La constitution de Mars

Nous, peuple de Mars, sommes réunis, en cette année 2128, sur Pavonis Mons, pour rédiger une constitution qui fournira un environnement législatif à un gouvernement planétaire indépendant. Nous envisageons cette constitution comme un cadre souple, susceptible d’évoluer avec le temps, à la lumière de l’expérience et des conditions historiques. Nous tenons néanmoins à affirmer notre espoir de jeter les bases d’un gouvernement qui défendra les principes suivants : l’autorité de la loi ; l’égalité de tous devant la loi ; les libertés individuelles de mouvement, d’association et d’expression ; le refus de la dictature politique ou économique ; la maîtrise de la vie professionnelle et de la qualité de celle-ci ; la responsabilité commune des ressources naturelles de la planète et le respect de son héritage primitif.


ARTICLE PREMIER : DOMAINE LÉGISLATIF

Première section. Corps législatif

1. Le corps législatif chargé des problèmes globaux de Mars sera un congrès à deux chambres, une douma et un sénat.

2. La douma sera composée de cinq cents membres, choisis chaque année martienne par tirage au sort parmi tous les résidents martiens de plus de dix années martiennes. La douma se réunira toutes les années martiennes à Ls 0 et Ls 180, et restera en session le temps qu’il faudra pour mener son travail à bien.

3. Le sénat sera composé de sénateurs venant de toutes les villes et/ou colonies martiennes de plus de 500 habitants (ce nombre a été porté à 3000 par le 22e amendement), élus une année martienne sur deux selon le mode de scrutin australien. Le sénat sera constamment en session, à l’exception d’interruptions ne pouvant excéder un mois sur douze.


Section 2. Pouvoirs conférés au congrès

1. La douma élira les sept membres du conseil exécutif selon le mode de scrutin australien.

2. Le sénat élira un tiers des membres de la cour environnementale globale et la moitié des membres de la cour constitutionnelle selon le mode de scrutin australien.

3. Le congrès fera voter les lois permettant : de fixer et de collecter de façon équitable les impôts dus par les villes et les colonies représentées au sénat ; d’assurer la défense commune de Mars ; de réguler le commerce sur Mars et avec les autres mondes ; de réguler l’immigration vers Mars ; d’imprimer la monnaie et d’en réguler la valeur ; de former un système de cour pénale ; et d’instituer un groupe de police et de sécurité permanent afin d’appliquer la loi et de défendre la communauté.

4. Toutes les lois votées par le congrès pourront être amendées par le conseil exécutif. Si le conseil exécutif oppose son veto à une proposition de loi, ce veto pourra être levé par un vote du congrès à la majorité des deux tiers.

5. Toutes les lois votées par le congrès pourront aussi être amendées par les cours constitutionnelle et environnementale. Le veto de ces cours ne pourra être levé mais entraînera la révision de la loi si le congrès le juge utile, après quoi le processus d’approbation de la loi reprendra.


ARTICLE 2. DOMAINE EXÉCUTIF

Première section. Conseil exécutif

1. Le conseil exécutif sera composé de sept membres, élus toutes les deux années martiennes par la douma. Les membres du conseil exécutif devront être résidents martiens au moment de leur élection et âgés d’au moins dix années martiennes.

2. Le conseil exécutif élira un président parmi ses membres, selon le mode de scrutin australien. Il élira ou nommera en outre le nombre de fonctionnaires nécessaires afin d’assumer ses diverses fonctions.


Section 2. Attributions du conseil exécutif

1. Le conseil exécutif dirigera la police globale et les forces de sécurité chargées d’assurer la défense de Mars ainsi que le respect et l’application de sa constitution.

2. Le conseil exécutif aura le pouvoir, révisable par le congrès et soumis à son approbation, d’établir des traités avec les instances politiques et économiques (et toutes les autres instances politiques du système solaire définies au 15e amendement).

3. Le conseil exécutif élira ou nommera un tiers des membres de la cour environnementale et la moitié des membres de la cour constitutionnelle.


ARTICLE 3. DOMAINE JUDICIAIRE

Première section. Cours globales

1. Il y aura deux cours globales, la cour environnementale et la cour constitutionnelle.

2. La cour environnementale se composera de soixante membres dont un tiers seront élus par le sénat, un tiers élus ou désignés par le conseil exécutif et le troisième tiers élus par les résidents martiens âgés de plus de dix années martiennes. La durée du mandat à la cour environnementale est fixée à dix années martiennes.

