5.

Quand mon admirable extension m’éveilla le lundi matin, je restai traîner au lit quelque temps, à réfléchir. J’étais enclin à admettre que j’avais peut-être commis quelques erreurs la nuit précédente. Je ne savais pas au juste comment j’aurais pu rectifier le tir avec Chiri, mais j’aurais quand même dû essayer. Je lui devais bien ça, au nom de notre amitié. Je n’avais pas non plus été ravi de voir ma mère à la porte, peu après. J’avais résolu ce dernier problème en sortant cinquante kiams et en lui disant de remballer en pleine nuit. J’avais demandé à Kmuzu de l’accompagner pour lui trouver une chambre d’hôtel. Au petit déjeuner, Friedlander bey me présenta quelques critiques constructives quant à cette dernière décision.

Il était furieux. Son ton avait des accents rauques, éraillés, qui me laissaient entendre qu’il faisait de son mieux pour ne pas me hurler après. Il posa les mains sur mes épaules, et je le sentis trembler d’émotion. Son haleine était parfumée à la menthe et il me cita le noble Qur’ân : « Ton Seigneur vous a ordonné de n’adorer que lui et d’être bons pour vos père et mère. Si l’un d’eux ou les deux atteignent la vieillesse près de toi, ne dis pas : Fi ! ne les brusque pas, ne leur parle qu’avec respect. Baisse vers eux l’aile de ta déférence avec tendresse et dis : Seigneur, aie pitié d’eux comme ils firent pour moi quand ils m’élevaient[3] . »

Je me sentis ébranlé. Se voir inondé par l’ire de Friedlander bey avait quelque chose d’un entraînement au Jugement dernier. Il aurait estimé la comparaison sacrilège, bien sûr, mais lui, il n’était jamais la cible de sa propre fureur.

Je ne pus m’empêcher de bafouiller. « Tu veux parler d’Angel Monroe…» Seigneur, quelle réponse bancale, mais il faut dire que Papa m’avait surpris avec cette tirade. Je n’avais toujours pas les idées bien claires.

« Je te parle de ta mère, me dit-il. Elle est venue te voir dans le besoin et tu l’as chassée de ta porte.

— J’ai fait ce que j’ai estimé le mieux pour elle. » En attendant, je me demandais comment Papa avait eu vent de l’incident.

« On ne jette pas sa mère dehors à la merci des étrangers ! À présent, tu dois rechercher le pardon d’Allah ! »

Voilà qui me requinqua quelque peu. C’était encore une de ces fois où il disait « Allah » mais voulait dire en fait « Friedlander bey ». J’avais péché contre son code personnel ; mais si je pouvais trouver ce qu’il convenait de dire et de faire, tout irait à nouveau pour le mieux. « Ô cheikh, dis-je lentement, choisissant mes mots avec soin, je sais tes sentiments à l’égard de la présence des femmes en ta demeure. J’ai hésité à l’inviter passer la nuit sous ton toit et il était à cette heure trop tard pour te consulter. J’ai mis en balance les nécessités de ma mère avec les usages que tu pratiques et j’ai cru agir au mieux. » Merde, mais c’était presque la vérité.

Il me fusilla du regard, mais je vis bien que le plus gros de sa colère s’était dissipé. « Ton acte était pour moi un affront pire que d’accueillir ta mère sous mon toit.

— Je comprends, ô cheikh, et je te prie de me pardonner. Je n’avais pas l’intention de t’offenser ou de négliger les enseignements du Prophète.

— Que la bénédiction d’Allah et la paix soient sur lui », murmura machinalement Papa. Il secoua tristement la tête mais, de seconde en seconde, je voyais son air devenir moins sinistre. « Tu es encore jeune, mon fils. Ce n’est pas la dernière erreur de jugement que tu commettras. Si tu dois devenir un homme juste et un chef compatissant, tu dois tirer la leçon de mon exemple. Lorsque tu es dans le doute, n’aie pas peur de rechercher mon conseil, quels que soient le lieu et l’heure.

— Oui, ô cheikh », dis-je tranquillement. L’orage était passé.

« À présent, tu dois aller retrouver ta mère, la ramener ici, et l’accueillir comme il sied dans un appartement convenable. Nous avons quantité de pièces inoccupées et cette maison est à toi autant qu’à moi. »

Je sentais à son ton que la discussion était terminée et j’avoue que je n’en étais pas mécontent. Ç’avait été comme de passer entre les minarets de la mosquée de Chimaal sur une corde raide. « Tu es le père de la mansuétude, ô cheikh, dis-je.

— Va sans crainte, mon neveu. »

Je regagnai mes appartements, mon petit déjeuner délaissé. Kmuzu, comme de juste, m’emboîta le pas. « Dis donc, dis-je comme si l’idée venait de me traverser l’esprit, ce n’est pas toi, par hasard, qui aurais mis Friedlander bey au courant pour la nuit dernière ?

