Dans ces parages glacés du Pacifique Sud, quelque part entre San Francisco et Hawaii, la mer ressemblait à une sorte de grande marmite où se mélangeaient masses d’eau glaciale remontant de l’Antarctique, tourbillons froids venus des profondeurs de l’océan, petits courants chauds provenant du plateau continental brûlé par le soleil, très loin à l’est. On voyait même par endroits de la vapeur s’élever, à la confluence des eaux froide et chaude. Carpenter trouvait que c’était un drôle de coin pour chercher des icebergs. Mais, d’après les mesures des albédos, il y en avait un gros dans le secteur et le Tonopah Maru était à sa recherche.
Assis devant le scanner du bord, il jonglait avec les chiffres dans le local exigu, oppressant, qui faisait office de poste de commandement. La matinée était déjà bien avancée. L’injection d’Écran qu’il s’était faite à l’aube chauffait encore doucement dans ses artères, comme de l’or en fusion. Il avait l’impression de sentir le liquide se diffuser lentement vers ses capillaires pour gagner agréablement la peau où il procéderait à la remise à neuf quotidienne de l’armure corporelle qui protégeait des crevasses d’ozone et de l’ardeur démoniaque du soleil. Il était vraiment indispensable en mer de se bourrer de drogue contre les radiations infra/ultra, car la surface de l’eau réfléchissait la lumière comme un miroir et la projetait au visage. Depuis le départ de San Francisco, Carpenter avait presque doublé la dose habituelle d’Écran pour renforcer son armure et sa peau était devenue d’un vert pourpre iridescent. L’effet était curieux, mais ne lui déplaisait pas.
Jusqu’à présent, le voyage s’était bien passé, avec cette petite réserve qu’ils n’avaient pas encore trouvé le moindre iceberg, mais ce problème semblait sur le point d’être résolu.
— Il n’y a peut-être pas loin de deux mille kilotonnes, fit Carpenter, le regard fixé sur le cône en fibre de céramique de la baguette d’affichage. Pas mal, hein ?
— De nos jours, c’est pas si mal, grommela Hitchcock.
L’océanographe-navigateur était assez âgé pour se souvenir du temps où on ne voyait jamais d’icebergs au-delà de la latitude du sud du Chili et prenait toujours plaisir à le faire savoir.
— De nos jours, un gros comme ça, qui est remonté jusqu’ici, il devait bien être long comme trois comtés quand il s’est détaché de cette foutue banquise. Mais vous êtes sûr de ne pas vous être trompé dans vos chiffres, cap’tain ?
La provocation voilée fit passer un éclair dans les prunelles de Carpenter ; il sentit monter une bouffée de colère qui retomba, laissant en lui la marque d’une petite brûlure. Hitchcock n’imaginait jamais que Carpenter pût faire bien quelque chose au premier essai. Les relations se faisaient plus tendues jour après jour, depuis qu’ils avaient quitté la baie de San Francisco. Bien qu’il s’en défendît – souvent et trop bruyamment –, il était manifeste que Hitchcock éprouvait une profonde amertume d’avoir vu le commandement du navire lui échapper au profit d’un étranger à la mer, simple Salarié de la Compagnie, faisant carrière chez les terriens. Il devait prendre cela comme une discrimination, mais il se trompait. Carpenter avait l’étoffe d’un chef, pas Hitchcock. Inutile de chercher plus loin.
— Vous voulez vérifier vous-même sur le viseur ? demanda Carpenter d’un ton acide. Venez donc jeter un coup d’œil !
Il tendit la baguette au navigateur. Mais Hitchcock secoua la tête.
— Du calme, cap’tain. Moi, je crois tout ce que dit l’écran.
Il adressa un sourire désarmant à Carpenter, dévoilant des chicots d’un brun rougeâtre.
