35 Holden

— J’ai trouvé les fichiers comm, annonça Naomi quand Holden et Miller entrèrent dans la pièce en dérivant derrière elle.

Le Terrien posa une main sur l’épaule de la jeune femme, l’ôta et s’en voulut aussitôt de ce mouvement de retrait. Une semaine plus tôt, elle n’aurait nullement pris ombrage d’un geste d’affection aussi anodin, et il n’aurait pas craint sa réaction. Il regrettait la distance nouvelle entre eux à peine moins qu’il aurait regretté de ne rien dire. Il voulait le lui expliquer. Au lieu de quoi il demanda :

— Vous avez trouvé quelque chose d’intéressant ?

Elle tapota l’écran et y fit apparaître un fichier.

— Ils étaient très sévères quant à la discipline concernant les communications, dit-elle en désignant une longue liste de dates et d’heures. Rien n’était jamais émis par la radio, tout passait par le faisceau de ciblage laser. Et tout était formulé en termes ambigus, avec beaucoup d’expressions codées, manifestement.

Sous son casque, les lèvres de Miller remuèrent. Holden lui tapota la visière d’un doigt. L’ex-policier leva les yeux au ciel et du menton activa le lien comm avec le canal général.

— Désolé. Je ne passe pas beaucoup de temps dans ces combinaisons, dit-il. Qu’est-ce que nous avons d’intéressant, donc ?

— Pas grand-chose. Mais la dernière communication n’était pas codée, dit-elle, et elle afficha le dernier message de la liste.

STATION THOTH

ÉQUIPAGE EN PLEINE DÉGÉNÉRESCENCE. ESTIMATION DU NOMBRE DE VICTIMES : 100 %. MATÉRIEL SÉCURISÉ. TRAJECTOIRE ET VITESSE STABILISÉES. DONNÉES DU VECTEUR SUIVENT. RISQUES EXTRÊMES DE CONTAMINATION POUR LES ÉQUIPES ENTRANTES.

CPT. HIGGINS

Miller relut ces quelques lignes à plusieurs reprises, et il imagina le capitaine Higgins observant, désemparé, l’infection qui se propageait au sein de ses hommes. Ses amis qui vomissaient partout dans une boîte de métal scellée dans le vide, avec une seule molécule de cette substance touchant votre peau qui signait votre arrêt de mort. Les vrilles recouvertes de filaments jaillissant des yeux et des bouches. Et ensuite cette… soupe qui recouvrait le réacteur. Il s’autorisa un frisson et fut heureux que Miller ne puisse le détecter sous la combinaison.

— Donc ce Higgins se rend compte que les membres de son équipage se transforment en zombies vomisseurs, et il envoie un ultime message à ses patrons, c’est bien ça ? fit Miller, mettant un terme à la rêverie lugubre du Terrien. Et cette allusion aux données du vecteur, ça correspond à quoi ?

— Il savait qu’ils allaient tous mourir, alors il a transmis les indications pour que le vaisseau puisse être récupéré, répondit Holden.

— Mais ils ne l’ont pas fait, puisque le vaisseau est ici, que c’est Julie qui en a pris le contrôle et l’a emmené ailleurs, dit Miller. Ce qui signifie qu’ils le cherchent toujours. Je me trompe ?

Holden ignora la question et reposa la main sur l’épaule de Naomi, dans un geste qu’il espérait naturellement amical.

— Nous avons des messages transmis par faisceau de ciblage et les infos sur le vecteur, dit-il. Est-ce qu’ils sont adressés au même endroit ?

— Plus ou moins, répondit-elle. La destination n’est pas la même, mais toutes les communications visent des points dans la Ceinture. D’après les changements de direction et le moment où les communications ont été diffusées, elles s’adressent à un point mouvant dans la Ceinture, et un point qui n’est pas non plus en orbite stable.

— Un vaisseau, alors ?

— C’est probable, admit-elle. J’ai un peu étudié les différentes positions, et je ne trouve rien dans le registre qui soit plausible. Aucune station, aucun astéroïde habité. Un vaisseau constituerait une bonne explication. Mais…

Holden attendit qu’elle termine, mais Miller ne put contenir son impatience et se pencha en avant.

