Après deux jours ou presque passés en pesanteur dense, Holden avait mal aux genoux, au dos et au cou. Et à la tête. Sans parler des pieds. Il franchit l’écoutille d’équipage du Knight au moment où Naomi remontait l’échelle depuis la soute. Elle lui sourit et leva les pouces.
— Le mécanisme de sauvetage est verrouillé, annonça-t-elle. Le réacteur chauffe. Nous sommes prêts à y aller.
— Bien.
— Nous avons un pilote ?
— Alex Kamal est de rotation aujourd’hui, donc ce sera lui. J’aurais bien aimé que ce soit Valka. Il n’est pas aussi bon pilote qu’Alex, mais il est plus tranquille, et j’ai mal au crâne.
— J’aime bien Alex, moi, dit-elle. Il est exubérant.
— Je ne sais pas ce que vous entendez par exubérant, mais si ça veut dire Alex, ça me fatigue déjà.
Il gravit l’échelle menant au poste des opérations et au cockpit. Dans la surface d’un noir luisant d’un panneau mural désactivé, le reflet de Naomi grimaça dans son dos. Il ne comprenait pas comment les Ceinturiens, minces comme des crayons, parvenaient à se remettre aussi vite d’une pesanteur dense. Des décennies de pratique et une reproduction sélective, sans doute.
Arrivé aux ops, Holden s’installa à la console de commande, et le siège anti-crash s’adapta silencieusement aux contours de son corps. Ade les soumettait à un demi-g pour l’approche finale, et la mousse du fauteuil était agréable. Il laissa échapper un petit grognement. Les commutateurs, le plastique et le métal conçus pour supporter plusieurs g et des centaines d’années, cliquetèrent sèchement. Le Knight répondit par une série d’indicateurs de diagnostic lumineux et un bourdonnement presque inaudible.
Quelques minutes plus tard Holden regarda en arrière et vit apparaître la chevelure noire clairsemée d’Alex Kamal, puis son visage rond à l’expression enjouée, d’un brun sombre que des années de vie à bord des vaisseaux spatiaux n’avaient pas réussi à faire pâlir. Alex avait grandi sur Mars et il était d’une stature plus solide qu’un Ceinturien. Comparé à Holden, il était mince, mais même ainsi sa combinaison de vol se tendait au niveau de la taille, qu’il avait bien rembourrée. Alex avait servi dans la Flotte martienne, mais il avait clairement renoncé à l’entretien physique du militaire.
— Comment va, monsieur ? fit-il avec son accent traînant.
Cette vieille affectation commune à tous ceux de Mariner Valley exaspérait Holden. Il n’y avait plus de cow-boy sur Terre depuis un siècle au moins, et Mars n’avait pas un brin d’herbe qui ne soit pas sous dôme, ou un cheval vivant hors d’un zoo. Mariner Valley avait été aménagé par des natifs d’Inde orientale, des Chinois et un petit contingent de Texans. Apparemment, l’accent s’était répandu comme un virus. Ils l’avaient tous, à présent.
— Comment se comporte notre vieux coursier ?
— Tout en douceur jusqu’à maintenant. Il nous faut un plan de vol. Ade nous amènera à un arrêt relatif dans… – Il consulta l’écran – quarante minutes, donc il faut faire vite. Je veux sortir, faire le boulot et remettre le Cant en route vers Cérès avant qu’il commence à rouiller.
— Compris, dit Alex avant de grimper dans le cockpit du Knight.
Les écouteurs d’Holden cliquetèrent, et la voix de Naomi dit :
— Amos et Shed sont à bord. Nous sommes parés, en bas.
— Merci. On attend juste qu’Alex donne les coordonnées de vol, et on y va.
L’équipage était réduit au strict nécessaire : Holden au poste de commandement, Alex pour les amener sur zone et les faire revenir, Shed au cas où des survivants auraient besoin d’une aide médicale, Naomi et Amos pour récupérer ce qui pouvait l’être, s’il n’y avait pas de survivants.
Alex ne tarda pas à se manifester :
— C’est bon, chef. Ce sera un trajet d’environ quatre heures en vol en mode bouilloire. Masse totale consommée : trente pour cent, mais le réservoir est plein. Durée totale de la mission : onze heures.
— Bien reçu. Merci, Alex.
Le vol en mode bouilloire était une expression d’argot employée dans la Flotte, qui signifiait que les propulseurs utiliseraient de la vapeur surchauffée. Le réacteur nucléaire du Knight serait d’un usage dangereux aussi près du Canterbury, et une source de gaspillage certaine pour un trajet aussi court. Les propulseurs de la navette étaient du modèle ayant précédé celui d’Epstein, beaucoup moins performant.