Sur le viseur dansaient des spirales et des ondulations noires sur fond vert, vertes sur fond noir avec, de loin en loin, la brusque éclosion d’une fleur à l’éclat jaune vif. Le rayon du Tonopah Maru parcourait trente-six mille kilomètres pour interroger le gros satellite Scansat de Nippon Telecom dont l’œil, balayant inlassablement toute la zone du Pacifique Est, recherchait les écarts d’albédos. La réflectivité d’un iceberg étant différente de celle de la surface de l’océan, il constatait l’écart, le confirmait par un relevé de températures et étudiait la masse pour voir si le déplacement valait la peine. Si cela semblait être le cas, le remorqueur partait à toute vapeur pour assurer sa prise avant qu’un autre ne le fasse.
Carpenter savait qu’à Frisco on devait se jeter à genoux dans les rues en priant pour que la chance lui sourie enfin. Dans la belle ville nichée autour de sa baie, couverte de poussière, écrasée sous un ciel brûlant, implacable, souillé de gaz à effet de serre aux couleurs insolites, on attendait la pluie qui plus jamais ou presque ne venait. Pas une goutte n’était tombée sur le littoral du Pacifique depuis dix ou onze mois. Autour d’eux, les eaux devaient grouiller de remorqueurs… Seattle, San Diego, L.A. D’après Nakata, c’est Los Angeles qui avait le plus grand nombre de navires en mer.
— Commencez donc à avertir les autres, ordonna Carpenter, que nous prenons cet iceberg, au sud-sud-ouest. Si nous le crochons dès demain, nous pouvons arriver à San Francisco mardi en huit.
— S’il n’a pas fondu avant. Avec cette foutue chaleur…
— S’il n’a pas fondu depuis l’Antarctique, il ne fondra pas entre ici et San Francisco. Allez, remuez-vous un peu ! Il ne faudrait pas qu’un bateau de L.A. arrive avant nous.
En milieu d’après-midi, ils eurent l’iceberg en repérage optique : d’abord une vue aérienne via le satellite-espion du service météorologique de Samurai, puis une image au niveau de la mer, envoyée par une balise-relais de la Navy. L’iceberg évoquait un château de glace flottant, majestueux et serein, tout en tourelles rosées, en remparts indigo, en clochetons bleutés. De type « cale sèche », fortement évidé en U, il était long de près de deux cents mètres et se dressait très haut au-dessus de l’eau. Des écharpes fumantes de brume s’accrochaient à ses flancs et les appareils de détection du remorqueur percevaient le chuintement effervescent provoqué par les blocs de glace se détachant de ses faces pour se perdre dans la mer. Le morceau de glacier était fait de neige tassée qui, en fondant, produisait ce chuintement caractéristique.
Carpenter contemplait le géant de glace avec émerveillement. Il était beaucoup plus gros que ceux qu’on lui avait montrés dans le programme de formation. Confortablement installé depuis deux millions d’années en haut du pôle Sud, il n’avait sans doute jamais imaginé qu’il voguerait un jour vers Hawaii. Mais les bouleversements climatiques avaient changé beaucoup de choses pour tout le monde, y compris la banquise.
— Bon Dieu ! souffla Hitchcock. Est-ce qu’on va pouvoir le crocher ?
— Facile, répondit l’agile petit lanceur de grappin. Il en faudra quatre, mais aucune importance. Ce ne sont pas les crochets qui manquent.
Le Tonopah Maru en avait plus que nécessaire et Carpenter avait une confiance totale dans l’habileté de Nakata.
— Vous avez entendu ? lança-t-il à Hitchcock. Allez-y !
Ils étaient au milieu du Pacifique, à la limite du mur du froid. Autour d’eux, la mer était bleue, le signe d’une eau chaude. Mais, juste à l’ouest, là où se trouvait l’iceberg, la couleur de l’eau, un vert olive soutenu, indiquait la présence d’une faune marine microscopique favorisée par une eau plus froide. La ligne de démarcation était nettement visible. C’était l’un des drôles de changements provoqués par les bouleversements climatiques : alors qu’il faisait une chaleur à crever dans la majeure partie de la planète, ce courant froid remontant de l’Antarctique jusqu’au milieu du Pacifique charriait des icebergs en direction des tropiques.
Carpenter était en train de faire des triangulations pour savoir s’ils parviendraient à faire passer l’iceberg sous le pont du Golden Gate quand Rennett apparut à côté de lui.
