Prologue

Je ne peux souscrire à votre parti pris de juger Magicien, Pape et Roi à l’inverse des autres hommes, avec la présomption favorable qu’ils ne peuvent mal agir. S’il faut une présomption, elle va dans l’autre sens, contre les détenteurs du pouvoir, et s’accroît quand le pouvoir s’accroît. Le pouvoir tend à corrompre, et le pouvoir absolu corrompt absolument. Les grands hommes sont presque toujours des hommes mauvais, même quand ils exercent de l’influence et non l’autorité ; a fortiori si l’on prend en compte l’hypothèse ou la certitude que l’autorité corrompt. L’histoire le montre : les plus grands noms sont associés aux plus grands crimes.

Lord John Dalberg-Acton, The Rambler, 1885.

Xinjiang (Chine), 1887

L’éclaireur était proche.

Okubo en sentait autour de lui la présence contre nature. Les portes du fort, fracassées, gisaient devant lui. Plusieurs de ses hommes étaient partis en reconnaissance, mais il savait déjà ce qu’on lui annoncerait. Il n’y aurait aucun survivant. Le poste de garde tout proche racontait une histoire trop familière : pas de cadavres, rien que des flaques de sang qui coagulaient, des morceaux de viande inidentifiables et des lambeaux de tissu sale qui battaient au vent du désert.

Son cheval broncha, mécontent de devoir se rapprocher de l’odeur dangereuse. Les animaux sentaient l’ennemi bien avant les hommes, mais cette différence ne comptait plus. En ce lieu, même les gens sans talent magique percevaient la présence du mal. La pestilence avait envahi le désert tout entier. Ça n’allait plus tarder. Leur quête s’achèverait bientôt par une bataille qui entrerait dans la légende, du moins Okubo l’espérait-il.

« Vous semblez très concentré, cet après-midi, seigneur, dit d’un ton poli l’homme qui montait l’autre cheval.

— Vous recommencez à fouiller mon esprit, Hatori ?

— Bien sûr que non. Tenter d’écouter vos pensées serait insultant.

— Certes. » Okubo acquiesça, guère inquiet qu’un liseur lui vole ses secrets. Il avait plusieurs fois montré que pareille tentative entraînait des conséquences terribles. Un espion qing avait d’ailleurs essayé quelques jours plus tôt. Okubo, sentant l’intrusion, avait riposté si brutalement que des vaisseaux avaient cédé dans le cerveau du type, lui faisant couler le sang par les oreilles. « Insultant et parfois mortel.

— En effet. » Hatori gloussa. « Je n’ai pas besoin de magie pour savoir ce qui vous tracasse : ça se lit sur votre figure.

— Il faut que je me corrige », déclara Okubo. Un guerrier devait contrôler son image en permanence. Exprimer autre chose qu’une maîtrise sans faille était une faiblesse, et Okubo refusait absolument toute faiblesse. « Oui, Hatori, il faudrait être idiot pour ne pas s’inquiéter. Bientôt nous trouverons cet envahisseur, et l’issue de notre affrontement déterminera le sort du monde entier. Je ne crains pas la mort, mais je ne tolérerai pas l’échec. »

Il tendit ses rênes à son subordonné avant de se laisser glisser à terre avec une grâce de cavalier accompli pour s’agenouiller devant l’une des grandes taches rouges qui ponctuaient le sable. Comme il avait pris part à d’innombrables batailles, il avait une grande habitude du sang et pouvait facilement estimer depuis combien de temps il avait été versé. « Il n’a que quelques heures d’avance sur nous.

— Je le pense aussi. » Hatori, en bon criminel, avait lui aussi vu couler des flots de sang, versés par des lames furtives dans les ruelles obscures d’Edo. Hatori avait commencé comme agent de recouvrement et gorille, et, malgré cela, Okubo l’avait fait entrer dans la fraternité de l’Océan ténébreux. Okubo n’attachait pas d’importance à l’origine sociale de ses guerriers, tant qu’ils se montraient utiles, et Hatori se révélait indispensable. « L’écart se resserre. Nous gagnons du terrain. »

Il entendit ses guerriers qui ressortaient du fort. Ils étaient aussi silencieux que des spectres, mais Okubo entendait fort bien les spectres. Il ne prit pas la peine de lever les yeux. « C’est donc comme les autres fois ?

