26 Des pourparlers

Monté sur Marcheur, Perrin sortit du camp à la tête d’une force impressionnante – et sans l’ombre d’un étendard à tête de loup. Donc, l’ordre de les brûler tous avait dû être exécuté. Dommage, parce que le jeune homme n’était plus très sûr de cette décision…

Une odeur étrange flottait dans l’air. Comme des relents de moisi, dans une pièce fermée depuis des années.

Sur la route de Jehannah, Grady et Neald flanquaient Perrin. De leur odeur, il émanait de l’impatience.

— Neald, tu es sûr d’être prêt ? demanda Perrin en prenant la direction du sud-ouest.

— Je me sens aussi fort que jamais, seigneur. Assez pour tuer des Capes Blanches, en tout cas. J’en rêve depuis longtemps.

— Seul un fou rêve de tuer…

— Hum… oui, c’est vrai. Mais puis-je mentionner que… ?

— Inutile de parler de ça ! coupa Grady.

— De ça, quoi ? demanda Perrin.

— Rien d’important, tenta d’éluder Grady.

— Je t’écoute, lâcha Perrin.

Grady prit une grande inspiration et se lança :

— Ce matin, nous avons tenté d’ouvrir un portail pour renvoyer des réfugiés chez eux, et ça n’a pas fonctionné. Un peu plus tôt, c’était déjà arrivé. Les tissages se délitent et disparaissent.

— Ces tissages-là seulement ?

Neald hocha la tête.

— Oui, seigneur. Les autres donnent les résultats habituels.

— C’est ce que je disais, seigneur, fit Grady. Rien de grave. Quand nous réessaierons, tout ira bien. On manque d’entraînement, c’est tout.

En cas de retraite, lors de cette bataille, il semblait peu envisageable d’utiliser des portails. Pas avec deux Asha’man seulement et tant de combattants. Être privé de cette possibilité n’en était pas moins déplaisant. Et il fallait espérer que les autres tissages ne dérailleraient pas. Pour briser la charge initiale des Fils, et semer la panique dans leurs rangs, Perrin comptait sur Neald et Grady.

On devrait peut-être faire demi-tour.

Perrin bannit immédiatement cette pensée. Il avait eu un mal de chien à prendre sa décision. Penser que des humains allaient affronter des humains, alors que leur véritable ennemi était le Ténébreux… Quelle horreur ! Mais on lui avait forcé la main.

Il continua d’avancer, son marteau glissé à sa ceinture. Selon Sauteur, il n’y avait aucune différence avec la hache. Pour lui, toutes les armes se ressemblaient.

Les Gardes Ailés de Mayene chevauchaient juste derrière Perrin, leur plastron peint en rouge scintillant au soleil. On eût dit des faucons attendant de prendre gracieusement leur envol. Les soldats d’Alliandre suivaient, tels des rochers prêts à dévaler une pente et à tout écraser sur leur passage.

Les gars de Deux-Rivières, avec leurs arcs longs, seraient à la fois rapides et solides. Quant aux Aiels, on pouvait les comparer à des anguilles aux dents acérées. Les Matriarches, venues sans enthousiasme, faisaient penser à des nuages d’orage bouillonnant d’une énergie tout à fait imprévisible. Se battraient-elles pour Perrin ? Il n’en aurait pas mis sa tête à couper.

Le reste de l’armée était moins impressionnant. Des milliers d’hommes d’âges différents et plus ou moins expérimentés. Des mercenaires, des réfugiés de Malden, des femmes inspirées par les Promises et les Cha Faile. Ces candidates à une formation militaire, Perrin ne les avait pas repoussées. À l’approche de l’Ultime Bataille, qui était-il pour débouter ceux et celles qui voulaient se battre ?

En ce qui concernait Faile, il avait envisagé de la laisser à l’arrière, mais il avait vite renoncé, sachant comment ça tournerait. Du coup, il l’avait placée en queue de colonne, au milieu des Matriarches et de ses fanatiques – sans oublier les Aes Sedai.

Perrin serra plus fort ses rênes et tendit l’oreille. Peu de réfugiés étaient équipés d’un plastron. Du coup, Arganda les avait baptisés « l’infanterie légère ». Le mari de Faile, lui, avait un autre nom pour eux : des « innocents avec des lames ».

Pourquoi le suivaient-ils ? Ne voyaient-ils pas qu’ils seraient les premiers à tomber ?

Ces gens avaient confiance en lui ! Que la Lumière les brûle, ils lui faisaient tous confiance !

Perrin posa une main sur son marteau et huma l’air où se mêlaient l’odeur de la peur et celle de l’excitation. Le vacarme des sabots et des bottes faisait penser au ciel noir. Du tonnerre sans éclairs… Des éclairs sans tonnerre…

Le champ de bataille était droit devant – une vaste prairie verdoyante au bout de laquelle l’ennemi s’était déployé en demi-cercle. Leurs capes d’un blanc immaculé, ces Fils portaient des plastrons argentés polis à la perfection.