— Il y a un bateau, cap’tain.
— Qu’est-ce que vous dites ?
Mais il avait parfaitement compris.
Un bateau ? Carpenter la considéra avec stupeur en pensant « Los Angeles-San Diego-Seattle » et en se demandant s’il allait devoir se battre pour son iceberg. Il savait que cela arrivait parfois. Ils naviguaient dans des eaux libres, une zone pour ainsi dire livrée à l’anarchie, où la piraterie de jadis faisait un terrible retour en force.
— Un bateau, répéta Rennett du coin des lèvres, comme si le simple fait de le prévenir était une faveur insigne. Juste de l’autre côté de l’iceberg. Caskie vient de recevoir un message radio. Une sorte de S.O.S.
Elle tendit à Carpenter un mince ruban jaune à impression thermique sur lequel apparaissaient trois lignes en caractères rouge vif. Les mots sautèrent au visage de Carpenter comme un poing jaillissant du pont. Il lut le message à voix haute.
BESOIN DE VOTRE AIDE – ENNUIS À BORD – QUESTION DE VIE OU DE MORT – ENVOYEZ QUELQU’UN D’URGENCE.
— Qu’est-ce que c’est que c’est histoire ? fit Carpenter. Calamari Maru ? C’est un navire ou un mollusque ?
La plaisanterie était faiblarde ; il s’en rendit compte. Rennett n’esquissa même pas un sourire.
— Nous avons vérifié sur le registre maritime, reprit-elle. Le bateau appartient à Kyocera-Merck, port d’attache : Vancouver. Sur le rôle d’équipage, le nom du capitaine est Amiel Kohlberg, nationalité allemande. Pas Kovalcik.
— On ne dirait pas un remorqueur d’icebergs.
— C’est un calamarier, capitaine, expliqua Rennett d’une voix neutre, où perçait le mépris.
Comme s’il ne savait pas ce qu’était un calamarier ! Il ne releva pas. Cela l’amusait toujours de constater qu’il suffisait à quelqu’un d’avoir un tout petit peu plus d’expérience de la mer que lui pour le traiter comme un novice. Même si c’était le cas. Mais il n’en faisait pas une maladie. Quand on leur verserait les primes à Frisco, c’est lui qui recevrait la part du capitaine, pas eux.
Carpenter relut le message radio.
Urgent. Question de vie ou de mort.
Et merde ! Merde de merde !
L’idée de tout laisser tomber pour s’occuper d’un bateau en difficulté ne lui disait rien du tout. Il n’était pas payé pour donner un coup de main à un collègue, en particulier s’il était employé par Kyocera-Merck. Surtout pas K.M., ce n’était vraiment pas le moment. Les relations entre Samurai Industries et Kyocera-Merck étaient très tendues ces temps-ci, encore plus que d’habitude. Une histoire à propos du contrat d’amendement du désert de Gobi, un exemple flagrant d’espionnage industriel qui avait mal tourné, une connerie de ce genre. Et Carpenter devait s’occuper de son iceberg sans que rien ne vienne le détourner de sa tâche.
Et puis il sentait aussi, avec une pointe d’agacement, un soupçon poindre au tréfonds de son âme, une trace de méfiance qui aurait certes pu avoir un relent de paranoïa, si l’expérience de plus de trois décennies des dures réalités de la vie ne l’avait conduit à douter de la réalité de la paranoïa. Les salauds étaient partout, toujours prêts à faire un mauvais coup. En montant en pleine mer à bord d’un navire inconnu, il deviendrait extrêmement vulnérable. Et si c’était un sale tour qu’on voulait lui jouer ?
Mais Carpenter savait qu’il ne fallait pas pousser trop loin la prudence. Cela l’embarrassait de ne pas répondre à un appel de détresse. Même si les vieilles lois de la mer et les derniers vestiges de ce qui constituait le respect humain élémentaire étaient devenus des concepts sans valeur en cette époque troublée, dans la fournaise de ce monde malheureux, la honte ou le sentiment de culpabilité ne lui étaient pas encore devenus étrangers. Et la roue de la Fortune ne cesse jamais de tourner. Celui qui ne répond pas à un appel au secours peut, un jour, se trouver lui aussi en fâcheuse posture.
