Seul dans sa chambre d’hôtel, après le dîner avec Meshoram Enron et Jolanda Bermudez, Farkas marcha de long en large pendant dix ou quinze minutes, assemblant dans sa tête les pièces du puzzle et les séparant pour les ordonner différemment. Puis il appela Emilio Olmo sur sa ligne brouillée.
— J’ai commencé à humer l’air, déclara-t-il au chef de la Guardia Civil. J’ai flairé de-ci, de-là comme un parfum de conspiration.
— Ah oui ? Moi aussi.
— Vraiment.
— À vous de commencer, Victor. Qu’avez-vous appris ?
— Sur le groupe de Californiens à propos desquels courent certains bruits ? Ils existent. Disons, plus précisément, que j’ai eu vent de leur existence par une nouvelle source.
— Une source digne de foi ?
— Relativement. L’ami d’une amie. Quelqu’un qui est fort bien renseigné en matière de circulation de l’information.
— Ah ! fit Olmo. Ainsi donc la rumeur se propage. Voilà qui est intéressant. Que pouvez-vous m’apprendre d’autre, Victor ?
— Rien, pour ainsi dire.
Farkas ne voyait pas, dans l’immédiat, la nécessité de fournir à Olmo des détails sur la participation d’Israël à la conspiration contre le Generalissimo. Cela eût été prématuré ; il était évident qu’Enron avait des propositions précises à lui faire et Farkas voulait savoir de quoi il s’agissait avant de mettre Olmo au courant. S’il devait un jour le mettre au courant. Il avait toujours la possibilité de laisser le chef de la Guardia Civil sur la touche, si l’association avec Israël se révélait réellement prometteuse. Il avait peut-être plus à gagner en laissant le coup d’État se réaliser qu’en aidant Olmo à l’étouffer. Le colonel serait peut-être plus utile d’une tout autre manière qu’en qualité de chef de la police du Generalissimo Callaghan. Le plan de Kyocera visant à faire de lui le successeur de don Eduardo à la mort du vieux dictateur inciterait Olmo à faire les bons choix. Mais Farkas ne savait pas encore dans quel camp il allait se ranger et il convenait donc, à ce stade, de rester vague.
— Comme je vous l’ai dit, reprit-il, je tiens mes informations d’une tierce personne. Mais j’ai pensé que vous aimeriez savoir que l’on parle de ce projet en différents endroits.
— En effet, fit Olmo. Mais je crois être un peu plus avancé que vous. Non seulement les Californiens qui ont conçu ce projet existent bel et bien, mais certains d’entre eux ont fait récemment un séjour à Valparaiso Nuevo, afin de reconnaître le terrain.
— Vous tenez cela de source sûre ?
— Une tierce personne, comme vous, répondit Olmo. Je ne les ai pas vus de mes propres yeux, mais je sais qu’ils étaient ici. Nous nous efforçons de retrouver leur trace, mais nous avons certaines difficultés. Ils sont probablement déjà repartis sur la Terre. Si c’est le cas, nous guetterons leur retour.
— Eh bien, fit Farkas, je reconnais que vous êtes plus avancé que moi. Désolé de vous avoir fait perdre votre temps, Emilio.
— C’est toujours un plaisir de parler avec vous, Victor.
— Je vous rappellerai, si je découvre quelque chose de plus précis.
— S’il vous plaît.
Le moment était peut-être venu d’appeler New Kyoto pour transmettre l’affaire à ses supérieurs hiérarchiques. Farkas pesa le pour et le contre, et décida de n’en rien faire dans l’immédiat. Pour qui n’avait pas la chance d’être japonais, le seul moyen de grimper dans la hiérarchie était de prendre l’initiative dans des situations exigeant hardiesse et esprit de décision, puis, quand les choses avaient pris forme, de faire étalage des excellents résultats obtenus.
Il se coucha et laissa ses idées se décanter. À son réveil, les choses commençaient à prendre tournure dans son esprit. Avant de sortir pour le petit déjeuner, il composa le numéro de la chambre d’hôtel que Jolanda partageait avec Enron.
