Bokonon, m’apprit le livre de Castle, était né en 1891. C’était un Noir. Il était né épiscopalien et sujet britannique dans l’île de Tobago.
Il avait reçu au baptême le nom de Lionel Boyd Johnson.
Il était le benjamin d’une riche famille de six enfants. La fortune familiale provenait de la découverte par le grand-père de Bokonon de deux cent cinquante mille dollars sous la forme d’un trésor enterré par un pirate, probablement Edward Teach, dit Barbe-Noire.
La famille de Bokonon investit ce trésor dans l’asphalte, le coprah, le cacao, le bétail et la volaille.
Le jeune Lionel Boyd Johnson fréquenta les écoles épiscopaliennes, étudia avec zèle et s’intéressa singulièrement au rituel. Adolescent, en dépit de son intérêt pour les traquenards extérieurs de la religion, il semble avoir été un fêtard, car il nous invite à chanter avec lui dans son « Quatorzième Calypso » :
Je fus un joyeux drille
Je fus un libertin
J’ai bu, couru les filles
Comme saint Augustin
Lui, saint Augustin,
Il est devenu saint
Et si la sainteté un jour m’est dévolue
Ma mère, écoutez-moi : n’ayez pas la berlue.