16. RAMA, RAMA, À LA ROBE DE FEU…

La prise de contact à proximité du sas d’entrée de Rama s’effectua en douceur et sans incident. Fort du précédent créé par le commandant Norton soixante-dix ans plus tôt, le général Borzov ordonna à Yamanaka et Turgenyev de poser leurs appareils jumelés à la bordure d’une aire circulaire de cent mètres de diamètre centrée sur l’axe de rotation du cylindre géant. Un ensemble de pylônes bas retint l’engin des Terriens malgré la légère force centrifuge due aux révolutions de Rama. Dix minutes plus tard de solides filins ancraient le module Newton à sa cible.

Comme prévu, ce grand disque constituait la paroi extérieure du sas de Rama. Wakefield et Tabori enfilèrent leurs scaphandres et partirent à la recherche d’un volant encastré dans la coque. Ils trouvèrent la commande manuelle à l’endroit annoncé et elle tourna sans opposer de résistance pour révéler une ouverture dans le vaisseau géant. Ils n’avaient jusqu’alors constaté aucune différence entre Rama II et son prédécesseur et ils passèrent au stade suivant de leurs opérations.

Quatre heures plus tard, après d’innombrables aller et retour dans les cinq cents mètres de coursives et de tunnels qui reliaient le sas à la paroi interne de l’engin extraterrestre, ils avaient ouvert les trois écoutilles circulaires et installé le système de transport qui permettrait de transférer hommes et matériel à l’intérieur de Rama. Les techniciens terriens avaient conçu la navette afin qu’elle pût glisser le long des sillons parallèles que les Raméens avaient autrefois aménagés dans les parois de ces passages.

Après un déjeuner rapide, Yamanaka alla rejoindre Wakefield et Tabori pour assembler le relais de communication Alpha à l’extrémité interne des tunnels. L’orientation des antennes avait été calculée avec soin pour permettre des liaisons dans les deux sens entre le secteur des escaliers et toute la moitié nord de la Plaine centrale, à condition que le deuxième Rama fût identique au premier. Il était prévu de mettre en place un autre réémetteur, la station Bêta, sur les berges de la mer Cylindrique. Ces deux relais assureraient la couverture de l’Hémicylindre nord jusqu’à l’île de New York.

Brown et Takagishi gagnèrent le centre de contrôle dès qu’Alpha fut opérationnel. Le compte à rebours de l’envoi des drones chargés des opérations de reconnaissance intérieures se poursuivait. Ce fut avec nervosité et fébrilité que Takagishi testa l’engin qu’il devrait diriger mais Brown effectua ses préparatifs avec une décontraction évidente. Francesca Sabatini vint s’asseoir en face de la batterie de moniteurs pour choisir les vues qui seraient retransmises en direct vers la Terre.

Le général Borzov les tenait informés de la progression de l’opération. Il fit une pause théâtrale avant de donner l’ordre de lâcher les deux drones. Ils s’envolèrent dans les ténèbres béantes de Rama. Quelques secondes plus tard l’écran principal du centre de contrôle où devaient apparaître les images envoyées par l’engin que guidait David Brown s’illumina en même temps que la première fusée éclairante. Quand la luminosité perdit de son intensité, les contours d’une vue prise au grand-angulaire s’y matérialisèrent. Il s’agissait d’une représentation composite de l’Hémicylindre nord englobant la totalité de ce territoire, de l’extrémité concave par où ils étaient entrés jusqu’au centre de ce monde artificiel et à la mer Cylindrique. Ce qu’ils virent leur coupa le souffle. Lire des descriptions de Rama et effectuer des exercices d’entraînement dans sa réplique étaient une chose, se trouver amarrés à ce vaisseau géant et découvrir son intérieur en direct était autrement impressionnant.

Que cette vision fût familière n’ôtait presque rien à leur émerveillement. À l’extrémité de la cuvette dans laquelle débouchaient les tunnels des successions de terrasses et de rampes s’ouvraient en éventail jusqu’à la paroi interne du cylindre tournoyant. Trois échelles qui ressemblaient à des voies de chemin de fer divisaient ce bol en sections égales avant de céder la place à des escaliers démesurés de plus de trente mille marches. L’ensemble évoquait trois baleines de parapluie régulièrement espacées et permettait de grimper (ou de descendre) du fond du cratère à l’immense Plaine centrale qui s’enroulait sur la paroi interne du cylindre.

