Chapitre 9

Celui qui comme moi réveille, pour leur livrer combat, les plus mauvais démons incomplètement domptés qui habitent un cœur humain doit être prêt à ne pas rester lui-même indemne.

Sigmund Freud, Fragment d’une analyse d’hystérie, 1905, tr. Françoise Kahn et François Robert.

Wannsee (Allemagne)

Le mur de Berlin était beaucoup plus haut que Faye ne le pensait. Elle avait entendu parler de la muraille édifiée autour de la Cité morte pour empêcher les zombies d’en sortir ; il suffisait d’écouter la radio pour être au courant. Mais, peut-être parce qu’elle avait passé des années dans la ferme Vierra, elle s’était toujours imaginé une barrière comme celle des enclos à vaches, et non un gigantesque mur de pierre. Si elle y avait réfléchi, elle aurait corrigé cette idée naïve. Après tout, les vaches et les zombies, ça n’avait pas le même caractère.

« L’homme à qui vous voulez que je parle, il est là-dedans ?

— C’est exact. »

Cherchait-il à la faire tuer ? Faye avait déjà eu affaire à des morts-vivants ; elle les savait dangereux. Jacques voulait-il se débarrasser de la nouvelle ensorcelée ? Éviter de devoir repasser la question aux voix, l’expédier dans la zone la plus dangereuse du monde sous un prétexte idiot, et attendre que les zombies la dévorent ? C’était ignoble, mais assez crédible. « Vous êtes dingue ? »

Jacques gloussa. « Avec le mode de vie qui est le nôtre ? On le devient forcément un peu. »

La gare se situait dans les faubourgs de la ville autrefois appelée Berlin. Elle était grise et abîmée, comme le mur et ses environs. Faye avait toujours pensé que, si Heinrich s’habillait de gris, c’était parce que les estompeurs aimaient se fondre dans le décor. À présent, elle se demandait s’il s’agissait de sa couleur préférée parce qu’il avait grandi dans une cité uniformément grise.

Jacques devina ses pensées muettes. « Les gens qui habitent aux alentours évitent les couleurs vives. Si un mort-vivant réussit à franchir le mur, et s’il a encore ses yeux, les couleurs l’attirent, comme le bruit ceux qui ne sont pas encore sourds. »

À ces mots, Faye se rendit compte du calme ambiant. Bien sûr, le moteur du train faisait du bruit, mais, depuis qu’on l’avait éteint, un silence étrange régnait. Le porteur chargé de leurs bagages avait une voix étouffée. Il n’y avait ni annonce sonore, ni musique, ni conversations animées. Vivre dans l’ombre de la mort pompait l’énergie vitale du lieu. Le mur de pierre grise écrasait la ville ; personne ne pouvait oublier. « C’est affreux.

— La plupart des zombies ont perdu l’esprit et sont incapables de pensée rationnelle. En cas d’évasion réussie, ce qui n’est pas si rare paraît-il, il vaut mieux les laisser errer sans but que les voir se jeter sur les vivants. Ça donne aux vigiles plus de temps pour les repérer.

— Et ceux qui sont restés intelligents ?

— Heureusement pour tout le monde, il n’y en a plus beaucoup. Si un zombie lucide décide de passer du côté humain du mur, que le ciel nous vienne en aide. Abattre les morts-vivants furieux est une spécialité de nos chevaliers allemands. »

L’atmosphère rappelait celle du champ de bataille. En ce lieu, l’énergie magique avait ouvert une plaie béante dans le tissu du monde. Faye avait survécu au rayon de paix à Mar Pacifica – une décharge infiniment plus faible que celle qui avait frappé Berlin ; quand elle était remontée à la surface, ça ne ressemblait pas à ce qu’elle voyait à présent. Tout brûlait et fumait encore. La campagne n’avait pas eu le temps de virer au gris mort. Faye n’était pas retournée là-bas, mais elle savait au fond d’elle-même que ce serait dévasté, maudit à jamais… Jadis, c’était si joli.

« Je n’arrive pas à croire qu’on va pénétrer là-dedans.

— “On” ? Je compte louer des chambres pour la nuit et nous offrir un repas chaud. Demain matin, vous entrerez. Moi, je resterai au lit avec un bon roman. Si vous n’êtes pas revenue dans les vingt-quatre heures, j’en conclurai que vous avez disparu et je reprendrai le train pour Paris.

— Froussard.

— C’est une fille capable de téléportation qui dit ça au vieux monsieur rondouillard dont les genoux fatigués l’empêchent de courir. Même dans ma jeunesse, je n’étais qu’une brute de talent assez médiocre. Aujourd’hui, je ne tiendrais pas cinq minutes. »

Il exagérait, elle en était sûre. Il n’avait eu aucun problème à escalader une cathédrale. « Voyons, Jacques, un zombie, ça ne mange pas si vite que ça. Et vous assureriez plusieurs repas. »

Le Français rentra le ventre d’un air vexé.