La colonne de verre sombre représentant Meshoram Enron apparut sur le viseur.
— Jolanda n’est pas là, commença l’Israélien, un peu trop vite, sans même essayer de masquer l’hostilité qui perçait dans sa voix. Elle est en bas, au club de gymnastique.
— Parfait, fit Farkas. C’est à vous que je voulais parler.
— Ah bon ?
— Nous devons avoir une autre petite conversation. Il reste quelques points de détail abordés hier soir, sur lesquels j’aimerais revenir.
Enron sembla réfléchir à cette proposition. Mais son apparence vitreuse demeura parfaitement lisse ; Farkas ne pouvait avoir une idée précise des opérations de la pensée de l’Israélien. Enron se protégeait trop bien. Impossible pour Farkas, qui ne disposait que de l’image du viseur, de percevoir les fluctuations de ses émanations. Il lui aurait fallu être directement en contact avec l’Israélien pour déceler des nuances de cette sorte.
— Nous pensons repartir sur la Terre en fin de journée ou demain, par la première navette, dit Enron au bout d’un moment.
— Dans ce cas, nous avons tout le temps de nous voir, n’est-ce pas ?
— C’est important, dites-vous ?
— Très.
— Cela a un rapport avec Jolanda ?
— Pas le moins au monde. Jolanda est une femme tout à fait séduisante, mais nous avons à discuter de choses plus importantes que de savoir qui couche avec qui.
Cette fois, Farkas remarqua une brillance accrue de l’image d’Enron, un éclat plus vif de la colonne de verre.
— Où voulez-vous que nous nous retrouvions ? demanda Enron.
— Cité d’El Mirador, Rayon D, répondit Farkas, choisissant ce lieu au petit bonheur. Le café La Paloma, sur la place centrale, dans trois quarts d’heure.
— Un peu plus tôt, si possible.
— Alors, disons une demi-heure.
Enron était déjà là quand Farkas arriva, cinq minutes avant l’heure convenue. À ce moment de la matinée, la place était calme, beaucoup plus vide que le jour où Farkas et Juanito étaient venus y trouver Wu Fang-shui. Enron était assis en terrasse, à l’une des tables de devant, immobile comme une sculpture, sans laisser transparaître le moindre signe de nervosité. Mais il était tendu, comme un ressort bandé ; Farkas en eut conscience à trente pas.
Il prit place en face de l'Israélien et commença sans préambule.
— Il existe un projet, formé par des Californiens, en vue de renverser le pouvoir établi sur ce satellite. Vous en avez parlé hier soir.
Enron garda le silence.
— Vous avez dit, poursuivit Farkas, que le meilleur moyen de réaliser ce projet serait peut-être de conjuguer nos efforts. Une grande entreprise et un pays prospère qui fourniraient de moitié les capitaux nécessaires.
— Au fait, fit Enron. Vous n’avez pas besoin de me rappeler ce que j’ai dit.
— Très bien. Voici où je veux en venir : est-ce une proposition que vous m’avez faite ? Votre gouvernement souhaite-t-il une association dans cette entreprise ?
Enron se pencha sur la table, soudain très attentif. Le rythme de sa respiration avait changé. Farkas compris qu’il avait touché juste.
— Peut-être, dit l’Israélien. Et vous ?
— C’est très possible.
— Quel est votre échelon, Farkas ?
— Neuf.
— Pas assez élevé pour donner le feu vert à une action de cette envergure.
— Mais assez pour la mettre en branle.
— Oui. Oui, sans doute. Bien entendu, vous êtes habilité à vous engager aussi loin que vous l’avez déjà fait ?
— Bien entendu, répondit Farkas sans hésiter.
— Il faut que je regagne la Terre pour prendre contact avec certaines personnes, poursuivit Enron. Ce n’est pas une question d’autorité, mais d’informations. Il faut que j’en obtienne un peu plus. Après quoi, nous pourrions nous retrouver et nous mettre d’accord. Je peux vous avouer, Farkas, que c’est précisément pour cette raison que je suis venu à Valparaiso Nuevo.
— Excellent, fit Farkas. Je vois que nous suivons des voies convergentes. J’aime ça. Nous en reparlerons bientôt.
