Egwene dérivait dans les ténèbres. Sans forme ni substance, elle n’avait bien entendu pas de corps. Les pensées, les fantaisies, les inquiétudes, les espoirs et les idées du monde entier s’étendaient à l’infini devant elle.
C’était le fameux espace entre les rêves et la réalité – une obscurité constellée de milliers et de milliers de points lumineux, chacun plus compact et brillant que les étoiles.
Certains étaient des rêves qu’elle aurait pu espionner, mais elle s’en abstint. Ceux qui l’intéressaient étaient protégés et, aux autres, elle ne comprendrait rien.
Bien entendu, elle brûlait d’envie de s’introduire dans un rêve en particulier. Mais elle s’en empêchait. Même si ses sentiments pour Gawyn restaient très forts, son opinion sur le jeune homme en avait pris un coup, ces derniers temps. Se perdre dans ses songes n’y changerait rien.
Elle sonda les ténèbres infinies. De plus en plus souvent, elle venait ici pour se laisser dériver et réfléchir. Les rêves des gens – certains issus de son monde et d’autres de variantes fantomatiques de ce même monde – lui rappelaient pourquoi elle se battait. Coûte que coûte, elle ne devait jamais oublier que la vie ne se limitait pas aux murs de la Tour Blanche. La mission d’une Aes Sedai était de servir le monde entier.
Alors qu’elle se dorait à la lueur des rêves, le temps passa. Ayant soudain envie de bouger, elle repéra un songe qu’elle connaissait – même si elle n’aurait su dire comment.
Le rêve parut se précipiter sur elle et emplir son champ de vision.
Elle y plaqua sa volonté et y envoya un message.
« Nynaeve, il faut que tu cesses de m’éviter. Il y a du pain sur la planche, et j’ai des nouvelles pour toi. Rendez-vous d’ici à deux heures dans le Hall de la Tour. Si tu ne viens pas, je devrai prendre des mesures. Tes badinages amoureux nous mettent tous en danger. »
Le rêve sembla frémir. Alors qu’il disparaissait, Egwene recula. Elle avait déjà parlé à Elayne. Ces deux-là étaient des perturbations vivantes. Elles devaient recevoir pour de bon le châle et prononcer les Serments.
De plus, Egwene avait besoin d’informations que Nynaeve détenait. Avec un peu de chance, le bâton – la menace – et la carotte – la promesse de nouvelles – motiveraient l’ancienne Sage-Dame. D’autant que ces nouvelles étaient importantes. La Tour Blanche enfin unifiée, la jeune Chaire d’Amyrlin confirmée, Elaida capturée par les Seanchaniens…
Des rêves étincelants gravitaient autour d’Egwene. Elle envisagea de contacter les Matriarches, mais se ravisa. Comment se comporter avec elles ? L’essentiel restait de les empêcher de croire que leur sort était réglé. Pour elles, Egwene n’avait pas encore de plan définitif.
Elle retourna dans son corps, ravie de passer la suite de la nuit parmi ses propres rêves. Là, elle ne pourrait pas empêcher que Gawyn vienne la hanter, et elle n’en avait aucune envie.
Aussitôt, dans ses songes, elle se retrouva entre les bras du jeune homme.
Dans une petite pièce aux murs de pierre qui ressemblait à son bureau, à la tour – mais décorée comme la salle commune de l’auberge familiale –, Gawyn portait une tenue de Deux-Rivières et n’arborait pas d’épée. Une vie plus simple… Pas celle d’Egwene, mais on était toujours libre de rêver.
Tout vibra soudain. La pièce où se mêlaient le passé et le présent parut exploser, se désintégrant dans un nuage de fumée. Terrifiée, Elayne recula quand Gawyn se volatilisa comme s’il était composé de grains de sable. Autour d’elle, de la poussière s’élevait, et treize tours noires se dressaient dans le lointain sous un ciel obscur.
Une première tour s’écroula, puis une autre, puis une autre encore. À mesure que certaines tombaient, celles qui résistaient devenaient de plus en plus hautes. Alors que le sol tremblait, une tour bascula sur un côté, faisant mine de s’effondrer. Mais elle se redressa et devint la plus grande de toutes.
À la fin du séisme, il ne restait que six tours, chacune tutoyant le ciel.
Egwene s’avisa qu’elle était tombée sur le sol, devenu une terre meuble semée d’un tapis de feuilles.
La vision changea.
Egwene observait un nid. Dedans, des aiglons criaillaient pour appeler leur mère. L’un se… déploya, et révéla qu’il n’était pas un oiseau mais un serpent. Aussitôt, il s’attaqua à ses « frères », en gobant un sans effort. Les survivants continuèrent à implorer le ciel, comme s’ils tenaient toujours pour un semblable le reptile qui les dévorait.
La vision changea encore.
Egwene vit une énorme sphère faite du cristal le plus fin. L’étrange objet brillait sous la lumière de vingt-trois étoiles géantes stationnaires au-dessus d’un pic obscur.
