33 Holden

Pendant les cinq jours suivants, ils restèrent alités à l’infirmerie pendant que le système solaire s’enflammait autour d’eux. Les explications sur la fin d’Éros allaient d’un effondrement écologique massif provoqué par un manque d’approvisionnement dû à la guerre, à une attaque masquée des Martiens ou bien à un accident survenu dans un laboratoire de la Ceinture concevant des armes biologiques secrètes. D’après les analyses menées par les planètes intérieures, l’APE et les terroristes de leur acabit avaient fini par montrer le danger qu’ils constituaient pour les populations civiles innocentes. La Ceinture accusait Mars, ou les équipes de maintenance d’Éros, voire l’APE, de ne rien avoir fait pour empêcher la catastrophe.

Et puis une escadre de frégates martiennes imposa un blocus à Pallas, une révolte sur Ganymède se solda par seize morts, et le nouveau gouvernement de Cérès annonça que tous les vaisseaux sous pavillon martien présents sur la station étaient réquisitionnés. Menaces et accusations se multiplièrent, toutes réglées sur le rythme des tambours de guerre humains qui battaient en fond sonore. Éros avait été une tragédie, un crime, mais c’était terminé, et de nouveaux dangers apparaissaient dans tous les recoins de l’espace humain.

Holden alluma les infos, gigota dans son lit et tenta de réveiller Miller rien qu’en le regardant fixement, ce qui ne marcha pas. L’exposition massive aux radiations ne lui avait pas conféré de superpouvoirs. Son voisin se mit à ronfler.

Il s’assit et testa la gravité. Moins d’un quart de g. Alex n’était pas pressé, donc. Naomi leur laissait le temps de se remettre avant leur arrivée sur le mystérieux astéroïde magique de Julie.

Merde.

Naomi.

Ses derniers passages à l’infirmerie avaient été étranges. Elle n’abordait jamais le sujet de son geste romantique raté, mais il sentait maintenant une barrière dressée entre eux, et cela l’emplissait de regrets. Et chaque fois qu’elle quittait la pièce, Miller détournait le regard de lui et soupirait, ce qui ne faisait rien pour arranger les choses.

Mais il ne pouvait pas éviter éternellement la jeune femme, aussi idiot qu’il se sente. Il balança ses pieds par-dessus le bord du lit et les pressa sur le sol. Ses jambes étaient affaiblies, mais pas en coton. La plante de ses pieds était douloureuse, nettement moins cependant qu’à peu près tout le reste de son corps. Il se leva, en s’appuyant d’une main sur le lit, et mit à l’épreuve son sens de l’équilibre. Il vacilla mais resta debout. Deux pas lui prouvèrent qu’il était possible de marcher dans cette pesanteur réduite. La perfusion tirait sur son bras. Il n’avait plus qu’une poche d’un liquide bleu clair quelconque. Il aurait été bien incapable de dire de quoi il s’agissait, mais Naomi ayant affirmé qu’il avait frôlé la mort, il pensa que ce traitement devait être important. Il ôta la poche du crochet mural et la tint dans sa main gauche. La pièce sentait l’antiseptique et la diarrhée. Il n’était pas mécontent d’en sortir.

— Où allez-vous ? demanda Miller d’une voix faible.

— Dehors, dit-il, avec le souvenir soudain et viscéral de ce qu’il éprouvait à quinze ans.

— Ah, d’accord, grogna l’ex-policier, qui roula sur le côté.

L’écoutille de l’infirmerie se trouvait à quatre mètres de l’échelle centrale. Holden couvrit cette distance par une lente succession de pas glissants, et les chaussons en papier produisirent un son de frottement sur le sol métallique recouvert de tissu. L’échelle eut raison de ses efforts. Même si les ops étaient au niveau directement supérieur, l’ascension de trois mètres aurait aussi bien pu en compter mille. Il enfonça le bouton d’appel de l’ascenseur, et quelques secondes plus tard le panneau au sol coulissa et la cabine ouverte en monta dans un geignement électrique. Holden voulut sauter dedans, mais il ne réussit à effectuer qu’une sorte de chute au ralenti qui se termina quand il agrippa l’échelle et s’agenouilla sur la plate-forme de l’ascenseur. Il arrêta le tout, se redressa et remit en marche pour s’élever au niveau supérieur et y apparaître dans ce qu’il espérait être une attitude moins avachie et plus digne de son rang de capitaine.

