32 Une tempête de lumière

Maradon était en feu. De dizaines de bâtiments, des colonnes de fumée montaient vers les nuages.

La configuration spécifique de la ville évitait que les incendies se propagent trop vite, mais elle ne les enrayait pas. Les êtres humains et les rondins – une vieille histoire commune !

Dans un bâtiment en ruine, Ituralde était accroupi à côté d’un tas de gravats, sur sa gauche. Sur sa droite, un petit groupe de soldats du Saldaea attendait. Après l’irruption d’une horde de Créatures des Ténèbres, le général avait abandonné le palais. En y laissant toute l’huile qu’il avait pu trouver, histoire d’organiser un joli massacre de Blafards et de Trollocs, une fois le combustible embrasé par les Asha’man.

Jetant un coup d’œil par la fenêtre de sa cachette actuelle, il crut apercevoir une fine bande de ciel bleu, mais avec la fumée et les cendres qui volaient il était difficile d’en être sûr. Un bâtiment, près du sien, brûlait si violemment qu’il sentait la chaleur à distance.

La fumée et le feu, il les avait largement utilisés. Sur un champ de bataille, on pouvait tirer avantage de presque tout. Dans le cas présent, dès que Yoeli avait reconnu que la cité était perdue, ils avaient cessé de la défendre pour s’en servir comme d’une arme.

Les rues étaient un labyrinthe que le général – avec l’aide des gens du cru – connaissait alors que ses ennemis le découvraient. Chaque toit pouvait être une position de tir. Toute ruelle offrait une possibilité de repli. Et chaque place pouvait devenir un piège mortel.

Les Trollocs et leurs chefs avaient commis une erreur : croire qu’Ituralde voudrait protéger la ville. Les crétins ! Tout ce qui comptait pour lui, à présent, c’était d’infliger à ces chiens autant de pertes que possible. Du coup, il retournait contre eux leur arrogance. Oui, leur armée était puissante. Mais tout homme qui avait un jour tenté de tuer des rats savait que la taille de son marteau importait peu, tant que les rongeurs avaient des endroits où se cacher.

Devant le fief d’Ituralde, un groupe de Trollocs circonspects avançait à pas de loup. Entre eux, les monstres se querellaient, ce qui était un très bon signe.

Certains humaient l’air, mais la fumée occultait leur odorat. Du coup, ils ne repérèrent pas Ituralde et ses compagnons.

Des bruits de sabots retentirent, à l’autre bout de la rue. Alors que les Trollocs beuglaient à tout va, un détachement vint se poster en première ligne. L’embout de leur lance calé contre les pavés, ces monstres composaient une sorte de haie d’acier. Pour des cavaliers, une charge risquait d’être suicidaire. Les Trollocs apprenaient la prudence…

Pas assez vite, cependant. La « cavalerie » fut enfin en vue : un seul homme conduisant quelques chevaux blessés ou épuisés. Une diversion !

— Maintenant ! lança Ituralde.

Autour de lui, les archers entreprirent de cribler de flèches les Trollocs. Beaucoup tombèrent, mais d’autres firent demi-tour et chargèrent.

D’une rue latérale, un véritable escadron de cavalerie – les sabots des montures enveloppés de tissu, pour ne pas faire de vacarme – approchait pour de bon. Quand ils furent au contact, les braves du Saldaea firent un massacre.

Les archers lancèrent leur cri de guerre, dégainèrent leur épée et chargèrent pour achever les monstres blessés. Avec ce groupe, la Lumière en soit louée, il n’y avait pas de Blafard.

L’épuisement du général revenait en force. Bientôt, il risquait de s’évanouir, et cette idée le déprimait. Un spectacle démoralisant pour ses hommes, aussi…

Non, ce qui est démoralisant, c’est de se planquer dans la fumée pendant que les Trollocs envahissent la ville…

Très démoralisant, même.

Après avoir massacré ce lot de Trollocs, les soldats d’Ituralde se dirigèrent vers le prochain bâtiment prévu pour les abriter.

Le général disposait d’une trentaine d’archers et d’un escadron de cavalerie qu’il faisait évoluer avec cinq groupes de fantassins. Alors que des éclaireurs approchaient avec des informations, il fit signe à ses forces de se cacher de nouveau.

Même avec les éclaireurs, avoir une idée de la situation globale de la ville n’était pas simple.

Ayant une vague notion de la position des poches de résistance, Ituralde leur envoyait des ordres assez imprécis. De fait, le « front » était trop étendu pour qu’il puisse coordonner ses forces. Au moins, il espérait que Yoeli allait bien.