Yaa sidi, dit-il sans se démonter, c’est le vœu du maître de maison que je l’avertisse de toutes ces choses. »

Je me mâchonnai la lèvre, pensif. Parler à Kmuzu était comme s’adresser à un oracle mythique : je devais être certain de formuler mes questions avec une absolue précision ou sinon j’obtenais une réponse absurde. Je recommençai, plus simplement : « Kmuzu, tu es mon esclave, n’est-ce pas ?

— Oui, fit-il.

— Tu m’obéis ?

— Je vous obéis et j’obéis au maître de maison, yaa sidi.

— Pas nécessairement dans cet ordre, toutefois.

— Pas nécessairement, admit-il.

— Eh bien, je m’en vais te donner un ordre clair et sans ambiguïté ; et tu n’auras pas besoin de le vérifier auprès de Papa vu que c’est lui-même qui me l’a suggéré. Je veux que tu trouves un appartement vide quelque part dans cette maison, de préférence loin de celui-ci, et que tu y installes ma mère confortablement. Je veux que tu passes la journée entière à veiller à ses besoins. À mon retour du travail, j’aurai besoin de l’entretenir de ses projets pour les jours à venir, ce qui signifie qu’elle n’aura pas dû consommer de drogue ou d’alcool. »

Kmuzu acquiesça. « Elle ne pourrait pas faire entrer de telles substances dans cette maison, yaa sidi. »

Je n’avais pas eu de problème à y introduire ma pharmacie personnelle et j’étais bien certain qu’Angel Monroe avait également son stock d’urgence planqué quelque part. « Tu l’aideras à défaire ses bagages, lui dis-je, et tu en profiteras pour vérifier qu’elle a bien laissé sa réserve d’alcool à la porte. »

Kmuzu me jeta un regard pensif. « Vous la soumettez à une règle plus stricte que celle que vous observez vous-même, nota-t-il tranquillement.

— Ouais, ça se peut, dis-je, embêté. Toujours est-il que ce n’est pas à toi de me faire la remarque.

— Pardonnez-moi, yaa sidi.

— C’est oublié. Aujourd’hui, je conduirai moi-même pour aller au boulot. »

Ça non plus, ça ne plaisait pas à Kmuzu. « Si vous prenez la voiture, comment fais-je pour ramener votre mère de l’hôtel ? »

Je souris lentement. « En chaise à porteur, en char à bœuf, à dos de chameau, je m’en moque. C’est toi l’esclave, à toi de voir. À ce soir. » Sur mon bureau était posée une autre grosse enveloppe gonflée de billets. L’un des sous-fifres de Friedlander bey s’était glissé dans mes appartements pendant que j’étais en bas. Je pris l’enveloppe, ma serviette, et partis avant que Kmuzu ait eu le temps de soulever une nouvelle objection.

Ma serviette contenait encore le dossier sur carte-mémoire d’Abou Adil. J’étais censé l’avoir lu la veille au soir, mais je n’avais pas trouvé un instant pour m’y mettre. Hadjar et Shaknahyi allaient sans doute mal le prendre mais je m’en foutais. Qu’est-ce qu’ils pouvaient faire ? Me virer ?

Je me dirigeai d’abord vers le Boudayin, laissant ma voiture sur le boulevard pour gagner à pied la modulerie de Laïla dans la Quatrième Rue. La boutique de Laïla était exiguë mais elle avait du caractère, enserrée entre un tripot sombre et sordide et un bar bruyant fréquenté par de jeunes sexchangistes. Les mamies et papies rangés dans les bacs de Laïla étaient couverts de crasse et de poussière, et des générations de minuscules insectes avaient rejoint leur Créateur entre les rangées de matériel. Celui-ci n’était pas joli, joli, mais ce qu’elle vous fournissait la plupart du temps était de l’honnête bon vieux matos. Pour le reste, on pouvait tomber sur de la marchandise endommagée, sans valeur, voire dangereuse. Vous ressentiez toujours une petite décharge d’adrénaline juste avant de vous enficher directement dans le cerveau l’un des antiques mamies d’occasion de Laïla.

Elle était toujours – toujours – branchée, et elle ne cessait de gémir. Elle vous gémissait bonjour, elle gémissait au revoir, elle gémissait de plaisir et de douleur. Quand elle priait, elle gémissait à l’adresse d’Allah. Elle avait la peau dure, noire et desséchée, aussi ratatinée que du raisin sec, et des cheveux blancs mal peignés. Laïla n’était pas une femme avec qui j’aimais m’attarder. Elle portait un mamie ce matin, comme de juste, mais je n’aurais su dire lequel. Parfois, elle était une célèbre vedette de l’holovision ou du cinéma euram, ou bien le personnage de quelque roman oublié, voire Honey Pilar en personne. Qui que ce pût être, elle geindrait immanquablement. C’était la seule chose dont je pouvais être sûr.