La sphère était ébréchée, et des cordes l’empêchaient de se désintégrer.
Rand apparut. Une hache de forestier à la main, il gravissait le versant du pic. Le sommet atteint, il leva son arme et coupa les cordes. Quand il en fut à la dernière, la sphère se désintégra, chef-d’œuvre tombant en mille morceaux. Impassible, Rand secoua la tête.
En poussant un petit cri, Egwene se réveilla et s’assit en sursaut. Elle se trouvait dans ses appartements, au sein de la Tour Blanche. La chambre, pour l’heure, était quasiment vide. Si elle avait fait retirer tout ce qui pouvait rappeler Elaida, la nouvelle Chaire d’Amyrlin n’avait pas encore décoré l’endroit à son goût. On y trouvait donc une table de toilette, un tapis marron de très mauvaise qualité et un lit à baldaquin.
À travers les volets fermés, la lumière du jour parvenait à filtrer.
Egwene inspira puis expira. Les rêves la perturbaient rarement, et surtout, jamais autant que celui-là.
Après s’être calmée, elle tendit un bras et, sur le côté du lit, s’empara du livre relié de cuir où elle notait ses songes. Sur les trois de cette nuit, celui du milieu lui semblait le plus clair. Elle devinait son sens, l’interprétant comme elle s’en montrait quelquefois capable.
Le serpent était la Rejetée qui se cachait à la Tour Blanche sous l’identité d’une sœur. Egwene se doutait depuis longtemps d’une félonie de ce genre. Et Verin avait partagé ses soupçons.
Mesaana était toujours à la tour. Mais comment pouvait-elle se faire passer pour une Aes Sedai ? Toutes les sœurs avaient prêté à nouveau les Serments.
Apparemment, Mesaana se jouait du Bâton des Serments.
Alors qu’elle consignait soigneusement ses rêves, Egwene repensa aux tours qui se dressaient pour la détruire. Là aussi, les choses lui parurent avoir un sens.
Si elle ne démasquait pas Mesaana, quelque chose de terrible se produirait. La chute de la Tour Blanche, voire la victoire du Ténébreux. Car les rêves ne devaient pas être confondus avec le don de prédire. Ils ne montraient pas l’avenir, mais des virtualités.
Par la Lumière ! pensa Egwene. Comme si je n’avais pas assez de soucis comme ça…
Elle se leva avec l’idée d’appeler ses servantes, mais un coup frappé à la porte l’en empêcha. Intriguée, elle traversa la pièce en robe de chambre et entrebâilla le battant. Silviana se tenait dans l’antichambre. Vêtue de rouge, le visage carré, elle portait son sempiternel chignon et l’étole de Gardienne reposait sur ses épaules.
— Mère, dit-elle d’un ton tendu, je m’excuse de te réveiller.
— Je ne dormais pas. Que se passe-t-il ?
— Il est ici, Mère. À la Tour Blanche.
— Qui ça ?
— Le Dragon Réincarné. Et il veut te parler.
— Cette histoire est une soupe de poissons de pêcheur, faite exclusivement avec les têtes, dit Siuan, toujours aussi inspirée, alors qu’elle remontait un couloir de la Tour Blanche. Comment a-t-il pu traverser toute la ville sans que personne le remarque ?
Le haut capitaine Chubain grimaça.
Le moins qu’il puisse faire…, songea Siuan.
L’officier aux cheveux aile de corbeau arborait l’uniforme des Gardes de la Tour : sur une cotte de mailles, un tabard blanc où s’affichait la Flamme de Tar Valon. En permanence, il marchait avec la main sur la poignée de son épée.
Avec Bryne présent à Tar Valon, on murmurait qu’il risquait de perdre son poste. Mais sur un conseil de Siuan, Egwene avait laissé les choses en l’état. Bryne ne voulait pas devenir haut capitaine, et durant l’Ultime Bataille, on aurait besoin de ses compétences sur le terrain.
Pour l’instant, il était hors de la ville avec ses hommes. Trouver un cantonnement et de la nourriture pour cinquante mille soldats était un exploit presque impossible. Egwene lui avait fait envoyer un ordre, et Siuan sentait qu’il approchait.
Même s’il était aussi sentimental qu’une ancre, Siuan aurait été rassurée par son inébranlable stabilité. Le Dragon Réincarné ? À Tar Valon ?
— Il n’est pas vraiment étonnant qu’il ait pu faire ça, dit Saerin.
La sœur marron au teint cuivré marchait avec Siuan quand le capitaine, pâle comme un mort, était apparu devant elles. Les tempes blanches – pour une Aes Sedai, la preuve qu’elle n’était vraiment pas toute jeune –, Saerin arborait sur la joue une cicatrice dont Siuan n’avait jamais pu découvrir la cause.