Selon ses ordres, les Asha’man étaient partis via l’étroit portail qu’Antail avait pu leur ouvrir. Depuis leur départ, quelques heures plus tôt, il n’y avait aucun signe d’éventuels renforts. Avant que les hommes en noir filent, Ituralde avait envoyé un messager aux Derniers Cavaliers, censés repérer de loin l’arrivée des secours. Passant par un portail, l’homme avait trouvé un camp abandonné où un feu brûlait encore.

Le général alla rejoindre ses hommes dans leur dernière cachette en date. Pour donner aux éclaireurs un indice sur sa position, il noua son mouchoir, désormais noir de suie, à la poignée de la porte.

Une fois entré, il se pétrifia, car il y avait du chahut dehors.

— Silence ! ordonna-t-il à ses hommes.

Des bruits de pas… Un groupe important… Des Trollocs, à coup sûr, puisque les défenseurs avaient ordre de se déplacer discrètement.

Regardant ses soldats, Ituralde leva six doigts. Plan numéro six. Les hommes se cachèrent, attendant avec l’espoir que les monstres ne les remarqueraient pas. Dans le cas contraire – s’ils traînaient ou entreprenaient la fouille des bâtiments environnants –, l’unité ferait une sortie pour les éparpiller.

Le plan le plus risqué… Les gars d’Ituralde crevaient de fatigue, et la cavalerie était partie aider une autre unité de défense. Mais mieux valait attaquer qu’être découverts et encerclés.

Ituralde se glissa jusqu’à une fenêtre et attendit, tous les sens aux aguets. Lumière, qu’il était épuisé ! Dehors, l’ennemi marchait au pas. Étrange, ça… D’habitude, les Trollocs avançaient en désordre.

— Général, souffla un homme, ce ne sont pas des sabots…

Ituralde tendit l’oreille. Oui, l’épuisement le rendait idiot.

Des bruits de bottes… De centaines de bottes…

Il se releva, eut une quinte de toux, puis alla ouvrir la porte et sortit.

Alors que ses hommes le suivaient, quelques bourrasques dissipèrent un moment la fumée pour dévoiler une puissante force d’infanterie en plastron argenté. Pique au poing, ces hommes auraient pu passer pour des spectres, surtout à la chiche lumière du soleil, qui se montrait enfin pour la première fois depuis des mois.

Les fantassins crièrent dès qu’ils aperçurent les défenseurs et deux officiers se précipitèrent vers eux.

— Où est votre chef ? demanda un des militaires du Saldaea. Le général Rodel Ituralde.

— C’est moi… Qui êtes-vous ?

— Que la Lumière soit louée ! cria l’officier. Soldats, faites passer le mot au seigneur Bashere. Nous l’avons trouvé !

Ituralde tourna la tête vers ses hommes crasseux et couverts de suie. Beaucoup avaient un bras en écharpe. Au début, ils étaient deux cents, et il en restait à peine cinquante.

Ils auraient dû éclater de joie. Mais la plupart s’assirent sur le sol et fermèrent les yeux.

Ituralde éclata de rire.

— Le Dragon nous envoie de l’aide maintenant ? Maintenant ?

Vacillant, il s’assit lui aussi et regarda le ciel embrasé. Incapable de cesser de rire, il eut bientôt des larmes aux yeux.

Oui, il y avait quelques rayons de soleil, aujourd’hui…


Le général s’était un peu repris quand des soldats l’escortèrent jusqu’à un quartier fort bien défendu de la ville. Ici, la fumée était moins dense. Très certainement, les troupes d’al’Thor, commandées par Davram Bashere, avaient reconquis la plus grande partie de Maradon. Enfin, de ce qu’il en restait. Et ils avaient éteint les incendies.

Voir des militaires au plastron brillant, à l’uniforme propre et aux joues roses était si déconcertant. Ces hommes ayant déboulé avec une multitude d’Asha’man et d’Aes Sedai, ils avaient réussi pour l’instant à repousser les Trollocs derrière la colline fortifiée.

Les compagnons du général le conduisirent dans un bâtiment intact. Le palais ayant brûlé du sol au plafond, ou presque, ils s’étaient choisi un autre quartier général.

Alors qu’il se battait depuis des semaines, les troupes d’al’Thor paraissaient bien trop fraîches aux yeux du général. Pendant que ses gars mouraient, ces types-là se lavaient, mangeaient et dormaient ?

Arrête ça ! s’ordonna-t-il en avançant dans un couloir.

Quand une bataille tournait mal, il était trop facile d’accuser les autres. Si la vie de ces soldats avait été plus facile, ces derniers temps, ce n’était pas leur faute.

Ituralde gravit péniblement des marches en regrettant qu’on ne lui ait pas fichu la paix. Une bonne nuit de sommeil, un bain, et il aurait été ravi de rencontrer Bashere. Mais ça ne le ferait pas… La guerre continuait, et ces hommes avaient besoin d’informations. Hélas, son esprit fonctionnait au ralenti…

À l’étage, il suivit ses guides jusqu’à une pièce, sur la droite. Bashere était là, en plastron mais sans casque. Les mains dans le dos, il regardait par une fenêtre. En pantalon couleur olive fourré dans des cuissardes, il arborait la célèbre moustache du Saldaea.