« Comment va, Laïla ? » Ce matin, sa boutique était envahie d’âcres relents d’ammoniaque. Elle était en train de presser un flacon de plastique pour napper d’une affreuse mixture rose les recoins de son échoppe. Ne me demandez pas pourquoi.

Elle me lorgna et son visage dessina lentement un sourire extasié. Le genre d’expression qui naît en général d’une parfaite satisfaction sexuelle ou d’une large dose de soléine. « Marîd », dit-elle avec sérénité. Elle gémissait toujours mais à présent c’était un gémissement serein.

« Je suis de patrouille aujourd’hui, et je me suis dit que t’aurais peut-être…

— Marîd, une jeune fille est passée me voir ce matin et elle a dit : Mère, les yeux des narcisses sont ouverts, et les joues des roses empourprées de timidité ! Que dirais-tu de sortir admirer combien la Nature a paré le monde ?

— Laïla, si tu veux bien me laisser juste une minute…

— Et je lui ai dit : Ma fille, ce qui te ravit sera fané dans une heure, et quel bénéfice alors en auras-tu retiré ? À la place, entre plutôt et découvre avec moi la bien plus grande beauté d’Allah qui a créé le printemps. » Sa petite homélie achevée, Laïla me considéra, dans l’expectative, comme si elle s’attendait à me voir applaudir ou bien tomber, frappé par l’illumination.

J’avais oublié l’extase religieuse. Le sexe, la drogue et l’extase religieuse. C’étaient les tubes du commerce à Laïla, et elle les testait tous personnellement. Chacun des mamies qu’elle vous fourguait était frappé de son certificat d’approbation personnel.

« Puis-je te parler à présent ? Laïla ? »

Elle me fixa en oscillant, mal assurée sur ses jambes. D’un geste lent, elle éleva un bras décharné et débrancha le module. Elle cligna une ou deux fois les paupières et son doux sourire s’évanouit. « T’as trouvé quelque chose, Marîd ? » demanda-t-elle de sa voix perçante.

Ça faisait un bail qu’elle était dans la course ; la rumeur voulait même qu’elle ait vu, toute gosse, les imams poser la première pierre des murailles du Boudayin. En tout cas, elle connaissait ses mamies. Elle en savait plus que quiconque à ma connaissance sur les vieilles séries épuisées. Je crois bien qu’elle s’était fait poser l’un des tout premiers implants expérimentaux car sa cervelle n’avait jamais fonctionné tout à fait normalement par la suite. Et à la voir ainsi tirer sur la corde de la technologie, elle avait dû se cramer les derniers neurones depuis pas mal d’années. Elle avait enduré des tortures cérébrales qui auraient transformé n’importe quel être normal en zombi baveur. Laïla avait sans doute le cerveau recouvert d’un épais cal protecteur empêchant quoi que ce soit d’y pénétrer. Quoi que ce soit.

Je repris dès le début : « Je sors patrouiller aujourd’hui, et je me demandais si tu n’aurais pas un mamie de simple flic.

— Bien sûr, j’ai tout. » Elle boitilla jusqu’à un casier planqué au fond de sa boutique dans lequel elle fouilla quelques instants. Le casier était étiqueté : « Prusse, Pologne, Breulande. » Ça n’avait en fait aucun rapport avec les mamies qu’il contenait ; Laïla récupérait ses casiers fatigués et ses étiquettes éraflées auprès de quelque autre officine au bord de la faillite.

Elle se redressa après quelques secondes, avec dans la main deux modules dans leur emballage thermorétractable. « Voilà ce qu’il te faut », annonça-t-elle.

Le premier était le mamie bleu pâle du Parfait protecteur que j’avais déjà vu sur des policiers stagiaires. C’était un solide modèle de programmation procédurale qui couvrait quasiment toutes les situations concevables. Je jugeai qu’entre le mamie de sale mec du demi-Hadj et le Protecteur, j’étais couvert. « C’est quoi, l’autre ? demandai-je.

— Un cadeau à moitié prix. Éclair noir. Sauf que cette version est baptisée Sage conseiller. C’est celle que je portais quand t’es entré. »

Ça me parut intéressant. Éclair noir était une idée japonaise qui a connu un grand succès il y a cinquante ou soixante ans. Vous vous installiez dans un fauteuil capitonné confortable, et l’Éclair noir vous plaçait instantanément en situation de transe réceptive. Puis il vous offrait un rêve lucide, thérapeutique. Selon l’analyse qu’il avait faite de votre état émotionnel, ce pouvait être un avertissement, un conseil quelconque, ou bien un casse-tête mystique sur lequel l’esprit conscient devait travailler par la suite.