La prairie ferait un très bon site pour une bataille. Mais il aurait mieux valu y planter du blé.

« Pour comprendre un objet, tu dois comprendre ses pièces. »

Et sa finalité, ajouta mentalement Perrin.

Quelle était la finalité de son ancienne hache de guerre ? Tuer. On l’avait conçue pour ça, et c’était le seul service qu’elle pouvait rendre.

Le marteau était différent.

Perrin tira sur les rênes de Marcheur. Sur ses flancs, les Asha’man l’imitèrent, et l’entière colonne s’immobilisa lentement. Les divers groupes se rapprochèrent et des ordres remplacèrent le bruit des sabots et des bottes.

Sous un ciel de cauchemar, l’air était paisible. À cause de la poussière soulevée par ses troupes, Perrin ne réussit pas à capter l’odeur des arbres et de l’herbe. Même chose pour la sueur des soldats qui étouffaient sous leur plastron. Certains chevaux hennirent, d’autres entreprirent tout simplement de brouter. D’autres encore renâclèrent, car ils sentaient la tension de leur cavalier.

— Seigneur, qu’est-ce que ça signifie ? demanda Grady.

Les Fils étaient déjà en position, avec en première ligne une formation en « V » de cavaliers. Leur lance levée, mais prête à se baisser pour verser le sang, ces hommes attendaient.

— Une hache de guerre ne peut que tuer, dit Perrin. Un marteau est capable de créer ou de tuer. C’est ça, la différence.

Soudain, ça lui parut clair comme de l’eau de roche. Voilà pourquoi il avait dû se débarrasser de la hache. Il pouvait choisir de ne pas tuer. Rien ne devait le pousser au meurtre.

Perrin se tourna vers Gaul, qui n’était pas bien loin de lui, comme d’habitude.

— Je veux que les Aes Sedai et les Matriarches viennent en première ligne. Ordonne-le aux sœurs, mais demande-le aux Matriarches. Même consigne pour les forces de Deux-Rivières.

Gaul courut exécuter ces ordres.

Perrin se tourna vers les Capes Blanches. Si malfaisants qu’ils fussent, ces hommes s’estimaient honorables. En conséquence, ils n’attaqueraient pas avant que les forces adverses soient en position.

Les Matriarches et les Aes Sedai ne tardèrent pas à arriver – Faile comprise, bien entendu. Mais bon, Perrin lui avait demandé de rester avec elles… Il tendit une main, l’invitant à approcher.

Les gars de Deux-Rivières vinrent former les deux flancs de l’armée.

— Gaul nous a dit que tu as été très poli, lança Edarra à Perrin. Sûrement, ça signifie que tu veux de nous quelque chose que nous refuserons de faire.

Perrin sourit.

— J’entends que vous m’aidiez à éviter cette bataille.

— Tu ne veux pas danser avec les lances ? s’étonna Edarra. J’ai entendu parler de ce qu’ont fait ces hommes dans les terres mouillées. À mon avis, ils portent du blanc pour cacher ce qu’il y a de noir en eux.

— Ils sont désorientés, répondit Perrin. Non, beaucoup plus que ça. La frustration les ronge, au nom, croient-ils, de la Lumière. Mais nous ne devons pas les combattre alors que l’Ultime Bataille se profile. Si on se massacre entre nous, les survivants perdront contre le Ténébreux.

Edarra éclata de rire.

— J’aimerais voir quelqu’un expliquer ça aux Shaido, Perrin Aybara ! Ou qu’on t’ait tenu le même discours quand ces chiens détenaient ta femme.

— Les Shaido méritaient la mort, fit Perrin. Ces Fils, je n’en suis pas si sûr. Il suffirait peut-être de leur flanquer la frousse. Avec les Aes Sedai, je veux que vous fassiez s’ouvrir le sol, devant leur armée.

— Tu « veux » quelque chose qu’on ne doit pas vouloir, Aybara, dit Seonid. Nous ne participerons pas à ta bataille.

La petite sœur verte soutint le regard de Perrin.

— Il ne s’agit pas de participer, mais d’empêcher…

— Dans ce cas, fit Seonid, j’ai peur que ça revienne au même. Si nous frappons la terre, nous utiliserons le Pouvoir comme une arme. Et nous pourrions blesser ces hommes. Désolée…

Perrin serra les dents, mais il n’insista pas. Les Asha’man et les Matriarches suffiraient sûrement.

Il s’adressa aux gars de Deux-Rivières :

— Tam, dis aux hommes d’encocher une flèche et de se préparer à tirer.

Tam acquiesça, chargeant un messager de transmettre l’ordre.

Les archers se mirent en position. La cible était bien au-delà de la portée des arcs normaux, mais avec une arme de Deux-Rivières, il n’y avait presque rien d’impossible.

Perrin fit un signe de tête aux Matriarches, puis eut un geste à l’intention des Asha’man.

Une seconde plus tard, le sol explosa devant les Capes Blanches.

Grady et Neald firent avancer leurs chevaux.

Ceux des Fils se cabrèrent et des hommes crièrent de terreur. En première ligne, certains cavaliers ne parurent pas troublés par cette démonstration de force. Contrôlant à la perfection leurs montures, ce devaient être les officiers. Avec ses yeux perçants, Perrin reconnut effectivement le seigneur général.

De la terre jaillit dans l’air, propulsée par de nouvelles crevasses. Sur le visage des Matriarches, Perrin reconnut la concentration très particulière de femmes occupées à canaliser le Pouvoir.

— Quelqu’un peut amplifier ma voix ? demanda Perrin.

— Oui, moi, répondit Grady. Un jour, j’ai vu le M’Hael le faire.

— Parfait, se réjouit Perrin. Tam, quand le Pouvoir se taira, dis à tes hommes de lâcher deux ou trois volées « longue distance ». Qu’ils essaient de toucher la tranchée, juste devant nos ennemis.

Quelques minutes plus tard, les explosions cessèrent.

Les archers de Deux-Rivières tirèrent, le ciel bientôt obscurci – si c’était possible – par une nuée de flèches.

Perrin observa les Fils. Paniqués, ils avaient rompu les rangs.

Un martèlement de sabots annonça l’arrivée d’Arganda. Sous son casque à plumes, le premier capitaine du Ghealdan n’avait pas l’air commode.

— Que signifie tout ça, seigneur Aybara ? demanda-t-il, agressif. Tu gaspilles ton avantage, c’est tout. Une embuscade aurait tué des milliers de Fils et brisé leur charge.

— C’est vrai, dit Perrin, Faile chevauchant désormais à ses côtés. Et ils le savent. Regarde leurs lignes, Arganda. Ils sont inquiets. Parce qu’ils mesurent ce qu’ils devront traverser avant d’arriver au contact avec nous. À l’aune de ma démonstration de force, ils redoutent ce que nous leur réservons quand ils attaqueront.

— Mais c’était le maximum de ce que nous pouvons faire, objecta Faile.

— Toi, tu le sais, mais pas eux ! triompha Perrin. Pour lancer un avertissement, qui mobilise d’emblée toute sa puissance de feu ?

Même s’il tempêtait intérieurement, Arganda se tut. Jusqu’au fond de l’âme, ce type était un soldat. En d’autres termes, une hache. Il n’y avait rien de mal à ça, mais Perrin, lui, devait être un marteau. Alors qu’il modelait, les hommes comme Arganda tuaient.

— Grady, ma voix, tu veux bien ? Si notre armée m’entend aussi, ce sera parfait.

— Je peux le faire, oui…

Perrin inspira à fond et parla :

— Je suis Perrin Aybara, dit-il, sa voix se répercutant dans toute la prairie. Ami du Dragon Réincarné, je suis ici parce qu’il me l’a ordonné. En fait, je me dirige vers l’endroit où aura lieu l’Ultime Bataille. Seigneur général, quand tu m’as demandé une rencontre selon tes conditions, je suis venu. Je te prie de me rendre la politesse, et de me voir selon mes termes. Même si tu es décidé à me tuer avant que j’affronte les Ténèbres, donne-moi une dernière chance d’éviter un bain de sang aujourd’hui.

Perrin fit signe à Grady, qui dissipa le tissage d’amplification.

— Avons-nous un pavillon où organiser des pourparlers ?

— Au camp, oui, répondit Faile.

— Je peux essayer un portail…, proposa Neald en lissant sa moustache – enfin, les trois poils qu’il baptisait ainsi, en cirant soigneusement la pointe.

— Fais-le.

L’Asha’man se concentra, mais rien ne se passa. Du coup, il s’empourpra.

— Ça ne marche pas. Ni portail ni plate-forme…

— Je vois, fit Perrin. Envoyons un cavalier. Le pavillon sera prêt en quelques minutes. J’ignore si les Fils accepteront, mais au cas où, nous devons avoir tout préparé. Que Berelain et Alliandre y soient aussi, plus quelques serviteurs avec des boissons. Qu’ils prennent les sièges et la table dans ma tente…

Accompagné par des Promises, Robb Solter, un gars de Deux-Rivières, partit faire exécuter ces consignes.

Les Fils, eux, semblaient réfléchir à la proposition de Perrin. Parfait.

Arganda et presque tous les autres officiers allèrent informer les combattants de ce qui se passait. Avec le tissage de Grady, ils avaient dû entendre, mais bon…

Voyant que chacun faisait sa part du travail, Perrin se cala confortablement sur sa selle et attendit.

Faile fit approcher son cheval. Dans son odeur, la perplexité dominait.

— Quoi ? demanda Perrin.

— Quelque chose en toi a changé. J’essaie de déterminer quoi.

— J’hésite, répondit Perrin. En fait, je n’ai pris aucune décision, pour l’instant. Mais je ne veux pas tuer ces hommes. Pas aujourd’hui, et pas sans y être forcé.

— Ils ne céderont pas un pouce de terrain, dit Faile. Ils t’ont déjà jugé.

— On verra bien…

Le jeune homme regarda le ciel, pensant à l’étrange odeur de moisi… Si on ajoutait la défaillance des portails… Dans le rêve des loups, Tueur arpentait cette région, et il y avait eu le curieux mur de verre. Dans le vent, quelque chose semblait clocher, et les sens de Perrin étaient… exacerbés.

Sois prudent, paraissaient-ils lui dire. Et tiens-toi prêt.

Le marteau pouvait tuer ou créer. Mais qu’allait-il en être aujourd’hui ? Perrin n’en savait rien. Et il ne frapperait pas avant de l’avoir découvert.


Dans la prairie qui aurait dû être un champ de bataille, Galad regardait la tranchée creusée par le Pouvoir où avaient atterri des centaines de flèches.

Il s’était préparé à affronter des Aes Sedai – en d’autres termes, des femmes incapables de blesser quiconque, sauf pour se défendre ou protéger leur Champion. En conséquence, il avait ordonné à ses Fils de ne pas défier les sœurs et même d’en rester le plus loin possible. Dès qu’ils en apercevaient une, ils devaient s’arrêter, hocher la tête et baisser leur arme. S’ils manifestaient clairement leur intention de ne pas les blesser, les sœurs seraient réduites à l’impuissance pendant la bataille.

Beaucoup de Fils de la Lumière ne croyaient pas à ces « fadaises ». Selon eux, les Trois Serments n’étaient que de la propagande. Mais ils n’avaient jamais vécu à la Tour Blanche. S’il n’aimait pas les sœurs – et ne leur faisait pas confiance –, Galad savait que les Serments les limitaient bel et bien.

En ronchonnant, les Fils reformaient les rangs. Avec sa longue-vue, Galad inspecta la première ligne d’Aybara. Des hommes en veste noire, plusieurs Aielles, dont une de celles qui accompagnaient le Suppôt lors de leur rencontre. Une femme capable de canaliser, sans nul doute.

Galad eut une vision d’horreur : le sol explosant sous les chevaux de ses hommes, tandis qu’ils chargeaient l’ennemi. Les corps déchiquetés, le vacarme, les flèches venant peaufiner la boucherie…

Bornhald approcha, rouge de colère.

— Nous n’allons pas négocier, pas vrai ?

Galad baissa sa longue-vue.

— Je crains que si…

— Nous avons déjà rencontré ce chien ! Tu voulais voir ses yeux, as-tu dit, pour être sûr qu’il appartenait bien à l’engeance du démon. Bon, tu les as vus ! Que te faut-il de plus ?

Byar approcha aussi. Ces derniers temps, il agissait souvent comme s’il était le garde du corps de Galad.

— Seigneur général, dit-il, ce type n’est pas fiable.

Galad désigna la tranchée.

— En allongeant un peu le tir, il aurait pu nous massacrer.

— Je suis d’accord avec Byar, dit Bornhald. Il veut t’attirer dans un piège puis te tuer pour nous démoraliser.

— C’est possible, oui…

Galad se tourna vers le seigneur capitaine Harnesh, qui chevauchait près de lui.

— Si je meurs, je veux que tu prennes le commandement et que tu lances la charge. Pas de quartier, surtout ! Mais respectez l’ordre d’éviter les Aes Sedai. Et tuez toute autre personne qui semble canaliser le Pouvoir. Il faut que ce soit une priorité. Il se peut que nous ne comprenions pas ce qui se passe ici…

— Et tu vas quand même y aller ? demanda Bornhald.

— Oui.

Galad avait laissé Byar et Bornhald le pousser à l’affrontement. À présent, il se posait des questions. Certes, il avait vu les yeux d’Aybara, et entendu les témoignages de certains Fils et de quelques compagnons du Suppôt. À un moment, attaquer semblait la seule solution.

Mais Aybara parlait d’or. Sur la demande de Galad, il était venu le voir. Donc, il y avait peut-être moyen d’éviter un massacre. Galad n’y croyait pas vraiment, mais s’il restait une chance, ça valait le coup d’essayer. Les choses n’étaient pas plus compliquées que ça.

Bornhald ne cachait pas sa fureur. Qu’il haïsse le meurtrier de son père était normal, mais ça ne devait pas influencer les actes des Fils.

— Tu peux venir avec moi, dit Galad en talonnant son cheval. Toi aussi, Fils Byar. Les seigneurs capitaines, eux, resteront à l’arrière, éparpillés parmi les hommes. Il ne faudrait pas qu’Aybara fasse tuer tous nos officiers.

Harnesh salua son chef. À contrecœur, Bornhald vint prendre sa place sur un flanc de Galad et Byar – le fanatisme faisant briller ses yeux autant que la haine ceux de son camarade – chevaucha sur l’autre.

Ces deux hommes avaient été vaincus et humiliés par Perrin Aybara…

Galad se dota aussi d’une escorte de cinquante Fils, qui se mirent en formation derrière lui.

Quand la colonne arriva dans le camp ennemi, un pavillon très simple l’attendait. Tenu par quatre poteaux, le toit de toile était plat et il n’y avait pas de côtés. Au centre trônaient deux sièges et une petite table.

Aybara occupait un des sièges. Voyant que Galad approchait, il se leva.

Aujourd’hui, le colosse portait une veste verte et un pantalon marron – de bonne coupe mais ordinaires – et son marteau pendait à sa ceinture. La tenue avait quelque chose… d’agricole. Décidément, ce n’était pas un homme de palais mais de champs et de forêts. Un fermier devenu un seigneur.

Deux hommes de son territoire natal, derrière lui, brandissaient leur arc long surpuissant. À ce qu’on disait, ils appartenaient à une très ancienne race de fermiers et d’éleveurs indépendants. Comme chef, ils avaient choisi Perrin Aybara. Un dur parmi les durs.

Galad avança en direction du pavillon. Byar et Bornhald le suivirent. En revanche, les cinquante Fils de l’escorte restèrent en selle.

Contrairement à la rencontre précédente, il y avait des Aes Sedai – trois, d’après ce que repéra Galad. Une petite Cairhienienne, une mince et jolie femme en robe très simple et une solide Tarabonaise aux multiples tresses. Elles se tenaient parmi les Aielles affublées d’un châle, avec des Promises de la Lance comme gardes du corps. Leur présence étayait les dires d’Aybara. Il était bien là sur ordre du Dragon Réincarné.

La main sur le pommeau de son épée, Galad observa les autres occupants du pavillon.

Soudain, il se pétrifia. Derrière la chaise d’Aybara se tenait une femme d’une grande beauté. Non ! D’une extraordinaire beauté. Ses cheveux noirs semblant briller, elle portait une robe rouge assez fine pour souligner ses formes et décolletée juste ce qu’il fallait pour révéler une poitrine parfaite.

Et ses yeux ! Très noirs, avec de longs cils…

Galad eut le sentiment d’être attiré par ce regard hypnotique. Pourquoi cette femme n’avait-elle pas été présente, la fois précédente ?

— Tu sembles surpris, dit Aybara en se rasseyant. La Première Dame est ici sur ordre du seigneur Dragon, comme moi. N’as-tu pas remarqué l’étendard de Mayene, au-dessus de mes troupes ?

— Je…

Galad n’alla pas plus loin et s’inclina devant la dame. Berelain sur Paendrag Paeron ? On vantait partout sa beauté, mais ce n’était pas lui rendre justice. Elle était… hors du commun.

Galad se força à ne plus la regarder, puis il s’assit en face d’Aybara. Il devait se concentrer sur son ennemi.

Les yeux jaunes étaient toujours aussi perturbants. Croiser ce regard se révélait si étrange. Oui, cet homme pouvait être tout à fait autre chose qu’un Suppôt ou une Créature des Ténèbres. Pourquoi tant de gens auraient-ils suivi un monstre ? Et pourquoi Berelain aurait-elle été avec lui ?

— Merci d’être venu, dit Aybara. Notre précédente rencontre a été… précipitée. Cette fois, prenons notre temps. Tu dois savoir que l’autre femme, derrière moi, est Alliandre Maritha Kigarin, reine du Ghealdan, bénie de la Lumière et Protectrice du Mur de Garen.

Ainsi, cette femme majestueuse aux cheveux noirs était la reine du Ghealdan ? Avec les troubles que connaissait le royaume, ces derniers temps, une bonne demi-douzaine d’ambitieux devaient essayer de lui voler son trône. À part ça, elle était jolie, mais passait inaperçue à côté de Berelain.

Perrin désigna la troisième femme.

— Je te présente Faile ni Bashere t’Aybara, mon épouse et cousine de la reine du Saldaea.

La femme d’Aybara regarda Galad sans dissimuler sa méfiance. Oui, avec un nez pareil, elle ne pouvait venir que du Saldaea. Byar et Bornhald ignoraient tout de ses liens avec la couronne.

Deux souveraines sous le pavillon – derrière Aybara.

Galad se leva et s’inclina devant Alliandre.

— Majesté…

— Tu es très poli, seigneur général, dit Berelain. Et tu t’inclines comme un courtisan. Où as-tu reçu une telle éducation ?

Cette femme n’avait pas une voix – c’était une harpe vivante !

— À la cour d’Andor, ma dame. Je suis Galad Damodred, beau-fils de la défunte reine Morgase et demi-frère d’Elayne Trakand, son héritière légitime.

— Enfin, fit Perrin, je peux mettre un nom sur toi. Tu aurais dû me dire ça la fois précédente…

Berelain regarda Galad dans les yeux, puis elle sourit, comme si elle voulait avancer vers lui. Mais elle se retint.

— Galad Damodred… Oui, je croyais bien reconnaître quelque chose dans ton allure. Comment va ta sœur ?

— Bien, j’espère. Je ne l’ai plus vue depuis un moment…

— Elayne se porte à merveille, dit Perrin. Aux dernières nouvelles, très récentes, elle est montée sur le trône et personne ne l’en fera descendre. Je ne serais pas surpris qu’elle épouse bientôt Rand. Si elle peut le faire revenir du royaume qu’il est en train de conquérir.

Derrière Galad, Byar siffla de rage. En évoquant une relation entre Elayne et le Dragon, Aybara avait-il voulu se montrer insultant ? Hélas, Galad connaissait trop bien sa sœur. Très impulsive, elle n’avait pas caché être fascinée par le jeune al’Thor.

— Ma sœur peut faire ce qu’il lui chante, dit Galad, surpris de prendre si bien la nouvelle. Le sujet du jour, c’est toi, Perrin Aybara – et ton armée.

Aybara se pencha en avant, les deux mains sur la table.

— Nous savons tous les deux que mon armée n’a rien à voir là-dedans.

— De quoi allons-nous parler, dans ce cas ?

Les yeux jaunes d’Aybara se rivèrent dans ceux de Galad.

— Des deux Fils de la Lumière que j’ai tués il y a deux ans. Depuis, dès que je fais un pas, j’ai l’impression qu’un groupe de Capes Blanches me colle aux basques.

Un meurtrier si franc à propos de son crime, ça ne courait pas les rues. Entendant dans son dos le bruit de l’acier qui coulisse dans du cuir, Galad leva une main.

— Fils Bornhald, contrôle-toi !

— Deux Fils, engeance du démon ? cracha Bornhald. Que fais-tu de mon père ?

— Je n’ai rien à voir avec sa mort, Bornhald. Geofram a été tué par les Seanchaniens. Pour un Fils, il semblait plutôt raisonnable, même s’il prévoyait de me faire pendre.

— Pour les meurtres que tu viens d’avouer ! fit Bornhald en foudroyant Galad du regard.

Le fils de Geofram rengaina son épée, mais il était rouge de colère.

— Ce n’étaient pas des meurtres, dit Aybara. Ils m’ont attaqué, et je me suis défendu.

— Ce n’est pas ce qu’on m’a raconté, objecta Galad. (À quel jeu jouait cet homme ?) Des témoignages sous serment attestent que tu t’es caché sous une saillie rocheuse. Quand les Fils t’ont demandé d’en sortir, tu as jailli comme un fou et les as attaqués sans provocation.

— Sans provocation ? Si, il y en avait une. Ils avaient tué un ami à moi.

— La femme qui t’accompagnait ? D’après ce qu’on m’a dit, elle s’en est tirée sans une égratignure.

Galad avait été choqué en entendant de la bouche de Bornhald le nom de cette femme. Egwene al’Vere. Encore une qui appréciait la compagnie des voyous.

— Pas elle, mais un ami appelé Sauteur. Et après, un de ses compagnons. C’étaient des loups.

Aybara s’enfonçait !

— Tu fraies avec des loups, connus pour être des Créatures des Ténèbres ?

— Ils n’ont rien à voir avec les Ténèbres. À vrai dire, ils détestent autant que nous l’engeance du démon.

— Et comment le sais-tu ?

Aybara n’en dit pas plus. Mais il y avait plus. Selon Byar, cet homme était capable de courir avec les loups et de diriger une meute. Ce témoignage avait pesé lourd dans la décision de Galad sur la bataille. Et apparemment, Byar n’avait pas exagéré.

Mais il était inutile de s’appesantir là-dessus. Aybara avait avoué ses crimes.

— La mort de deux loups n’est en aucun cas une circonstance atténuante pour toi, dit Galad. Beaucoup d’hommes tuent des loups qui menacent leur troupeau ou s’en prennent à leur vie. Ces Fils n’avaient rien fait de mal. En conséquence, tu as bel et bien commis deux meurtres.

— C’était plus compliqué que ça, dit Aybara. Mais je doute de pouvoir t’en convaincre.

— Nul ne me persuadera d’une chose qui n’est pas vraie.

— Et tu ne me laisseras jamais tranquille…, soupira Aybara.

— En d’autres termes, nous sommes dans une impasse. Tu as avoué des meurtres qu’un serviteur de la Lumière tel que moi ne peut pas laisser impunis. Je ne renoncerai pas. Tu comprends pourquoi je ne voulais pas négocier ?

— Et si j’acceptais d’être jugé ? demanda Aybara.

Sa femme lui posa une main sur l’épaule. Il mit la sienne dessus, mais ne se détourna pas de Galad.

— Si tu te livres et acceptes notre punition…

La peine de mort, pour être clair. À coup sûr, Yeux-Jaunes se déroberait.

Au fond du pavillon, des servantes venaient d’arriver pour préparer de l’infusion. De la tisane, avant une guerre ! À l’évidence, Aybara n’avait aucune expérience de ce genre d’événements.

— Je ne parle pas de punition, dit-il, mais d’un procès. Si je suis acquitté, je pourrai partir en paix, et tu ordonneras à tes hommes de ne plus me harceler. En particulier Bornhald et son compagnon, qui grognent comme des chiots devant leur premier léopard.

— Et si tu es condamné ?

— Ça dépendra…

— Ne l’écoute pas, seigneur général ! s’écria Byar. Par le passé, il a promis de se livrer mais n’a pas tenu parole.

— C’est faux ! dit Aybara. Vous n’avez pas rempli votre part du marché.

— Je…

Galad tapa sur la table.

— Nous perdons notre temps ! Il n’y aura pas de procès.

— Pourquoi ? Tu parles de justice et tu me refuserais un jugement équitable ?

— Et qui serait le juge ? demanda Galad. Me ferais-tu confiance ?

— Bien sûr que non… Mais Alliandre pourrait tenir ce rôle. C’est une reine…

— Qui compte au nombre de tes partisans… Sans vouloir t’insulter, elle t’acquitterait avant même d’avoir entendu les preuves. Même dame Berelain ne serait pas… adéquate. Moi, je lui ferais confiance, mais je parie que mes hommes ne me suivraient pas.

Lumière ! Que cette femme était belle ! Alors qu’il la dévorait des yeux, Galad la vit rougir tout en lui rendant ses regards. Rosir, plutôt, mais il était sûr d’avoir capté quelque chose. D’ailleurs, il sentit qu’il s’empourprait aussi.

— Les Aes Sedai ? proposa Aybara.

À grand-peine, Galad se détourna de Berelain et foudroya son interlocuteur du regard.

— Si tu crois qu’un jugement rendu par la Tour Blanche conviendrait à mes hommes, tu connais mal les Fils de la Lumière, Perrin Aybara.

À son regard dur, il apparut que Yeux-Jaunes savait ça. Et qu’il le déplorait, parce qu’un procès aurait été une fin parfaite à tout ça.

Une servante approcha de la table avec deux gobelets d’infusion. C’était inutile, car ces négociations venaient de se terminer.

— Tu avais raison, soupira Aybara. Cette rencontre n’aura servi à rien.

— C’est faux, fit Galad en jetant un coup d’œil furtif à Berelain. En tout cas, pour moi.

Désormais, il en savait plus sur les points forts d’Aybara, et ça lui servirait pendant la bataille. De toute façon, il avait eu raison de s’assurer qu’un affrontement était incontournable.

Et il était encore assez tôt pour qu’on en finisse aujourd’hui.

Cette femme… Berelain ? Il fallait qu’il cesse de la regarder, mais c’était difficile…

Galad se leva, s’inclina devant Alliandre, puis devant Berelain. Ensuite, il se tourna pour partir.

Mais il entendit un petit cri. Bizarrement, c’était la servante qui l’avait poussé. Celle qui apportait l’infusion.

Galad lui jeta un coup d’œil.

C’était Morgase !

Le jeune homme se pétrifia. Les meilleurs maîtres d’armes du monde lui avaient enseigné à ne jamais être surpris. Par rien et par personne. Mais là, leurs précieuses leçons volaient en éclats.

Cette femme était bien sa mère adoptive ! Ses cheveux blond tirant sur le roux, il jouait avec quand il était petit. Et ce visage si beau et si… puissant. Les yeux non plus ne trompaient pas. C’étaient ceux de la reine d’Andor.

Un spectre ? Galad avait entendu des histoires sur ce sujet. Des morts ramenés à la vie par le contact du Ténébreux. Mais dans l’assistance, personne ne semblait mal à l’aise, et cette femme paraissait très réelle. Timidement, Galad lui toucha la joue. La peau était douce et chaude.

— Galad ? Que fais-tu ici, et comment… ?

Morgase se tut quand Galad la prit dans ses bras au grand dam de toutes les personnes présentes. D’ailleurs, elle-même sursauta.

Elle était vivante ! Mais par quel miracle ?

J’ai tué Valda pour venger ma mère… Qui n’est pas morte. Donc, je suis un criminel. Un Suppôt, à ma façon.

Non. Valda avait mérité la mort pour les outrages qu’il s’était permis d’infliger à Morgase.

Était-ce bien la vérité ? Des Fils le lui avaient assuré, mais ils étaient également certains du décès de la reine.

Il faudrait faire le tri de tout ça plus tard. Avant tout, il devait cesser de se ridiculiser devant ses hommes. Il lâcha sa mère adoptive, mais elle le retint par un bras. Jamais il ne l’avait vue si… désorientée.

Aybara s’était levé. Les yeux ronds, il contemplait la scène.

— Tu connais Maighdin ?

— Maighdin ?

Morgase portait une robe toute simple et pas l’ombre d’un bijou. Essayait-elle de se cacher sous l’identité d’une servante ?

— Maighdin ? Aybara, c’est Morgase Trakand, Protectrice du Royaume et du Peuple et Haute Chaire de la maison Trakand. En d’autres termes, ta reine !

Un grand silence suivit cette révélation. Perplexe, Aybara se grattouilla la barbe. Stupéfiée ou furieuse, sa femme regardait Morgase avec des yeux écarquillés.

— Maighdin, fit Aybara, c’est vrai ?

Morgase leva les yeux et soutint le regard du jeune homme. Comment pouvait-on ne pas voir ce qu’il y avait de régalien en elle ?

— Je suis Morgase Trakand, dit-elle. Mais j’ai abdiqué en faveur d’Elayne. Avec la Lumière pour témoin, je jure de ne jamais revendiquer la couronne.

Galad approuva du chef. Oui, il comprenait, à présent. Elle avait eu peur qu’Aybara se serve d’elle pour nuire à Andor.

— Je vais te conduire dans mon camp, mère, dit-il sans quitter Aybara des yeux. Là, nous parlerons des mauvais traitements que t’a fait subir cet homme.

Morgase foudroya son fils du regard.

— Un ordre, Galad ? N’ai-je pas mon mot à dire ?

Le front plissé, le jeune homme se pencha vers sa mère et souffla :

— Il détient d’autres prisonniers ? Quels moyens de pression a-t-il sur toi ?

Morgase secoua la tête avant de répondre :

— Cet homme n’est pas ce que tu crois, Galad. Il est brut de décoffrage, et je n’aime pas ce qu’il fait au royaume, mais ce n’est pas un allié du Ténébreux. J’ai plus à craindre de tes… associés que de Perrin Aybara.

Oui, elle avait des raisons de se méfier des Fils. D’excellentes raisons.

— Viendras-tu avec moi, noble dame ? Je jure que tu pourras revenir ici quand tu voudras. Quoi que t’aient fait les Fils par le passé, tu ne risques plus rien. Je m’y engage !

Morgase hocha la tête.

— Un moment, Damodred ! lança Aybara.

Galad se tourna, la main de nouveau sur le pommeau de son épée. Pas une menace, juste… un pense-bête.

Sous le pavillon, les gens commençaient à murmurer entre eux.

— Oui ?

— Tu voulais un juge, pas vrai ? Accepterais-tu que ta mère en fasse office ?

Galad n’hésita pas un instant. Bien sûr que oui ! Depuis l’âge de dix-huit ans, Morgase portait la couronne, et il connaissait sa sagacité et son équité. Une femme juste. Dure, certes, mais juste.

Les autres Fils l’accepteraient-ils ? Morgase avait été formée par les Aes Sedai, et ils la voyaient comme l’une d’entre elles. Un gros problème. Mais si ce choix dénouait la situation, ici, il pourrait sans doute les faire changer d’avis.

— J’accepte, oui ! Et si je m’engage ainsi, mes hommes me suivront.

— Je l’accepte aussi, fit Aybara.

Les deux hommes se tournèrent vers Morgase. Dans sa robe jaune ordinaire, elle semblait être… la reine du monde.

— Perrin, si je préside à ton procès, ne t’attends pas à de la clémence de ma part. Mes gens et moi, tu nous as accueillis quand nous en avions besoin, et je t’en serai toujours reconnaissante. Mais si je t’estime coupable, ça n’influera pas sur mon verdict.

— C’est ce que j’attends, répondit Aybara.

Et il avait l’air sincère.

— Seigneur général, souffla Byar à l’oreille de Galad, j’ai peur que ce soit une parodie de procès. Il n’a pas dit qu’il se soumettrait à la sentence.

— Non, je ne l’ai pas dit, confirma Aybara.

Galad se demanda comment il avait pu entendre…

— Quel poids ça aurait ? Vous me prenez pour un Suppôt et un meurtrier. Pour que vous me fassiez confiance, il faudrait que je sois votre prisonnier. Et il n’en est pas question.

— Tu vois ? triompha Byar à voix haute. C’est joué d’avance !

Galad croisa de nouveau les yeux jaunes de Perrin.

— Un procès nous fournira des bases légales, dit-il. Je commence à y voir clair, Fils Byar. Nous devons prouver nos dires, sinon nous ne vaudrons pas mieux qu’Asunawa.

— Mais ce procès ne sera pas équitable !

Galad se tourna vers Byar :

— Mets-tu en doute l’impartialité de ma mère ?

Le Fils secoua promptement la tête.

— Non, seigneur général.

Galad regarda de nouveau Aybara.

— Je demande à la reine Alliandre d’attester que ce procès sera considéré comme légal dans son royaume.

— Si c’est ce que veut le seigneur Aybara, je l’attesterai.

Sans enthousiasme, semblait-il.

— C’est ce que je désire, Alliandre, confirma Perrin. À une seule condition : que Damodred relâche tous mes amis. Qu’il garde les équipements, si ça lui chante, mais qu’il me rende mes compagnons, comme il me l’a promis lors de notre précédente rencontre.

— D’accord, dit Galad. Ce sera fait dès que le procès aura commencé. Je le jure. Quand auront lieu les débats ?

— Laisse-moi quelques jours pour me préparer.

— Disons trois, fit Galad. Le procès aura lieu sous ce pavillon.

— Amène tes témoins, conclut Aybara. Je serai là.

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