Quand il se retourna, il ne put s’empêcher de sursauter.

— Tu as l’air d’un déterré, général ! Soldats, il devrait être à l’infirmerie ! Qu’on aille chercher un Asha’man.

— Je vais bien…, assura Ituralde. L’allure est pire que l’état, pas d’inquiétude.

Les soldats hésitèrent, regardant leur chef.

— Au moins, apportez-lui un fauteuil et de quoi se débarbouiller. Mon pauvre ami, nous aurions dû arriver des jours plus tôt…

Dehors, on entendait les échos désormais lointains de la bataille. Bien entendu, Bashere avait choisi un bâtiment assez haut pour lui offrir une vision d’ensemble sur les combats.

Quand les soldats eurent apporté le fauteuil, Ituralde se laissa tomber dedans en soupirant. Tant pis pour sa fierté de général !

Baissant les yeux, il fut surpris par l’état de saleté de ses mains, comme s’il venait de nettoyer une cheminée. Son visage ne devait guère valoir mieux, avec de la suie mêlée de sueur et de sang. Son uniforme était en lambeaux après l’explosion, sur la muraille, et on avait découpé une de ses manches pour en faire un bandage.

— Ta défense de la ville a de quoi couper le souffle, général, dit Bashere.

D’un ton très formel, cependant. Si le Saldaea et l’Arad Doman n’étaient pas ennemis, deux nations puissantes ne pouvaient pas avoir une frontière en commun sans connaître des moments de tension.

— Les pertes des Trollocs, quand on songe à tes maigres effectifs… et à cette brèche, dans la muraille… J’avoue être impressionné.

À son ton, Bashere ne faisait pas cet « aveu » de gaieté de cœur.

— Qu’en est-il de Yoeli ?

Bashere se rembrunit.

— Mes hommes ont découvert un petit groupe qui défendait son cadavre… Il est mort en brave, mais j’ai été surpris de voir qu’il commandait les troupes alors que Torkumen – un lointain cousin à moi – était enfermé dans ses appartements, sans protection et donc à la merci des Trollocs.

— Yoeli était un héros, répondit sèchement Ituralde. Un des hommes les plus courageux que j’aie connus. Contre les ordres de Torkumen, il m’a sauvé la vie et a permis à mes hommes de se replier en ville. Sa mort est un drame. Un drame, oui ! Sans lui, Maradon n’existerait plus aujourd’hui.

— Il n’en reste plus grand-chose, marmonna Bashere.

Ituralde hésita.

Ce type est l’oncle de la reine. Il vit probablement ici…

Les deux hommes se défièrent du regard comme des vieux loups chefs de meutes rivales.

— Je suis désolé de ce désastre, dit Ituralde.

— Le peu qui reste, fit Bashere, nous te le devons. Je ne suis pas en colère, mon ami. Très triste, mais pas furieux. Et je prends note de ton avis sur Yoeli. Pour être franc, je n’ai jamais aimé Torkumen. Pour l’instant, je l’ai laissé là où nous l’avons trouvé – toujours vivant, par bonheur –, et je n’ai pas fini d’en entendre parler par la reine, qui a toujours été folle de lui. Qu’importe… En général, son jugement est plus sûr que ça.

Alors qu’il parlait de Torkumen, Bashere avait tourné la tête sur un côté. Soudain, le général reconnut les lieux. C’était le fief du félon, où Yoeli l’avait conduit le jour de son arrivée en ville. Avoir choisi ce bâtiment était logique, car il était assez près de la muraille nord pour qu’on ait une bonne vue sur l’extérieur, et assez loin pour avoir résisté aux explosions, contrairement au Hall du Conseil.

Si les Trollocs avaient capturé Ituralde, ça aurait ôté une épine du pied de Torkumen…

Ituralde s’adossa à son siège et ferma les yeux. Bashere en profita pour converser avec ses officiers.

Cet homme était compétent, ça ne faisait pas de doute. En quelques heures, il avait nettoyé la ville. Dès qu’ils s’étaient aperçus qu’il y avait du répondant en face, les Trollocs avaient filé sans demander leur reste. Songer que sa ténacité avait contribué à les démoraliser emplit le général de fierté.

Il continua à tendre l’oreille. La plupart des hommes de Bashere étaient arrivés via des portails, après envoi d’un éclaireur pour repérer des sites sûrs.

Pour Bashere, la méthode employée par Ituralde n’aurait pas été rentable. À dire vrai, il s’agissait d’une tactique de guérilla urbaine visant à infliger le maximum de dommages à l’ennemi… avant de mourir. Fondamentalement, c’était une stratégie perdante.