— Bordel, vous avez toujours une tronche de cadavre, dit Amos quand l’ascenseur s’immobilisa.

Le mécanicien était allongé en travers de deux sièges au poste des senseurs et mâchouillait ce qui ressemblait à une bande de cuir.

— Vous n’arrêtez pas de dire ça.

— Parce que ça n’arrête pas d’être vrai.

— Amos, vous n’avez rien à faire ? demanda Naomi.

Elle était assise devant un des ordinateurs et observait quelque chose qui clignotait sur l’écran. Elle ne tourna pas la tête quand Holden arriva sur le pont. C’était mauvais signe.

— Non, répondit Amos. C’est le vaisseau le plus ennuyeux sur lequel j’aie jamais embarqué, patronne. Pas de panne, pas de fuite, même pas un cliquetis à faire taire en resserrant l’attache d’une pièce.

Il avala le reste de sa friandise et eut un claquement de lèvres approbateur.

— Vous pouvez toujours passer la serpillière, dit Naomi, qui tapa quelque chose sur l’écran devant elle.

Le regard d’Amos alla de la jeune femme à Holden, puis revint sur elle.

— Oh, ça me rappelle… Il faut que je descende dans la salle des machines pour examiner ce… ce truc que je voulais examiner, dit-il en se levant brusquement. ’scusez, chef.

Il contourna le Terrien, sauta sur la plate-forme de l’ascenseur et le mit en marche. Le panneau se referma sur lui.

— Salut, dit Holden à Naomi une fois que le mécanicien eut disparu.

— Salut, répondit-elle sans le regarder.

Ce n’était toujours pas bon signe. Quand elle avait incité Amos à s’éclipser, il avait espéré qu’elle souhaitait discuter. Mais cela ne semblait pas d’actualité. Il soupira et d’un pas traînant rejoignit le siège libre à côté d’elle. Lorsqu’il s’y affala, un fourmillement avait envahi ses jambes comme s’il venait de courir sur un kilomètre et non parcourir vingt pas tout au plus. Naomi avait les cheveux défaits, et ils masquaient son visage à Holden. Il eut envie de les repousser en arrière, mais il eut peur qu’elle lui casse le coude en recourant au kung-fu ceinturien s’il essayait.

— Écoutez…, commença-t-il.

Elle l’ignora et enfonça une touche sur le panneau de contrôle. Il se tut quand le visage de Fred s’afficha sur l’écran devant elle.

— C’est Fred ? demanda-t-il, incapable de trouver autre chose à dire.

— Il faut que vous voyiez ça. Je l’ai reçu de Tycho il y a deux heures, par le faisceau de ciblage, après leur avoir envoyé une mise à jour de notre situation.

Elle appuya sur le bouton de lecture et le visage de Johnson s’anima.

— Naomi, il semble que vous ayez connu des moments difficiles. On parle partout de la fermeture de la station, et d’une supposée explosion nucléaire. Personne ne sait trop quoi penser de ces bruits qui courent. Gardez-nous informés. En attendant, nous avons réussi à ouvrir ce cube de données que vous nous avez laissé. Hélas, je ne pense pas que son contenu nous sera d’une grande aide. On dirait un tas de données relatives aux senseurs du Donnager, surtout des données EM. Les spécialistes ici ont recherché des messages cachés, mais ils n’ont rien trouvé. Je vous transmets ces données. Si vous trouvez quelque chose, faites-le moi savoir. Ici Tycho, terminé.

L’écran redevint vide.

— À quoi ressemblent ces données ? demanda Holden.

— À exactement ce qu’il vient de dire, fit Naomi. Des données des senseurs EM du Donnager pendant la poursuite par les six appareils inconnus, et pendant la bataille proprement dite. J’ai fouillé dans les données brutes à la recherche d’un message caché, mais je n’ai rien trouvé. J’ai même mis le système du Rossi à mouliner depuis deux heures, pour définir un éventuel schéma récurrent, une configuration régulière. Cet appareil est très bien équipé pour ce genre de tâche, mais pour l’instant il n’a rien déniché.

