Miller était en plein dans son repas du soir quand le système comm de son appartement émit un signal. Il jeta un œil au code d’envoi. La Grenouille Bleue. Un bar proche du spatioport qui servait à manger aux millions de visiteurs de Cérès et se prétendait une réplique presque exacte de son célèbre modèle terrien, à Mumbai, avec en plus des prostituées sous licence et des drogues légales. Miller avala une autre bouchée de haricots fongiques et de riz avant de décider s’il allait ou non accepter l’appel.
J’aurais dû m’en douter, songea-t-il.
— Quoi ? dit-il.
L’écran s’alluma. Hasini, le directeur adjoint, était un homme au teint sombre et aux yeux de la couleur de la glace. L’ombre de rictus qui planait sur ses traits résultait d’une lésion neurologique. Miller lui avait rendu service quand Hasini avait commis l’erreur de s’apitoyer sur le sort d’une prostituée qui n’était pas sous contrat. Depuis, l’inspecteur de la sécurité et le barman s’étaient rendu quelques services. L’économie souterraine de la civilisation.
— Votre partenaire est encore là, annonça Hasini malgré le vacarme de la musique bhangra en fond sonore. Je crois qu’il passe une mauvaise soirée. Je dois continuer à le servir ?
— Ouais, dit Miller. Faites en sorte qu’il soit relax pendant encore… Laissez-moi vingt minutes.
— Il n’a pas envie d’être relax. Il cherche même une raison de se foutre en rogne.
— Alors faites en sorte qu’il n’en ait pas l’occasion. J’arrive.
Hasini acquiesça et lui craqua son sourire en biais avant de couper la communication. Miller considéra le repas qu’il n’avait consommé qu’à moitié, soupira, et balança les restes dans la poubelle à recyclage automatique. Il alla prendre une chemise propre, puis marqua un temps d’hésitation. À La Grenouille Bleue, il faisait toujours un peu trop chaud pour lui, et il détestait porter une veste. Il préféra prendre un pistolet en plastique dans son étui de ceinture. Pas aussi rapide à dégainer, mais s’il en arrivait là, de toute façon il serait perdant.
La Cérès nocturne était impossible à distinguer de la Cérès diurne. À l’inauguration de la station, il y avait bien eu une tentative pour abaisser et accentuer l’éclairage, afin de respecter le cycle terrestre de vingt-quatre heures et d’imiter la rotation de la planète bleue. Le simulacre avait duré quatre mois, et puis le Conseil avait annulé ces mesures.
S’il avait été de service, Miller aurait pris un de ces chariots électriques qui sillonnaient les grands tunnels pour rejoindre les niveaux du spatioport. Et bien qu’il soit de repos, il fut tenté de le faire, mais une superstition enracinée en lui l’en dissuada. S’il prenait un chariot, il agissait en flic, or le métro était tout aussi rapide. Miller alla à pied jusqu’à la station la plus proche, il s’enregistra et s’assit sur un banc comme tout le monde. Un homme de son âge accompagné d’une fillette de pas plus de trois ans arrivèrent une minute plus tard et s’installèrent en face de lui. La gamine parlait sans arrêt de tout et de rien, et son père répondait simplement par des grognements et des hochements de tête quand il pensait la réaction appropriée.
Miller et l’homme se saluèrent d’un petit signe de tête. La jeune chipie tira sur la manche de son père pour accaparer son attention. L’inspecteur l’observa – les yeux sombres, les cheveux clairs, le teint pâle. Elle était déjà trop grande, ses membres étaient trop longs et trop fins pour qu’on la confonde avec une Terrienne. Sa peau avait déjà ce reflet rosâtre particulier aux enfants de la Ceinture, né du cocktail pharmaceutique qu’ils ingurgitaient pour assurer une croissance solide de leur ossature et de leur musculature. Miller vit que le père avait remarqué son intérêt. Il sourit et désigna l’enfant.
— Quel âge ? demanda-t-il.
— Deux ans et demi.
— Bel âge.
Le père haussa les épaules, puis sourit.
— Des enfants ? dit-il.