— Mais quoi ? fit-il.

— Comment savaient-ils où il se trouverait ? Je n’ai aucune réception de message dans le fichier. Si un appareil se déplaçait au hasard à l’intérieur de la Ceinture, comment savaient-ils où envoyer ces messages ?

Holden crispa un peu les doigts sur l’épaule de la jeune femme, si légèrement qu’elle ne sentit probablement rien à travers l’épaisse combinaison pressurisée, puis il s’écarta d’elle et se laissa planer vers le plafond.

— Donc ce n’est pas dû au hasard, dit-il. Ils disposaient d’une sorte de carte leur indiquant où cette chose se trouverait au moment où ils envoyaient leur message par faisceau de ciblage. Il pourrait s’agir d’un de leurs vaisseaux furtifs.

Naomi fit pivoter son siège et leva les yeux vers lui.

— Il pourrait s’agir d’une station, dit-elle.

— C’est le labo, intervint Miller. Ils mènent une expérimentation sur Éros, ils ont besoin des scientifiques à proximité.

— Naomi, dit Holden, “Matériel sécurisé”. Il y a un coffre toujours verrouillé dans la cabine du capitaine. Vous pensez pouvoir l’ouvrir ?

Elle eut une petite moue.

— Je n’en sais rien, avoua-t-elle. Peut-être. Amos pourrait certainement l’éventrer avec un peu des explosifs que nous avons trouvés dans ce grand coffre rempli d’armes.

Holden éclata d’un rire bref.

— Comme ce coffre est sans doute rempli de petites fioles contenant de méchants virus extraterrestres, je crois que je vais m’opposer à l’option de la charge explosive.

Naomi ferma le fichier comm et afficha le menu général des systèmes du vaisseau.

— Je peux fouiller un peu et voir si l’ordinateur central a accès au coffre-fort. Essayer de l’ouvrir par ce biais. Mais ça risque de demander un certain temps.

— Faites au mieux, déclara Holden. Nous allons vous laisser tranquille.

D’une poussée, il se détacha du plafond et se dirigea vers l’écoutille du compartiment des ops, la franchit et continua dans la coursive au-delà. Quelques instants plus tard, Miller le suivit. L’ex-inspecteur planta ses pieds sur le pont grâce à ses semelles magnétiques et se tourna vers le Terrien, dans l’expectative.

— Qu’en pensez-vous ? demanda celui-ci. Protogène serait au cœur de toute cette histoire ? Ou il s’agit de quelqu’un d’autre quand on croit que c’est eux ?

Miller ne répondit pas immédiatement. Il prit le temps de deux longues respirations.

— Là, ça m’a l’air d’être bon, dit-il presque à contrecœur.

Amos remonta le long de l’échelle d’équipage depuis le niveau inférieur, en tirant derrière lui une grosse boîte métallique.

— Eh, chef, dans la réserve j’ai trouvé une pleine caisse de boulettes de carburant pour le réacteur. Nous pourrions en avoir besoin…

— Bon boulot, le complimenta Holden, et il leva une main pour indiquer à Miller d’attendre. Passez devant et mettez ça à bord. Et j’ai besoin que vous nous concoctiez un plan pour saborder ce vaisseau.

— Attendez, là. Qu’est-ce que vous dites ? s’exclama Amos. Cet appareil vaut au bas mot un zilliard de billets, chef. Un vaisseau furtif armé de lance-missiles ? Les types de l’APE vendraient leurs grands-mères pour ce bijou. Et six de ces tubes sont encore chargés. De quoi dézinguer autant de vaisseau de gros tonnage. Avec l’ensemble, vous pourriez ravager une petite lune. Non, oubliez les mamies : les types de l’APE mettraient leurs filles sur le trottoir pour obtenir cet équipement. Pourquoi irions-nous le faire sauter, bordel ?

Holden posa sur lui un regard incrédule.

— Vous avez oublié ce qu’il y a dans la salle des machines ?

— Mais cette merde est complètement inerte, chef ! Deux petites heures avec un chalumeau et je peux tout découper et le balancer par le sas. Et bye-bye.