3. La cour constitutionnelle se composera de douze membres dont une moitié seront élus par le sénat et l’autre moitié élus ou nommés par le conseil exécutif. La durée du mandat à la cour constitutionnelle est fixée à dix années martiennes.


Section 2. Étendue des pouvoirs de la cour environnementale

1. La cour environnementale aura le pouvoir d’amender toutes les lois votées par le congrès concernant l’environnement martien et aura un droit de veto sans appel sur ces lois si leur impact sur l’environnement est considéré comme anticonstitutionnel ; d’instituer des commissions régionales afin de contrôler les activités de toutes les villes et colonies martiennes et leur impact sur l’environnement ; d’arbitrer les conflits entre les villes ou les colonies portant sur des problèmes d’environnement ; enfin, de réguler la gestion du sol et de l’eau ainsi que les droits d’exploitation, qui seront définis conjointement avec le congrès en remplacement des concepts terriens de propriété ou afin de les adapter pour la communauté martienne.

2. La cour environnementale statuera sur la conformité des dossiers qui lui seront soumis avec les procédés assurant un processus lent, stable et gradué de terraforming, ledit terraforming ayant entre autres finalités une pression d’air maximale de 350 millibars à une altitude de six kilomètres au-dessus du contour zéro, au niveau de l’équateur, ce chiffre pouvant être révisé toutes les vingt-cinq années martiennes.


Section 3. Étendue des pouvoirs de la cour constitutionnelle

1. La cour constitutionnelle est chargée de statuer sur la conformité avec la constitution de toutes les lois votées par le congrès, ainsi que sur les dossiers locaux et régionaux qui pourraient lui être soumis afin de déterminer s’ils concernent les problèmes constitutionnels globaux significatifs ou s’ils entrent en conflit avec les droits individuels définis par la constitution. Les lois locales ou édictées par le congrès qu’elle jugerait anticonstitutionnelles pourraient être amendées et renvoyées devant la cour par les corps législatifs concernés.

2. La cour constitutionnelle supervisera une commission économique de cinquante membres, dont elle désignera vingt membres parmi les résidents martiens âgés d’au moins vingt années martiennes, et ce pour une durée de cinq années martiennes. Les trente autres membres seront nommés ou élus par les coopératives de guildes représentant les différents secteurs d’activité et les métiers exercés sur Mars (liste provisoire ci-jointe). Cette commission économique soumettra à l’approbation législative un ensemble de lois et de pratiques économiques combinant les services publics fondamentaux, à but non lucratif, et les entreprises privées, à but lucratif et imposables ; elle spécifiera la vocation des services publics et les modalités de leur régulation ; elle fixera des limites de taille légale à toutes les entreprises privées ; elle fixera les grandes lignes du droit des entreprises afin de permettre aux employés de devenir détenteurs de leurs entreprises ainsi que du capital et des profits inhérents ; enfin, elle supervisera les effets bénéfiques d’une économie démocratique, participative.


Section 4. Arbitrage entre les deux cours

1. Le conseil exécutif élira une chambre de conciliation, composée de cinq membres de la cour environnementale et de cinq membres de la cour constitutionnelle, chargés d’assurer la médiation, d’arbitrer et de statuer sur tous les conflits et différends issus des jugements entre les deux cours globales.


ARTICLE 4. LE GOUVERNEMENT GLOBAL ET LES VILLES ET COLONIES

1. Les villes, les canyons sous tente, les cratères sous tente et les petites colonies martiennes jouiront d’une semi-autonomie par rapport à l’état global ainsi que les uns envers les autres.

2. Les villes et colonies seront libres de définir leurs propres lois, pratiques culturelles et systèmes politiques locaux tant que ces lois, systèmes ou pratiques n’abrogent pas les droits individuels garantis par la constitution globale.

3. Les citoyens de toutes les villes et colonies bénéficieront des droits garantis par cette constitution, et de tous les droits de toutes les autres villes et colonies.

4. Les villes et colonies ne formeront pas d’alliances politiques régionales susceptibles de fonctionner comme des villes-États. Les intérêts régionaux seront défendus et assurés par des activités coordonnées occasionnelles et temporaires organisées entre les villes et les colonies.

5. Aucune ville ou colonie ne se rendra coupable d’agression physique ou économique envers une autre ville ou colonie. Tout différend entre deux ou plusieurs villes ou colonies sera soumis à l’arbitrage ou à la décision judiciaire de la cour concernée.