S’il tenait à l’envoyer à une mort certaine au cœur de Berlin, elle ne se sentait plus tenue à la politesse. « J’en ai marre que vous ne me disiez rien et que vous me fassiez des cachotteries. Crachez le morceau. À qui je suis censée parler, et pourquoi ? Si la réponse ne me convient pas, je décarre.

— Comme vous voulez. C’est vous qui êtes venue me chercher, ne l’oubliez pas. »

Faye aurait pu voyager, disparaître et ne jamais revenir, mais elle se retint, et ils savaient tous les deux pourquoi. Elle ne voulait pas se transformer en folle homicide comme l’ensorcelé qui l’avait précédée. Elle attendit, les mains sur les hanches.

« Très bien. L’homme que vous devez trouver est un ancien chevalier du Grimnoir. Il s’appelle Zachary. Il m’a assisté au cours de mes recherches sur l’ensorcelé. Si quelqu’un est à même de répondre aux questions concernant votre malédiction et de vous dire si vous pouvez éviter de suivre les traces de Sivaram, c’est lui. »

Faye observa les murailles d’un air incrédule puis se tourna vers Jacques. Aucun vivant n’aurait accepté de… de vivre là-dedans. « C’est un zombie… »

Jacques hocha la tête. « Malheureusement oui. Voici plusieurs années, en Hongrie, alors que nous combattions des agents soviétiques, Zachary a été tué et, sous l’influence d’un lazare, est revenu d’entre les morts. »

Faye fit la grimace : elle repensait à cette pauvre Delilah. « Je connais.

— Quand la douleur a pris le dessus, Zachary a estimé qu’il devenait dangereux pour son entourage et s’est exilé ici. Il détient un pouvoir magique extrêmement rare, que les forces du mal seraient prêtes à tout pour s’approprier si elles apprenaient qu’il existe. C’était un de nos secrets les mieux gardés, et très peu de chevaliers sont au courant. Zachary est venu à Berlin pour s’assurer solitude et discrétion. Depuis, il offre volontiers ses services au Grimnoir quand on les lui demande, mais cela fait longtemps que personne ne lui a parlé.

— Comment savez-vous qu’il est toujours… » Elle faillit dire « vivant », mais ça ne convenait pas. « Toujours là ?

— Je n’en suis pas certain. Il n’a plus eu de contact avec le monde extérieur depuis des années. La dernière fois que j’ai voulu le consulter, c’était à propos de votre identité. Hélas, il n’a pas répondu à l’appel de sa bague. Je ne sais pas s’il en était incapable ou s’il a cessé de se préoccuper de nous. »

Faye soupira. Elle allait pénétrer dans la Cité morte, et sans savoir si l’homme qu’elle y cherchait aurait encore la lucidité pour répondre à ses questions. Les zombies n’étaient pas réputés pour leur sérénité. « Et il connaît mieux Sivaram que vous ? »

Jacques hocha la tête. « Je crains que non. L’expert, en ce qui concerne ce triste sire, c’est moi.

— Mais alors…

— Zachary voit l’avenir. »

Jacques Montand tiendrait parole. Il attendrait vingt-quatre heures avant de quitter l’Allemagne sans se retourner. La facilité avec quoi il allait abandonner la pauvre enfant à un sort tragique le consternait, mais seulement quand il voyait en Faye la jeune femme efficace, enthousiaste et courageuse, et non l’ensorcelée, malédiction vampirique faite chair et destinée à devenir une machine à tuer, un prototype de l’avenir. Là, l’idée le choquait moins.

Elle était entrée seule dans la Cité morte. Le risque était immense, mais elle reviendrait, il en était presque sûr. Pour une autre qu’elle, c’était la mort assurée : de nombreuses expéditions l’avaient prouvé en se lançant dans des chasses au trésor. Mais Faye était différente. Sa ruse, sa vivacité d’esprit et sa réserve de pouvoir apparemment inépuisable faisaient d’elle une force irrésistible. Elle était une arme au service du bien. Il était tentant de croire qu’elle ne basculerait pas vers le mal, mais Jacques, au cours de sa longue vie, avait appris à éviter l’idéalisme naïf.

La chambre d’hôtel était trop silencieuse, mais c’était normal dans la banlieue de la Cité morte, monde d’inquiétude et de chuchotements. Sans bruit ambiant, il était trop facile de ruminer ses pensées, et Jacques n’était pas en paix avec lui-même : ceux qui doivent prendre les décisions difficiles le sont rarement. Il avait caché aux anciens que Faye n’était pas morte. Ses chevaliers avaient juré de se taire, d’autant plus volontiers qu’aucun ne comprenait la gravité des enjeux. Le vieil homme avait mauvaise conscience d’avoir porté assistance au plus grand danger qui pesait sur l’humanité.