L’image mentale d’Amos découpant au chalumeau à plasma les corps fondus des anciens membres d’équipage du vaisseau avant de les expédier joyeusement en morceaux dans le vide intersidéral mena Holden au bord de la nausée. L’aptitude du mécanicien à ignorer tout ce qu’il ne voulait pas voir était certainement très pratique quand il rampait dans les compartiments moteur exigus et graisseux. Mais son aptitude à considérer sans aucun émoi la mutilation systématique de plusieurs dizaines de cadavres menaçait de transformer le dégoût du Terrien en colère.

— Si l’on oublie cette horreur et la possibilité très réelle d’infection par ce qui a créé cette horreur, dit-il, il y a aussi le fait que quelqu’un recherche désespérément cet appareil très coûteux et très furtif, et jusqu’à maintenant Alex n’a pas réussi à localiser son vaisseau.

Il se tut et laissa Amos réfléchir. Il vit le large visage du mécano se contracter pendant qu’il considérait les différents paramètres de l’équation. On a trouvé un vaisseau furtif. D’autres personnes recherchent un vaisseau furtif. On ne peut pas localiser les personnes qui le recherchent.

Merde.

Amos pâlit d’un coup.

— D’accord, dit-il. Je vais remettre le réacteur en état pour tout envoyer en l’air.

Il consulta l’affichage de l’heure sur l’avant-bras de sa combinaison.

— Merde, nous sommes là depuis déjà trop longtemps. Je ferais bien de me magner.

— Ce serait bien, oui, approuva Miller.


* * *

Naomi était douée. Très douée. Holden l’avait découvert quand il avait été embauché à bord du Canterbury, et au fil des années il avait ajouté cette évidence à d’autres telles que l’espace est froid ou la pesanteur entraîne vers le bas. Quand quelque chose tombait en panne sur le transport de glace, il demandait à la jeune femme de le réparer, et il n’y repensait plus. Parfois elle prétendait ne pas être capable d’effectuer le travail souhaité, mais c’était toujours une tactique de négociation. Une brève conversation menait à une requête pour des pièces de rechange ou l’embauche d’un homme d’équipage supplémentaire au prochain spatioport, et ça s’arrêtait là. Il n’existait pas de problème concernant l’électronique ou les composants d’un vaisseau spatial qu’elle ne soit pas en mesure de solutionner.

— Je ne peux pas l’ouvrir, déclara-t-elle.

Elle flottait près du coffre en question, dans la cabine du capitaine, un pied posé sur la couchette pour se stabiliser. Holden était debout sur le sol après avoir activé ses semelles magnétiques. Miller restait immobile à l’entrée de la coursive.

— Que vous faudrait-il ? demanda le Terrien.

— Si je ne peux pas utiliser une charge explosive ou découper le panneau, je ne peux pas l’ouvrir.

Holden fit non de la tête, mais elle ne le vit pas, ou elle fit mine de ne pas le voir.

— Ce coffre-fort est conçu pour s’ouvrir quand une succession très spécifique de champs magnétiques touche la plaque métallique de sa façade, dit-elle. Quelqu’un détient la clef qui permet de faire ça, mais cette clef ne se trouve pas à bord.

— Elle est à cette station, dit Miller.

Holden considéra un moment le coffre encastré, et ses doigts pianotèrent sur la cloison juste à côté.

— Quels risques y a-t-il de déclencher un piège si nous le découpons ? demanda-t-il.

— Un max, chef, dit Amos.

Il écoutait depuis le local aux torpilles où il craquait la sécurité du petit réacteur nucléaire propulsant un des six engins de mort restants. Il aurait été trop dangereux de travailler sur le réacteur principal du vaisseau, avec son bouclier en partie ôté.

— Naomi, il me faut vraiment accéder à ce coffre-fort, avec les notes et les échantillons qu’il contient, insista Holden.

— Vous ne savez même pas ce qu’il y a à l’intérieur, fit remarquer Miller avant de rire. Non, évidemment c’est bien ce qu’il y a là. Mais ça ne nous aidera pas si nous nous faisons exploser ou, pire encore, si des éclats souillés de cette boue transpercent nos jolies combinaisons.

— Alors on l’emporte, décida Holden.

Il sortit un morceau de craie d’une poche et traça une ligne sur la cloison autour du coffre-fort.