— Demande permission de quitter le nid, dit Holden en passant sur le circuit comm qui les reliait à la passerelle du Canterbury. Ici Holden. Le Knight est prêt.
— C’est bon, Jim, allez-y, répondit McDowell. Ade nous met en panne. Soyez prudents quand vous arriverez là-bas, les enfants. Cette navette coûte une petite fortune, et j’ai toujours eu le béguin pour Naomi.
— Bien compris, dit Holden, qui repassa sur le circuit comm interne. Alex, vous pouvez nous faire sortir.
Il se laissa aller au fond de son siège et écouta les craquements qui signalaient les dernières manœuvres du Canterbury. L’acier et la céramique grinçaient autant et aussi sinistrement que le bois d’un voilier. Ou que les articulations d’un Terrien après une séance passée à plusieurs g. Un moment il éprouva une forme de sympathie pour le vaisseau.
Ils ne s’arrêtaient pas réellement, bien entendu. Dans l’espace, rien n’était jamais totalement immobile ; on se mettait simplement en orbite inverse avec un autre objet. Ils suivaient maintenant CA-2216862 dans son joyeux voyage long d’un millénaire autour du soleil.
Ade leur envoya son feu vert, et Holden évacua l’air du hangar et ouvrit les portes. Alex les fit sortir sur des cônes de vapeur surchauffée.
Ils partirent à la recherche du Scopuli.
CA-2216862 était un caillou d’un demi-kilomètre à son plus large, qui s’était éloigné de la Ceinture et avait été happé par la gravité énorme de Jupiter. Il avait fini par trouver sa propre orbite lente autour du soleil dans le vaste désert entre Jupiter et la Ceinture, un territoire vide, même pour l’espace.
La vision du Scopuli collé au flanc de l’astéroïde dont la faible gravité suffisait à le maintenir là donna le frisson à Holden. Même s’il volait à l’aveuglette, sans aucun instrument opérationnel, les probabilités qu’il heurte un tel objet étaient infinitésimales. C’était un barrage routier de cinq cents mètres sur une autoroute large de millions de kilomètres. La chose ne devait donc rien au hasard. Holden se gratta la nuque et sentit les poils qui s’y étaient hérissés.
— Alex, tenez-nous à deux kilomètres de l’objectif, ordonna-t-il. Naomi, que pouvez-vous me dire sur ce vaisseau ?
— La configuration de la coque correspond aux informations enregistrées. C’est bien le Scopuli, aucun doute. Pas de rayonnement à l’électromagnétique, ni à l’infrarouge. Uniquement l’émission du signal de détresse. On dirait que le réacteur est à l’arrêt. Il a dû être coupé manuellement, et non à la suite de dommages, parce que nous ne décelons aucune fuite de radiation non plus.
Holden étudia les images qu’ils obtenaient grâce aux télescopes du Knight ainsi que celle que créait la navette en faisant rebondir un faisceau laser sur la coque du Scopuli.
— Et ce qui ressemble à un trou dans son flanc ?
— Euh, fit Naomi. Le ladar confirme qu’il s’agit d’un trou dans la coque.
Holden se rembrunit.
— Bon, on reste là encore une minute, et on vérifie encore l’environnement. Rien d’autre sur les écrans, Naomi ?
— Non. Et le matériel du Cant pourrait repérer un gamin jetant des cailloux sur Luna. Becca dit qu’il n’y a personne dans un rayon de vingt millions de kilomètres, répondit Naomi.
Holden pianota un rythme complexe sur le bras de son fauteuil et s’éleva légèrement dans son harnais. Il avait chaud, et il tendit la main pour diriger l’embout de l’aérateur le plus proche vers son visage. Une démangeaison subite envahit son cuir chevelu quand la sueur s’évapora.
Si vous remarquez quoi que ce soit qui vous semble ne pas coller, ne vous remettez pas à jouer au héros. Vous remballez et vous rentrez au bercail. C’étaient ses ordres. Il regarda l’image du Scopuli, le trou dans son flanc.
— Bon. Alex, approchez-nous à un quart de kilomètre, et position stationnaire. Nous irons à la surface avec l’araignée. Oh, et gardez la propulsion prête. Si une mauvaise surprise nous attend à bord de cette épave, je veux que nous puissions filer de là aussi vite que possible, et par la même occasion faire fondre tout ce qu’il y a derrière nous. Compris ?
