Élève de Bokonon

— Je crois comprendre, dis-je au mosaïste, que vous êtes Philip Castle, le fils de Julian Castle.

— J’ai ce bonheur.

— Je suis venu pour voir votre père.

— Vous êtes représentant en aspirine ?

— Non.

— Dommage. Mon père en manque. Pas de drogues miracles non plus ? Mon père aime bien faire un miracle de temps à autre.

— Je ne vends pas de drogues. Je suis écrivain.

— Qu’est-ce qui vous fait croire qu’un écrivain ne vend pas de drogues ?

— Touché. Je plaide coupable.

— Mon père a besoin d’une certaine sorte de livres, des livres qu’on pourrait lire à ceux qui meurent ou qui souffrent atrocement. J’imagine que vous n’avez rien écrit de la sorte, si ?

— Non, pas encore.

— Il y a de l’argent là-dedans, je crois. Je vous passe l’idée. Elle est précieuse.

— Je pourrais peut-être remanier le Psaume XXIII, le tripatouiller un petit peu pour qu’on ne se rende pas compte qu’il n’est pas de moi.

— Bokonon s’y est essayé, me dit-il. Il a trouvé qu’il ne pouvait pas y changer un mot.

— Vous le connaissez aussi ?

— J’ai ce bonheur. Il a été mon précepteur quand j’étais petit. (Il fit un geste sentimental vers la mosaïque.) Celui de Mona aussi.

— C’était un bon professeur ?

— Mona et moi savons lire, écrire et faire des opérations simples, dit Castle. Si c’est ça que vous voulez dire.

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