— Naomi, faites un simple trou dans la cloison et voyez s’il y a quoi que ce soit qui pourrait nous empêcher de desceller le coffre pour le prendre avec nous.

— Il va falloir découper la moitié de la cloison.

— D’accord.

Elle se renfrogna un instant, haussa les épaules et finit par sourire.

— Très bien, fit-elle. Vous pensez l’apporter aux amis de Fred ?

Miller rit de nouveau, et c’était un son rauque et sec, sans humour, qui mit Holden mal à l’aise. L’inspecteur avait visionné la vidéo du combat entre Julie Mao et ses ravisseurs encore et encore, pendant qu’ils attendaient que Naomi et Amos aient terminé leur travail. Le Terrien avait la désagréable impression que Miller enregistrait la scène comme si c’était un carburant pour alimenter une action future.

— Mars vous rendrait la vie très belle en échange de ça, dit l’ex-policier. Et j’ai entendu dire que Mars est un endroit très sympa si vous êtes riches.

— Foutrement riches, grogna Amos sans cesser de s’affairer en bas. Ils nous érigeraient des statues, ouais.

— Nous sommes convenus avec Fred de le laisser enchérir sur tout autre contrat que nous pourrions prendre, dit Holden. Bien sûr, ce n’est pas réellement un contrat en soi…

Naomi sourit et lui adressa un clin d’œil.

— Alors c’est quoi, monsieur ? dit-elle avec une pointe de moquerie dans la voix. Devenir des héros de l’APE ? Des milliardaires martiens ? Démarrer votre propre entreprise biotechnique ? Qu’est-ce que nous faisons ici ?

Holden donna une poussée pour s’éloigner du coffre-fort et se dirigea vers le sas et le chalumeau qui attendait là avec leurs autres outils.

— Je ne le sais pas encore, répondit-il. Mais c’est bien agréable d’avoir à nouveau le choix.


* * *

Amos appuya une fois encore sur le bouton. Aucune étincelle ne fusa dans l’obscurité. Les détecteurs de radiations et d’infrarouges restèrent inertes.

— Il devrait y avoir une explosion, non ? dit Holden.

— Bordel, oui, répondit le mécanicien qui enfonça pour la troisième fois le bouton sur le boîtier de commande qu’il tenait à la main. Ce n’est pas une science exacte ni rien de ce genre. Ces propulseurs de missiles sont d’une grande simplicité. Un simple réacteur avec une cloison manquante. On ne peut pas prédire avec exactitude…

— Ce n’est pas la science des fusées, dit Holden en riant.

— Quoi ? répliqua Amos, prêt à s’irriter si on se moquait de lui.

— Vous savez, “ce n’est pas la science des fusées”. Comme : “ce n’est pas difficile”. Vous êtes un scientifique des fusées, Amos. Vraiment. Vous travaillez sur les réacteurs nucléaires et les propulseurs de vaisseaux spatiaux pour gagner votre vie. Il y a deux cents ans peut-être, les gens auraient fait la queue pour vous confier leurs enfants, à cause de ce que vous savez.

— Qu’est-ce que c’est que ce bor… commença Amos.

Il s’interrompit quand un nouveau soleil passa en trombe devant la baie panoramique du cockpit, pour disparaître aussitôt.

— Vous avez vu ? Je vous avais bien dit que ça marcherait, bordel !

— Je n’en ai jamais douté, répondit Holden.

Il gratifia le mécanicien d’une claque amicale sur l’épaule et se dirigea vers l’arrière et l’échelle de l’équipage.

— Qu’est-ce que c’était que tout ça, bordel ? maugréa Amos sans s’adresser à personne en particulier pendant que le Terrien s’éloignait.

Holden traversa le pont des ops. Le siège de Naomi était vide. Il lui avait ordonné d’aller prendre un peu de repos. Le coffre-fort du vaisseau furtif était harnaché à des anneaux sertis dans le plancher. Découpé et ôté de la cloison, il semblait plus imposant. Noir et massif. Le genre de conteneur fait pour mettre en sûreté la fin du système solaire.