— Compris, chef, répondit Alex. Le Knight reste prêt à détaler jusqu’à ce que vous en décidiez autrement.
Holden consulta la console de commande une fois encore, à la recherche d’une lumière rouge clignotante qui lui aurait donné la permission de revenir au Cant. Mais tout baignait dans une lueur d’un vert doux. Il déboucla son harnais et d’une poussée quitta son siège. Une pression légère du pied contre la cloison l’envoya rejoindre l’échelle, et il descendit tête la première en se guidant avec légèreté grâce aux barreaux.
Dans le poste d’équipage, Naomi, Amos et Shed étaient toujours sanglés dans leurs sièges anti-crash. Se tenant à l’échelle, Holden bascula complètement pour qu’ils ne lui semblent plus à l’envers. Ils ouvrirent leurs harnais.
— Voilà la situation : la coque du Scopuli a subi une déchirure, et quelqu’un a laissé ce vaisseau près de cet astéroïde. Aucune présence sur les écrans, donc ça signifie peut-être que l’incident s’est produit il y a un bout de temps, et qu’ils sont tous partis. Naomi, vous piloterez l’araignée, et tous les trois nous nous encorderons et irons faire un tour sur l’épave. Shed, vous resterez avec l’araignée jusqu’à ce que nous trouvions quelqu’un de blessé, ce qui semble peu probable. Amos et moi, nous pénétrerons dans le navire par le trou dans la coque, et nous jetterons un coup d’œil. Si nous tombons sur quoi que ce soit qui ressemble même de loin à un objet piégé, nous revenons à l’araignée, Naomi nous ramène au Knight et nous traçons aussitôt. Des questions ?
Amos leva une main épaisse.
— Peut-être que nous devrions être armés, chef. Au cas où il y aurait des types du genre pirates encore embusqués à bord.
Holden eut un rire bref.
— Eh bien, s’il y en a, alors leurs copains ne les ont pas attendus. Mais si ça peut vous rassurer, prenez une arme.
Si l’imposant mécanicien terrien était armé, il ne serait pas le seul à se sentir rassuré, mais Holden jugea plus sage de ne pas l’avouer. Autant leur laisser penser que la personne aux commandes de l’opération maîtrisait la situation.
Avec sa clef d’officier, Holden ouvrit le râtelier et Amos prit un automatique de gros calibre tirant des projectiles autopropulsés, sans recul et conçus pour un usage dans le vide. Les antiques pistolets étaient plus fiables, mais en apesanteur ils se transformaient aussi en propulseurs. Un tir avec une arme de poing traditionnelle était capable de générer assez de poussée pour atteindre la vitesse de libération d’un rocher de la taille de CA-2216862.
L’équipage se laissa flotter dans la baie de chargement où l’œuf aux pattes arachnoïdes qu’était l’araignée de Naomi les attendait, déjà ouvert. Chacun des quatre bras était muni à son extrémité d’une pince de manipulation, sans compter tout un assortiment d’outils pour découper et souder. Les deux bras arrière pouvaient s’accrocher à la coque d’un vaisseau pour stabiliser l’engin tandis que les deux appendices antérieurs permettaient des réparations ou le découpage de ce qu’il y avait à récupérer comme pièces transportables.
— On se coiffe, dit Holden.
Ils s’entraidèrent pour ajuster leurs casques. Chacun vérifiait sa propre combinaison avant de faire de même pour quelqu’un d’autre. Quand les portes de la soute à fret s’ouvriraient, il serait trop tard pour vérifier qu’ils avaient bien des tenues totalement étanches.
Pendant que Naomi grimpait dans l’araignée, Amos, Holden et Shed accrochèrent leur filin à la cage métallique du cockpit. Naomi vérifia la bonne marche de l’appareil avant d’enclencher l’évacuation de l’atmosphère et d’ouvrir les portes. Dans sa combinaison, les sons perçus par Holden se réduisirent au sifflement de l’air et à un peu de parasites dans le système radio intégré. L’air avait un soupçon de parfum médicamenteux.
Naomi passa en premier. Elle fit descendre l’araignée vers la surface de l’astéroïde en déclenchant de courts jets de nitrogène sous pression, tandis que les autres traînaient derrière elle au bout de leurs filins longs de trois mètres. Holden regarda en arrière, en direction du Knight : un coin massif en métal gris, avec le cône du propulseur saillant de son extrémité la plus large. Comme tout ce que les humains concevaient pour le voyage spatial, il était dessiné pour être efficace, sans souci d’esthétique. Cet aspect des choses attristait toujours Holden. On aurait dû accorder un peu plus d’intérêt à la beauté, même ici.