Les Trollocs avaient reculé sur et derrière la colline, mais ils n’y resteraient pas longtemps. Alors qu’il luttait pour ne pas s’endormir sur son siège, Ituralde entendit Bashere et ses officiers en arriver aux mêmes conclusions sinistres que lui. Maradon était perdue. Les Créatures des Ténèbres attendraient la nuit, puis elles reviendraient.

Après tout ça, on allait se replier ? Alors que Yoeli était mort pour tenir la capitale ? Que Rajabi avait péri face à un Draghkar ? Que Rossin et Ankaer étaient tombés sur cette maudite brèche ?

Au terme de la boucherie, des renforts arrivaient seulement pour mettre fin à la résistance ?

— Nous pouvons peut-être les chasser du sommet de la colline, dit un des officiers. Nettoyer les fortifications.

Il ne semblait pas très optimiste.

— Fils, dit Ituralde en se forçant à ouvrir les yeux, j’ai tenu cette colline pendant des semaines contre un ennemi supérieur en nombre. Ces défenses, vous les avez bien construites, et c’est tout le problème. Quand on perd ces positions-là, les reprendre est très difficile. Si vous essayez, ça vous coûtera beaucoup d’hommes.

Un lourd silence suivit cette déclaration.

— Dans ce cas, il faut partir, conclut Bashere. Naeff, nous allons avoir besoin de portails.

— Compris, seigneur Bashere.

Mince, le visage carré, l’homme portait le dragon et l’épée au col de sa veste noire.

— Malain, rassemble les cavaliers et organise leur sortie de la ville. Mais fais comme si nous allions tenter un assaut contre la colline. Ça permettra aux hommes de rester concentrés et combatifs. Nous évacuerons les blessés, puis la cavalerie chargera dans l’autre direction, vers…

— Par la Lumière et mon espoir de résurrection ! lança soudain une voix.

Tout le monde se retourna, stupéfié. Cette phrase-là, on ne l’entendait pas tous les jours.

Un jeune soldat se tenait devant une fenêtre, sondant le terrain avec une longue-vue. Bashere le rejoignit et les autres le suivirent, plusieurs s’emparant d’une longue-vue.

Quoi encore ? songea Ituralde en se levant malgré sa fatigue. Qu’a donc trouvé l’ennemi ? Plus de Draghkars ? Des Chiens des Ténèbres ?

Quand il arriva devant la fenêtre, quelqu’un tendit une longue-vue au général. Il la porta à son œil et constata que le bâtiment était effectivement érigé sur une butte assez haute pour offrir une excellente vue sur la muraille et, au-delà, sur le champ de bataille.

Au sommet de la colline, les tours disparaissaient presque sous des nuées de corbeaux. Avec sa longue-vue, le général distingua la horde de Trollocs qui se massait sur les fortifications, tenant toutes les positions.

Derrière la colline, une meute de Trollocs dix fois supérieure à la vague originale se déversait de la passe. Un flot qui semblait ne jamais devoir s’interrompre…

— Nous devons partir, fit Bashere en baissant sa longue-vue. Sur-le-champ !

— Lumière ! s’écria Ituralde. Si cette horde nous submerge, rien ne pourra l’arrêter, que ce soit au Saldaea, en Andor ou en Arad Doman. Bashere, dis-moi, je t’en prie, que le Dragon a bien fait la paix avec les Seanchaniens, comme promis.

— Sur ce point, dit une voix très calme dans le dos du général, comme sur tant d’autres, j’ai échoué.

Ituralde se retourna et baissa sa longue-vue. Un homme très grand, les cheveux roux, venait d’entrer dans la pièce. Un homme aux traits familiers qu’Ituralde, pourtant, aurait juré n’avoir jamais rencontré.

Rand al’Thor avait changé.

Cela dit, il affichait la même confiance en lui, gardait le même dos très droit et semblait toujours attendre qu’on lui obéisse. En même temps, tout en lui semblait différent. Sa posture, d’où n’émanait plus de méfiance… Sa façon de regarder Ituralde avec… compassion.

Les yeux froids du Dragon avaient naguère convaincu le général de se rallier à lui. Aujourd’hui, ils n’étaient plus pareils, car on y lisait de la sagesse.

Ne sois pas idiot, Ituralde ! Il ne suffit pas de croiser le regard d’un homme pour savoir que c’est un sage…

Et pourtant…

— Rodel Ituralde, dit al’Thor en avançant. (Il posa sa main unique sur le bras du général.) Je vous ai laissés, tes hommes et toi, subir un véritable calvaire. Pardonne-moi, je t’en prie.

— C’était mon choix, répondit Ituralde.

Bizarrement, il se sentait beaucoup moins fatigué, tout à coup.