Tout aurait été plus simple si Faye avait été une tueuse farouche et non une charmante jeune fille.

Si Zachary était toujours disponible, il réussirait à la guider. Son pouvoir n’était pas très fiable, mais, si la chance leur souriait enfin, ses visions indiqueraient à Faye un but vers lequel tendre. Douteux. Jacques but une gorgée de bourbon. Les visions de Zachary, sans aucun doute, n’auraient pas évolué. Faye comprendrait alors qu’elle incarnait un danger redoutable. Soit elle se calmerait et retarderait l’inévitable, soit – issue bien triste, mais sans doute préférable – elle se suiciderait, et le Grimnoir n’aurait pas à déjouer les manipulations du pouvoir.

Quand leur devin, avant sa disparition, avait annoncé la venue d’un nouvel ensorcelé, tous les avenirs possibles s’achevaient en fleuves de sang et en ciels de flammes. Zachary n’avait jamais prédit l’arrivée d’un ennemi extraterrestre et d’un éclaireur, mais, après tout, personne ne lui avait posé la question.

Laisser vivre Faye représentait un risque immense. Jacques sortit la fiole de sa poche de chemise pour examiner le liquide d’apparence anodine. La gamine était d’un naturel confiant. Il serait si simple de verser quelques gouttes dans son dîner. Elle mourrait vite et presque sans douleur.

Pourquoi me placer dans une situation si délicate, Murmure ?

Il ressentit une chaleur soudaine qui n’était pas due à l’alcool dans ses veines. Sa bague du Grimnoir brûlait d’une énergie magique. On essayait de le contacter et, vu la quantité de pouvoir à l’œuvre, son interlocuteur était doué. Sans doute un autre des sept anciens. Avaient-ils découvert la vérité ? Savaient-ils qu’il protégeait l’ensorcelée ?

Jacques remit dans sa poche la toxine mortelle avant de pêcher dans sa valise un petit miroir de poche, déjà gravé des signes appropriés. Il le posa sur le lit et dirigea dessus son pouvoir magique. En une seconde, le pouvoir activa le sortilège de communication. Le miroir se mit à luire, puis décolla pour se placer à hauteur de ses yeux et tournoya à mesure que d’autres se joignaient à la réunion. Il reconnut de vieux camarades et des chevaliers de premier plan. Certains avaient visiblement été tirés du lit. Quelques visages restaient flous, mal éclairés ; le sien apparaîtrait ainsi aux autres. Cette protection magique visait à dissimuler l’identité des anciens. Ce n’était donc pas un interrogatoire mais une cellule de crise. Il poussa un soupir de soulagement.

Enfin, le sortilège s’immobilisa face à l’homme qui en était à l’origine. Ce n’était pas un ancien, mais la trogne brutale et carrée du lourd Jake Sullivan. Celui-ci, malgré sa relative inexpérience, affichait une maîtrise de la magie qui égalait ou surpassait celle de bien des anciens. Il était dangereux, déterminé, ardent. Non content d’affirmer que le mythique ennemi annoncé par le président Okubo Tokugawa existait réellement, il avait convaincu une armée de jeunes chevaliers de se joindre à sa vaine quête.

« Bonsoir », dit Sullivan.

Un chœur de réponses plus ou moins aimables. Malgré son efficacité contre les forces de l’Imperium, Sullivan était assez controversé.

« Bonsoir, monsieur Sullivan. Avez-vous enfin trouvé votre baleine blanche ? demanda Jacques.

— Je l’ai lu, ce bouquin. Je veux pas vous gâcher la surprise, mais la baleine, au bout du compte, elle existe pour de bon. Je vais tâcher de rester bref. Nous avons mis à sac la station de surveillance que l’Imperium a installée près du pôle Nord.

— Vous avez fait quoi ? » cracha une voix. Tous savaient que Sullivan chassait le dahu, mais certains ne s’étaient pas rendu compte qu’il était prêt à tout pour l’attraper. Jacques, bien sûr, y avait déjà réfléchi, et la nouvelle ne le surprit pas. Les initiatives de Sullivan n’étaient pas plus extrêmes que celles de l’homme qui l’avait recruté. Black Jack Pershing aurait approuvé les décisions de son disciple. « L’Imperium va riposter !

— Je parle à des dizaines de gens répartis partout dans le monde ; je n’ai ni l’énergie ni l’envie de recommencer le débat. On a eu quelques victimes, mais on a appris que l’ennemi est déjà sur Terre. Il a infiltré l’Imperium. Il se cache dans les écoles. L’invasion a commencé. »

Les incrédules poussèrent des cris de rage. Jacques les fit taire. « Les écoles nous sont inaccessibles. Quelles sont vos intentions ?

— Nous pensons que le faux président est mêlé à tout ça. Toru a découvert sa véritable identité. Vos chevaliers vous transmettront les détails. D’ici là, j’ai décidé d’éliminer le président, et en public. La garde de fer saura alors qu’elle est en danger. Ensuite, elle sera bien obligée de faire le ménage à notre place.