— Aucun cadavre, annonça Shiroyuki, le chef d’escouade. Comme dans tous les villages sur sa trajectoire. La garnison a disparu. Une bonne centaine de soldats. L’armurerie a été vidée des fusils et des munitions.

— D’après les empreintes à la sortie des autres villages, la créature a recruté une armée de plus de mille hommes », déclara Hatori.

Okubo secoua la tête. Hatori oubliait les femmes et les enfants. L’éclaireur ne faisait pas la différence. Il manipulait toute chair avec la même aisance.

« Lamentable », dit l’autre soldat, Saito. Comme Okubo, il avait appartenu à la caste des samouraïs. C’était un ancien officier du shogunat. Des carrés de tissu cousus à sa tenue dissimulaient les zones où il arborait jadis l’insigne de son clan. Certaines recrues de l’Océan ténébreux avaient dû accepter de lourds sacrifices pour servir les buts grandioses d’Okubo. « Des villageois recrutés en quelques jours ne font pas une armée. Je n’ai pas peur de ces paysans.

— Ce ne seront plus des paysans. » Okubo secoua la tête. Ses hommes, malgré toute leur bravoure, ne pouvaient comprendre les horreurs que lui-même avait contemplées la dernière fois qu’un de ces êtres avait débarqué sur Terre. « L’éclaireur va adapter leur chair et envahir leur esprit. Ils ne sont plus que les instruments du monstre. Ils n’auront peut-être même plus forme humaine.

— Notre seigneur a raison, dit Shiroyuki. Les traces de pas sont anormales. Les pieds nus, surtout, comme s’ils se transformaient peu à peu. Celles des premiers enrôlés évoquent des pattes d’animaux… »

Okubo leva la main pour faire taire son subordonné. « Ne révélez pas cela aux autres.

— Mais les hommes de l’Océan ténébreux ne redoutent rien ni personne ! s’exclama Saito.

— Naturellement. Je les ai choisis pour leur force exceptionnelle, et je les ai rendus plus forts encore. Inutile pourtant de les perturber avant la bataille. Hommes ou non, les esclaves de l’ennemi sont vulnérables. Rien d’autre ne compte. » Okubo ajusta son armure et remonta en selle. « Si nous nous hâtons, nous intercepterons la créature avant qu’elle n’atteigne Yining. »

Saito regarda le ciel. La nuit tomberait bientôt. « Est-il sage de se battre en pleine nuit ? »

Okubo fronça les sourcils. « Il n’est jamais sage d’affronter un dieu extraterrestre, mais notre devoir nous l’impose. »

Saito, comprenant qu’avoir critiqué une décision de son supérieur constituait un grave manquement à l’étiquette, plongea dans une courbette profonde.

Okubo respectait cette prudence mais, plus l’éclaireur engloutirait de vies, plus il gagnerait en force, surtout s’il trouvait des magiciens dont il pourrait détourner le pouvoir. Si Okubo avait réussi à vaincre la créature précédente, c’était seulement parce que l’assaut s’était produit dans une région déserte. Lui laisser plus de temps, plus de victimes et potentiellement plus de pouvoirs magiques différents, c’était risquer une catastrophe. Ses guerriers n’imaginaient pas ce qui les attendait si la créature trouvait la force d’envoyer un message à son créateur.

« Il nous faut trouver l’éclaireur avant qu’il atteigne la ville et l’arrêter à tout prix. Si nous y laissons la vie, tant pis. Les générations à venir parleront de notre mort avec révérence. »

Okubo avait déjà affronté une créature identique, pendant les décennies qu’il appelait dorénavant son « errance ».