— J’ai passé tes soldats en revue… Il en reste très peu, et ils sont épuisés. Comment as-tu tenu cette ville ? Plus qu’un exploit, c’est un miracle !

— J’ai fait ce qui devait être fait…

— Et combien d’amis as-tu perdus ?

— Je… Beaucoup, seigneur Dragon.

Que répondre d’autre ? Vouloir minimiser les pertes serait une sorte de trahison.

— Wakeda est tombé aujourd’hui… Un Draghkar a tué Rajabi… Ankaer est mort cet après-midi. Il n’a pas pu découvrir pourquoi un trompette a sonné la retraite trop tôt. Rossin a également cherché à comprendre. Lui aussi est tombé.

— Nous devons partir, dit Bashere. Navré, mon ami, mais Maradon est perdue.

— Non, fit al’Thor. Le Ténébreux n’aura pas cette ville. Pas après ce qu’ont fait ces hommes pour la défendre. Je ne permettrai pas ça !

— De nobles sentiments, dit Bashere, mais nous…

Il se tut sous le regard du Dragon.

Des yeux qui semblaient brûler de l’intérieur.

— Bashere, ils ne prendront pas la ville !

Là, il y avait une ombre de colère dans la voix d’al’Thor. D’un geste, il fit apparaître un portail sur sa gauche. Soudain, les roulements de tambour et les cris des Trollocs parurent plus proches.

— J’en ai assez de les laisser blesser et tuer mes gens… Faites reculer vos soldats…

Sur ces mots, le Dragon franchit le portail.

Deux Promises entrant dans la salle, il maintint le passage ouvert assez longtemps pour qu’elles s’y engouffrent. Ensuite, le portail se dissipa.

Bashere en resta un moment bouche bée.

— Que ce type soit maudit ! finit-il par s’exclamer. Je pensais qu’il ne ferait plus ce genre de chose…

Ituralde alla rejoindre l’autre général. Levant sa longue-vue, il sonda le terrain, au-delà de l’énorme brèche.

Dehors, dans son manteau marron, al’Thor avançait avec les deux Promises à sa suite.

Ituralde aurait juré entendre les cris des Trollocs quand ils aperçurent le trio.

Ils chargèrent, masse compacte de milliers de monstres.

Ituralde étouffa un petit cri et Bashere marmonna une prière.

Al’Thor leva une main, paume ouverte, et l’orienta en direction du raz-de-marée de Trollocs.

Alors, ils commencèrent à mourir.

D’abord sous des lances de Feu très semblables à celles des Asha’man, mais beaucoup plus grandes et puissantes. Une sorte de contre-raz-de-marée qui balayait le terrain, carbonisant tout sur son passage.

Bien entendu, des Draghkars apparurent dans le ciel et piquèrent sur le Dragon. L’air, au-dessus de lui, vira au bleu et des éclats de glace jaillirent vers les créatures volantes – de véritables volées, aussi denses que celles d’une compagnie d’archers. Hurlant de douleur, des centaines de Draghkars s’écrasèrent au sol.

Le Pouvoir et la Lumière jaillissaient du Dragon Réincarné comme s’il était à lui seul une armée d’Asha’man et d’Aes Sedai. Alors que les Créatures des Ténèbres mouraient déjà par milliers, des Portails de la Mort apparurent dans leurs rangs, les tuant par centaines.

Debout près de Bashere, Naeff écarquilla les yeux.

— Je n’ai jamais vu tant de tissages en même temps, souffla-t-il. Au point que je ne peux pas les suivre tous… Cet homme est une tempête ! Un orage de Pouvoir et de Lumière.

Des nuages se formèrent au-dessus de la ville et se mirent à tourbillonner. Le vent se déchaîna et des éclairs s’abattirent, leur vacarme couvrant les roulements de tambour alors que les Trollocs, piétinant les corps de leurs semblables, tentaient d’atteindre le Dragon.

Les nuages blancs percutèrent les noirs et se mêlèrent à eux. Autour d’al’Thor, le vent tourbillonnant gonfla les pans de son manteau.

Le Dragon semblait… scintiller. Était-ce le reflet des flammes qu’il générait, ou celui des éclairs ? Non, car il semblait plus lumineux que tout ça, sa paume toujours orientée vers les monstres.

Accroupies sur ses flancs, les Promises sondaient le champ de bataille, les épaules tendues pour résister aux bourrasques.

Les nuages qui tournaient les uns autour des autres se dirigèrent vers le sommet de la colline tout en semant la mort parmi les Trollocs, projetés dans les airs comme des pantins. Des geysers de sang et de chair montèrent vers le ciel, mêlés à des langues de feu.

Les cadavres retombèrent en pluie, tuant d’autres monstres.

Ituralde sentit les petits poils de sa nuque se hérisser. L’air lui-même vibrait d’énergie.