Le Knight lui parut s’éloigner de lui en dérivant et devenir de plus en plus petit, alors que lui-même ne bougeait pas. L’illusion se dissipa dès qu’il regarda devant lui l’astéroïde dont ils se rapprochaient rapidement. Il ouvrit un canal pour contacter Naomi, mais elle fredonnait tout en manœuvrant l’araignée, ce qui prouvait qu’elle au moins n’était pas inquiète. Il ne dit rien mais laissa le canal ouvert pour profiter de son chant.
De près, le Scopuli n’avait pas l’air en si mauvais état. À l’exception du trou béant dans son flanc, il n’avait souffert d’aucun dommage. Il n’avait pas percuté l’astéroïde, c’était évident : on l’avait seulement laissé assez près pour que la microgravité du rocher le maintienne en place. Holden prit des photos avec l’objectif intégré à son casque et les transmit au Canterbury.
Naomi stoppa l’araignée trois mètres au-dessus du trou dans la coque du Scopuli. Amos poussa un sifflement bas qui se diffusa dans leur circuit de communication.
— Ce n’est pas une torpille qui a fait ça, chef. C’est une mine. Vous voyez comment le métal est recourbé sur tout le pourtour de la brèche ? On a collé une mine directement sur la coque.
En plus d’être un mécanicien compétent, Amos se servait d’explosifs pour briser les icebergs flottant autour de Saturne et les transformer en morceaux plus faciles à manier. Une autre bonne raison de l’avoir à bord du Knight.
— Donc nos amis du Scopuli s’arrêtent, laissent quelqu’un grimper sur leur coque et poser une mine, résuma Holden. Résultat : cette brèche, et tout l’air s’échappe du vaisseau. Vous trouvez ça logique, vous ?
— Non, répondit Naomi. Absolument pas. Vous voulez toujours aller à l’intérieur ?
Si vous remarquez quoi que ce soit qui vous semble ne pas coller, ne vous remettez pas à jouer au héros. Vous remballez et vous rentrez au bercail.
Mais à quoi s’était-il attendu ? Bien sûr que le Scopuli n’était pas en état de marche. Bien sûr que quelque chose n’allait pas du tout avec ce vaisseau. Le plus étonnant aurait été de ne rien voir d’étrange.
— Amos, dit-il, gardez votre arme à la main, juste au cas où. Naomi, vous pouvez élargir la brèche ? Et allez-y avec prudence. Si vous remarquez quoi que ce soit qui cloche, tout le monde fait marche arrière.
Naomi approcha son appareil par petites poussées de nitrogène semblables à une respiration humaine dans une nuit froide. Le chalumeau de l’araignée s’alluma, et sa flamme passa du rouge au blanc, puis au bleu. En silence, les bras articulés se déplièrent dans un mouvement d’insecte, et Naomi commença à découper. Holden et Amos se laissèrent tomber à la surface du vaisseau grâce à leurs semelles magnétiques. Holden sentit la vibration dans ses pieds quand Naomi détacha un morceau de coque. Un moment plus tard le chalumeau s’éteignit et Naomi arrosa les bords de la brèche avec un jet refroidissant. Holden fit signe à Amos que tout allait bien, avant de se laisser glisser très lentement à l’intérieur du Scopuli.
La charge explosive avait été placée presque exactement au milieu du vaisseau et avait créé une brèche dans la coquerie. Quand les bottes d’Holden se collèrent à la cloison, il sentit des morceaux de nourriture gelés crisser sous ses semelles. Il n’y avait aucun corps en vue.
— Vous pouvez venir, Amos. Pas de membre d’équipage visible, dit-il dans sa radio.
Il se déplaça de côté et un instant plus tard le mécanicien le rejoignait, son arme dans la main droite, une torche électrique puissante dans la gauche. Le faisceau blanc balaya les murs de la coquerie.
— On commence par quel côté ?
Holden se tapota la cuisse d’une main, tout en réfléchissant.
— La mécanique d’abord. Je veux savoir pourquoi le réacteur est déconnecté.
Ils empruntèrent une échelle en direction de l’arrière du vaisseau. Toutes les portes pressurisées étaient ouvertes, ce qui était mauvais signe. Elles auraient dû être fermées, surtout si l’alarme de perte d’atmosphère s’était déclenchée. Pas un seul pont avec une atmosphère. Donc pas de survivants. Ce n’était pas une surprise, mais la constatation entraînait quand même une sensation d’échec. Ils traversèrent le petit vaisseau rapidement, et firent halte dans la réserve attenante à la salle des machines. Les éléments moteurs coûteux et les outils étaient à leur place.