La moitié nord de la Plaine centrale emplissait presque entièrement l’écran. Cette vaste étendue était rompue par des champs rectangulaires de dimensions variables, sauf à proximité des « villes ». Les trois cités visibles – des ensembles de hauts parallélépipèdes évocateurs des immeubles construits par les hommes et reliés par des sortes de routes – furent immédiatement reconnues par les cosmonautes. Les premiers explorateurs les avaient baptisées Paris, Rome et Londres. Les sillons rectilignes visibles dans la Plaine centrale leur étaient également familiers : trois tranchées de dix kilomètres de long sur une centaine de mètres de large, régulièrement espacées sur le pourtour de Rama. Lors de la première visite d’un vaisseau raméen, ces vallées artificielles avaient diffusé une clarté suffisante pour illuminer tout ce monde miniature peu après le dégel de la mer Cylindrique.

Cet étrange plan d’eau formait un anneau démesuré au fond de l’image. Ses flots étaient gelés, comme prévu, et en leur centre émergeait l’île mystérieuse couverte de gratte-ciel que ses découvreurs avaient appelée New York. Les tours qui s’y dressaient semblaient inviter les Terriens à aller les visiter.

Tous restèrent muets près d’une minute, puis le Dr David Brown s’exclama :

— C’est le même Rama ! Vous voyez, bande d’incrédules, il est absolument identique au premier.

Francesca braqua sur lui son caméscope. Les autres restaient sans voix, frappés de stupeur par ce qu’ils avaient sous les yeux.

Le drone de Takagishi transmettait des vues prises au téléobjectif à l’aplomb du tunnel. Elles apparaissaient sur les écrans latéraux du centre de contrôle et leur permettraient de s’assurer qu’il n’était pas nécessaire d’apporter des modifications au projet d’installation des infrastructures de télécommunications et de transport. Lors de cette phase de leur mission, leur « travail » consisterait à comparer les milliers d’images prises par ces drones à celles de Rama I. Les juxtapositions se feraient en mode digital (et donc sans intervention humaine), mais seuls des hommes pourraient interpréter les éventuelles différences. Même si les deux vaisseaux étaient identiques, les écarts de luminosité créeraient des divergences artificielles.

Deux heures plus tard, le dernier drone regagna le relais. La première reconnaissance photographique de Rama II était terminée. Il n’existait aucune dissimilitude de structure majeure entre les deux vaisseaux extraterrestres. Le seul secteur où l’on relevait des variations était celui de la mer Cylindrique, mais tous savaient qu’aucun algorithme de comparaison digitale ne corrigeait de façon satisfaisante la réverbération de la glace. La journée avait été longue et passionnante. Borzov annonça que les affectations de sortie seraient affichées dans une heure et qu’on servirait peu après un « repas spécial » dans le centre de contrôle.


* * *

— Vous ne pouvez pas faire une chose pareille ! s’emporta David Brown.

Il avait fait irruption dans le bureau du commandant sans se donner la peine de frapper et il brandissait un listing sous son nez.

— De quoi parlez-vous donc ? demanda le général Borzov, irrité par ses façons cavalières.

— Il doit y avoir une erreur, continua Brown d’une voix forte. Vous ne pensez tout de même pas que je vais rester à bord de Newton pendant la première sortie ?

Le militaire s’abstint de répondre et le scientifique américain changea de tactique.

— Je tiens à préciser que je conteste cette décision et que les responsables de l’A.S.I. ne l’apprécieront pas plus que moi.

Borzov se leva et dit calmement :

— Fermez la porte, docteur Brown. L’homme fit claquer le panneau coulissant.

— Maintenant, vous allez m’écouter. Je me fiche que vous ayez ou non des relations. Je suis le commandant de cette expédition et si vous continuez de vous comporter comme une prima donna je veillerai à ce que vous ne mettiez jamais les pieds dans Rama.

Brown baissa la voix.