— Essayer encore de tuer le président ? cria un ancien. Chaque fois, ça nous a valu une contre-attaque violente. Nous n’autorisons pas la mission !

— Coup de bol, je ne vous demandais pas votre avis. » Le lourd était soupe au lait. « On est déjà en route. L’éclaireur a de l’avance. Il faut faire vite. Révéler que le président est un imposteur, c’est la seule solution rapide. »

Jacques hocha la tête. Ce n’était pas la première fois que le Grimnoir cherchait à tuer Tokugawa. La précédente avait été un désastre : dissensions au sein du conseil, mort de Pershing et de Harkeness, exil de Rawls. « Quelle tristesse de sacrifier la vie de quarante chevaliers.

— Quelle tristesse si le pouvoir s’enfuit et si l’ennemi nous dévore tous, intervint un autre ancien.

— Si cette histoire est vraie ! » s’exclama l’Américain. C’était le plus récent membre du conseil, et on avait longuement hésité entre lui et John Moses Browning. Les deux étaient compétents, mais Browning ne rajeunissait pas. Handicap ironique pour une nomination au grade d’ancien. « Vous voulez risquer la vie de nos hommes, de mes hommes, sur la parole d’un garde de fer ? C’est absurde.

— La ferme », laissa tomber Sullivan. Ce manquement à l’étiquette avait de quoi surprendre, mais, après tout, Sullivan aussi était américain et se montrait plutôt direct. « On va essayer, que ça vous plaise ou non. Si quelqu’un à bord n’est pas d’accord, je le débarquerai avant qu’on arrive au Japon. Mais on y va. Le Grimnoir peut choisir : m’aider ou me foutre la paix. »

Dans un long silence, les actifs les plus puissants et les plus influents du monde pesèrent les conséquences des décisions possibles. Leur but officiel était de protéger les actifs des normaux et les normaux des actifs. Depuis des générations, il allait de soi que l’Imperium représentait une immense menace pour les libertés humaines. Tenter d’assassiner le président, c’était presque une tradition. « Après tout, les Japonais peuvent difficilement nous haïr davantage, déclara un Anglais avec un petit rire. Je vous souhaite bonne chasse, monsieur Sullivan. »

Un collègue plus prudent intervint : « Sommes-nous prêts à risquer la vie de tant de chevaliers ? »

Imbécile. Ils sont décidés, quoi que nous puissions dire. Ils étaient jeunes, idéalistes, et brûlaient de s’en prendre au tyran. Les anciens privilégiaient les visions d’ensemble sans ressentir la passion qui animait leurs soldats. Que Sullivan s’en rende compte ou non, il incarnait un exemple pour beaucoup de ses camarades. Ils le suivraient jusqu’au bout, quel que soit le résultat. Jacques, quant à lui, avait beaucoup de mal à croire à l’existence de l’ennemi et doutait même qu’Okubo Tokugawa soit mort. Le président avait toujours vaincu les chevaliers qui l’attaquaient ; pourquoi aurait-il connu la défaite ?

Et pourtant, conscient du poison dans sa poche de poitrine, il songea que cette mission suicide offrait d’autres possibilités. Si les anciens ne pouvaient l’interdire, il s’agissait d’en profiter au mieux.

Il se racla la gorge. « Je suis d’accord. C’est risqué, mais le Grimnoir est déjà en guerre contre l’Imperium. Que l’ennemi existe ou non, si le président est vraiment mort, l’expédition de Sullivan peut réussir et jeter le trouble chez nos adversaires. Si le président vit toujours, peut-être cette fois aurons-nous assez de chance pour l’éliminer. Les chevaliers sont tous des volontaires : qui sommes-nous, bien à l’abri, pour les retenir ? Vous avez mon soutien, monsieur Sullivan. »

La déclaration de Jacques fit basculer les indécis. Il y eut des murmures d’approbation ; les opposants se turent. Ça suffisait.

« Merci », dit Sullivan. Le lourd, bien que rustre et brutal, était avant tout honnête. « J’ai besoin d’informations à jour, et je prendrai toute l’assistance disponible sur place. Il paraît qu’on a quelques chevaliers clandestins au Japon.

— Ce ne sera sans doute pas nécessaire, monsieur Sullivan », dit l’Anglais. Malgré l’ombre magique qui voilait ses traits, on le voyait mâchonner un cigare. « Poser le pied sur l’île impériale est une condamnation à mort. Le Japon est verrouillé. En revanche, une autre occasion, beaucoup plus favorable, se présentera sans doute bientôt. En territoire ennemi, mais pas tout au fond de la gueule du loup.

— J’écoute.