Un cri retentit, venant de l’intérieur du bâtiment, dans une pièce adjacente. Ituralde ne se détourna pas de la fenêtre. Il devait assister à cet incroyable moment de destruction et de triomphe du Pouvoir.

La déferlante de Trollocs se brisa et les tambours se turent presque tous. Par milliers, les monstres firent demi-tour et s’enfuirent, se bousculant pour retourner dans la Flétrissure. Certains continuèrent à avancer, trop furieux, trop intimidés par les Blafards ou trop idiots pour filer.

La tempête dévastatrice atteignit son zénith, les flammes, les éclats de glace, les éclairs et le vent unis pour tout détruire sur leur passage.

Un pur chef-d’œuvre ! Un terrifiant, mortel et superbe chef-d’œuvre !

Al’Thor orienta sa paume vers le ciel. Le vent gagna encore en force, les éclairs devinrent plus puissants et les flammes se firent plus chaudes. Sous cette averse, les Trollocs crevaient en hurlant.

Ituralde s’avisa qu’il tremblait de tous ses membres.

Alors, Al’Thor ferma le poing et tout s’arrêta.

Les derniers Trollocs soulevés par le vent tombèrent comme des feuilles mortes en automne. Dans un silence parfait, les flammes moururent et les nuages noir et blanc se déchirèrent pour dévoiler un ciel bleu limpide.

Al’Thor baissa lentement la main. Devant lui, sur le champ de bataille, des cadavres s’entassaient. Des dizaines de milliers de carcasses de Trolloc encore fumantes. Presque à ses pieds, sur une largeur de cent pas, un tas de charognes de cinq pieds de haut s’élevait – les monstres qui avaient eu l’audace d’essayer d’atteindre le Dragon.

Combien de temps avait duré le massacre ? Ituralde s’avisa qu’il aurait été bien incapable de le dire. À la position du soleil, une heure au moins s’était écoulée. Plus, peut-être. Mais on eût dit une seconde…

Al’Thor se détourna. Les Promises se levèrent et le suivirent sur des jambes mal assurées.

— Ce cri, c’était quoi ? demanda Naeff. Celui qui a retenti dans le bâtiment… Vous avez entendu ?

Oui, c’était quoi ? se demanda Ituralde.

Il traversa la salle et plusieurs officiers de Bashere le suivirent. Pas mal d’hommes restèrent cependant devant les fenêtres, comme hypnotisés par le charnier.

Bizarrement, Ituralde n’avait pas vu une seule tour de défense s’écrouler. À croire que l’assaut d’al’Thor affectait exclusivement les Créatures des Ténèbres. Un homme pouvait-il être si précis ?

Dehors, le couloir était vide, mais le général avait sa petite idée sur l’origine du cri. Sans hésiter, il se dirigea vers la porte du seigneur Torkumen. La poussant, il entra dans les appartements du lâche.

Personne… Ituralde eut un frisson glacé, puis il dégaina son épée. Le félon avait-il fui ?

Non. Un homme était recroquevillé dans un coin, ses beaux vêtements tachés de sang. Le général baissa son épée. Dans les yeux de Torkumen, il n’y avait plus trace de lumière. Apparemment, il se les était crevés avec une plume qui gisait à présent à ses pieds.

Avisant une fenêtre brisée, Bashere alla jeter un coup d’œil.

— Dame Torkumen est en bas…, annonça-t-il.

— Elle a sauté, souffla le seigneur. (Il posa sur ses yeux des mains rouges de sang.) Cette lumière… cette terrible lumière…

Ituralde chercha les yeux de Bashere.

— Je ne pouvais pas la regarder ! grogna Torkumen. C’était impossible ! Grand Seigneur, où est donc ta protection ? Où sont tes armées triomphantes et tes épées destructrices ? Cette lumière dévorait mon esprit, comme des rats qui festoient sur une charogne. Elle brûlait jusqu’à mes pensées. Elle me tuait ! Oui, elle me tuait !

— Il est fou, souffla Bashere en s’agenouillant près du seigneur. C’est une chance pour lui, si on en juge par ce qu’il raconte. Lumière ! Mon propre cousin, un Suppôt des Ténèbres ! Et il dirigeait la ville…

— De quoi parle-t-il ? demanda un des officiers. Une lumière ? Il n’a pas pu voir la bataille – aucune fenêtre, ici, n’est orientée dans le bon sens.

— Vogeler, je ne crois pas qu’il parlait de la bataille, dit Bashere. Allons, venez… Je suppose que le seigneur Dragon est fatigué. Il faut prendre soin de lui.


Voilà, c’est ici ! pensa Min en tapotant la page.