Elle tapota l’écran à nouveau et les données brutes défilèrent, plus vite qu’Holden ne pouvait les lire. Dans une petite fenêtre sur un côté, le programme de reconnaissance du Rossinante travaillait pour débusquer ce qu’il y avait à débusquer. Holden l’observa une minute, mais très vite son regard devint flou.

— Le lieutenant Kelly est mort pour ces données, dit-il. Il a quitté le vaisseau alors que ses camarades combattaient toujours. Les Marines n’agissent de la sorte que s’ils ont une très bonne raison de le faire.

Naomi haussa les épaules et désigna l’écran d’un geste qui sentait la résignation.

— C’est ce qu’il y avait sur ce cube. Peut-être qu’il y a quelque chose de stéganographique, mais je n’ai pas un autre ensemble de données auquel comparer celui-ci.

De la main, Holden se mit à tapoter sa cuisse. La douleur et ses échecs romantiques étaient momentanément oubliés.

— Admettons que ces données sont tout ce que contient le cube. Qu’il n’y a rien de caché. Pourquoi ces informations intéresseraient-elles la Flotte martienne ?

Naomi se laissa aller au fond de son siège et ferma les yeux pour mieux réfléchir, tout en enroulant et déroulant une boucle de cheveux autour de son index.

— C’est principalement des données EM, donc ce qui concerne la signature des moteurs. Les radiations émises par un propulseur constituent la meilleure façon de repérer d’autres vaisseaux. Donc ces données vous indiquent la position des vaisseaux pendant le combat. Des données tactiques ?

— Peut-être, fit Holden. Est-ce que ce serait assez important pour qu’on confie ça à Kelly ?

Naomi inspira profondément, puis souffla lentement.

— Je ne le pense pas, dit-elle.

— Moi non plus.

Quelque chose se manifestait à la lisière de sa conscience et demandait à y entrer.

— Qu’est-ce que c’était, ce truc avec Amos ? demanda-t-il.

— Amos ?

— Il s’est pointé au sas avec deux armes quand nous sommes arrivés.

— Il y a eu quelques petits problèmes pendant notre voyage de retour au vaisseau.

— Des problèmes pour qui ? voulut-il savoir, ce qui la fit sourire.

— Des méchants qui ne voulaient pas que nous pirations le verrouillage du Rossi. Amos en a “discuté” avec eux. Vous ne pensiez quand même pas que c’était parce que nous vous attendions, monsieur ?

Y avait-il un sourire dans sa voix ? Un soupçon de timidité feinte ? De badinage ? Il se retint pour ne pas sourire à son tour.

— Qu’a dit le Rossi des données quand vous les lui avez données à mouliner ? demanda-t-il.

— Voilà le résultat.

Elle toucha quelque chose sur le panneau de contrôle, et l’écran afficha de longues listes de données en texte.

— Beaucoup de choses en rapport avec le spectre lumineux et EM. Une fuite provenant d’un…

Holden laissa échapper une exclamation, et elle le regarda enfin.

— Quel imbécile je fais, grommela-t-il.

— D’accord avec vous. Vous pouvez développer un peu ?

Il toucha l’écran et fit défiler les données dans un sens, puis dans l’autre. Il s’arrêta sur une longue liste de chiffres et de lettres, et se redressa en arborant un petit sourire satisfait.

— Là, c’est bien ça…

— C’est bien quoi ?

— La structure de la coque n’est pas l’unique paramètre d’identification. C’est le plus précis, mais c’est aussi celui qui n’est valable qu’à courte distance, et il est très facile à maquiller. – D’un geste ample il désigna le Rossinante autour d’eux. – La meilleure méthode d’identification est celle basée sur la signature de la propulsion. Vous ne pouvez pas masquer le schéma des radiations et de la chaleur que vous dégagez. Et elles sont faciles à repérer, même à très grande distance.

Holden alluma l’écran devant lui et afficha le programme répertoriant les vaisseaux amis et ennemis, puis il le relia aux données sur l’écran de Naomi.

— C’est le sens de ce message, dit-il. Il indique à Mars qui a détruit le Donnager en révélant la signature de la propulsion de l’agresseur.

— Alors pourquoi ne pas dire simplement “Untel et Untel nous ont attaqués” dans un texte non crypté ? demanda Naomi sans chercher à dissimuler son scepticisme.

— Je l’ignore.