— Des centaines de réfugiés entrent chaque jour en ville, continua la sœur marron. Tout homme enclin à se battre est dirigé vers la Tour Blanche, en vue d’un recrutement. Pas étonnant qu’al’Thor soit passé inaperçu.
Chubain acquiesça.
— Il a atteint la porte du Crépuscule avant que quiconque l’ait interrogé. Là, il a simplement dit : « Je suis le Dragon Réincarné et je veux voir la Chaire d’Amyrlin. » Il n’a pas haussé le ton, aussi calme qu’une pluie printanière.
Tous les couloirs de la tour grouillaient de sœurs. Des femmes qui s’agitaient, comme des poissons dans un filet, sans vraiment savoir ce qu’elles fichaient là.
Cesse de t’inquiéter, pensa Siuan. Il s’est jeté dans la gueule du loup. C’est lui qui se débat dans le filet.
— À quel jeu joue-t-il, selon toi ? demanda Saerin.
— Que la Lumière me brûle si je le sais ! Il doit être à demi fou, voire plus. Mort de peur, il est peut-être venu se rendre.
— J’en doute fort…
— Moi aussi, concéda Siuan de mauvaise grâce.
Ces derniers jours, non sans surprise, elle avait découvert qu’elle appréciait Saerin. Quand elle était la Chaire d’Amyrlin, elle n’avait pas eu le temps de nouer des amitiés. À l’époque, où elle s’épuisait à jouer les Ajah les uns contre les autres, elle avait jugé Saerin obstinée et casse-pieds. Maintenant qu’elles ne s’affrontaient presque plus, elle trouvait ces caractéristiques rafraîchissantes.
— Il a peut-être appris le départ forcé d’Elaida, avança Siuan. Du coup, avec une vieille amie devenue Chaire d’Amyrlin, il espère peut-être qu’il sera en sécurité.
— Ça ne colle pas avec tout ce que j’ai lu sur ce garçon, objecta Saerin. Les rapports précisent qu’il est méfiant, lunatique, doté d’un caractère tyrannique et bien résolu à éviter les Aes Sedai.
Siuan avait entendu la même chose. Cela posé, elle n’avait plus vu le garçon depuis deux ans. La dernière fois, elle était encore la Chaire d’Amyrlin et lui un simple berger. À partir de là, tout ce qu’elle savait de lui provenait des agents de l’Ajah Bleu. Pour trier les spéculations et la vérité, il fallait un grand talent. Mais au sujet d’al’Thor toutes les informations se recoupaient. Méfiant, lunatique, arrogant…
Que la Lumière brûle Elaida ! Sans elle, ce Dragon serait depuis longtemps entre les mains des Aes Sedai.
Le trio gravit trois escaliers en colimaçon et entra dans un autre couloir aux murs blancs. En route pour le Hall ! Si la Chaire d’Amyrlin recevait le Dragon Réincarné, ce serait là, sans l’ombre d’un doute.
Quelques pas plus loin, après être passé devant des lampes et des tapisseries majestueuses, le petit groupe entra dans un nouveau couloir… et se pétrifia.
Les dalles du sol, ici, étaient de la couleur du sang. Et ça ne collait pas, car elles auraient dû être jaune et blanc. Et ne pas briller comme si elles étaient humides.
Chubain inspira à fond et referma la main sur la poignée de son épée. Alors que Saerin arquait un sourcil, Siuan fut tentée d’avancer, mais les endroits touchés par le Ténébreux pouvaient être dangereux. Siuan risquait de traverser les dalles et de s’y enfoncer, ou d’être attaquée par les tapisseries.
Les deux Aes Sedai se détournèrent et s’éloignèrent. Chubain s’attarda un peu, puis il les suivit. Sur son visage, la tension se lisait sans difficulté. Alors qu’elle était sous son commandement, les Seanchaniens, d’abord, puis le Dragon Réincarné osaient attaquer la Tour Blanche !
Dans les couloirs, le trio rencontra d’autres sœurs qui faisaient un détour dans la même direction. La plupart arboraient leur châle. À cause de la nouvelle effarante du jour ? Siuan aurait aimé le croire. En réalité, ça prouvait que l’hostilité entre les Ajah restait très forte. Une autre raison de maudire mille fois Elaida.
Pour unifier la tour, Egwene avait travaillé dur. Mais en un mois, personne ne pouvait réparer des dizaines de filets cassés.
Devant le Hall de la Tour, des sœurs s’étaient massées – par Ajah, hélas. Alors que Chubain filait s’entretenir avec ses hommes, Saerin entra et alla attendre avec les autres représentantes.
Siuan resta dehors, avec les sœurs de seconde zone.
À la tour, les choses changeaient. En remplacement de Sheriam, Egwene avait choisi une nouvelle Gardienne. Si bizarre que ça pût paraître, Silviana était une bonne candidate. Dotée d’un caractère égal – pour une sœur rouge –, elle avait été très utile pour rapprocher les deux factions qui sévissaient dans la tour. Mais Siuan, elle devait l’avouer, avait un instant nourri l’espoir d’être l’élue.
Hélas, débordée de tous les côtés et de plus en plus compétente, Egwene se reposait de moins en moins sur la Chaire d’Amyrlin déchue.
Une bonne chose, en fait. Mais très énervante.
Les couloirs familiers, l’odeur de la pierre récemment lavée, l’écho des pas… Lors de sa dernière visite ici, Siuan était la dirigeante suprême. Un temps révolu.
Elle ne prévoyait pas de retrouver un jour son poste. Avec l’Ultime Bataille si proche, elle n’entendait pas perdre son temps à partager les querelles de l’Ajah Bleu, assez revanchard depuis qu’il avait réintégré la tour. Son objectif, c’était de réaliser ce que Moiraine et elle avaient planifié, des années plus tôt. Guider le Dragon Réincarné jusqu’à Tarmon Gai’don.
Via le lien, elle sentit l’arrivée de Bryne avant même qu’il ait pris la parole.
— En voilà une triste mine ! lança-t-il, dominant des dizaines de conversations étouffées.
Siuan se tourna vers le général. Toujours aussi majestueux, il affichait un calme remarquable. Surtout pour un homme d’abord trahi par Morgase, puis impliqué contre son gré dans les querelles des sœurs, et enfin prié de bien vouloir conduire ses gars en première ligne, juste derrière lui. Mais Gareth Bryne était ainsi. Serein jusqu’à l’excès. Sa seule vue calma Siuan.
— Tu es venu plus vite que je l’aurais cru, lâcha-t-elle. Au fait, les Aes Sedai ne tirent pas une « petite mine ». En digne sœur, ma nature est de me contrôler et de dominer mon environnement.
— C’est bien dit, concéda Bryne. Pourtant, plus je fréquente les Aes Sedai, et plus je me demande si elles maîtrisent leurs émotions. Ou ces dernières ne changent-elles jamais ? Si une personne s’inquiète en permanence, elle ne doit pas sourire souvent…
Siuan foudroya le vétéran du regard.
Bryne sourit puis se retourna pour sonder le couloir noir de sœurs et de Champions.
— J’étais déjà en chemin pour la tour quand ton messager m’est tombé dessus. Merci !
— De rien, grogna Siuan.
— Les sœurs sont nerveuses. Je n’ai jamais vu des Aes Sedai dans cet état.
— Et tu oserais les en blâmer ?
Bryne dévisagea Siuan. Puis il leva une main, ses doigts puissants et pleins de cals frôlant le cou de l’ancienne Chaire d’Amyrlin.
— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il en posant la main sur l’épaule de sa compagne.
Siuan inspira à fond et détourna les yeux.
Egwene arriva à cet instant, en grande conversation avec Silviana. Comme toujours, le sinistre Gawyn Trakand la suivait de près. Pas vraiment accepté par Egwene, qui ne l’avait pas pris pour Champion, mais toujours toléré à la tour. Depuis la réunification, il consacrait ses nuits à veiller devant la porte de la dirigeante. Elle en était furieuse, certes, mais n’y mettait pas un terme.
Alors qu’Egwene approchait de l’entrée, les sœurs s’écartèrent pour la laisser passer. Certaines à contrecœur, d’autres avec respect.
Un respect mérité. Tandis qu’on la battait tous les jours et la bourrait de fourche-racine, elle avait réussi à mettre la tour à genoux. Une gamine ? Oui, mais qu’était l’âge pour les Aes Sedai ?
— J’ai toujours pensé que ce serait moi, souffla Siuan à la seule intention de Bryne. Moi qui l’accueillerai et le guiderai. Moi qui serai assise sur ce siège…
Bryne pressa l’épaule de sa compagne.
— Siuan, je…
— Surtout, pas de pleurnicheries ! Je ne regrette rien.
Le vétéran fronça les sourcils.
— Tout est pour le mieux, ajouta Siuan. (Même si ça lui déchirait les entrailles, c’était la stricte vérité.) Si tyrannique et idiote qu’elle ait été, c’est une bonne chose qu’Elaida m’ait renversée, puisque ça nous a permis d’avoir Egwene. Elle fera mieux que ce que j’aurais fait. C’est dur à admettre, mais… Eh bien, j’étais une bonne Chaire d’Amyrlin, mais pas à ce point. Je n’aurais pas pu diriger par la présence et non par la force, ni unifier au lieu de diviser. Du coup, je suis heureuse que ce soit elle qui le reçoive.
Bryne sourit et pressa tendrement l’épaule de Siuan.
— Quoi encore ? grogna-t-elle.
— Je suis fier de toi.
La jeune femme roula de gros yeux.
— Foutaises ! Un de ces jours, je finirai noyée sous tes effusions sentimentales…
— Tu ne peux pas me cacher ta bonté, Siuan Sanche. Je vois ton cœur.
— Tu n’es qu’un bouffon !
— Peut-être, mais ça ne change rien. Si nous en sommes là, c’est grâce à toi. Si haut que finisse par monter cette fille, ce sera toi qui lui auras taillé les marches.
— Oui, avant de remettre le ciseau à froid à Elaida.
Siuan jeta un coup d’œil à Egwene, campée sur le seuil du Hall. Sereine, elle balaya du regard les sœurs massées dans le couloir puis salua de la tête l’ancienne Chaire d’Amyrlin. Avec un peu de respect, aurait-on dit.
— Aujourd’hui, elle est la dirigeante dont nous avons besoin, dit Bryne. Toi, tu étais celle qu’il nous fallait hier. Tu t’en es bien sortie, Siuan. Elle le sait et la tour aussi.
Du baume au cœur, ça…
— Parfait… En arrivant, est-ce que tu l’as vu ?
— Oui. Il attend en bas, surveillé par cent Champions au bas mot et pas moins de vingt-six sœurs. Soit deux cercles complets. Il est sous bouclier, c’est évident, mais ces vingt-six femmes semblent quand même paniquées. Personne n’a osé le toucher et encore moins l’entraver.
— Tant qu’il est sous bouclier, ça n’a aucune importance. A-t-il l’air effrayé ? Furieux ? Hautain ?
— Rien de tout ça.
— Dans ce cas, de quoi a-t-il l’air ?
— Franchement ? D’une Aes Sedai.
Siuan en resta bouche bée. Bryne la taquinait-il encore ? Non, il semblait sérieux. Mais que voulait-il dire ?
Egwene entra dans le Hall. Aussitôt après, une novice s’éloigna, suivie par deux soldats de Chubain. La Chaire d’Amyrlin les envoyait chercher le Dragon.
Debout derrière elle, Bryne ne retira pas sa main de l’épaule de Siuan, qui se concentra pour rester calme.
Au bout d’une petite éternité, elle vit du mouvement, au fond du couloir. Autour d’elle, des sœurs furent soudain enveloppées par l’aura du saidar. Siuan, elle, résista à l’envie d’embrasser la Source.
Une colonne approcha. Des Champions encadraient une haute silhouette en manteau marron, et vingt-six Aes Sedai leur emboîtaient le pas.
Aux yeux de Siuan, al’Thor scintillait, car elle avait le don de voir les ta’veren. Et il était l’un des plus puissants qui aient jamais vécu.
Se forçant à ignorer la lueur, elle étudia le garçon. Eh bien, à l’évidence, il était devenu un homme. Plus trace des traits doux de l’enfance – un visage taillé à la serpe. Et plus trace non plus de cette position avachie fréquente chez les jeunes, surtout de haute taille. Désormais, il assumait sa stature, ainsi qu’un homme devait le faire, et il marchait comme un chef. Pendant son « règne », Siuan avait vu son lot de faux Dragons. Bizarrement, il leur ressemblait, mais…
Siuan se pétrifia quand elle croisa le regard du Dragon. Dans ses yeux, il y avait quelque chose d’indéfinissable. Une sorte de… poids, ou d’âge immémorial. Comme si l’homme auquel ils appartenaient était la somme d’un millier de vies condensées pour ne plus en faire qu’une. Oui, il ressemblait à une Aes Sedai. Au moins, il en avait le caractère sans âge…
La main gauche dans le dos, le Dragon Réincarné leva la droite pour faire s’immobiliser la colonne.
— Si vous permettez, dit-il aux Champions en se faufilant entre eux.
Stupéfiés, les protecteurs des Aes Sedai le laissèrent passer, sa voix pourtant douce les incitant à s’écarter. Ils auraient quand même dû s’en méfier…
Al’Thor vint se camper devant Siuan, qui se raidit et s’en voulut. Cet homme n’avait pas d’arme et il était sous bouclier. Comment aurait-il pu lui faire du mal ? De plus, Bryne fit un pas en avant et posa une main sur le pommeau de son épée.
— Du calme, Gareth Bryne, dit le Dragon. Je n’ai aucune mauvaise intention. Tu t’es laissé lier par Siuan, n’est-ce pas ? Bizarre, ça… Elayne aimera l’apprendre. Quant à toi, Siuan Sanche, tu as changé depuis notre dernière rencontre.
— Au fil des rotations de la Roue, nous changeons tous.
— Une réponse d’Aes Sedai !
Al’Thor eut un sourire bienveillant et détendu. Siuan n’en fut pas peu surprise.
— Je me demande si je m’habituerai un jour aux sœurs… Jadis, tu as pris une flèche à ma place. T’ai-je jamais remerciée ?
— Si je me souviens bien, je ne l’ai pas fait exprès, lâcha Siuan.
— Tu as néanmoins toute ma gratitude. (Al’Thor se tourna vers la porte du Hall.) Comment est la nouvelle Chaire d’Amyrlin ?
Pourquoi me poser la question ? se demanda Siuan.
Parce qu’il ignorait à quel point Egwene et elle étaient proches, bien entendu.
— Elle est formidable ! Une des plus grandes de l’histoire, considérant qu’elle porte le titre depuis si peu de temps.
Al’Thor sourit de nouveau.
— Je n’aurais pas dû m’attendre à moins… C’est étrange, mais j’ai le sentiment que la revoir ravivera une ancienne plaie. En même temps, j’ai l’impression que cette blessure a complètement guéri. Mais que je me souviens encore de la souffrance…
Par la Lumière ! Cet homme réduisait en bouillie les spéculations de Siuan. Tout mâle capable de canaliser, Dragon Réincarné ou pas, aurait dû se sentir atrocement mal à l’aise à la Tour Blanche. Lui, il ne s’en faisait pas le moins du monde.
Siuan voulut parler mais elle en fut empêchée quand une sœur jaillit des rangs. Tiana ?
Elle tira de sous sa manche une missive scellée de rouge et la tendit à Rand.
— Pour toi, dit-elle d’une voix tremblante.
Ses doigts tremblaient aussi, mais il fallait être entraînée pour le voir. Comme Siuan, formée à repérer les émotions des Aes Sedai.
Al’Thor arqua un sourcil puis prit la lettre.
— De quoi s’agit-il ?
— J’ai promis de te remettre ce pli. J’aurais pu refuser, mais je n’aurais jamais cru que tu viendrais… Je veux dire…
Tiana se tut, se détourna et s’enfonça dans la foule.
Sans l’avoir lue, al’Thor glissa la lettre dans sa poche.
— Quand j’en aurai terminé, fais de ton mieux pour calmer Egwene, dit-il à Siuan.
Ignorant ses gardes, il prit une grande inspiration et avança. Les sœurs et les Champions le suivirent, mais nul n’osa le toucher alors qu’il franchissait le seuil du Hall.
Egwene eut la chair de poule quand Rand entra seul dans la salle. Dehors, des Aes Sedai se pressaient dans l’encadrement de la porte en s’efforçant de ne pas paraître stupéfiées.
Silviana jeta un coup d’œil à Egwene. Fallait-il ériger un dôme de silence ?
Non, pensa la jeune dirigeante. Il faut que tout le monde me voie et m’entende l’affronter. Certes, mais je ne me sens pas du tout prête pour ça…
Pourtant, il le fallait bien. Pour se donner du courage, elle se répéta mentalement les mots qu’elle récitait chaque matin. Cet homme n’était pas Rand al’Thor, un vieil ami d’enfance qu’elle avait envisagé d’épouser. Avec Rand, elle aurait pu être bienveillante. Mais la moindre faiblesse, en ce jour, risquait de provoquer la fin du monde.
Cet homme était le Dragon Réincarné. L’individu le plus dangereux qui ait jamais vécu. Très grand, et beaucoup plus confiant que dans son souvenir. Mais simplement vêtu, il fallait le noter.
Les Champions restant à la traîne, il vint directement se placer au centre du Hall, sur la flamme de Tar Valon entourée par les sièges des représentantes.
— Egwene…, dit-il, sa voix se répercutant dans toute la salle. (Il salua la jeune femme, comme pour lui témoigner du respect.) Tu as joué ton rôle, à ce que je vois. L’étole de la Chaire d’Amyrlin te va bien.
D’après ce qu’elle avait entendu sur Rand, Egwene ne s’attendait pas à un tel monument de calme. Était-ce la quiétude d’un criminel qui a finalement décidé de se rendre ?
C’était ainsi qu’elle pensait à lui ? Comme à un criminel ? Certes, il avait commis des actes qu’on pouvait qualifier de crimes. Des destructions, des conquêtes… La dernière fois qu’elle avait passé du temps avec lui, ils traversaient le désert des Aiels. Durant ces mois, il était devenu très dur, et elle voyait encore en lui les traces de ce changement. Mais il y avait quelque chose d’autre et de beaucoup plus profond.
— Que t’est-il arrivé ? demanda-t-elle en se penchant sur son siège.
— J’ai été brisé, répondit Rand, les mains dans le dos. Après, ce qui est remarquable, j’ai été reforgé. Egwene, j’ai cru qu’il m’avait eu. C’est Cadsuane qui m’a sauvé et… réparé, même si elle ne l’a pas fait exprès. Pourtant, je devrais annuler son bannissement, je crois…
Rand parlait différemment, avec dans ses mots une intonation solennelle qu’elle ne lui connaissait pas. Chez quelqu’un d’autre, elle aurait soupçonné un haut niveau de culture. Mais Rand n’avait jamais rien étudié. Des précepteurs avaient-ils pu le former si vite ?
— Pourquoi te présentes-tu devant la Chaire d’Amyrlin ? demanda Egwene. Es-tu là pour déposer une pétition, ou pour te remettre entre les mains sages et bienveillantes de la Tour Blanche ?
Les mains toujours dans le dos, Rand dévisagea Egwene. Derrière lui, treize sœurs entrèrent, enveloppées par l’aura du saidar alors qu’elles maintenaient un bouclier.
Al’Thor ne sembla pas s’en soucier. Il balaya la pièce du regard, passant sur le visage de chaque représentante. Puis ses yeux s’attardèrent sur les sièges de l’Ajah Rouge, dont deux étaient vides. Pevara et Javindhra n’étaient donc pas revenues de leur mystérieuse mission ? Seule Barasine – récemment nommée pour remplacer Duhara – était présente. À son crédit, elle soutint le regard du Dragon Réincarné.
— Je te détestais, il y a peu, dit Rand en se tournant de nouveau vers Egwene. Ces derniers mois, j’ai éprouvé beaucoup d’émotions. Depuis l’arrivée de Moiraine à Champ d’Emond, on dirait bien que j’ai tout fait pour ne pas devenir la marionnette des Aes Sedai. Hélas, j’ai permis à d’autres personnes, plus dangereuses, de tirer mes ficelles dans l’ombre.
» Récemment, j’ai compris que je me suis débattu trop violemment. Mais j’avais peur, si je vous écoutais, de vous donner l’occasion de me manipuler. Ma motivation n’était pas un désir d’indépendance, mais la crainte de perdre mon utilité. La peur que mes actes deviennent les vôtres et cessent de m’appartenir. (Il hésita.) J’aurais dû au contraire me réjouir que tant d’épaules soient prêtes à partager l’écrasante responsabilité de mes crimes.
Egwene plissa le front. Le Dragon Réincarné était-il venu à la tour pour philosopher ? Au fond, il avait peut-être bien perdu l’esprit.
— Rand, dit la jeune dirigeante d’un ton plus doux, je vais charger quelques sœurs de parler avec toi, afin de voir si tu as… un problème. Je t’en prie, essaie de comprendre…
Quand on en saurait un peu plus sur son état mental, il deviendrait possible de décider que faire de lui. Pour accomplir les prophéties, le Dragon devait être libre. Mais à présent qu’il était entre les mains des Aes Sedai, pouvaient-elles le laisser arpenter le monde ?
Rand eut un grand sourire.
— Mais je comprends, Egwene. Crois-moi, je suis navré de te refuser ces entretiens, mais j’ai bien trop à faire. Des gens meurent de faim à cause de moi, et d’autres vivent dans la terreur en conséquence de mes actes. En ce moment même, un ami chevauche seul vers sa mort. Il me reste si peu de temps pour tout faire.
— Rand, nous devons être sûres !
Le Dragon acquiesça, comme s’il comprenait.
— C’est bien la partie que je regrette… Je ne voulais pas venir dans ton fief, que tu as si bien reconstruit, pour te défier. Mais c’est inévitable. Tu dois connaître mes plans afin de t’y préparer.
» La dernière fois que j’ai tenté de sceller la brèche, j’ai dû me passer de l’aide des femmes. C’est en partie la cause du désastre, même si elles ont peut-être eu raison d’agir ainsi. Plus sûrement, le blâme doit être distribué équitablement. Cela dit, je ne ferai pas deux fois la même erreur. Je crois que le saidin et le saidar doivent être utilisés tous les deux. Mais pour l’instant, je n’ai pas encore toutes les réponses…
Egwene se pencha et dévisagea son interlocuteur. Aucun signe de folie dans son regard. Ces yeux, elle les connaissait. Et elle connaissait aussi Rand.
Par la Lumière, je me suis trompée ! Je ne peux pas le voir simplement comme le Dragon Réincarné. Je suis ici pour une raison, et lui également. À mes yeux, il doit être Rand. Parce que Rand est digne de confiance, alors que le Dragon est un être terrifiant.
— Lequel des deux es-tu ? murmura-t-elle sans en avoir conscience.
Et assez fort pour qu’il entende.
— Les deux, Egwene. Je me souviens de Lews Therin. Sa vie, je peux la voir en entier – un drame après l’autre. C’est comme dans un rêve, mais avec une grande netteté. Comme si c’était mon rêve. Une part de moi.
Les propos d’un fou… prononcés avec un calme souverain. Regardant Rand, Egwene se souvint du gamin qu’il était. Du jeune homme sérieux. Pas un peu pompeux, comme Perrin, mais loin de l’exubérance de Mat. Solide, d’une pièce… Le genre de personne fiable en toutes circonstances.
Même quand le sort du monde était en jeu.
— D’ici à un mois, reprit-il, j’irai au mont Shayol Ghul pour briser les derniers sceaux de la prison du Ténébreux. Il me faudra ton aide.