Il avait été le premier choisi comme réceptacle du pouvoir sur la planète, et l’apparition soudaine de talents incontrôlables lui avait valu des ennuis. Renié par sa famille, dépouillé de son nom – Tokugawa –, il avait quitté son pays pour devenir Okubo, en l’honneur d’un ami qui s’était élevé contre son bannissement malgré les risques que cette prise de position lui faisait courir. Guerrier sans maître, il avait parcouru le monde, traversant d’abord l’Asie, puis l’Europe et l’Afrique et, pour finir, les lointaines Amériques ; partout, il vendait ses talents aux plus offrants des petits chefs de guerre locaux. Ces années d’errance l’avaient aidé à explorer ses étranges pouvoirs et lui avaient permis de rencontrer d’autres hommes porteurs du même fardeau. Au fil du temps, le pouvoir avait choisi de nouveaux serviteurs, et Okubo avait trouvé de plus en plus de gens comme lui, jamais tout à fait de sa force mais parfois très doués et qui, tous, lui avaient permis de progresser.

Ce fut durant l’une des guéguerres auxquelles il avait pris part qu’il avait fini par rencontrer ces créatures, aussi anormales que le pouvoir lui-même. Il avait ressenti une peur instinctive : le pouvoir redoutait l’entité adverse. Il s’agissait d’un prédateur qui traquait les humains doués de magie.

Et pourtant, quoique massive et dangereuse, la créature n’était que l’éclaireur d’un monstre bien plus terrible. Si on ne l’éliminait pas rapidement, elle préviendrait son maître que cette planète contenait de la magie. Okubo le savait, elle était venue en reconnaissance afin de baliser le chemin. Si le maître débarquait, il dévorerait tous les hommes doués de magie et le pouvoir fuirait la planète comme il avait déjà fui auparavant. L’ennemi laisserait derrière lui une Terre morte et dévastée.

La présence de cette menace fondamentale avait donné un but à Okubo l’Errant, qui devint Okubo le Chasseur. Seul et mal préparé, il avait arrêté le premier éclaireur dans les ruines d’un village perdu au milieu de l’Afrique. Il avait failli y laisser la peau mais était ressorti du combat plus aguerri, et certain que d’autres bêtes identiques allaient venir.

Cette première confrontation avait montré qu’il était le plus puissant guerrier de l’histoire humaine, mais on est plus fort en groupe : au cours de ses voyages, il avait entrepris de s’entourer d’une armée. Okubo était un chef plein de charisme, un guerrier et un sorcier sans égal. Certains l’avaient suivi par sens du devoir, d’autres pour la gloire, le pouvoir ou l’argent. Les motivations n’avaient pas d’importance. Quatre cent cinquante hommes le suivaient à présent, tous soigneusement choisis pour leur talent magique, leurs prouesses martiales et leur courage : la plupart étaient japonais comme lui, mais il ne refusait pas les barbares. Son armée privée comprenait des Chinois, quelques Occidentaux et même un jeune religieux russe. Tant qu’on se montrait utile, on était le bienvenu. Tous étaient fanatiquement dévoués à sa cause. Il avait baptisé son groupe le Genyosha : la fraternité de l’Océan ténébreux.

Depuis des semaines ils suivaient à la trace le nouvel éclaireur. Ils avaient traversé des forêts luxuriantes, des montagnes escarpées, plusieurs déserts torrides. Comme la plupart des hommes de l’Océan ténébreux étaient japonais, l’armée chinoise les avait pris pour une milice hostile et avait tenté de les arrêter à plusieurs reprises. Chaque fois, les imbéciles avaient trouvé la mort, mais ces escarmouches avaient ralenti Okubo et donné à l’éclaireur le temps de reprendre des forces : lui aussi serait plus redoutable que la fois précédente.

S’il était une certitude, c’était que le plus fort gagnait toujours.

L’armée de l’ennemi s’étendait devant lui, gangrène purulente dans le désert. Les abominations qui la constituaient, faites de chairs mutilées, déformées puis réanimées, n’avaient plus rien d’humain. Ces ignominies insultaient les cinq sens d’Okubo et jusqu’à son âme. Il sentait en lui la magie piaffer d’horreur devant la faim dévorante de l’éclaireur.

Les ordres de bataille qu’il avait transmis aux guerriers de l’Océan ténébreux tenaient en trois mots : Tuez-les tous.