— Non, répondit Miller. Mais mon divorce a le même âge, en gros.
Ils feignirent de rire ensemble, comme si tout cela était hilarant. Miller imagina Candace qui croisait les bras et détournait le regard. La brise légère sentant l’huile et l’ozone annonçait l’arrivée du métro. Laissant le père et la fille monter dans un compartiment, il en choisit un autre.
Les voitures du métro étaient arrondies, conçues pour correspondre aux passages d’évacuation. Il n’y avait pas de fenêtre. Le seul paysage aurait été la pierre filant à trois centimètres du véhicule, dans un bourdonnement continu. À la place, de grands écrans faisaient défiler des publicités pour des spectacles, des commentaires sur les scandales politiques internes à la planète, ou vous proposaient d’aller dilapider une semaine de salaire dans des casinos si merveilleux que votre existence en paraîtrait plus riche après une telle expérience. Miller laissa les couleurs vives et vides de sens danser devant lui, et ignora leur contenu. Ses pensées étaient centrées sur son problème qu’il étudiait sous tous les angles, sans même chercher une solution.
C’était un simple exercice mental. Considérer les faits en se gardant de porter un jugement : Havelock était un Terrien. Havelock se trouvait une fois de plus dans un bar près du spatioport, et il cherchait la bagarre. Havelock était son partenaire. Affirmation après affirmation, fait après fait, facette après facette. Il n’essayait pas de classer les éléments ou d’en tirer une quelconque histoire. Cette phase viendrait plus tard. Il avait assez à faire rien qu’à chasser de son esprit les affaires du jour et à se préparer à la situation en cours. Quand le métro atteignit sa station, il se sentait concentré. Comme s’il marchait sur l’intégralité de son pied, c’est ainsi qu’il aurait décrit son état à l’époque où il avait quelqu’un à qui le décrire.
La Grenouille Bleue était bondée, et la chaleur des corps s’ajoutait à la température artificielle de Mumbai et à la pollution artificielle de l’air. Les tables ondulaient et s’incurvaient, le rétroéclairage les rendant plus sombres que simplement noires. La musique qui emplissait l’air avait une présence physique, et son rythme était une série de petites secousses. Au milieu d’un groupe de videurs dopés aux stéroïdes et de serveuses très peu vêtues, Hasini accrocha le regard de Miller et lui indiqua le fond de la salle. L’inspecteur se contenta de tourner et de fendre la foule.
Les bars des spatioports étaient toujours des lieux d’instabilité. Il prit soin de ne bousculer personne. Et s’il ne pouvait l’éviter, il préférait que ce soit un Ceinturien plutôt qu’un type des planètes intérieures, une femme plutôt qu’un homme. Il affichait constamment une expression d’excuse légère.
Havelock était attablé seul, une de ses mains enserrant une flûte. Lorsque son équipier s’assit, il tourna la tête vers lui, prêt à s’emporter, les narines frémissantes et les yeux agrandis. Puis la surprise le saisit. Et quelque chose comme une gêne maussade.
— Miller, dit-il. Qu’est-ce que tu viens faire ici ?
Dans les tunnels au-dehors, il aurait hurlé. Ici il parvint tout juste à se faire entendre de son collègue.
— Je n’avais pas grand-chose à faire dans ma piaule, répondit Miller. J’ai pensé venir chercher la bagarre, pour m’occuper.
— C’est une bonne nuit pour ça.
Il avait raison. Même dans les bars qui servaient les gens venus des planètes intérieures, le mélange était rarement meilleur qu’un Terrien ou un Martien pour dix. En scrutant la foule, Miller constata que les hommes et femmes à la silhouette plus petite et ramassée en composaient près d’un tiers.
— Un vaisseau est arrivé ? demanda-t-il.
— Ouais.
— De la FCTM ?
La Flotte de la coalition Terre-Mars passait souvent par Cérès sur son trajet pour Saturne, Jupiter et les stations de la Ceinture, mais Miller n’avait pas assez prêté attention à la position respective des planètes pour connaître toutes leurs orbites. Havelock secoua la tête.
— La sécurité d’une entreprise qui effectue une rotation depuis Éros. Protogène, je crois.