— J’ai le droit de réclamer une explication. Je suis le plus âgé des scientifiques et notre porte-parole auprès des médias. Il est inadmissible que je sois consigné à bord pendant que neuf autres cosmonautes pénètrent dans Rama.

— Je n’ai pas à justifier mes décisions, répliqua Borzov qui tirait visiblement plaisir du pouvoir qu’il détenait sur cet Américain arrogant. Mais pour votre gouverne, je vais vous dire pourquoi vous ne débarquerez pas. Cette première visite a deux objectifs : mettre en place les moyens de télécommunications et de transport et compléter la reconnaissance visuelle afin d’établir si ce vaisseau est en tout point semblable au premier…

— Les drones l’ont déjà confirmé, intervint Brown.

— Pas selon le Dr Takagishi. Il dit que…

— Bordel, mon collègue ne s’estimera satisfait qu’après avoir comparé le moindre centimètre carré de cet appareil à celui correspondant de Rama I. Vous avez vu les images et ne pouvez encore douter que…

Il s’interrompit au milieu de sa phrase. Borzov tambourinait sur son bureau du bout des doigts et le foudroyait du regard.

— Me laisserez-vous terminer ? lui demanda le militaire. Quoi que vous en pensiez, le Dr Takagishi est considéré comme le plus grand expert actuel de Rama. Vous ne pouvez prétendre que vous connaissez cet appareil aussi bien que lui. Les cinq cadets de l’espace devront installer notre infrastructure. Les journalistes les accompagneront, non seulement parce qu’ils ont des tâches bien précises à effectuer mais aussi parce que l’attention du monde entier est braquée sur nous. Finalement, il est indispensable que je pénètre au moins une fois dans Rama pour pouvoir tenir mon rôle de commandant de cette mission, et j’ai décidé de le faire dès maintenant. Nos instructions précisent qu’un minimum de trois membres de l’équipe doivent rester à bord lors des premières sorties et il n’est pas nécessaire d’être…

— Vous ne m’abusez pas, s’emporta David Brown. J’ai compris quel est votre but. Vous cherchez une excuse pour dissimuler la raison de mon exclusion. Vous êtes jaloux, Borzov. Vous ne pouvez supporter que bien des gens voient en moi le véritable chef de cette expédition.

Le militaire le fixa longuement, sans rien dire.

— Vous savez, Brown, déclara-t-il finalement, vous me faites pitié. Vous avez du talent, mais bien moins que vous ne le croyez. Si vous n’étiez pas…

Cette fois, ce fut Borzov qui ne termina pas sa phrase.

— Au fait, car je sais que vous allez vous enfermer dans votre cabine pour vous plaindre auprès de l’A.S.I, je précise que notre officier des Sciences de la vie a déconseillé de vous envoyer en mission avec Wilson… en raison de votre antagonisme.

Brown ferma les yeux à demi.

— Seriez-vous en train de me dire que Nicole Desjardins a fait un rapport sur nous ?

Borzov le confirma de la tête.

— La salope, marmonna Brown.

— Il faut toujours que ce soit la faute de quelqu’un d’autre, pas vrai ? commenta le militaire en souriant.

David Brown fit demi-tour et sortit à grands pas.

Le général Borzov décida de faire ouvrir quelques bouteilles de bon vin à l’occasion de ce banquet. Il était d’excellente humeur. La suggestion de Francesca semblait bonne. Il régnait une atmosphère de franche camaraderie entre les cosmonautes qui réunissaient les petites tables et les arrimaient au sol du centre de contrôle.

Le Dr David Brown ne vint pas les rejoindre. Il demeura dans sa cabine pendant que ses compagnons dégustaient du gibier accompagné de riz sauvage. Francesca déclara avec gêne que Brown se « sentait patraque » et quand Janos Tabori se porta volontaire pour aller prendre de ses nouvelles elle se hâta de préciser qu’il souhaitait plus que tout rester seul. Janos et Richard Wakefield avaient bu de nombreux verres et plaisantaient avec elle à un bout de la table pendant qu’à l’autre extrémité Reggie Wilson et le général O’Toole étaient plongés dans une discussion animée ayant pour thème la prochaine saison de baseball. Assise entre Borzov et Heilmann, Nicole écoutait ces deux hommes parler de ce qu’ils avaient fait au sein des forces de maintien de la paix pendant l’après-Chaos.

À la fin du repas, Francesca les pria de l’excuser et s’éclipsa avec le Dr Takagishi. À son retour, elle leur demanda de tourner leurs sièges vers le moniteur principal, éteignit la pièce et fit apparaître un cliché de Rama sur l’écran géant. Mais il ne s’agissait plus d’un cylindre gris terne. Coloré en D.A.O., il était à présent noir et strié de bandes dorées, et son extrémité évoquait une face. Tous se turent et elle récita :

Tigre, tigre, à la robe de feu,

Dans les grands bois ténébreux,

Quelle main ou quel œil immortel,

Pourrait donc reproduire ta symétrie cruelle ?

Un frisson remonta la colonne vertébrale de Nicole Desjardins quand la journaliste entama le quatrain suivant.

Dans quels abysses ou dans quels deux,

Se consume le feu de tes yeux…

Voilà la question, pensa Nicole. Qui a construit ce vaisseau spatial gigantesque ? C’est plus important pour nous que de savoir pourquoi.

Par quelle chaîne ?

Par quel marteau ?

Dans quel brasier fut forgé ton cerveau ?

Sur quelle enclume ?

Quelle main sans peur

Oserait se saisir de pareilles terreurs ?…

À l’autre bout de la table le général O’Toole semblait hypnotisé. Son esprit se colletait une fois de plus aux interrogations qui le tourmentaient depuis qu’il s’était porté volontaire pour cette mission. Dieu, demandait-il, quelle place occupent les Raméens dans Ton univers ? Les as-tu créés avant les hommes ? Sont-ils nos lointains cousins ? Pourquoi les as-Tu envoyés vers nous ?

Quand les étoiles dardent leurs épieux

Et de leurs larmes inondent les cieux,

Sourit-Il en contemplant Son œuvre,

Celui qui fit l’Agneau te créa-t-Il aussi ?

À la fin du court poème il y eut un bref silence puis des applaudissements spontanés. Francesca précisa que le Dr Takagishi s’était chargé du traitement de l’image et le Japonais s’inclina avec embarras devant l’assistance. Janos Tabori se leva.

— Je pense m’exprimer au nom de tous, Shig et Francesca, en vous félicitant pour ce spectacle émouvant qui donne matière à réflexion. C’est désormais avec une certaine gravité que je pense à ce que nous effectuerons demain.

Borzov se leva à son tour.

— À ce propos, le moment est venu de sacrifier à une vieille tradition russe : porter des toasts. Je n’ai emporté que deux bouteilles de ce trésor national qu’est la vodka mais je souhaite les partager avec vous, camarades et collègues, à l’occasion de cette soirée.

Il les confia au général O’Toole qui utilisa avec adresse le distributeur de boissons pour en verser dans de petites tasses closes qui furent passées autour de la table.

— Comme le sait Irina Turgenyev, continua le commandant, on trouve toujours un petit ver au fond des bouteilles de vodka ukrainienne. La légende veut que celui qui le mange jouisse de pouvoirs surnaturels pendant vingt-quatre heures. L’amiral Heilmann a tracé une croix infrarouge au fond de deux tasses. Ceux qui seront ainsi désignés par le sort pourront savourer ces vers imbibés de vodka.

— Beurk ! dit Janos en passant le scanner à Nicole après s’être assuré que le hasard ne l’avait pas favorisé. Je suis soulagé d’avoir perdu.

La tasse de Nicole avait une croix, ce qui lui donnerait droit à un ver ukrainien en guise de dessert. Puis-je refuser ? se demanda-t-elle. Elle répondit négativement à cette question en voyant l’expression du commandant. Enfin, ça ne me tuera pas. L’alcool a dû le stériliser.

Le général Borzov était l’autre gagnant. Il sourit, plaça un ver dans sa tasse et le second dans celle de Nicole, puis il leva sa vodka.

— Buvons à cette mission, déclara-t-il. Nous allons vivre au cours des jours et des semaines à venir l’aventure la plus exaltante de toute notre existence. Nous sommes les ambassadeurs de l’humanité auprès d’une culture extraterrestre. Prenons la résolution de tout faire pour représenter dignement notre espèce.

Il retira le couvercle de sa tasse et but d’un trait son contenu, avec le ver. Nicole le déglutit rapidement et se dit qu’elle n’avait jamais rien avalé d’aussi mauvaise grâce, le tubercule infect qu’elle avait dû mâcher à l’occasion de la célébration du Poro, en Côte-d’Ivoire, excepté.

Ils portèrent d’autres toasts puis le général fit un geste théâtral et annonça :

— Et maintenant, mesdames et messieurs, nous sommes fiers de vous présenter en direct de Stratford-on-Avon Richard Wakefield et ses petits acteurs pleins de talent.

La salle s’éteignit et seule une partie de la table resta éclairée. On y voyait la coupe d’un vieux château et une femme de vingt centimètres qui faisait les cent pas dans une de ses pièces. Le robot miniature lisait une lettre. Finalement, il laissa ses bras descendre le long de ses flancs et dit :

Tu es Glamis, et Cawdor ; et tu seras

Ce que l’on t’a promis. Mais je redoute ta nature :

Elle déborde bien trop du lait de la bonté humaine

Pour te permettre de suivre le plus court des chemins.

Tu cherches la grandeur…

— Je la connais, murmura Janos en se penchant vers Nicole. J’ai déjà dû la rencontrer quelque part.

— Chut ! fit Nicole.

La précision des mouvements de lady Macbeth la fascinait. Ce Wakefield est vraiment un génie, se dit-elle. Comment a-t-il pu reproduire tant de détails dans des êtres d’aussi petite taille ? Elle était sidérée par la palette d’expressions qui modifiaient les traits du robot.

Elle se concentra et la scène miniature dansa dans son esprit. Elle oublia qu’elle assistait à un spectacle. Un serviteur entra et annonça à lady Macbeth que son mari et le roi allaient arriver. Impatience et ambition parurent la transfigurer dès le départ du messager.

… Venez, venez, esprits

Qui insufflez des pensées meurtrières. Asexuez-moi

Et, de la tête aux pieds, déversez dans mon être

La plus implacable des cruautés ! Épaississez mon sang…

Mon Dieu, pensa Nicole qui cillait pour s’assurer que ses yeux ne lui jouaient pas des tours. Elle se métamorphose ! Le robot subissait une modification depuis qu’il avait prononcé les mots « Asexuez-moi ». La rondeur des seins moulant la robe de métal, le renflement des hanches et même la douceur du visage, tout cela s’effaçait. Lady Macbeth devenait une créature androgyne.

Nicole était sous le charme, dans un univers imaginaire créé par son esprit et les vapeurs de l’alcool. Les nouveaux traits du robot lui rappelaient vaguement ceux d’une de ses connaissances. Elle entendit des voix sur sa droite et se tourna vers Reggie Wilson qui était plongé dans une discussion animée avec Francesca. Nicole regarda la journaliste puis lady Macbeth. C’est cela, se dit-elle. Elles se ressemblent.

Une onde de peur, la prémonition d’une tragédie, la submergea et la terrifia. Un drame va se produire, proclamait une voix intérieure. Elle inspira à pleins poumons afin de se détendre, mais ce fut insuffisant pour chasser cette angoisse. Sur la scène miniature le roi Duncan était accueilli par sa gracieuse hôtesse. Sur sa gauche, Francesca servait du vin au général Borzov. Nicole ne pouvait surmonter sa panique.

— Que vous arrive-t-il ?

C’était Janos qui avait remarqué sa pâleur.

— Rien, fit-elle.

Elle essaya de se lever.

— Quelque chose que j’ai mangé, sans doute. Je vais regagner ma cabine.

— Mais vous allez rater le grand film, plaisanta-t-il. Elle réussit à lui adresser un sourire. Il l’aida à se redresser. Elle entendit lady Macbeth reprocher à son époux son manque de courage et une nouvelle onde de terreur l’assaillit. Elle attendit que le flux d’adrénaline se fût tari puis les pria de l’excuser et les laissa.

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