Le prix élevé du bidule l’avait limité à être une curiosité parmi la clientèle aisée. Son choix de fictions extrême-orientales – Éclair noir vous mettait en général dans la peau d’un empereur nippon méprisant en quête de sagesse, ou bien d’un vieux moine zen en prière sublime au milieu de la neige limitait encore son attrait. Récemment, toutefois, le concept d’Éclair noir avait trouvé une nouvelle jeunesse avec le développement du marché du module mimétique de personnalité. Et apparemment il en existait aujourd’hui une version arabe, baptisée Sage conseiller.

J’achetai les deux mamies, estimant que je n’étais pas en situation de refuser de l’aide, amicale ou imaginaire. Pour un type qui naguère encore crachait sur l’idée de se faire gonfler la cervelle, j’étais en train, mine de rien, de me monter une sacrée collection de cerveaux d’emprunt.

Laïla s’était rembroché le Sage conseiller. Elle m’adressa de nouveau ce tranquille sourire. Édenté, bien sûr ; j’en eus des frissons. « Va sans crainte », dit-elle avec son gémissement nasal.

« La paix soit avec toi. » Je quittai sa boutique sans traîner, redescendis la rue à pied et franchis la porte pour rejoindre l’endroit où j’avais garé la voiture. De là, je n’étais plus très loin du commissariat. De retour à mon bureau du troisième étage, j’ouvris ma serviette. Je sortis mes deux emplettes, le Parfait protecteur et le Sage conseiller, et les rangeai à côté des autres boîtiers. Je pris la carte-cobalt verte et l’insérai dans ma console mais j’eus alors une hésitation. Je ne me sentais pas franchement d’humeur à lire le dossier Abou Adil. À la place, je pris le Sage conseiller, le sortis de son emballage puis, d’une main, me l’embrochai.


Après un instant de vertige, Audran vit qu’il était étendu sur un divan, en train de boire un verre de sorbet au citron. En face de lui, sur un divan semblable, était installé un homme élégant, dans la force de l’âge. Dans un sursaut, il reconnut en l’homme l’Apôtre de Dieu. Vivement, Audran déconnecta le mamie.


Je me retrouvai assis à mon bureau, tenant le Sage conseiller d’une main tremblante. Ce n’était pas du tout ce que j’avais escompté. Je trouvai l’expérience profondément dérangeante. La vision était parfaitement réaliste – cela n’avait rien à voir avec un rêve ou une hallucination. Ce n’était pas du tout comme si je l’avais simplement imaginé, mais comme si je m’étais bel et bien trouvé dans la même pièce que le prophète Mahomet, faveurs et bénédictions divines sur lui.

Soyons clair : je n’ai jamais été d’esprit très religieux. J’ai étudié la foi et j’ai un respect extrême pour ses préceptes et ses traditions, mais je dois sans doute en juger la pratique peu… pratique. Cela me damne sans doute pour l’éternité et j’aurai tout le temps en Enfer de regretter ma paresse. Malgré tout, j’étais choqué par la parfaite arrogance du concepteur de ce mamie, assez présomptueux pour dépeindre ainsi le Prophète.

Même les illustrations de textes religieux sont jugées idolâtres ; qu’aurait dit un tribunal islamique de l’expérience que je venais de vivre ?

Une autre raison à mon trouble, je crois, venait de ce que dans le bref intervalle précédant le retrait du mamie j’avais eu la très nette impression que le Prophète avait eu quelque chose de profondément significatif à me dire.

Je m’apprêtais à enfourner le mamie dans ma serviette quand j’eus un éclair de lucidité : le concepteur n’avait pas dépeint le Prophète, en fin de compte. Les visions du Sage conseiller ou de l’Éclair noir n’étaient pas des vignettes préprogrammées composées par quelque cynique scribouillard informaticien. Le mamie était psycho-actif : il évaluait mon état mental, mon état émotionnel, et me permettait de créer moi-même l’illusion.

En ce sens, décidai-je, ce n’était pas un travestissement profane de l’expérience religieuse. Mais simplement le moyen d’accéder à mes propres sentiments cachés. Je me rendis compte que je venais de m’inventer une superbe justification rationnelle, mais grâce à ça je me sentis tout de suite nettement mieux. Je me rebranchai le mamie.


Après un instant de vertige, Audran vit qu’il était étendu sur un divan, en train de boire un verre de sorbet au citron. En face de lui, sur un divan semblable, était installé un homme élégant, dans la force de l’âge. Dans un sursaut, il reconnut en l’homme l’Apôtre de Dieu.

« As-salâam aleïkoum, dit le Prophète.

— Wa leïkoum as-salâam, yaa Hazrat », répondit Audran. Ça lui faisait drôle de se sentir si à l’aise en la présence de l’Envoyé.

« Tu sais, dit le Prophète, qu’il existe une source de joie qui te conduit à oublier la mort, qui te conduit vers un accord avec la volonté d’Allah.

— Je ne sais au juste ce que tu veux dire », répondit Audran.

Le prophète Mahomet sourit. « Tu as entendu dire que, dans ma vie, j’avais connu bien des ennuis, bien des dangers.