— Mes sources m’apprennent qu’Okubo Tokugawa projette une visite d’inspection en Chine dans le mois qui vient. Outre les bases militaires du front, le programme comprend une cérémonie grandiose à Shanghai pour décorer ses officiers. Peut-être remettra-t-il les médailles du meilleur boucher ou du meilleur bourreau. Dans cette ville, les chevaliers ont subi de terribles revers ces dernières années. Il n’en reste plus beaucoup. Mais la zone est plus facile d’accès et, surtout, il sera plus facile de s’en échapper.

— Je ne tiens pas à l’aller simple, monsieur.

— Je comprends, monsieur Sullivan. Certains de mes hommes se sont portés volontaires dans votre mission suicide. Je tiens à eux ; je préférerais qu’ils rentrent vivants.

— Shanghai est une des Cités libres ; ça offre des possibilités. » Sullivan réfléchit un moment. « Ça pourrait marcher. Je vais en parler au commandant, pour voir. Je vous recontacterai. » Le sortilège de communication se désagrégea d’un seul coup. Le miroir perdit sa couleur insolite et tomba sur le lit sans se briser.

Jacques le regarda en silence. Il s’émerveillait de ce qu’il venait d’accomplir grâce à quelques mots bien choisis. Les manœuvres politiques n’étaient pas sa spécialité, mais il venait d’appuyer de toute son influence une tentative d’assassinat vouée à l’échec. En se rasseyant, il se servit un nouveau bourbon qu’il avala cul sec. Il venait d’autoriser des chevaliers valeureux à courir à la mort dans l’espoir vain de tuer un immortel.

Et Faye, la pauvre Faye maudite… Quand elle apprendrait que ses amis étaient en danger, elle les rejoindrait, même sachant qu’elle y laisserait sa peau.

Elle était faite ainsi.

Quand elle l’apprendrait – quand il le lui dirait –, elle partirait, et, quand la mission de Sullivan s’achèverait en bain de sang, Faye serait détruite par la puissante garde de fer. Le danger de la malédiction s’évanouirait jusqu’à la prochaine génération. Au moins, le magnifique pouvoir de la jeune fille infligerait-il de graves dommages à la tyrannie impériale. La chandelle brillerait très vive avant qu’on la souffle. Peut-être cherchait-il à justifier son attitude, mais il estimait que Faye préférerait cette issue-là.

Il se servit un troisième verre. Pardon, Murmure. Que voulais-tu que je lui enseigne ? Je l’ignore. Je n’ai pas mérité ta confiance.

« Voyageuse » (CBF)

Parmi ses souvenirs de son maître et mentor, c’était l’un de ceux que Hatori préférait.

Okubo Tokugawa, assis à même le sable au bord d’une falaise, regardait le soleil se lever. Ses commandants loyaux s’étaient agenouillés devant lui en une scène de cour improvisée. C’était quelques jours après leur bataille contre l’ennemi dans le désert du Xinjiang, et Okubo consacrait son temps précieux à transmettre sa sagesse à ses plus proches disciples. Les épreuves traversées lui avaient, semblait-il, permis d’accomplir des progrès spirituels qu’il souhaitait faire partager à son Océan ténébreux.

« J’avais tort de le considérer comme l’avant-garde de l’invasion. Cela voudrait dire que l’éclaireur et l’ennemi sont deux êtres distincts. Ne croyez pas cela. Imaginez plutôt un tentacule, une antenne. Physiquement séparée, mais qui fait partie de l’ensemble. Comprends-tu l’immensité de l’espace, Hatori ? »

Il se sentit gêné d’être distingué de ses pairs. « Je… Je n’ai pas étudié ces questions. Je peux contempler le ciel et voir les étoiles… » Ce qui suffisait pour un simple mortel, mais Okubo n’en était plus un. Le pouvoir avait fait le nécessaire. Hatori le savait : sa réponse ne conviendrait pas.

« Les cieux sont plus vastes que tu ne peux l’imaginer. Il existe une multitude de planètes comme la nôtre, et des copies de ces planètes dans des univers parallèles, et des mondes innombrables entre les univers. Nous sommes perdus dans la multitude. Les actes qui entraînent des conséquences importantes ont un écho dans ces autres univers, comme des vagues à la surface d’un étang. »

Dans la bouche d’un autre, ç’aurait été un blasphème, mais Okubo était infaillible. Aucun guerrier ne protesta. Leur moine russe avait l’air intrigué, mais, après tout, il avait l’âme d’un philosophe. Quand il n’était pas occupé à violer les paysannes, en tout cas.

« Le pouvoir est né dans l’un des mondes intermédiaires. Il a ensuite été chassé de son domaine et de bien d’autres tour à tour. Comme toutes les proies, il fuit son prédateur. Comme tous les prédateurs, l’ennemi doit manger ou mourir de faim. Ils font partie d’un cycle éternel, et, parce que le pouvoir est venu ici, nous en faisons partie nous aussi, à présent. Dis-moi, Saito, comment mettre un terme définitif à ce cycle, de préférence sans mettre à un terme à toute vie terrestre ?