Holden flotta à sa verticale et dit doucement :

— Sésame, ouvre-toi…

Le coffre-fort refusa d’obéir, mais l’écoutille du pont bascula et Miller se hissa dans le compartiment. Il avait échangé sa combinaison pressurisée contre une combinaison bleue sentant le moisi et son incontournable chapeau. Quelque chose dans son expression mit Holden mal à l’aise. Encore plus qu’à l’accoutumée.

— Salut, fit le Terrien.

Il répondit d’un signe de tête et se dirigea vers un des postes de travail. Il se sangla dans un des sièges.

— Nous avons déjà décidé d’une destination ? dit-il.

— Non. J’ai demandé à Alex de calculer quelques possibilités, mais je n’ai pas encore arrêté de décision.

— Vous avez regardé les infos ?

— Non.

Holden alla jusqu’à un siège situé à l’opposé de celui choisi par l’ex-inspecteur. Quelque chose dans l’attitude de celui-ci glaçait le sang.

— Que s’est-il passé ? dit-il.

— Vous êtes sans détour, Holden. C’est quelque chose que j’admire chez vous, je crois.

— Alors ? Dites-moi.

— Non, je suis sérieux. Beaucoup de gens affirment croire en certaines choses. “La famille est ce qu’il y a de plus important”, mais ils sautent une pute à cinquante billets le jour de la paie. “Le pays avant tout”, et ils trichent sur leurs impôts. Mais pas vous. Vous, vous dites que tout le monde devrait être au courant de tout, et bon Dieu, on peut dire que vous joignez le geste à la parole.

Miller attendit une réponse, mais Holden ne savait pas quoi dire. Ce petit discours sentait la tirade préparée de longue date. Autant laisser son auteur aller jusqu’au bout du texte.

— Donc Mars découvre que la Terre a peut-être construit des vaisseaux discrètement, des vaisseaux sans identité assumée. Certains d’entre eux ont peut-être détruit un bâtiment amiral martien. Je parie que Mars appelle pour vérifier. Je veux dire, il s’agit de la Flotte de la coalition Terre-Mars, qui représente une hégémonie tranquille. Ils ont fait régner l’ordre dans le système solaire depuis presque un siècle. Les officiers supérieurs couchent pratiquement ensemble. Alors il doit s’agir d’une erreur, pas vrai ?

— Admettons, dit Holden, dans l’expectative.

— Donc Mars appelle, continua Miller. Je ne suis sûr de rien évidemment, mais je parierais que c’est comme ça que tout commence. Un appel d’un grand ponte de Mars à un grand ponte de la Terre.

— Ça paraît assez sensé, admit Holden.

— Et qu’est-ce que vous croyez que la Terre répond ?

— Je n’en sais rien.

Miller se pencha en avant et pianota sur un écran, y fit apparaître un fichier portant son nom et le moment de création remontant à moins d’une heure. L’enregistrement d’une vidéo venue d’une source d’infos martiennes montrait le ciel nocturne à travers un dôme martien. Des traînées de feu striaient le ciel. Le texte qui défilait en bas de l’image expliquait que des vaisseaux terriens en orbite autour de Mars avaient subitement et sans préavis tiré sur leurs homologues martiens. Les lignes lumineuses dans le ciel étaient des missiles. Les éclairs, des appareils qui explosaient.

Puis une illumination violente transforma la nuit martienne en jour pendant quelques secondes, et le commentaire dit que la station radar de Deimos venait d’être anéantie.

Holden se redressa sur son siège et observa la vidéo qui dévoilait la fin du système solaire dans une profusion de couleurs vives accompagnées d’un commentaire d’expert. Il s’attendait à ce que les traînées de lumière commencent à descendre vers la planète elle-même, à ce que les dômes éclatent sous le feu nucléaire, mais il semblait que quelqu’un avait voulu limiter les destructions, et la bataille resta cantonnée au ciel.

Il ne pourrait en être ainsi éternellement.

— Vous êtes en train de me dire que je suis responsable de tout ça, fit Holden. Que si je n’avais pas diffusé ces données, ces vaisseaux seraient toujours intacts, et tous ces gens vivants…

— Ça, oui. Et aussi que si les méchants voulaient éviter que les gens tournent leur attention vers Éros, ça a très bien marché.

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