— Des hommes ne cessaient de comploter pour te tuer à cause de tes enseignements, ô Apôtre d’Allah. Tu as livré bien des batailles.

— Certes, Mais sais-tu quel est le plus grand danger que j’aie jamais affronté ? »

Audran réfléchit un instant, perplexe. « Tu as perdu ton père avant de naître.

— Tout comme tu as perdu le tien, dit le Prophète.

— Tu as perdu ta mère étant enfant.

— Tout comme tu as vécu sans mère.

— Tu es arrivé au monde sans héritage. »

Le Prophète acquiesça. « Une condition que tu as dû également connaître. Non, aucune de ces choses n’était la pire, pas plus que ne l’ont été les efforts de mes ennemis pour m’affamer, m’écraser sous des rochers, me brûler dans ma tente, ou bien empoisonner ma nourriture.

— Alors, yaa Hazrat, demanda Audran, quel fut le plus grand danger ?

— Dans les débuts de ma période de prédication, les habitants de La Mecque refusaient d’écouter ma parole. Je me suis tourné vers le Sardar de Tayef pour lui demander la permission de prêcher dans son village. Le Sardar me raccorda, mais j’ignorais qu’en secret il avait comploté de me faire attaquer par des hommes de main. Je fus cruellement blessé et restai au sol, inconscient. Un ami me transporta hors de Tayef et m’allongea à l’ombre d’un arbre. Puis il retourna au village demander de l’eau mais personne à Tayef ne voulut lui en donner.

— Tu étais en danger de mort ? »

Le prophète Mahomet éleva la main. « Peut-être, mais un homme n’est-il pas toujours en danger de mort ? Quand j’eus repris connaissance, je levai mon visage vers le ciel et priai :“Ô Miséricordieux, Tu m’as chargé d’apporter Ton message aux hommes mais ils ne veulent pas m’écouter. Peut-être est-ce mon imperfection qui les empêche de recevoir Ta bénédiction. Ô Seigneur, donne-moi le courage d’essayer encore !”

« Alors je remarquai que l’archange Gabriel flottait dans le ciel au-dessus de Tayef, attendant un geste de moi pour transformer le village en une étendue de désolation. Je m’écriai avec horreur : “Non, ce n’est pas ainsi ! Allah m’a choisi d’entre les hommes pour être une bénédiction pour l’Humanité et je ne cherche pas son châtiment. Qu’ils vivent. S’ils n’acceptent pas mon message, peut-être que leurs fils ou les fils de leurs fils l’accepteront.”

« Cet horrible instant de toute-puissance, quand, rien qu’en levant le doigt, j’aurais pu détruire entièrement Tayef et tous ses habitants, voilà quel fut le plus grand danger de ma vie. »

Audran était mortifié. « Allah est bien le Plus Grand », dit-il. Il leva la main et déconnecta le mamie.


Eh ouais. Le Sage conseiller avait filtré mes impulsions subcrâniennes puis taillé sur mesure une vision qui à la fois interprétait mon agitation actuelle et suggérait des solutions. Mais qu’essayait de me dire le Sage conseiller ? J’étais franchement trop idiot, d’esprit trop terre à terre pour y comprendre quoi que ce soit. Je me dis qu’il me conseillait peut-être d’aller voir Friedlander bey pour lui annoncer : « J’ai le pouvoir de te détruire mais je me retiens par pure charité. » Alors Papa, submergé par la culpabilité, me dégagerait de toute obligation envers lui.

Puis je me rendis compte que ce ne pouvait pas être aussi simple. Pour commencer, ce pouvoir de le détruire, je ne l’avais pas. Friedlander bey était protégé des créatures inférieures par la baraka, cette présence quasi magique que possédaient certains grands hommes. Il faudrait quelqu’un d’une autre carrure que moi pour lever le doigt contre lui, voire simplement l’approcher subrepticement pour lui verser du poison dans l’oreille durant son sommeil.

D’accord, ça voulait dire que je n’avais pas compris la leçon mais ce n’était pas pour me tracasser. La prochaine fois que je croiserais un imam ou un saint dans la rue, il faudrait que je lui demande de m’expliquer la vision. D’ici là, j’avais des trucs plus importants à faire. Je rangeai le mamie dans ma serviette.