— Nous tuerons l’ennemi au combat ! » répondit Saito sans hésiter. C’était la réponse correcte pour un homme de la caste des guerriers.

« Inexact. Nous n’en sommes pas capables. Comment mettre un terme à ce cycle ?

— Je… Je ne sais pas au juste. »

Hatori, satisfait, remarqua que l’ancien samouraï, si hautain, avait honte de son ignorance. La blessure reçue pendant la bataille avait commencé à lui apprendre l’humilité.

« J’ignore la réponse, seigneur. »

Okubo gratifia Saito d’un sourire indulgent, comme un père devant son fils exubérant mais naïf. « Alors, notre devoir sacré est de la découvrir.

— Comptez sur moi. » Saito posa son front sur le sable.

Le maître de l’Océan ténébreux reprit le fil de sa leçon. « L’ennemi poursuit le pouvoir parce qu’il n’a pas le choix. Il essaime des fragments de lui-même dans l’immensité de l’espace pour fouiller toutes les planètes, jusqu’à ce que l’une découvre enfin la magie ; alors il se rassemble pour venir manger. Plus le temps passe, plus il souffre de la faim. Aux abois, il s’éparpille de plus en plus pour accroître ses chances de trouver le pouvoir. Sans quoi il meurt.

— L’ennemi est-il vraiment mortel ? ne put se retenir de demander Hatori.

— Tout est mortel, Hatori.

— Même vous ? » Le disciple en doutait.

« Bien sûr. Une entité plus forte que moi finira par me remplacer. C’est l’ordre du monde. Mais revenons à l’ennemi ; il semble infiniment fort. Si fort que le pouvoir, pourtant terrifiant, tremble de peur devant lui. Pourtant, que se passe-t-il quand un prédateur a faim ? »

Le Russe ouvrit la bouche pour la première fois. « Il devient plus féroce. Il est prêt à tout. Se nourrir devient une idée fixe.

— Exactement.

— Il y en aura donc d’autres, et plus forts que celui-ci ? » Hatori était horrifié. Il ne concevait pas que leur adversaire gagne en puissance.

« Oui. Il est facile de s’imaginer que l’éclaireur a besoin d’absorber de la magie pour contacter son maître. C’est faux. Au contraire, il accumule des forces pour s’enraciner. L’éclaireur est une graine. Une ancre. S’il s’installe, il fera venir le reste de lui-même depuis les autres univers, jusqu’à se rassembler intégralement. Alors nous mourrons tous.

— La défaite est donc certaine ?

— Je ne le crois pas. Un prédateur affamé devient féroce, mais aussi, parfois, stupide. Dans la fureur du désespoir, on commet des erreurs. Peut-être, à force de vaincre les éclaireurs, affaiblirons-nous l’ennemi au point de réussir à l’anéantir. »

La leçon s’acheva sur ces paroles.

Quelle grandeur. Quel altruisme. Quel honneur. Toru se sentait tout petit à l’idée qu’il descendait d’un homme pareil et que les guerriers de l’Océan ténébreux lui avaient servi de mentors. Il brûlait d’une juste colère en pensant que Saito foulait aux pieds leur cause. Il était là, pourtant ! Néanmoins, Toru y trouvait une occasion de réfléchir à ses propres manquements. Abandonner son ordre avait été la juste décision, il le savait, mais, s’il fallait être honnête, son dévouement aux idéaux de la garde de fer avait commencé à faiblir avant les tragiques événements. Les faiblesses qui s’étaient révélées dans son âme lui avaient valu d’être retiré du front et envoyé à Washington servir dans le corps diplomatique. Ç’avait été une chance, certes – sans cela, il n’aurait jamais travaillé pour l’ambassadeur –, mais, malgré tout, une conséquence de sa faiblesse.

À présent, le dirigeable les conduisait tout droit sur le lieu de son humiliation.

La méditation de Toru fut interrompue par l’arrivée d’un intrus dans son recoin de soute. Les yeux toujours fermés, il écoutait les craquements du métal et le bourdonnement des moteurs, mais il perçut soudain un bruit de pas. Il avait les mains posées sur les genoux ; toute proche, la poignée de l’épée qui avait jadis appartenu à Sasaki Kojiro. L’avantage d’être une brute, c’était de pouvoir dégainer la grande lame et traverser la soute plus vite qu’un adversaire ne réussirait à presser une détente.

Rares étaient ceux dans l’équipage qui appréciaient la présence de Toru ; avant peu, quelqu’un manquerait à son serment de non-agression. On ne pourrait pas reprocher au Japonais d’avoir tué en état de légitime défense. La grille du pont vibra sous le poids du visiteur. Toru retint un sourire. Qu’il vienne ! Il le trancherait en deux. Serait-ce un chevalier, furieux parce qu’un garde de fer avait causé la mort d’un proche ? Serait-ce la torche, cette fille qui essayait de dissimuler les marques qu’on infligeait aux rebelles échappés des écoles ? Ou bien un pirate stupide, grandi dans la peur de l’Imperium ? Quelle importance ? Encore un bruit de pas. Toru se détendit en préparant sa magie.