Une serveuse apparut auprès de Miller, tatouages glissant sur sa peau, dents brillantes dans la lumière noire. Il prit la boisson qu’elle lui proposait. Eau de Seltz.
Il se pencha vers Havelock, assez près pour se faire entendre sur un ton normal :
— Tu sais, peu importe le nombre de leurs culs que tu botteras. Shaddid ne t’appréciera pas plus pour ça.
Havelock redressa vivement la tête et le regarda. La colère dans ses yeux masquait mal la honte et la peine.
— C’est la vérité, ajouta Miller.
Son partenaire se leva en chancelant et se dirigea vers la sortie. Il essayait de marcher d’un pas lourd, mais dans la pesanteur tournante de Cérès et à cause de son état d’ébriété, il n’y arrivait pas très bien et donnait plutôt l’impression de sautiller. Le verre à la main, Miller se glissa dans son sillage et calma d’un sourire et d’un haussement d’épaules les visages offensés que son partenaire laissait derrière lui.
Les tunnels publics près du spatioport étaient couverts d’une couche de crasse et de graisse que les assainisseurs d’air et les produits d’entretien n’arrivaient pas à éradiquer. Havelock sortit, la tête rentrée dans les épaules, les lèvres serrées et la rage irradiant de sa personne comme de la chaleur. Mais les portes de La Grenouille Bleue se refermèrent derrière eux, et leur hermétisme parfait coupa la musique comme si quelqu’un l’avait éteinte. Le pire du danger était passé.
— Je ne suis pas saoul, dit Havelock d’une voix trop forte.
— Je n’ai pas dit que tu l’étais.
Il se retourna et pointa un index accusateur sur la poitrine de Miller.
— Et toi, tu n’es pas ma nounou.
— C’est vrai, ça aussi.
Ils marchèrent ensemble pendant environ un quart de kilomètre. Les enseignes à cristaux liquides étincelants étaient autant d’invites. Bordels et salons de shoot, cafés et clubs de poésie, casinos et spectacles de combats. L’air sentait l’urine et la nourriture périmée. Havelock commença à ralentir, et ses épaules se rabaissèrent peu à peu.
— J’ai bossé aux homicides à Terrytown, dit-il. J’ai fait trois ans aux mœurs à L-5. As-tu seulement idée de ce que c’est ? Ils faisaient le commerce d’enfants, là-bas, et je suis un des trois types qui ont mis fin à ça. Je suis un bon flic.
— Oui, tu es un bon flic.
— Foutrement bon.
— Oui.
Ils passèrent devant un bar à nouilles. Un hôtel à capsules individuelles, un terminal public dont le bandeau déroulait les dernières nouvelles : LA STATION SCIENTIFIQUE PHŒBÉ SOUFFRE DE PROBLÈMES DE COMMUNICATION. LE NOUVEAU JEU ANDREAS K RAPPORTE 6 MILLIARDS DE DOLLARS EN QUATRE HEURES. PAS D’ACCORD SUR LE CONTRAT DU TITANIUM ENTRE MARS ET LA CEINTURE. Les messages défilaient devant les yeux d’Havelock, mais il ne les lisait pas.
— Je suis un flic foutrement bon, répéta-t-il et, un moment plus tard : Alors pourquoi, merde ?
— Ce n’est pas toi. Les gens te regardent, et ils ne voient pas Dmitri Havelock, un bon flic. Ils voient la Terre.
— Conneries, ça. J’ai passé huit ans sur les stations orbitales et sur Mars avant d’être envoyé ici. J’ai bossé sur Terre peut-être six mois, au total.
— La Terre. Mars. Ils ne sont pas très différents, fit remarquer Miller.
— Essaie de dire ça à un Martien, répliqua Havelock avec un rire aigre. Il te bottera le cul.