Puis je chargeai le fichier d’Abou Adil et passai une dizaine de minutes à le consulter. Le dossier était en tout point aussi barbant que je l’avais redouté. Abou Adil avait été amené dans la cité à un tout jeune âge, il y avait plus d’un siècle et demi. Ses parents avaient erré durant de longs mois après le désastre de la guerre du Samedi. Enfant, Abou Adil aidait son père, vendeur de limonade et de sorbets dans le souk des Tanneurs. Il jouait dans les ruelles étroites et tortueuses de la medînah, la vieille ville. À la mort de son père, il était devenu mendiant pour survivre avec sa mère. D’une manière ou de l’autre, grâce à sa force de volonté et à ses ressources intérieures, il avait refusé la pauvreté et sa situation misérable pour devenir un homme respecté et influent dans la medînah. Le rapport ne donnait aucun détail sur cette remarquable transformation mais si Abou Adil était un sérieux rival de Friedlander bey, je n’avais pas de mal à croire qu’elle s’était produite. L’homme vivait toujours dans une maison à la lisière ouest de la ville, pas très loin de la porte du Couchant. Tout indiquait qu’il s’agissait d’une demeure aussi vaste que celle de Papa, cernée de taudis sordides. Abou Adil avait toute une armée d’amis et d’associés dans les bas-fonds de la medînah, de même que Friedlander bey avait la sienne dans le Boudayin.

C’était à peu près tout ce que j’avais appris quand l’agent Shaknahyi passa la tête dans mon cagibi. « Temps d’y aller », annonça-t-il.

Ça ne me gêna pas le moins du monde de dire à ma batterie de données de décrocher. Je me demandai pourquoi le lieutenant Hadjar était si monté contre Reda Abou Adil. Je n’avais rien trouvé dans son dossier pour suggérer qu’il fût autre chose qu’un second Friedlander bey : rien qu’un homme riche et puissant dont les affaires prenaient un petit côté gris, voire noir, de temps à autre. S’il était comme Papa – et tous les éléments en ma possession n’indiquaient rien d’autre – il n’avait aucun intérêt à déranger les innocents. Friedlander bey n’était pas un génie du crime et j’en doutais pareillement pour Abou Adil. Pour énerver ce genre d’hommes, il fallait vraiment empiéter sur leur territoire ou bien menacer leur famille ou leurs amis.

Je suivis Shaknahyi au garage en sous-sol. « C’est la mienne », dit-il en indiquant une voiture de patrouille qui revenait de la tournée précédente. Il salua les deux flics à l’air las qui en descendirent, puis se glissa derrière le volant. « Eh bien ? » dit-il en me regardant.

Je n’étais pas pressé de m’y mettre. Pour commencer, j’allais me retrouver coincé en compagnie de Shaknahyi dans l’habitacle exigu de la bagnole pendant toute la durée de notre service, et la perspective ne m’enthousiasmait pas outre mesure. En second lieu, j’aurais franchement préféré rester assis en haut à me carrer, peinard, des dossiers chiants plutôt que de suivre ce vieux briscard blanchi sous le harnois au fond de rues mal famées. Finalement, malgré tout, je grimpai à l’avant. On ne peut pas toujours se défiler.

« Qu’est-ce tu trimbales ? » demanda-t-il sans cesser de regarder droit devant lui tout en conduisant. Il avait une grosse chique de gomme à mâcher coincée dans la joue droite.

« C’est de ça que vous voulez parler ? » répondis-je. Je levai le mamie de Parfait protecteur que je ne m’étais pas encore embroché.

Il me lorgna et marmonna quelque chose dans sa barbe. « Je parle de c’que tu vas employer pour me sauver des mauvais garçons », dit-il avant de me lorgner à nouveau.

Sous mon blazer, je portais mon paralyseur. Je le sortis de l’étui et le lui montrai. « Un cadeau du lieutenant Okking, l’an dernier. »

Shaknahyi mâchonna sa gomme pendant quelques secondes. « Le lieutenant Okking a toujours été correct avec moi », dit-il en me regardant de nouveau de biais.

« Ouais, enfin…» Je ne voyais pas très bien ce que je pouvais ajouter de franchement intelligent. J’avais été responsable de la mort d’Okking et je savais que Shaknahyi le savait. C’était encore un écueil à surmonter si je voulais qu’on arrive à quelque chose ensemble. Après cet échange, le silence régna un petit moment dans la voiture.

« Écoute, c’te flingue, là, ne vaut pas grand-chose à part, peut-être, pour assommer les souris et les petits oiseaux à bout portant. Regarde plutôt sur le plancher. »

Je passai la main sous mon siège et en ressortis un petit arsenal. Il y avait un gros fusil paralysant, un pistolet électrostatique, et un lance-aiguilles avec des fléchettes apparemment capables de désosser vif un rhinocéros adulte. « Votre suggestion ?

— Ça te branche d’éclabousser de sang tout le paysage ?

— Merci bien, j’ai déjà donné l’an dernier.