Dans la Pierre de Tear, assise sur le rebord de sa fenêtre, elle savourait la brise et s’efforçait de ne pas penser à Rand. Il allait bien, mais ses émotions étaient si violentes. Une explosion de colère. Elle aurait voulu qu’il ne soit plus jamais furieux à ce point.

Ayant du pain sur la planche, elle bannit ses inquiétudes. Suivait-elle la mauvaise piste ? Ou interprétait-elle de travers quelque chose ? Elle relut la phrase.

« La Lumière est brandie devant la gueule du vide infini, et tout ce qu’il est peut être saisi. »

Toutes ses spéculations abandonnées, Min lâcha son livre quand une lumière apparut dans la pièce d’en face, de l’autre côté du couloir. Sautant au sol, la jeune femme devina que Rand approchait. En fait, elle le sentait dans le lien.

Essentiellement pour que les portails ne blessent personne, deux Promises gardaient en permanence la pièce qui tenait lieu de site de Voyage. Le portail qui venait de s’ouvrir donnait sur un endroit où de la fumée planait dans l’air. Rand en émergea, les jambes vacillantes.

En se précipitant vers lui, Min vit qu’il était épuisé. Les yeux rouges, les traits blafards… Avec un soupir, il s’appuya à elle et se laissa guider jusqu’à un fauteuil.

— Que s’est-il passé ? demanda Min à Evasni, la première Promise qui suivait Rand.

Très mince, cette jolie rousse portait une queue-de-cheval, comme la plupart des Sœurs de la Lance.

— Le Car’a’carn va bien, répondit-elle. Mais il est comme un jeune qui tient à faire le tour du camp une fois de plus que tout le monde, histoire de prouver qu’il en est capable…

— Aujourd’hui, il a gagné beaucoup de ji, dit Ifeyna, l’autre Promise, d’un ton presque polémique.

Très solennel, en tout cas…

Rand soupira et s’adossa à son siège.

Bashere émergea à son tour du portail, ses bottes martelant le sol. Montant de la cour, Min entendit des cris et des gémissements. Sans doute des soldats blessés qui revenaient par un plus grand portail. En bas, des Aes Sedai s’acharnaient à guérir ces malheureux, quand c’était encore possible.

Derrière Bashere, Min découvrit un mince Domani d’âge mûr. Rodel Ituralde… Du sang séché sur ses joues mal débarbouillées, son uniforme déchiré, un bras bandé, il était dans un état pitoyable.

Rand, lui, n’avait aucune blessure visible et ses vêtements – y compris le vieux manteau marron – n’avaient pas un accroc. En revanche, il semblait épuisé.

— Rand, souffla Min en s’agenouillant près de lui, tu vas bien ?

— J’ai explosé de colère… Min, je croyais avoir dépassé ce stade…

La jeune femme frémit.

— Ce n’était pas une terrible colère, comme avant – celle qui me poussait à détruire. Cela dit, j’ai quand même détruit… À Maradon, j’ai vu ce qu’endurent mes partisans. En eux, j’ai contemplé la Lumière. Un défi lancé au Ténébreux, quelle que soit l’étendue de l’ombre qu’il projette sur ce monde. Nous survivrons, crie ce défi. Nous aimerons et nous espérerons.

» J’ai vu notre adversaire tenter de détruire tout ça. S’il brise mes partisans, il le sait, ce sera pour lui une plus grande victoire que la simple prise de Maradon… Démolir le moral des hommes, voilà ce qu’il désire plus que tout au monde. (Rand ouvrit les yeux et les baissa sur Min.) Alors, je me suis dressé contre lui.

Les bras croisés, Bashere vint se camper à côté de Min.

— Ce que tu as fait était stupéfiant, dit-il. Mais est-ce le Ténébreux qui t’y a poussé ?

Rand secoua la tête.

— J’ai le droit d’être en colère, Bashere. Ne comprends-tu pas ? Avant, j’essayais de la contenir. C’était une erreur. Je dois éprouver des sentiments. Partager la douleur, l’agonie et le deuil de mes partisans. C’est pour ça que je me bats, et je ne dois surtout pas l’oublier. Par moments, j’ai besoin d’un grand vide intérieur, mais la colère reste une part de mon être.

Voyant que son homme prenait un peu plus confiance avec chaque mot, Min acquiesça.

— Et tu as sauvé la ville, dit Bashere.

— Pas assez tôt, déplora Rand. (Min sentit sa profonde tristesse.) Et mes actes d’aujourd’hui sont peut-être une erreur.

— Pourquoi ? demanda Min.

— Nous sommes passés trop près d’une confrontation entre lui et moi. Il faut que ça se produise au mont Shayol Ghul, et au bon moment. Je ne peux pas lui permettre de me provoquer. Bashere a raison. Et les hommes ne doivent pas non plus penser que je déboulerai à tous les coups pour les sauver.