Rennett, Nakata, Hitchcock : tous les regards convergeaient sur lui.
— Qu’est-ce que vous comptez faire, cap’tain ? demanda le navigateur, un éclair dans les yeux, un sourire malveillant sur sa bouche édentée. Vous y allez ?
Quel emmerdeur ! songea Carpenter.
— Vous croyez donc que c’est sérieux ? demanda-t-il à son navigateur en lui lançant un regard noir.
— C’est pas à moi de le dire, répondit Hitchcock avec un haussement d’épaules. C’est vous le capitaine. Tout ce que je sais, c’est qu’ils disent qu’ils ont des ennuis, qu’ils ont besoin de nous.
— Et si c’était un coup monté ?
Le regard que Hitchcock posa sur Carpenter était placide, distant, neutre. Ses épaules carrées semblaient emplir toute la largeur du pont.
— C’est un appel de détresse, cap’tain. Si un bateau a besoin d’aide, on l’aide, c’est comme ça que j’ai toujours vu les choses, depuis le temps que je bourlingue. Mais peut-être qu’on pense différemment, quand on a du galon. Et comme je l’ai dit, c’est vous le capitaine, pas moi.
Carpenter se prit à souhaiter que le navigateur garde pour lui ses fichues réminiscences du bon vieux temps. Mais, même si cette histoire l’emmerdait, le vieux marin avait raison. Un navire en détresse est un navire en détresse. Il faudrait aller voir ce qui se passait. Bien sûr qu’il le ferait. Il se rendit compte qu’il n’avait jamais vraiment eu le choix.
— Dites à Caskie, fit-il en s’adressant à Rennett, de prévenir ce Kovalcik que nous faisons route vers l’iceberg pour faire valoir nos droits en y crochant des grappins. Cela devrait prendre à peu près une heure et demie. Ensuite, j’irai peut-être à son bord voir de quoi il retourne.
— Pigé, dit Rennett avant de repartir.
De nouvelles images de l’iceberg étaient arrivées pendant la discussion. Pour la première fois, Carpenter distingua du côté du vent les cannelures dues à l’érosion, à la hauteur de la ligne de flottaison, les cavités sous la surface de l’eau, les éperons si fragiles qui commençaient à se former. Le fait que la base fût entamée par la fonte ne signifiait pas nécessairement que le géant de glace allait basculer – cela se produisait rarement, pour de grosses cales sèches comme celui-ci –, mais il fallait s’attendre à d’importantes oscillations, un fort roulis, une grosse houle ; ils n’étaient pas sortis de l’auberge. L’horizon s’assombrissait rapidement.
— Bon Dieu ! souffla Carpenter en poussant les images vers Nakata. Regardez donc ça !
— Pas de problème. Il faudra placer les grappins sous le vent, c’est tout.
— Oui, ça se présente plutôt bien.
Pour Nakata, cela paraissait simple. Carpenter parvint à ébaucher un sourire.
Le côté opposé de l’iceberg formait une paroi abrupte, une muraille verticale d’un blanc immaculé, lisse comme la porcelaine, haute d’une bonne centaine de mètres, d’où partait une langue de glace d’une quarantaine de mètres, plongeant dans la mer comme un brise-lames. C’est bien ainsi que le Calamari Maru l’utilisait : le calamarier était à l’ancre dans une échancrure de la langue de glace.
Carpenter n’aimait pas voir un autre navire niché contre son iceberg. Mais le calamarier, dépourvu de grappins, spécialisé dans son propre type de pêche, ne semblait présenter aucun danger.
Il fit signe à Nakata qui se tenait devant son pupitre de contrôle, tout à fait à l’avant.
— Lancez les grappins ! cria Carpenter. En vitesse !