— Alors, laisse tomber le lance-aiguilles, bien que ce soit un petit bijou : il alterne trois embouts sédatifs, trois autres nappés de neurotoxines et pour finir trois fléchettes explosives. Le fusil paralysant est peut-être un peu trop gros pour toi. Il a quatre fois la puissance de ton petit chatouilleur. L’est capable d’immobiliser ta cible jusqu’à quatre cents mètres de distance, mais il est mortel dans un rayon de cent mètres. Tu ferais peut-être mieux de te rabattre sur l’électrostatique. »

Je repoussai le paralyseur et le lance-fléchettes sous le siège et contemplai le pistolet électrostatique. « Quel genre de dégâts fait-il ? »

Shaknahyi haussa les épaules. « Deux ou trois coups de suite à la tête et t’as un estropié à vie. La tête fait une petite cible, malgré tout. Vise la poitrine, et c’est bonjour l’infarctus. N’importe où ailleurs, la victime ne maîtrise plus ses muscles. Elle est H.S. pendant une demi-heure. C’est ça qu’il te faut. »

J’acquiesçai et fourrai l’arme dans ma poche de veste. « Vous ne croyez quand même pas que je vais…» Mon téléphone se mit à grelotter et je le détachai de ma ceinture. J’étais prêt à parier que c’était un de mes autres problèmes qui se manifestait. « Allô, oui ?

— Marîd ? Ici Indihar. »

Apparemment, les bonnes nouvelles étaient un article hors catalogue. Je fermai les yeux. « Ouais ? Comment tu te débrouilles ? Qu’est-ce qui se passe ?

— Tu sais un peu l’heure qu’il est ? T’es propriétaire d’une boîte, à présent, Maghrebi. T’es responsable des filles du roulement de jour. Tu veux passer faire l’ouverture ? »

Je n’avais pas songé une seule seconde à la boîte. C’était un truc dont je n’avais pas vraiment envie de me préoccuper, mais Indihar avait quand même raison à propos de ma responsabilité. « J’arrive dès que je peux. Tout le monde s’est pointé aujourd’hui ?

— Je suis ici, Pualani aussi, Janelle nous a quittés. Je ne sais pas où est Kandy, et Yasmin est là ; elle cherche une place. »

Bon, Yasmin à présent. Seigneur. « À tout de suite.

Inchallah, Marîd.

— Ouais. » Je remis le téléphone à ma ceinture.

« Où faut-il que t’ailles, encore ? On n’a pas de temps à perdre en courses personnelles. »

J’essayai de m’expliquer. « Croyant me faire une grande faveur, Friedlander bey a cru bon de m’acheter un club dans le Boudayin. Je ne connais foutre rien à ce genre d’affaires. Et j’avais complètement oublié son existence jusqu’à tout de suite. Il faut absolument que j’y passe pour faire l’ouverture. »

Rire de Shaknahyi. « Toujours se méfier des cadeaux d’une vieille toupie âgée de deux siècles. Et il est où, ce club ?

— Sur la Rue. La boîte à Chiriga. Vous voyez laquelle ? »

Il tourna la tête et m’étudia un long moment sans rien dire. Puis : « Ouais, je vois laquelle. » Il fit faire demi-tour à la voiture et mit le cap sur le Boudayin.

Vous auriez pu penser que ce serait le super pied de franchir la porte orientale à bord d’un véhicule officiel pour remonter la Rue, qui est strictement interdite à la circulation. Ma réaction fut exactement inverse. Je me ratatinai au fond de mon siège, en espérant que personne ne me reconnaîtrait. Toute ma vie, j’avais détesté les flics et voilà que j’en étais un ; mes anciens amis m’infligeaient déjà le traitement que je faisais subir à Hadjar et à ses collègues dans le Boudayin. Je remerciai silencieusement Shaknahyi d’avoir eu le bon sens de ne pas mettre la sirène.

Shaknahyi stoppa la voiture pile à la porte du club de Chiriga ; j’avisai Indihar, poireautant sur le trottoir en compagnie de Pualani et de Yasmin. Je notai avec tristesse que cette dernière avait coupé ses magnifiques longs cheveux noirs que j’avais toujours adorés. Peut-être que depuis notre rupture elle avait trouvé qu’il fallait changer. J’inspirai un grand coup, ouvris la portière et sortis. « Comment ça va, tout le monde ? » lançai-je.

Indihar me jeta un regard noir. « On a déjà perdu près d’une heure de pourliches, observa-t-elle.

— Tu comptes t’occuper de cette boîte, oui ou non, Marîd ? demanda Pualani. Pasque sinon, je peux aller bosser chez Jo-Mama sans problème.

— Frenchy me reprendrait en moins d’une minute marocaine », renchérit Yasmin. Son expression était froide et distante. Me balader en voiture de flic n’était pas pour améliorer mon image auprès d’elle, mais alors pas du tout.

« Vous bilez pas, les filles… C’est simplement que j’ai eu pas mal de soucis ce matin. Indihar, est-ce que je peux t’engager pour diriger la boîte à ma place ? Question gestion, tu t’y connais mieux que moi. »

Elle me fixa pendant quelques secondes. « Uniquement si tu me donnes un emploi du temps régulier. J’ai pas envie d’être obligée de me pointer plus tôt après avoir fait des heures sup’ la nuit d’avant. Avec Chiri, c’était toujours comme ça.

