34. Révélation

C’était étrange.

Gaby connaissait les comptes rendus sur la multitude des expériences au seuil de la mort. Ceux qui l’avaient frôlée avaient vu si souvent les mêmes choses qu’elle savait plus ou moins à quoi s’en tenir. Les gens parlaient de sérénité, d’absence de souffrance, d’une paix de l’âme si douce et si réconfortante qu’ils pouvaient tranquillement prendre leurs distances pour décider s’ils voulaient vivre ou mourir. Réalité ou bien hallucination, bon nombre affirmaient également s’être dédoublés pour contempler le spectacle de leur propre corps.

Elle savait désormais de quoi ils parlaient à présent et nul mot n’aurait pu le décrire. C’était merveilleux ; et c’était étrange.

Ils la croyaient morte mais elle savait qu’elle ne l’était pas ; pas encore. Cela ne saurait tarder car elle avait cessé de respirer. Son cœur s’arrêta et elle attendit l’ultime expérience avec ce qui aurait pu passer pour de la curiosité amusée : « Je sais quel effet cela fait d’être ; quel sera celui de ne pas être ? Est-ce qu’on se dissocie, est-ce qu’on s’éteint progressivement ou bien disparaît-on purement et simplement ? Y aura-t-il des trompettes et des harpes, des flammes et du soufre, une renaissance ou bien le simple bruit de fond de l’hydrogène des espaces intergalactiques glacés ? Est-ce qu’il n’y aura rien ? Et dans ce cas, qu’est-ce que rien ? »

Son corps ne la soutenait plus. Comme il était bon de se sentir libre, de dériver dans l’espace et le temps, puis de se retourner pour contempler la scène figée derrière soi. « Ils ne devraient pas pleurer. Enfants, réjouissez-vous pour moi…»

Et là, c’était Cirocco, assise, patiente, sur son tas de pierres. Elle avait le bras en écharpe. C’était bon d’avoir une amie.

Toute la première partie de son existence, Gaby avait bien failli mourir sans en connaître et cela aurait été pis que n’importe quel enfer. « Merci, Rocky, d’avoir été mon amie…»

Cela prenait plus de temps qu’elle ne l’aurait cru. Maintenant, elle voyait le ciel et le vaste désert en dessous d’elle et elle continuait à dériver vers le haut. De plus en plus haut, à travers le toit et dans l’espace, toujours plus haut…

Jusqu’où ?

Pour la première fois, elle se mit à avoir des doutes.

Ne serait-ce pas là LA blague à l’échelle cosmique qui couronnerait le tout ? Quelle surprise pour les théologiens s’il apparaissait que la Réponse était bien…

Et si Gaïa n’était pas une notabilité ? À présent, elle ne pouvait plus l’ignorer. Quoi qu’elle fût devenue, sa destination était claire : elle se dirigeait vers le moyeu.

Elle aurait voulu savoir hurler.

Загрузка...