6. La portée matérielle des lois locales définies par une ville ou colonie sera fixée par la commission territoriale, en consultation avec les villes et colonies concernées. Les limites physiques évidentes des cratères, canyons et villes sous tente peuvent agir comme l’équivalent de « limites de cité », mais ces villes, aussi bien que les colonies en plein air diffuses, ont des « sphères d’influence » légitimes susceptibles de se superposer avec les sphères d’influence des villes et colonies voisines. Le territoire situé à l’intérieur de ces sphères d’influence ne devra pas être considéré comme dépendant des villes et colonies, conformément à l’abrogation générale des notions terriennes de souveraineté et de propriété. Néanmoins, toutes les villes et colonies seront légalement consultées en ce qui concerne les questions d’usage du sol, y compris les droits sur l’eau, dans les limites de leur sphère d’influence telle que définie par la commission territoriale.


ARTICLE 5. DROITS ET OBLIGATIONS INDIVIDUELS

Première section. Droits individuels

1. Liberté de mouvement et d’association.

2. Liberté de culte.

3. Liberté de parole.

4. Droit de vote imprescriptible aux élections globales.

5. Droit d’assistance juridique, à être jugé dans des délais raisonnables et garantie d’habeas corpus.

6. Protection contre les investigations ou contraintes déraisonnables, contre l’auto-accusation involontaire, et autorité de la chose jugée.

7. Protection contre tout châtiment cruel ou inhabituel.

8. Liberté du travail.

9. Droit de bénéficier des fruits de son travail selon un taux calculé conformément aux prescriptions de la commission économique, ce taux ne devant jamais être inférieur à 50 %.

10. Droit de regard sur la gestion de son travail.

11. Droit à un salaire minimum sa vie durant.

12. Droit à la santé, et notamment aux pratiques généralement connues sous le nom de « traitement de longévité ».


Section 2. Obligations individuelles

1. Chaque citoyen de Mars offrira, au cours de son existence, une année martienne de travail au service du public. Ce travail, d’où seront exclues la police et l’armée, sera défini par la commission économique.

2. Le droit à posséder ou à détenir des armes mortelles est expressément refusé à tout le monde sur Mars, y compris les fonctionnaires de police et les brigades anti-émeutes.


ARTICLE 6. LE TERRITOIRE

Première section. Objectifs et limites du terraforming

1. L’état primitif de Mars sera pris en considération légale, et ne sera pas modifié, sauf en conformité avec un programme de terraforming destiné à permettre aux êtres humains de survivre à la surface de la planète jusqu’à la limite d’altitude des six kilomètres. Au-dessus de cette limite, l’objectif sera de maintenir la surface aussi proche que possible de son état primitif.

2. La pression atmosphérique ne dépassera pas 350 millibars à une altitude de six kilomètres au-dessus du niveau moyen du sol, aux latitudes équatoriales (entre 30 degrés nord et 30 degrés sud).

3. La quantité de dioxyde de carbone contenue dans l’atmosphère ne dépassera pas dix millibars.

4. Le niveau d’Oceanus Borealis (la mer du Nord) ne dépassera pas le contour de 1 km.

5. Le niveau de la mer du bassin d’Hellas ne dépassera pas le niveau moyen du sol.

6. Le bassin d’Argyre ne sera pas mis en eau.

7. L’introduction délibérée de toute espèce animale ou végétale, naturelle ou issue du génie génétique, devra être approuvée par les agences de la cour environnementale après étude de l’impact environnemental sur les biomes et les écologies déjà existants.

8. Il ne sera fait appel à aucune méthode de terraforming provoquant l’irradiation du sol, des eaux de surface ou de l’atmosphère martienne.

9. Il ne sera fait appel à aucune méthode de terraforming instable ou susceptible de dégradation rapide, ou de gravement endommager le territoire martien, tel que défini par la cour environnementale.


ARTICLE 7. AMENDEMENTS À LA CONSTITUTION

Chaque fois que les deux tiers des membres des deux chambres de la législature, ou la majorité des électeurs d’une majorité des villes et colonies de Mars, proposeront des amendements à cette constitution, l’amendement proposé sera soumis à référendum lors de la première échéance électorale globale prévue. La majorité des deux tiers sera exigée pour l’adoption d’une loi.


ARTICLE 8. RATIFICATION DE LA CONSTITUTION

Après approbation du texte de cette constitution, article par article, par un vote majoritaire des représentants du congrès constitutionnel, il sera proposé à l’approbation ou au rejet par l’ensemble des citoyens martiens âgés de plus de cinq années martiennes, et si elle est approuvée par une supermajorité des deux tiers, cette constitution deviendra la loi suprême de la planète.

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