— Oui, très bientôt.
La conversation était terminée, mais ni l’un ni l’autre ne firent mine de se lever. Enron paraissait encore extrêmement tendu, peut-être plus qu’avant. Un silence suivit, juste assez long pour passer à un autre sujet.
— Vous savez que vous fascinez Jolanda, fit l’Israélien. Cela arrive-t-il souvent que des femmes aient ainsi le béguin pour vous ?
— Assez souvent.
— J’aurais plutôt imaginé, avec vos yeux et tout…
— Tout au contraire, répliqua Farkas. Nombre d’entre elles semblent trouver cela attirant. Vous ne m’en voulez pas trop ?
— Un peu, répondit Enron. Je vous l’avoue. Après tout, j’ai l’esprit de compétition, comme tout mâle qui se respecte. Mais, au fond, cela ne m’ennuie pas vraiment. Ce n’est pas comme si elle m’appartenait. Et puis, c’est moi qui lui ai demandé de vous faire des avances. Pour attirer votre attention, pour entrer en contact avec vous.
— Je vous en suis reconnaissant. Je veux bien mordre à l’hameçon, quand l’appât est de cette qualité.
— Je ne croyais pas qu’elle se montrerait si enthousiaste, c’est tout.
— Elle me donne l’impression d’être le genre de femme à s’enthousiasmer très vite.
Farkas commençait à se sentir mal à l’aise. Peut-être était-ce l’intention de l’Israélien. Il se leva.
— J’attends de vos nouvelles avec une vive impatience, dit-il.
Quand Enron rentra à l’hôtel, il trouva Jolanda dans la chambre. Il avait laissé un mot pour lui indiquer qu’il avait reçu un coup de fil imprévu de Farkas et était allé rejoindre le Hongrois sur un autre rayon.
— Que voulait-il ? demanda Jolanda. Ou bien s’agit-il d’histoires d’espions dont je ne suis pas censée me mêler ?
— Tu es déjà au courant de pas mal de choses, répondit Enron. Autant que tu en saches un peu plus long. Il m’a proposé une association avec Kyocera pour le coup d’État.
— Il te l’a proposée ? À titre personnel ?
— Tu sais bien de quoi je parle. Israël. Il n’a pas tourné autour du pot et m’a tout de suite demandé si nous serions d’accord pour nous mettre de moitié dans l’affaire.
— Qu’as-tu répondu ?
— Que nous étions d’accord, bien sûr. Que c’est précisément ce que j’étais venu arranger à Valparaiso Nuevo. Mais je lui ai dit qu’il fallait d’abord que je retourne sur la Terre pour obtenir d’autres renseignements. Il doit imaginer que je parlais de mon gouvernement, que je voulais avoir confirmation de l’intérêt qu’il porte à l’affaire. En réalité, ce dont j’ai besoin, c’est de parler à ton Davidov. Avant d’en référer à Jérusalem, il est essentiel pour moi de savoir ce qu’il a convenu avec Farkas.
— Tu n’auras pas besoin de retourner sur la Terre pour cela, déclara Jolanda. Moi aussi, j’ai reçu un coup de fil imprévu ce matin.
— Comment ? De qui ?
— Il est encore là, déclara-t-elle en se rengorgeant, avec un air profondément satisfait qui frappa Enron. Je parle de Davidov. Il a dit qu’il nous avait vus hier soir, pendant notre dîner avec Farkas, dans le restaurant de Cajamarca.
— Il nous a vus, répéta Enron avec stupéfaction. Il était là ? Non, c’est impossible ! Il est parti, il est retourné sur la Terre !
— Il est là, Marty. Il me l’a affirmé. J’ai parlé avec lui il y a une demi-heure. C’est bien son visage que j’ai vu sur le viseur. Un visage presque aussi caractéristique, à sa manière, que celui de Farkas. Je lui ai dit que tu voulais le voir et il m’a répondu que c’était d’accord, que tu pouvais aller le retrouver quelque part sur le Rayon A, dans une des fermes. J’ai noté les coordonnées.