— À mon avis, ce n’était pas un vol, dit Amos.
Holden ne répondit pas Alors c’était quoi ? mais la question resta en suspens entre eux.
La salle des machines était impeccable, froide et morte. Holden patienta pendant qu’Amos l’examinait. Le mécanicien consacra dix minutes à flotter autour du réacteur.
— Quelqu’un a effectué les procédures de mise à l’arrêt, dit-il enfin. Le réacteur ne s’est pas coupé à cause de l’explosion, on l’a éteint après. Pas de dommages apparents. Tout ça n’a aucun sens. Si tout l’équipage a péri durant l’attaque, qui a éteint le réacteur ? Et si c’est l’œuvre de pirates, pourquoi n’ont-ils pas emporté le vaisseau ? Il est toujours en état de marche.
— Et avant d’éteindre, ils ont pris la peine d’ouvrir toutes les portes pressurisées du vaisseau, dit Holden. Pour évacuer tout l’air. J’imagine que c’était au cas où quelqu’un de l’équipage se serait caché dans un coin. C’est bon, remontons aux ops et voyons si nous parvenons à pirater l’ordinateur de bord. Il nous apprendra peut-être ce qui s’est passé.
En flottant, ils retournèrent vers l’avant le long de l’échelle, puis arrivèrent au pont des ops. Là aussi, l’endroit était désert et n’avait subi aucun dommage. Le manque de cadavres commençait à déranger Holden plus que leur présence ne l’aurait fait. Il arriva au poste informatique principal et pianota sur quelques touches pour voir si le système fonctionnait encore sur son circuit de sauvegarde. Ce n’était pas le cas.
— Amos, commencez à extraire l’unité centrale. Nous allons l’emmener avec nous. Je vais vérifier les communications, pour voir si je peux trouver cette balise de détresse.
Le mécano s’approcha de la console et sortit des outils pour s’attaquer au panneau devant lui. Tout en travaillant, il se mit à marmonner un chapelet sans fin d’insanités. Comme l’ensemble n’était pas aussi plaisant que Naomi quand elle fredonnait, Holden coupa la liaison comm et se dirigea vers la console des communications. Elle était hors service, comme le reste des équipements du vaisseau. Mais il trouva la balise.
Personne ne l’avait activée. Quelque chose d’autre les avait attirés ici. Perplexe, Holden recula.
Il survola la salle du regard, pour repérer quelque chose qui n’aurait pas été à sa place. Là, sur le pont, sous la console de l’opérateur des communications : un petit boîtier noir qui n’était relié à rien.
Son cœur s’arrêta de battre pendant ce qui lui sembla être un long moment. Il héla Amos :
— Ça ressemble à une bombe, d’après vous ?
Le mécano ne réagit pas. Holden rétablit la transmission avec lui.
— Amos, est-ce que ça ressemble à une bombe pour vous ? fit-il en désignant le boîtier suspect.
Le mécanicien cessa de travailler sur le terminal et se laissa dériver jusqu’à l’objet en question. D’un geste qui serra la gorge d’Holden, il saisit le boîtier et le souleva.
— Non. C’est un émetteur. Vous voyez ? dit-il, et il brandit l’appareil devant le casque d’Holden. Il y a simplement une batterie qui y est reliée. Qu’est-ce que ça fout ici ?
— C’est la balise de détresse que nous avons tracée. Merde. Celle du vaisseau ne s’est jamais déclenchée. Quelqu’un a utilisé cet émetteur pour en faire une fausse, qu’il a reliée à la batterie.
Holden avait parlé avec calme, mais il avait du mal à réprimer un sentiment de panique naissante.
— Et pourquoi ils auraient fait ça, chef ? Décidément, ça n’a aucun sens.
— Ça pourrait en avoir un si l’émetteur est différent d’une balise standard.
— Comme ?
— Comme un second signal activé automatiquement quand quelqu’un déplace le boîtier, dit Holden qui passa aussitôt sur le système comm général. C’est bon, tout le monde : on est tombés sur quelque chose de vraiment bizarre, donc on plie bagage. Tout le monde retourne à bord du Knight, et chacun fait très gaffe…
Un craquement annonça l’établissement du réseau externe, et la voix de McDowell emplit les écouteurs de son casque :
— Jim ? Il se peut que nous ayons un problème, ici.