— D’accord, pas de problème. T’as d’autres idées, tu me le fais savoir.

— Va falloir aussi que tu me payes au même tarif que les autres gérants de club. Et puis je me lèverai pour aller danser que si ça me dit. »

Je fronçai les sourcils, mais elle me prenait à la gorge. « Pas de problème là non plus. Maintenant, qui verrais-tu pour s’occuper du service de nuit ? »

Indihar haussa les épaules. « Je me fie à aucune de ces putes. Cause à Chiri. Tâche de la rengager.

— Engager Chiri ? Pour bosser dans sa propre boîte ?

— C’est plus sa boîte, remarqua Yasmin.

— Ouais, c’est juste. Tu crois qu’elle le ferait ? »

Ça fit rire Indihar. « Elle te fera cracher le triple de ce que touchent les autres gérants dans la Rue. Elle t’en fera baver un max, et en plus elle se gênera pas pour piquer dans la caisse si tu lui laisses la moindre chance. Et pourtant, elle vaut quand même le coup. Personne ne sait faire du chiffre mieux que Chiri. Sans elle, t’es bon pour louer c’te boîte à un quelconque marchand de tapis dans moins de six mois.

— Tu lui as vraiment fait de la peine, Marîd, dit Pualani.

— Je sais, mais ce n’était pas de ma faute. Friedlander bey a organisé tout le truc sans m’en dire un mot avant. Il m’a lâché le club dans le giron, comme si c’était une surprise.

— Chiri sait pas ça », dit Yasmin.

J’entendis une portière claquer derrière moi. Je me retournai et vis Shaknahyi se diriger vers nous, un grand sourire sur le visage. Manquait plus que de le voir se radiner. Il avait franchement l’air d’apprécier.

Indihar et les autres me vomissaient parce que j’étais devenu flic, et les flics en avaient autant à mon service parce qu’à leurs yeux j’étais toujours un arnaqueur. Les Arabes disent : « Qui se dévêt s’enrhume. » C’est une mise en garde contre le risque de se couper du groupe qui vous soutient. Mais qui est d’un piètre secours quand vos copains se pointent en délégation pour vous foutre à poil contre votre gré.

Shaknahyi ne me dit pas un mot. Il se dirigea vers Indihar, se pencha et lui glissa quelque chose à l’oreille. Bon, des tas de filles de la Rue éprouvent cette fascination pour les flics. Personnellement, je ne l’ai jamais comprise. Et certains flics ne voient pas d’inconvénient à profiter de la situation. Simplement, ça m’étonnait de découvrir qu’Indihar était l’une de ces filles – et que Shaknahyi était l’un de ces flics.

Il ne me vint pas à l’idée d’ajouter ce détail à ma liste de coïncidences récentes autant que bizarres : mon nouveau partenaire qui avait une relation avec la nouvelle gérante du club que Friedlander bey venait de m’offrir.

« Bon, alors tout est réglé, Audran ? demanda Shaknahyi.

— Ouais, répondis-je. Faudra quand même que je trouve moyen de causer à Chiriga dans la journée.

— Indihar a raison, dit Yasmin. Chiri va t’en faire baver. »

J’acquiesçai. « Et elle est en droit de le faire, je suppose, mais enfin, ce n’est pas une perspective attrayante.

— Allez, on décolle, dit Shaknahyi.

— Si j’ai un peu de temps tout à l’heure, je repasserai voir comment ça marche…

— On se débrouillera, dit Pualani. Nous on sait faire notre boulot. Toi, t’as intérêt à faire gaffe avec Chiri.

— Protège tes avant-postes, conseilla Indihar. Si tu vois ce que je veux dire…»

Je leur adressai un signe de main et regagnai la voiture de patrouille. Shaknahyi quitta Indihar avec un petit baiser sur la joue, puis il me suivit. Il se mit au volant. « Prêt à bosser, maintenant ? » Nous étions toujours rangés le long du trottoir.

« Vous connaissez Indihar depuis combien de temps ? Je me rappelle pas vous avoir vu dans le club de Chiri. »

Il me fit le coup des grands yeux innocents. « J’la connais depuis une paye.

— C’est ça. » Je n’approfondis pas. Il n’avait pas l’air en veine de confidence.

Une alarme piailla sur un ton aigu et la voix synthétique de l’ordinateur de bord se mit à caqueter : « Matricule 374, intervention immédiate sur un chantage à la bombe avec prise d’otage au Café de la Fée blanche, Neuvième Rue nord.

— C’est chez Gargotier, dit Shaknahyi. On s’en occupe. » L’ordinateur se tut.

Et Hadjar qui m’avait promis que je n’aurais pas à me soucier de trucs pareils ! « Bismillah ar-Rahman ar-Rahim », murmurai-je. Au nom de Dieu le Miséricordieux plein de miséricorde.

Cette fois, tandis que nous remontions la Rue, Shaknahyi actionna la sirène.

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