— Je ne voulais pas dire… Écoute, je ne doute pas qu’il y ait toutes sortes de différences. La Terre déteste Mars parce que Mars a une flotte bien meilleure. Mars déteste la Terre parce que la Terre a une flotte plus grande. Peut-être que le foot est mieux en pesanteur normale, peut-être que c’est pire. Je n’en sais rien. Je veux juste dire que pour n’importe qui d’aussi éloigné du soleil, il s’en fout. À cette distance, tu peux couvrir la Terre et Mars avec ton pouce. Et…
— Et je ne suis pas à ma place ici.
Derrière eux, la porte du bar à nouilles s’ouvrit et quatre Ceinturiens en uniforme gris-vert sortirent. L’un d’eux portait sur sa manche le cercle fendu de l’Alliance des Planètes extérieures. Miller se raidit, mais le quatuor ne vint pas dans leur direction, et son équipier ne le vit même pas. Il s’en était fallu de peu.
— Je le savais, dit Havelock. Quand j’ai accepté ce contrat avec Hélice-Étoile, je savais que je devrais y mettre du mien pour me faire accepter. Je pensais que ce serait pareil que n’importe où ailleurs, tu comprends ? Tu te pointes, on te rudoie un peu pendant quelque temps, et puis on voit que tu assures et on te traite comme un membre de l’équipe. Ce n’est pas comme ça, ici.
— C’est vrai.
Havelock secoua la tête, cracha sur le sol et considéra la flûte dans sa main.
— Je crois que nous avons volé des verres à La Grenouille Bleue, dit-il.
— Et nous sommes sur une voie publique avec de l’alcool non cacheté, dit Miller. Enfin, toi, au moins. Moi, c’est de l’eau de Seltz.
Havelock s’esclaffa, mais on sentait du désespoir dans cet éclat, et quand il reprit la parole, ce fut d’un ton plein de regret :
— Tu penses que je suis descendu ici dans le but de me cogner avec des gens des planètes intérieures, pour que Shaddid, Ramachandra et tous les autres aient une meilleure opinion de moi.
— L’idée m’a traversé l’esprit.
— Tu te trompes.
— D’accord, dit Miller, certain pourtant d’avoir vu juste.
Havelock leva sa flûte.
— On rapporte les verres ? fit-il.
— Et si on allait plutôt au Distinguished Hyacinth Lounge ? proposa Miller. C’est moi qui régale.
Le Distinguished Hyacinth Lounge était situé trois niveaux plus haut, assez loin pour que les piétons venus du spatioport y soient très peu nombreux. Et c’était un bar de flics. Ceux de Hélice-Étoile composaient la majeure partie de la clientèle, mais des membres des forces de sécurité de firmes moins importantes – Protogène, Pinkwater, Al Abbiq – y traînaient aussi. À plus de cinquante pour cent, Miller estimait le dernier accès dépressif de son partenaire en voie de rémission, mais s’il faisait erreur mieux valait garder les choses en famille.
Le décor était purement ceinturien : tables pliantes et chaises de vaisseaux à l’ancienne rivées aux murs et au plafond, comme si la pesanteur risquait de disparaître à tout moment. Des plantes aux branches sinueuses et du lierre du Diable – élément de base du recyclage de l’air de première génération – décoraient les murs et les piliers non encastrés. La musique était assez douce pour qu’on puisse s’entendre, et assez forte pour que les conversations privées le restent. Le premier propriétaire, Javier Liu, était un ingénieur civil venu de Tycho pendant la grande rotation et qui s’était assez plu sur Cérès pour y rester. C’était maintenant ses petits-enfants qui dirigeaient l’établissement. Javier II se tenait derrière le comptoir et discutait avec la moitié du service des mœurs. Miller ouvrit le chemin vers le fond de la salle et au passage salua de la tête les hommes et les femmes qu’il connaissait. Alors qu’il s’était montré prudent et diplomate à La Grenouille Bleue, ici il adoptait une attitude crânement mâle. Dans les deux cas, c’était un personnage qu’il jouait.
Lorsque Kate, la fille de Javier III, et donc la quatrième génération pour le même bar, repartit de leur table avec les verres de La Grenouille Bleue sur son plateau, Havelock prit la parole :
— Alors, c’est quoi, cette enquête privée super-secrète dont Shaddid t’a chargé ? Ou est-ce qu’un simple Terrien n’a pas à le savoir ?