— Il est reparti, insista Enron. Kluge me l’a juré. Il a utilisé des faux noms dans ces différents hôtels, puis il a repris la navette pour la Terre avec ses trois amis.
— Et si Kluge t’avait raconté des bobards ? Tu devrais envisager cette possibilité.
— Oui, tu as raison, fit Enron en se frappant rageusement le front du plat de la main. C’est Kluge qui a cherché Davidov sans le trouver, qui nous a annoncé son départ et nous a raconté ces histoires d’allées et venues. Pourquoi était-il si difficile de le trouver ? Pourquoi Davidov avait-il toujours une longueur d’avance sur un courrier que l’on m’a dit rusé et digne de confiance ? Soit Kluge m’a menti, soit Davidov est un magicien capable de déjouer tous les systèmes de surveillance de ce satellite. Donne-moi son numéro, et vite !
Ce fut un jeu d’enfant de joindre Davidov. Enron l’appela au numéro qu’il avait laissé et, quelques secondes plus tard, son visage apparut en gros plan sur le viseur : cou de taureau, cheveux décolorés, peau marbrée par l’Écran, regard de glace.
— Ravi de faire votre connaissance, dit Davidov d’une voix aiguë, flûtée, une voix douce de Californien, en désaccord flagrant avec la rudesse du visage slave aux traits accusés. Les amis de Jolanda sont mes amis.
— J’aimerais vous rencontrer en personne, fit Enron.
— Venez, je vous attends, acquiesça Davidov avec affabilité.
Jolanda dans son sillage, Enron fit le trajet jusqu’au moyeu et suivit le Rayon A pour gagner l’une des zones agricoles, où tout était verdoyant et éclatant, un véritable pays de cocagne. Ils longèrent des plantations de blé, de melons, de riz, de maïs. Enron vit des bananiers croulant sous le poids des régimes, des cocoteraies, un verger d’agrumes. Cela lui rappela vivement les plantations luxuriantes de son pays, fécondes d’un bout à l’autre de l’année, bénéficiant des pluies abondantes qui arrosaient les rivages orientaux de la Méditerranée. Mais Enron se souvint que tout ce qu’il avait devant les yeux avait une assise artificielle. Les arbres poussaient dans le polystyrène, la vermiculite, le sable ou le gravier. Remarquable. Absolument remarquable.
Les coordonnées fournies par Davidov étaient celles d’un élevage de lapins. Une multitude de petits rongeurs folâtraient dans les champs de luzerne : lapins gris, bruns, blancs, lapins de diverses combinaisons de couleurs. Au milieu des animaux, juste devant la ferme, Davidov discutait avec un homme maigre à lunettes, en tenue de fermier.
Davidov était immense, une armoire à glace, aussi fort de carrure que haut de stature. Son regard était froid et ardent, mais, comme Jolanda l’avait indiqué, il avait un air doux, du moins en apparence. Enron comprit aussitôt que, chez Davidov, toute la douceur devait être en surface.
Il étreignit d’abord Jolanda, enveloppant de ses bras le corps imposant, l’écrasant contre lui, lui faisant même décoller les pieds du sol.
Puis sa grosse patte se referma sur la main d’Enron. Son étreinte semblait être un test de virilité. Enron savait comment agir dans cette situation : ses doigts demeurèrent tout mous pendant que Davidov lui broyait les phalanges, puis il lui rendit férocement la pareille. Il n’était pas nécessaire d’être un géant pour donner une vigoureuse poignée de main.
Davidov leur présenta l’homme à lunettes : Avery Jones, l’exploitant du domaine. D’un geste ample, Davidov montra l’étendue de la propriété, promenant son bras musculeux d’un horizon à l’autre. Certes, sur Valparaiso Nuevo, cela ne représentait pas une grande distance.
— N’est-ce pas un endroit merveilleux ? Ici, on vit au milieu des lapins ! Et il y a mille manières de faire cuire ces charmantes petites bêtes !
Il planta brusquement ses yeux perçants comme des vrilles dans ceux d’Enron. Des yeux de bolchevik, froids et durs comme la pierre.