« Monsieur Tokugawa ? Pourriez-vous m’accorder un instant ? »

Merde. Sans doute n’allait-il tuer personne. « Entrez. »

La couverture qui faisait office de rideau pour lui offrir un peu d’intimité se souleva : c’était Wells, l’ancien taulard. Son physique n’avait rien de menaçant, mais, apparemment, le type était un massif assez doué. Une forme de magie rare et dangereuse.

Dans le corps diplomatique, Toru avait appris à déchiffrer les nuances d’un visage, d’une posture, des accents d’une voix. Tout cela révélait la nature d’un homme. Avec les Américains, c’était du gâteau, vu qu’ils n’avaient aucun sens des convenances et semblaient incapables de contrôler leur physionomie. Était-ce pour cela que ce Wells le mettait mal à l’aise ? Il était aussi impassible qu’un dignitaire de la cour impériale et portait un masque dont il maîtrisait parfaitement l’expression.

Qu’y a-t-il sous ce masque, monsieur l’Américain bizarre ? Toru lui fit signe de s’approcher. « Que voulez-vous ?

— Vous poser quelques questions, répondit Wells, qui tenait un calepin.

— Pourquoi ?

— Disons que j’aime les défis. Ce ne sera pas long. »

Toru resta assis. « À propos de quoi ?

— Je souhaite me renseigner sur l’homme qui, selon vous, se fait passer pour le président. » Wells consulta son calepin ; un geste inutile, calculé pour paraître faillible. « Saito ?

— Dosan Saito était un jeune samouraï qui avait abandonné sa famille pour devenir l’un des premiers membres de l’Océan ténébreux et un disciple de mon père. Il a fondé l’ordre auquel j’appartenais et a servi comme premier garde de fer pendant plus de dix ans. Il s’est illustré dans l’invasion de la Chine et de la Russie, après quoi il est devenu sensei à l’académie de la garde de fer et dignitaire au sein du conseil impérial. À présent, c’est un traître de chien galeux allié à notre pire ennemi, et je le tuerai de mes propres mains. »

Wells ne savait pas que faire de sa maigre carcasse. Il n’avait nulle part où s’asseoir, et Toru ne tenait pas à le mettre à l’aise, de peur qu’il ne s’éternise.

« C’est tout ?

— Quel âge a-t-il, selon vous ? »

Toru fronça les sourcils. D’après les souvenirs de Hatori, Saito était son aîné. « Plus de quatre-vingts ans.

— Remarquable. Et il représente encore une menace ?

— Oui.

— C’est peu crédible.

— Vous doutez de mon honnêteté ? demanda Toru, un brin de menace dans la voix.

— Bien sûr que non. Je ne voulais pas vous offenser. » Wells jouait bien la crainte, mais, Toru le savait, il ne connaissait pas ce sentiment. Ce type n’était pas vraiment humain ; c’était une anomalie vivante très douée pour donner le change. Certains gardes fantômes et des engrenages de l’unité 731 lui ressemblaient : des génies du sophisme, bien trop tordus pour faire honneur à la garde de fer. « Mais son âge… » Wells attendit, prêt à noter.

Toru soupira. « Les méthodes sont gardées secrètes, mais beaucoup des sujets les plus précieux du président ont dépassé l’espérance de vie naturelle. Ils portent un kanji spécial. Okubo Tokugawa ne vieillissait pas du tout. Ses proches conseillers vieillissent très lentement. Pour Saito, c’était encore plus spectaculaire : les brutes sont souvent en grande forme physique. Si je ne meurs pas au combat, j’ai des chances de vivre très vieux.

— Peu probable », gloussa Wells. Toru resta de marbre. « Mais passons. Continuez.

— Il n’y a pas de retraite pour les gardes de fer. S’ils ne meurent pas en service, ils finissent nommés à un poste où ils peuvent continuer à servir l’Imperium. Saito était conseiller impérial. Je n’ai pas mis les pieds au Japon depuis des années, mais, pendant mon dernier séjour, Saito participait souvent aux exercices martiaux de l’académie. Il est âgé, affaibli par rapport à ses jeunes années, mais toujours puissant.

— Encore capable de se battre ?

— Quelles que soient ses capacités actuelles, rien qui puisse m’arrêter.

— C’est une brute, donc, pas un sosie. » Wells griffonna quelques mots. « Comment pensez-vous qu’il s’y soit pris pour adopter l’apparence de votre père ?

— Je l’ignore. Quelque infâme sorcellerie. Ça n’aura plus d’importance une fois que je l’aurai décapité.