— C’est ce qui t’a mis en rogne ? répondit Miller. Ce n’est rien. Des actionnaires ont perdu la trace de leur fille. Ils veulent que je la retrouve et que je la ramène à la maison. Une mission de merde.
— Ça m’a l’air plus dans leurs cordes, non ? fit Havelock en désignant d’un mouvement de menton les membres des mœurs.
— La fille n’est pas une mineure. Il s’agit de la kidnapper.
— Et tu es doué pour ça ?
Miller se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Havelock attendait, et il eut l’impression désagréable que les rôles s’étaient inversés.
— C’est mon boulot, dit-il.
— Ouais, mais nous parlons d’une adulte, là, non ? Ce n’est pas comme si elle ne pouvait pas rentrer d’elle-même si elle le voulait. Mais au lieu de ça, ses parents demandent aux forces de sécurité de la ramener à la maison, qu’elle soit d’accord ou pas. Ce n’est plus une opération de maintien de l’ordre. Ce n’est même pas dans les attributions des forces de sécurité de la station. C’est des familles à problèmes qui se servent de leur pouvoir.
Miller se remémora la fille mince à côté de sa chaloupe de course. Son grand sourire.
— Je te l’ai dit, c’est un boulot de merde, lâcha-t-il.
Kate Liu revint, avec sur son plateau une bière locale et un verre de whiskey. Miller fut heureux de cette diversion. La bière était pour lui. Légère et parfumée, avec juste la touche subtile d’amertume qu’il fallait. Une écologie fondée sur les levures et la fermentation donnait des breuvages très fins.
Havelock sirota son whiskey. Miller y vit le signe qu’il ne cherchait plus à s’enivrer. Rien de tel que retrouver les gars du bureau pour ne plus avoir envie de perdre les pédales.
— Eh ! Miller ! Havelock ! lança une voix familière.
Yevgeny Cobb, des homicides. Miller lui fit signe de les rejoindre, et la conversation roula sur les fanfaronnades de l’inspecteur et sa résolution d’une affaire particulièrement laide. Trois mois d’enquête pour découvrir d’où venaient les toxines, et pour finir l’enterrement de la victime était pris en charge par l’assurance, et une pute du marché parallèle était renvoyée sur Éros.
À la fin de la soirée, Havelock riait et plaisantait avec les autres. S’il y avait de temps à autre un regard en biais ou une petite pique, il ne semblait pas en être dérangé.
Miller se rendait au bar pour commander une autre tournée quand son terminal sonna. Et cinquante autres dans la salle. Il sentit son ventre se nouer tandis que ses collègues et lui-même sortaient leur appareil de leur poche.
Le capitaine Shaddid était visible sur son écran. Son regard un peu vague était empli d’une fureur difficilement contenue. Elle était l’image même d’une femme de pouvoir qu’on vient de tirer du lit.
— Mesdames et messieurs, dit-elle, quoi que vous fassiez, laissez tomber et rendez-vous à votre poste pour y recevoir des ordres en urgence. Nous sommes confrontés à une situation délicate.
“Il y a dix minutes, un message crypté et signé nous est parvenu, envoyé de la région de Saturne. Nous n’avons pas confirmation de son authenticité, mais les signatures correspondent aux clef enregistrées. J’ai interdit sa diffusion, mais nous sommes en droit de penser qu’un trou-du-cul quelconque va le faire passer sur le réseau, et ce sera le bordel cinq minutes après. Si vous êtes auprès d’un civil, coupez immédiatement. Pour les autres, voici à quoi nous sommes confrontés.
Shaddid se déplaça sur le côté et pianota sur l’interface de son système. L’écran vira au noir, puis le visage et les épaules d’un homme l’occupèrent. Il était vêtu d’une combinaison pressurisée orange et avait ôté son casque. Un Terrien, la trentaine passée. Le teint pâle, les yeux bleus, les cheveux noirs coupés court. Avant même qu’il ouvre la bouche, Miller détecta les signes d’un choc et de la colère dans ses yeux et dans la façon dont il tendait la tête en avant.
— Je m’appelle James Holden.