— Venez discuter à l’intérieur, dit-il. Israélien, c’est bien ça ? J’ai connu une Israélienne autrefois, de Beersheba. Elle s’appelait Aviva. Une femme à poigne, mais quel cerveau ! Aviva de Beersheba. D’où êtes-vous originaire, en Israël, Marty ?
— Haïfa, répondit Enron.
— Et vous travaillez pour une revue ?
— Entrons, fit Enron.
Avec tact, l’éleveur de lapins disparut. Quand ils furent à l’intérieur de la ferme, Enron refusa d’un geste de la main la bière que Davidov lui proposait.
— Pouvons-nous nous dispenser des préliminaires ? commença-t-il vivement. Je suis ici en tant que représentant de l’État d’Israël, à un échelon assez élevé. J’ai eu connaissance du projet que vous vous proposez de mettre à exécution.
— C’est ce que j’avais cru comprendre.
— Mon gouvernement trouve ce projet d’un grand intérêt.
Davidov attendit la suite.
— En fait, poursuivit Enron, nous sommes disposés à investir dans vos activités. À y investir des capitaux considérables. Dois-je continuer ou bien l’arrivée d’un nouvel investisseur venu de l’extérieur n’a-t-il pour vous aucune importance ?
— Un nouvel investisseur ? fit Davidov. Qui est le premier ?
Enron lança un regard perplexe en direction de Jolanda et crut la voir ébaucher un sourire.
— Je n’ignore pas, reprit-il très lentement, en détachant ses mots, que l’entreprise Kyocera-Merck apporte déjà une contribution substantielle à votre projet.
— Vous ne l’ignorez pas ? Moi, si.
— J’ai abordé le sujet, reprit Enron, quelque peu déconcerté, avec un représentant haut placé de Kyocera, qui m’a assuré…
— Oui, je vous ai vu avec lui. S’il vous a assuré qu’il y avait quelque chose entre ses employeurs et nous, il a menti.
— Ah ! fit Enron. Je vois.
Tout cela était fort déroutant. Il prit une longue inspiration et commença à se balancer doucement sur la plante des pieds, s’efforçant de retrouver son assurance.
— Ainsi, il n’y a aucun lien entre Kyocera-Merck et…
— Aucun. Rien. Que dalle. Kyocera n’est pas dans le coup. Et ne l’a jamais été.
— Ah ! répéta Enron.
Il n’y avait plus à se méprendre sur l’expression de Jolanda : elle souriait jusqu’aux oreilles.
Mais il était capable de faire face à la situation. Passé le premier moment de stupéfaction, des bribes de sa conversation matinale avec Farkas lui remontèrent à la mémoire et, même s’il eut fugitivement l’impression d’être emporté par le flux de ces réminiscences, comme un nageur entraîné vers une cataracte, il parvint rapidement à mettre de l’ordre dans le chaos de ses idées.
Il comprit qu’il était arrivé à une conclusion erronée. Mais Farkas avait commis la même erreur.
Enron se rendit compte que tout reposait sur un malentendu. Le Hongrois n’avait jamais eu l’intention de proposer à Israël une participation dans cette affaire. Pour quelque raison que ce fût, Farkas était à l’évidence persuadé qu’Israël avait déjà la haute main sur l’opération, et c’est lui qui avait essayé d’associer Kyocera-Merck à l’affaire. Tout se mettait brusquement en place. Il y avait une belle occasion à saisir.
— Dites-moi simplement ceci, fit calmement Enron. Un soutien financier pour mener à bien votre projet vous intéresse-t-il ?
— Énormément.
— Parfait. Je suis en mesure de vous le fournir.
— Des capitaux israéliens ?
— Moitié Israël, moitié Kyocera-Merck.
— Vous pouvez associer Kyocera à notre projet ? demanda Davidov.
Enron eut l’impression d’être arrivé au bord d’un gouffre par-dessus lequel il bondit allègrement.
— Absolument.
— Asseyez-vous, fit Davidov. Nous allons prendre une bière et parler plus longuement de tout cela. Et puis, s’il le faut, nous regagnerons tous la Terre pour régler les détails.