— Sans doute, concéda Bashere, mais ce que tu as fait aujourd’hui…

— Maréchal, cette guerre-là n’est pas la mienne. Cette bataille m’a épuisé au-delà du raisonnable. Si mes ennemis m’attaquaient, je n’aurais pas une chance. De plus, je ne peux combattre qu’à un seul endroit à la fois. Ce qui se profile sera plus formidable et plus terrible que tout ce qu’un homme seul est en mesure de supporter. Je vous organiserai, mais je devrai vous laisser. Cette guerre sera la vôtre.

Rand se tut alors que Flinn émergeait du portail et le refermait.

— Il faut que je me repose, à présent. Demain, Bashere, je rencontrerai ta nièce et les autres Frontaliers. Je ne sais pas ce qu’ils me demanderont, mais il faut qu’ils retournent à leur poste. Si le Saldaea est dans un tel état alors qu’un des grands capitaines dirigeait sa défense, je crains d’imaginer ce que subissent les autres nations frontalières.

Min aida le jeune homme à se lever.

— Rand, dit-elle, Cadsuane est de retour et quelqu’un l’accompagne.

Rand hésita.

— Conduis-moi à elle…

Min fit la grimace.

— Je n’aurais pas dû en parler. Tu dois te reposer.

— Je le ferai, ne t’inquiète pas.

Bien qu’elle sentît toujours l’épuisement de son compagnon, Min n’insista pas.

— Rodel Ituralde, dit Rand, marquant une pause devant la porte, je voudrais que tu viennes avec moi.

Le général acquiesça et emboîta le pas au Dragon. Dans le couloir, très inquiète, Min soutint son amoureux. Était-il obligé de s’imposer une telle pression ?

Hélas, oui…

Rand al’Thor était le Dragon Réincarné. Avant que tout ça soit fini, il risquait d’être vidé de ses forces et de son sang. C’était presque assez pour qu’une femme baisse les bras.

— Rand…, dit Min alors qu’Ituralde et plusieurs Promises les suivaient.

Heureusement, les appartements de Cadsuane n’étaient pas loin.

— Je te jure que ça ira. Tes recherches avancent ?

Une judicieuse diversion…

Hélas, elle renvoya Min à un autre sujet d’inquiétude.

— Rand, t’es-tu jamais demandé pourquoi Callandor, dans les prophéties, est si souvent appelée « lame terrifiante » ou « épée de la ruine » ?

— C’est un sa’angreal si puissant… Peut-être à cause des ravages qu’elle peut faire…

— Peut-être, oui…

— Tu as une autre explication ?

— Dans la prophétie de Jendai, il y a une phrase… Je regrette que nous n’en sachions pas davantage sur ce texte… Bref, cette phrase dit : « et la lame le fera se lier à deux ».

— Deux femmes… Pour contrôler l’épée, je devrai former un cercle avec deux femmes.

Min fit la grimace.

— Quoi ? Min, dis ce que tu as sur le cœur. Je dois savoir.

— Dans Le Cycle de Karaethon, il y a une autre phrase… Quoi qu’il en soit, je pense que Callandor est défectueuse au-delà de ça. Rand, si tu l’utilises, je crains qu’elle t’affaiblisse et te rende vulnérable aux attaques.

— C’est peut-être ainsi que je serai tué.

— Tu ne seras pas tué !

— Je…

— Tu survivras, berger ! Je m’en assurerai, tu peux me croire.

Rand sourit. Il semblait si las.

— Je réussis presque à te croire, Min. Ce n’est peut-être pas moi qui infléchis la Trame, mais toi.

Arrivé devant une porte, le jeune homme y toqua.

Le battant s’entrouvrit. Merise pointa le nez dehors, puis étudia Rand de la tête aux pieds.

— On dirait que tu tiens à peine debout, al’Thor.

— Bien observé. Cadsuane Sedai est là ?

— Elle a fait ce que tu lui demandais, répondit Merise. Je dois dire que c’est très accommodant, considérant comment tu…

— Merise, fais-le entrer ! lança Cadsuane.

Merise hésita, foudroya Rand du regard et ouvrit la porte en grand. Assise dans un fauteuil, Cadsuane parlait avec un homme d’âge mûr aux longs cheveux gris tombant sur ses épaules. Doté d’un gros nez, il était vêtu comme un roi.

Rand avança. Dans son dos, quelqu’un poussa un petit cri. Dès que le Dragon se fut écarté, Ituralde entra, l’air ébahi.

Le type qui ressemblait à un roi tourna la tête. Le teint cuivré, il avait un regard bienveillant.

— Mon suzerain ! s’écria Ituralde. Tu es vivant !

Il tomba à genoux.

Chez Rand, Min capta un bonheur intense. Quant au général, il pleurait.

Le Dragon recula.

— Min, allons dans nos appartements. J’ai besoin de repos.

— