Excalibur n’était plus opérationnel depuis un demi-siècle. La décision de construire ce radar nucléaire géant mis en service en 2132 avait été prise suite à la traversée du système solaire par Rama. L’humanité comptait alors sur lui pour l’informer de l’approche d’autres visiteurs venus d’étoiles lointaines : il détecterait tout appareil aussi démesuré à des distances interstellaires… des années, espérait-on, avant que sa venue ne pût influencer le cours des affaires des hommes.
Doter la Terre d’un tel générateur d’impulsions fut décidé avant même que Rama n’eût atteint le périhélie. Quand le premier engin d’un autre monde contourna le Soleil et repartit vers les étoiles, des armées de scientifiques étudiaient déjà les informations récoltées par les membres de la seule expédition qui l’avait abordé.
Tout permettait de conclure que Rama était un appareil automatique qui ne s’intéressait aucunement à la Terre ni à ses habitants. Nulle explication aux nombreux mystères découverts par ses explorateurs ne figurait dans les rapports officiels, mais les experts pensaient connaître un des principes de base de la méthodologie raméenne. Étant donné que la plupart des systèmes et sous-systèmes de Rama avaient deux contreparties fonctionnelles, on pouvait en déduire que ces extraterrestres fabriquaient tout « par trois ». En conséquence, et comme l’ensemble du véhicule géant semblait être une machine, tout laissait supposer que deux vaisseaux identiques suivraient le premier.
Mais rien n’émergea du néant interstellaire pour se diriger vers le système solaire et les Terriens furent confrontés à des problèmes plus pressants. L’intérêt suscité par les Raméens, ou tout autre peuple qui avait créé ce cylindre long de cinquante kilomètres, décroissait au fur et à mesure que son passage acquérait un statut de fait historique. De nombreux érudits s’y intéressaient toujours, mais la plupart des hommes reportèrent leur attention sur d’autres sujets. Au début des années 2140, le monde subissait une grave crise économique. Les fonds manquaient pour assurer la maintenance d’Excalibur, dont les rares découvertes ne justifiaient pas le coût très élevé. Le grand générateur nucléaire d’impulsions fut ainsi laissé à l’abandon.
Quarante-cinq ans plus tard, trente-trois mois de travail acharné furent nécessaires pour lui rendre un statut opérationnel. La raison de cette remise en état était scientifique. Au cours des dernières années les techniques de traitement des images avaient progressé et de nouvelles méthodes d’interprétation des données apportaient plus de valeur à de telles observations. Le jour où Excalibur se remit à sonder l’espace lointain, rares étaient ceux qui attendaient encore l’arrivée d’un deuxième Rama.
Et quand un top d’écho apparut sur son moniteur, le responsable des opérations de Station Excalibur l’attribua à un algorithme laissant à désirer et ne prit même pas la peine d’en informer son superviseur. Mais cette signature radar refusait de disparaître et il finit par lui accorder un peu plus d’attention. Il avertit le chef de l’équipe scientifique, qui analysa les données et estima qu’il devait s’agir d’une comète à périodicité lente. Ce fut seulement deux mois plus tard qu’une simple stagiaire démontra que ce signal provenait d’un objet cylindrique de plus de quarante kilomètres de longueur.
En 2197 tous savaient qu’un deuxième vaisseau extraterrestre se dirigeait vers le système solaire. L’Agence Spatiale Internationale, l’A.S.L, consacra tous ses moyens à la préparation d’une mission qui intercepterait l’intrus à l’intérieur de l’orbite de Vénus fin février 2200.
L’humanité levait une fois de plus les yeux vers les étoiles et débattait des questions philosophiques soulevées par le passage du premier Rama. Alors que le nouveau visiteur poursuivait son approche et que ses caractéristiques étaient définies avec plus de précision par les batteries de détecteurs braqués vers lui, il s’avéra que ce vaisseau extraterrestre était extérieurement identique à son prédécesseur. Rama revenait. L’humanité avait un second rendez-vous avec sa destinée.