San Lorenzo, appris-je par le supplément du Sunday Times, était une île de 80 km de long sur 32 de large. Population : 450 000 âmes, «… toutes ardemment attachées aux idéaux du Monde Libre ».
Le point culminant de l’île, le mont McCabe, dominait de 3 355 mètres le niveau de la mer. Capitale : Bolivar, «… une cité étonnamment moderne, bâtie sur un port capable d’abriter toute la flotte des États-Unis ». Principales exportations : sucre, café, bananes, indigo et objets d’artisanat local.
« Et les fervents de la pêche sportive reconnaissent en San Lorenzo la capitale mondiale du barracuda. »
Je me demandai comment Franklin Hoenikker, qui n’avait même pas terminé ses études secondaires, s’était débrouillé pour décrocher une telle sinécure. Je trouvai une réponse partielle à cette question dans un article sur San Lorenzo signé « Papa » Monzano.
« Papa » disait de Frank qu’il était l’architecte du « Plan directeur de San Lorenzo », lequel prévoyait de nouvelles routes, l’électrification des campagnes, la création d’usines d’assainissement des ordures, d’hôtels, d’hôpitaux, de cliniques, de chemins de fer – bref, tout. Et bien que l’article fût court et taillé au plus juste par le rédacteur en chef, « Papa » y faisait tout de même cinq fois allusion à Frank comme à «… la chair de la chair du Dr Felix Hoenikker ».
Cette phrase puait le cannibalisme. Bien évidemment, pour « Papa », Frank était un morceau de la chair magique du grand savant.