Briser les sceaux ? Egwene se souvint de son rêve. La sphère de cristal, Rand qui coupait les cordes…
— Rand, non…
— J’aurai besoin de vous toutes, en réalité. Devant la Lumière, j’espère que vous me soutiendrez, cette fois. Nous nous rencontrerons la veille de mon départ pour le mont. Là, nous discuterons de mes conditions.
— Tes conditions ?
— Tu verras bien, fit Rand en se détournant pour partir.
— Rand al’Thor ! s’écria Egwene en se levant. N’ose pas tourner le dos à la Chaire d’Amyrlin !
Il se pétrifia puis pivota vers la jeune dirigeante.
— Tu ne briseras pas les derniers sceaux. Le Ténébreux pourrait s’échapper.
— Un risque à courir… Il faudra dégager les gravats. Avant d’être scellée, la brèche devra être entièrement ouverte.
— Nous devrons en parler… Mettre au point un plan.
— C’est pour ça que je suis venu te voir. Afin que tu puisses planifier.
Là, Rand semblait amusé. Par la Lumière ! Furieuse, Egwene se rassit. Têtu comme son père, voilà ce qu’il était !
— Rand, nous devons débattre de certains sujets. Pas que de celui-là, mais de beaucoup d’autres. Par exemple, des sœurs que tes hommes ont liées…
— Nous en parlerons lors de notre prochaine rencontre.
Egwene se rembrunit.
— Et voilà, nous en avons terminé. (Rand s’inclina à l’intention d’Egwene – l’ombre d’une courbette, presque un signe de tête.) Egwene al’Vere, Protectrice des Sceaux et Flamme de Tar Valon, ai-je l’autorisation de me retirer ?
Une demande formulée si poliment… Egwene hésita. Se payait-il sa tête, ou non ?
« Ne me force pas à faire quelque chose que je regretterai », semblait dire son expression.
Pouvait-elle l’enfermer ici ? Après ce qu’elle avait assené à Elaida sur la nécessité qu’il soit libre ?
— Je ne te laisserai pas briser les sceaux. Ce serait de la folie.
— Dans ce cas, rencontrons-nous à l’endroit appelé le champ de Merrilor, très au nord d’ici. Avant mon départ pour le mont Shayol Ghul, nous en reparlerons. Pour l’heure, je ne veux pas te défier, Egwene. Mais je dois partir.
Aucun des deux jeunes gens ne détourna le regard. Les témoins, dans la salle, osaient à peine respirer. Dans un tel silence, Egwene entendit le souffle doux de la brise qui faisait grincer la rosace installée pour boucher le trou laissé par l’attaque des Seanchaniens.
— Comme tu voudras, Rand. Mais ce n’est pas fini…
— Il n’existe pas de fin, Egwene, souffla le Dragon.
Puis il salua encore la jeune dirigeante et se marcha vers la sortie. Par la Lumière ! Il avait perdu la main gauche, s’avisa enfin Egwene. Comment était-ce arrivé ?
Les sœurs et les Champions s’écartèrent à contrecœur. Prise de tournis, Egwene porta une main à sa tête.
— Lumière ! s’écria Silviana. Mère, comment as-tu pu réfléchir pendant… ça ?
— Ça ?
Egwene balaya le Hall du regard. La plupart des représentantes étaient prostrées sur leur siège.
— Quelque chose a saisi mon cœur, dit Barasine, une main volant vers sa poitrine. Puis serré si fort que je n’osais pas parler.
— Moi, dit Yukiri, j’ai essayé. Mais ma bouche refusait de bouger.
— Un ta’veren, fit Saerin. Mais avec un effet si puissant… J’ai cru être écrasée de l’intérieur.
— Comment as-tu fait pour résister, Mère ?
Egwene plissa pensivement le front. Elle n’avait rien senti de semblable. Peut-être parce qu’elle avait pensé à « Rand »…
— Nous devons discuter de ses propos… Le Hall de la Tour se réunira de nouveau dans une heure pour mener les débats.
Cette conversation, elle, se déroulerait sous un dôme de silence.
— En attendant, que quelqu’un le suive pour savoir s’il s’en va vraiment.
— Gareth Bryne s’en charge déjà, annonça Chubain.
Encore tremblantes, les représentantes se levèrent.
— Tu as raison, Mère, dit Silviana en se penchant vers Egwene. On ne peut pas lui permettre de briser les sceaux. Mais que faire ? Si tu ne veux pas le capturer…
— Je doute que nous aurions pu le retenir… En lui, il y a quelque chose de… J’ai eu l’impression qu’il aurait pu briser le bouclier sans le moindre effort.
— Alors, comment l’arrêterons-nous ?
— Il nous faut des alliés. (Egwene inspira à fond.) Des gens en qui il a confiance pourraient le convaincre.
Sinon, il faudrait le forcer à changer de plan en lui opposant une puissante alliance.
En conséquence, il était plus vital que jamais qu’Egwene contacte Elayne et Nynaeve.