Nakata agita la main pour signaler qu’il avait compris et commença à tapoter son clavier. Un instant plus tard, un grincement prolongé accompagnant l’ouverture du panneau de protection des grappins se fit entendre, aussitôt suivi d’un grondement sourd d’engrenage. Dans les entrailles du bâtiment, d’énormes mécanismes pivotaient pour se mettre en position. Le mastodonte de glace demeurait immobile sur la mer calme.
Cela ressemblait un peu à la pêche hauturière. L’important n’était pas tant de ferrer son poisson que de savoir ce que l’on faisait après, quand il fallait le fatiguer.
Toute la carcasse du navire vibra quand le premier grappin jaillit. Il s’éleva très haut, tel un oiseau aux serres gigantesques emplissant la moitié du ciel, une forme noire se détachant sur un fond lumineux. Puis Nakata enfonça de nouvelles touches et le grappin, ayant atteint le point culminant de sa courbe, redescendit avec force en direction du flanc de l’iceberg.
Il atteignit sa cible, s’y ficha et demeura solidement accroché. Le géant de glace recula, frémit, tangua. Une pluie de neige dégringola du haut de la paroi. Quand l’impact se transmit à l’énorme masse immergée de l’iceberg, c’est tout le bloc de glace qui s’inclina vers l’avant, un peu plus que Carpenter ne l’avait prévu, en produisant un affreux bruit de succion ; quand il revint en arrière pour reprendre sa place, il souleva un geyser d’une vingtaine de mètres. Les pauvres diables qui attendaient à bord du Calamari Maru allaient passer un sale moment. Mais ils avaient choisi de ne pas quitter leur mouillage-pendant toute l’opération. S’attendaient-ils à ne recevoir que quelques petites éclaboussures ?
Sur le pont, à la proue, Nakata tendait la main vers l’iceberg, le majeur dressé, comme pour lui dire : Je t’ai eu !
Un vent froid soufflait de la montagne de glace. C’était comme la respiration de quelque gigantesque animal blessé, l’effluve d’un passé révolu, un souffle fossile.
Ils avancèrent encore un peu le long du flanc de l’iceberg.
— Grappin numéro deux, ordonna Carpenter.
L’iceberg avait plus ou moins retrouvé une position stable. Il était à l’évidence beaucoup plus creusé sous l’eau qu’ils ne l’avaient pensé, mais ils se débrouilleraient. De son poste de guet, près du bastingage de la poupe, Carpenter attendait la bouffée de plaisir et de soulagement que la prise de l’iceberg, au dire des autres, devait susciter. Mais il ne ressentait rien ; il n’avait qu’un sentiment d’impatience, il était pressé de crocher les quatre grappins et de mettre le cap sur le Golden Gate.
Le deuxième grappin s’envola, plana un instant, piqua et se planta dans le bloc de glace.
Cette fois encore, l’iceberg frappa violemment la surface de l’eau, la mer se souleva, une houle se forma. Carpenter eut à peine le temps d’apercevoir l’autre navire dansant comme un bouchon sur les flots agités et se demanda si la langue de glace au creux de laquelle il s’était abrité n’allait pas se briser et le faire sombrer. Il eût été beaucoup plus malin de jeter l’ancre ailleurs. Mais tant pis pour eux. Ils avaient été prévenus.
Le troisième grappin ne causa aucune difficulté.
Plus qu’un.
— Numéro quatre ! cria Carpenter.
Un iceberg à quatre points d’ancrage était un cas particulier. Les filins avaient des tas d’occasions de s’accrocher aux aspérités, les câbles de s’emmêler.
Mais Nakata connaissait son boulot. Une dernière fois, le grappin fusa, s’élevant presque à la verticale pour survoler l’iceberg avant de se ficher du côté opposé ; la monstrueuse île de glace était à eux, ficelée, ligotée. Il ne restait plus qu’à vaporiser la poussière réfléchissante, à l’envelopper dans une bâche de plastique à la hauteur de la ligne de flottaison afin de ralentir l’érosion due à la houle et à la remorquer vers San Francisco.
Une bonne chose de faite, se dit Carpenter.
Il pouvait enfin prendre un peu de temps pour réfléchir à ce fichu calamarier et à ses problèmes.