À cet instant, il chargea.

La première vague s’effondra devant lui presque aussitôt ; des éclairs crépitants s’abattirent sur les rangs des ennemis, dont la peau se calcinait et les muscles étaient pris de spasmes incontrôlables. Okubo, un katana dans chaque main, décapitait les insensés qui restaient sur son passage. En général, on n’avait accès qu’à une petite zone du pouvoir, mais Okubo, et Okubo seul, arrivait d’instinct à puiser dans différentes sections. Quand il avait épuisé un type de magie, il en choisissait un autre. La seconde vague de soldats prit feu, la troisième fut gelée sur place puis réduite en miettes.

Les hommes de l’Océan ténébreux le suivaient, mais ce n’étaient que de simples mortels, incapables de garder le rythme. Leur chef ouvrait un chemin de sang dans l’armée ennemie et eux nettoyaient le chaos dans son sillage.

La quatrième vague concentrait sa magie volée dans l’espoir de résister à la colère d’Okubo. Ces pauvres esclaves étaient d’anciens actifs. Il choisit donc un nouveau nœud dans la figure géométrique complexe du pouvoir, ploya l’espace et le traversa pour réapparaître derrière l’ennemi. Une autre manipulation lui donna la force de dix hommes ; ses épées fauchaient bras et jambes comme des brins d’herbe.

La cinquième disposait d’armes à feu. Le temps ralentit quand les balles se mirent à frapper les hommes autour de lui. Le pouvoir exauça sa demande en donnant à Okubo la consistance d’un rocher. Les projectiles rebondissaient et allaient tuer les paysans monstrueux. Il attaqua, bien plus rapide que les tireurs, mais brisa l’une de ses épées sur un os de bassin. Il ramassa donc un mousquet abandonné, abattit un autre soldat inhumain puis se servit de la crosse pour en assommer quatre autres.

Sixième vague. Cet éclaireur manipulait la chair vivante sans se limiter aux êtres humains. Les animaux devant Okubo avaient sans doute été des bœufs ou des chevaux, mais à présent ils avaient la taille des terrifiants onis des contes pour enfants. Heureusement, ils n’étaient pas ignifugés.

Okubo pénétra dans l’incendie. Septième vague. Il se dématérialisa pour traverser une muraille de boucliers. Une déferlante télékinétique s’abattit sur l’ennemi et les soldats partirent à la renverse. Son autre épée était restée coincée dans le crâne d’un homme-bœuf monstrueux, et son mousquet était en mille morceaux. Il s’empara donc d’une lance pour continuer sa tâche.

Bouger. Frapper. Bondir. Planter. Parer. Encore. Le pouvoir était vivant. Il avait besoin de temps pour recouvrer ses forces, comme tout être vivant contraint à un effort violent. Okubo se rabattit donc sur ses talents propres. La lance, presque invisible, transperçait des cœurs et ouvrait des gorges. Il se faufilait entre les lames ennemies, et ses années d’entraînement lui permettaient de résister aux attaques maladroites mais brutales des marionnettes de son adversaire. Bouger. Frapper. Bondir. Planter. Parer. Encore.

Mais nul guerrier, même surentraîné, ne pouvait survivre longtemps dans une pareille tempête d’acier et de plomb. Les monstres se refermaient sur lui. Leurs assauts n’étaient pas loin de l’atteindre. Ses bras fatiguaient. Le pouvoir s’était régénéré ; Okubo puisa au fond de lui-même la magie nécessaire pour contracter l’air qui l’entourait et le faire exploser.

Il n’y avait plus d’assauts organisés, à présent, rien qu’un cercle pourpre au milieu de l’armée de l’éclaireur. Le monde était un carnage. La mort imbibait le désert. Okubo en était le roi.

« Viens à moi, couard ! » rugit-il.

L’éclaireur apparut.

Okubo le guerrier se prépara au plus grand combat de sa vie.

