et retourna à ses valises.

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