Une écoutille s’ouvrit avec un gémissement hydraulique. Naomi regarda l’échelle derrière Holden et annonça :

— Miller monte.

Le Terrien tourna la tête au moment où l’inspecteur terminait sa lente ascension depuis l’infirmerie. Il ressemblait à un poulet plumé, avec sa peau d’un gris rosâtre rendue granuleuse par la chair de poule. Sa blouse en papier s’accordait assez mal avec son chapeau.

— Euh… Il y a un ascenseur, lui fit remarquer Holden.

En ahanant, Miller se hissa laborieusement sur le pont des ops.

— Dommage que je ne l’aie pas su plus tôt. Nous en sommes où ?

— Nous essayons de percer un mystère, répondit le Terrien.

— Je déteste les mystères.

Il se dirigea vers un siège.

— Alors résolvez celui-là pour nous, dit Holden. Vous découvrez l’identité d’un meurtrier. Vous ne pouvez pas l’arrêter vous-même, donc vous transmettez l’information à votre équipier. Mais au lieu de lui envoyer seulement le nom du coupable, vous lui communiquez tous les éléments de votre enquête. Pourquoi ?

Miller toussa et se gratta le menton. Ses yeux étaient fixes, comme s’il lisait un écran invisible aux autres.

— Parce que je ne me fais pas confiance. Je veux que mon équipier arrive à la même conclusion que moi, sans que je l’influence. Je lui donne donc tous les points, pour voir comment il les relie entre eux.

— En particulier si une mauvaise interprétation peut avoir des conséquences graves, fit Naomi.

— On ne veut jamais foirer une inculpation pour meurtre, approuva Miller. Il n’y a rien de moins professionnel.

Le panneau de contrôle devant Holden émit un bip.

— Merde, je sais pourquoi ils se sont montrés aussi prudents, dit-il après avoir parcouru les données affichées. Pour le Rossi, il s’agit des moteurs standards qui équipent les croiseurs légers. Fabriqués par les Chantiers Bush.

— C’étaient des vaisseaux terriens ? dit Naomi. Mais ils ne portaient pas leurs couleurs, et… Les fils de pute !

C’était la première fois qu’Holden l’entendait jurer, et il comprenait pourquoi. Si les vaisseaux exécutant les missions secrètes pour le compte de la Flotte des Nations unies avaient détruit le Donnager, cela signifiait que la Terre était derrière toute cette affaire. Peut-être même responsable de la destruction du Canterbury, pour commencer. En conséquence, les vaisseaux de guerre martiens tuaient des Ceinturiens sans raison. Des Ceinturiens comme Naomi.

Holden se pencha en avant et afficha le réseau comm, puis il rédigea un communiqué à diffusion générale. Miller retint son souffle.

— Ce bouton que vous venez de presser, il ne déclenche pas ce que je pense qu’il déclenche, hein ? fit-il.

— Je viens de terminer la mission de Kelly pour lui, répondit Holden.

— Je n’ai aucune idée de qui est ce Kelly, grogna Miller, mais de grâce dites-moi que sa mission ne consistait pas à diffuser ces données dans tout le système solaire.

— Les gens doivent savoir ce qui se passe.

— Oui, bien sûr, mais peut-être que nous devrions savoir ce qui se passe avant de le leur dire, répliqua l’inspecteur, toute lassitude envolée de sa voix. Jusqu’à quel point êtes-vous naïf ?

— Eh ! s’exclama le Terrien.

Mais Miller poursuivit d’une voix plus forte encore :

— Vous avez trouvé une batterie martienne, nous sommes d’accord ? Du coup, vous en avez parlé à tout le monde dans le système solaire, et vous avez déclenché la guerre la plus étendue de toute l’histoire de l’humanité. Problème, il se trouve que ce ne sont peut-être pas les Martiens qui ont laissé là cette batterie. Ensuite un groupe d’appareils mystérieux détruit le Donnager, et Mars accuse la Ceinture d’avoir fait le coup, mais la Ceinture ne se savait même pas capable de détruire un croiseur martien.

Holden ouvrit la bouche, mais Miller fut plus rapide :

— Laissez-moi finir ! Et maintenant vous découvrez des données qui impliquent la Terre. La première chose que vous faites, c’est de vendre la mèche à l’univers entier, pour que Mars et la Ceinture attirent la Terre dans cette affaire, ce qui étend encore la guerre la plus globale de tous les temps. Vous voyez un motif là-dedans ?