— Hum… Je sens une certaine animosité contenue à l’égard de cet homme. Saito a dupé tout le monde : cela évoque une forme de contrôle mental… » Wells se mit à mâchonner son crayon, une manie dégoûtante des Américains distraits. Mais, dans son cas, le résultat d’un calcul délibéré. Impressionnant. Ce Wells aurait fait un excellent garde fantôme. « Il vous a même convaincu qu’il était votre père. C’est la trahison suprême, de manipuler la confiance sacrée entre un fils et son père. Qu’avez-vous ressenti ? »

Toru plissa les yeux. « C’est quoi votre spécialité, docteur ?

— Je suis psychologue. Je m’occupe de comprendre…

— Je connais ce terme. Il désigne selon moi une forme de fourberie permettant d’offrir à des Européens complaisants un prétexte pour tolérer leurs défauts. Je suis un guerrier, moi, né pour défendre le plus grand ordre de guerriers de la plus grande nation de l’histoire. Si vous me posez encore une question sur les sentiments que m’inspire mon père, je vous tue. C’est bien clair ?

— Si le sujet vous gêne, nous ne l’aborderons pas. » Le masque humain tomba un instant. Au lieu de se montrer intimidé, Wells lança à Toru un drôle de petit sourire absent. Oui. L’Américain cherchait la confrontation. « Quant à me tuer… Essayez si ça vous chante, mais la situation serait intéressante : je suis indestructible.

— Je ne suis pas un vaurien de Rockville armé d’une cuillère aiguisée, docteur Wells. Je veux bien croire qu’il soit malaisé de vous blesser, mais nous survolons l’océan Pacifique. Vous marchez sur l’eau ? »

Le masque se plaqua de nouveau sur les traits de Wells, qui fit mine de réfléchir en homme sensé. « Bonne remarque… Oublions ces différends un instant, s’il vous plaît, et aidez-moi à mieux comprendre notre adversaire commun.

— Pourquoi ?

— Okubo Tokugawa n’a-t-il pas écrit dans son livre – et pardonnez-moi si ma citation est imprécise, j’ai dû lire la traduction anglaise : “Afin de s’assurer la victoire, le guerrier doit comprendre son ennemi mieux que l’ennemi ne se comprend lui-même. Anticipe son mouvement avant qu’il ait bougé, et la pointe de ton épée l’attendra où il faut.” C’est à peu près ça ? »

Toru, méfiant, hocha la tête. « Approximativement. Les Occidentaux qui apprennent par cœur les maximes de mon père, je l’ai remarqué, sont soit des passionnés convaincus par sa vision, soit des intellectuels cherchant à comprendre une grandeur qui leur est inaccessible.

— Sans doute suis-je parfois coupable d’omphaloscopie…

— Ce mot m’est inconnu.

— Je me regarde un peu trop le nombril… Mais passons encore. Je ne me plierai pas à vos petites catégories, cher monsieur. Si j’ai retenu cette citation, c’est que votre président décrivait ma carrière. Vous comprenez, je cherche à comprendre la motivation et la substance… »

Toru l’interrompit en levant une main. « Tout comme un comédien doit étudier son personnage, vous avez entrepris d’étudier le comportement des gens normaux afin de vous faire passer pour l’un d’entre eux. »

Wells ne s’était pas attendu à cela. Il hocha lentement la tête. « Vous êtes plus perspicace que je ne le pensais, monsieur Tokugawa.

— Parce que j’ai déjà rencontré des hommes comme vous. Vous naissez avec une âme tordue. Vous êtes une anomalie.

— On peut le dire ainsi…

— N’en ayez pas honte. Dans l’Imperium, vos pareils sont admirés pour leur esprit. L’unité 731 compte beaucoup de scientifiques affligés du même fonctionnement psychique. Cela leur permet de mener leurs expériences sur des cobayes humains sans éprouver ni remords ni hésitation. Vous ne ressentez pas la même chose que les gens, mais votre analyse de leurs modes de pensée fait de vous un excellent imitateur.

— Alors vous savez pourquoi je suis si compétent. » Wells refit le même petit sourire. « Indépendamment des buts intimes qui m’ont poussé à choisir cette voie professionnelle, aujourd’hui je peux vous aider à mieux abattre Saito en le comprenant mieux. Dites-moi tout ce que vous savez de ce salopard et, je vous le promets, je vous l’offrirai sur un plateau.

— Intéressant… » Toru se frotta le menton. La proposition pouvait être utile, et, à bord de cette bassine volante, il n’avait rien de mieux à faire. « Soit. Pour tuer Saito, je suis prêt à tolérer toutes les âneries du monde. Reprenez vos questions. »

Wells chercha un siège des yeux avant de renoncer en s’asseyant par terre. Le crayon se posa sur le calepin. « Je crois que je vais apprécier nos séances de travail, Toru. Je peux vous appeler Toru ? Bon, où en étions-nous ? »

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