Agenouillé à même le roc, face au soleil levant, il était perdu dans ses pensées. Plus de la moitié de ses hommes avaient trouvé une mort glorieuse dans la bataille, et leurs cadavres jonchaient le désert pêle-mêle avec ceux des soldats de l’éclaireur. L’armure d’Okubo, désarticulée, pendouillait autant que ses vêtements en lambeaux. Il était couvert de sang mais n’en avait pas perdu une seule goutte lui-même. Les blessures qu’il avait essuyées auraient dû le tuer cinquante fois, mais le pouvoir l’avait sauvé en rendant ses tissus résistants ou, quand nécessaire, en refermant les plaies internes.

Le pouvoir avait une bonne raison de le garder en vie : il lui fallait un champion.

Il reconnut le pas de Hatori sur les cailloux. « Approchez. » Okubo n’ouvrit pas les yeux. Il sentait le soleil neuf sur sa figure tachée de rouge. Il pénétra dans les pensées du télépathe si doué ; la veille encore, il était incapable de cet exploit. « Non, Hatori. Je n’ai besoin ni de boire ni de manger. Et je n’ai pas besoin de me reposer. » Il n’en aurait plus jamais besoin, il l’aurait parié. Jamais le pouvoir n’avait eu meilleur protecteur. En récompense de sa victoire, l’entité l’avait rendu pratiquement immortel.

« Très bien, monseigneur. » Hatori le rejoignit sur le rocher qui dominait le champ de bataille. Okubo percevait la fierté légitime de son subordonné. « Après tous ces efforts… Nous avons réussi. Nous avons gagné.

— Victoire temporaire.

— Mais… nous avons massacré son armée. Vous avez en personne tué l’éclaireur ! » L’incrédulité de Hatori frôlait le manque de respect, mais Okubo, qui la comprenait, lui pardonna. Après une bataille acharnée, nul guerrier n’aurait voulu qu’on le prive des honneurs.

« Il en viendra un autre et, si nous le vainquons, d’autres encore ensuite. À présent, je connais mieux notre ennemi. Cette créature-ci était beaucoup plus puissante que la précédente et, plus la faim de son maître augmente, plus la rage de l’éclaireur sera redoutable.

— Je ne comprends pas, seigneur. »

Naturellement. Comment aurait-il pu comprendre ? Lui, au contraire d’Okubo, n’était pas en contact direct avec le pouvoir. La situation allait empirer, chaque nouvel éclaireur plus terrible que le précédent, en même temps que l’appétit de l’ennemi, donc jusqu’à ce qu’il dévore le pouvoir ou qu’il meure de faim. Tout était devenu clair. Grâce à cette victoire, le pouvoir allait accorder à Okubo des dons magiques encore plus redoutables. Il sentait déjà de nouvelles zones, de nouveaux sortilèges, de nouvelles formes géométriques apparaître dans son cerveau. Le pouvoir avait conscience qu’Okubo représentait sa meilleure chance de survie. Il allait lui confier tous ses secrets, abolir toute limite. Le pouvoir exaucerait ses désirs, ses caprices, pour garantir qu’ils vivraient tous deux.

Ses pouvoirs magiques lui seraient indispensables. L’Océan ténébreux devrait triompher chaque fois. Il suffirait d’une seule victoire d’un éclaireur…

Non. Okubo, la prochaine fois, ne pourrait se contenter d’une petite fraternité de guerriers. Il lui faudrait une puissante armée. Non. Il lui faudrait un empire…

Le Japon, affaibli, abandonné à la corruption, pourrissait de l’intérieur. Personne au gouvernement n’aurait la force de s’opposer à Okubo. Soutenu par l’Océan ténébreux et la magie du pouvoir, il pourrait conquérir l’armée qui seule assurerait la survie de l’espèce humaine. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne conquérir que le Japon ? Pourquoi pas le monde entier ? D’abord le Japon, oui, mais l’humanité entière devrait être unifiée pour vaincre à jamais l’ennemi.

« Il est temps que je reprenne mon nom.

— Je ne comprends pas, souffla Hatori d’une voix épuisée.

— Je suis le seul à même de comprendre. » Okubo ouvrit les yeux et se tourna vers l’orient, vers sa patrie. « Mais c’est tout ce qui compte. »

Загрузка...