— Oui, dit Naomi.

— Alors, que pensez-vous qui va se passer ? fit Miller. C’est comme ça que ces gens-là procèdent ! Ils ont tout fait pour qu’on croie le Canterbury pulvérisé par Mars. C’était faux. Ils ont tout fait pour qu’on croie le Donnager détruit par la Ceinture. C’était faux. Et maintenant il semble que la Terre soit à l’origine de tout ça ? Suivez la façon de procéder. Ce n’est probablement pas la Terre ! Vous ne formulez jamais ce genre d’accusation tant que vous ne savez pas avec certitude à quoi vous en tenir. Vous observez. Vous écoutez. Vous restez calme, bordel de merde, et quand vous savez enfin, là vous pouvez l’ouvrir.

Il se rassit, manifestement épuisé. Il transpirait. Le silence régna sur le pont pendant quelques secondes.

— Vous avez terminé ? demanda enfin Holden.

— Ouais, fit Miller qui essayait de reprendre son souffle. Je crois que j’ai peut-être un peu forcé.

— Je n’ai accusé personne d’avoir fait quoi que ce soit, se défendit le Terrien. Je ne suis pas en train de monter un dossier à charge. J’ai simplement diffusé ces données. Maintenant, ce n’est plus un secret. Ils font quelque chose sur Éros. Ils ne veulent pas être interrompus. Avec l’affrontement entre Mars et la Ceinture, tous ceux qui auraient les moyens d’aider sont occupés ailleurs.

— Et vous venez d’impliquer la Terre dans ce merdier, dit Miller.

— Possible. Mais les tueurs se sont bien servis de vaisseaux qui ont été construits au moins en partie dans les chantiers orbitaux de la Terre. Peut-être que quelqu’un va enquêter dans cette direction. Et c’est le but recherché. Si tout le monde sait tout, plus rien ne reste secret.

— Ouais, tu parles…

Holden fit mine de ne pas avoir entendu et continua :

— Quelqu’un finira bien par avoir une vue d’ensemble de la situation. Ce genre de choses requiert le secret pour fonctionner, et en fin de compte c’est la révélation de tous les secrets qui peut faire capoter le tout. C’est la seule manière de mettre un terme définitif à tout ça.

Miller soupira, ôta son chapeau et se gratta le crâne.

— Moi, je voulais juste balancer les coupables par un sas, dit-il.


* * *

BA834024112 était un astéroïde plutôt insignifiant. D’à peine trente mètres à son plus large, il avait été expertisé depuis bien longtemps et déclaré totalement exempt de tout minerai de valeur ou simplement utilisable. Il n’était enregistré que pour éviter aux vaisseaux de le percuter. Julie l’avait laissé attaché à une richesse mesurée en milliards quand elle avait dirigé sa petite navette vers Éros.

De près, le vaisseau qui avait détruit le Scopuli et enlevé son équipage ressemblait à un requin. Il était long, élancé et d’un noir total qui à l’œil nu était presque impossible à distinguer sur l’arrière-fond de l’espace. Ses courbes qui défléchissaient les ondes radar lui conféraient un aérodynamisme presque toujours absent des vaisseaux spatiaux. Holden en avait la chair de poule, mais l’appareil était magnifique.

— Quelle saloperie, souffla Amos tandis que l’équipage se massait dans le cockpit du Rossinante pour l’observer.

— Le Rossi ne le détecte même pas, chef, annonça Alex. Je braque le ladar droit sur lui, et il décèle juste une tache un peu plus chaude sur l’astéroïde.

— Comme Becca juste avant la fin du Cant, dit Naomi.

— Sa navette a été lancée, donc j’imagine que c’est le bon vaisseau furtif que quelqu’un a laissé attaché à ce caillou, ajouta Alex. Au cas où il y en aurait plus qu’un seul.

Holden pianota des doigts sur le dossier du siège d’Alex pendant un moment, tout en flottant au-dessus de la tête du pilote.

— Il est probablement plein de zombies vomisseurs, dit-il enfin.

— Vous voulez qu’on aille vérifier ? proposa Miller.

— Oh oui, répondit le Terrien.

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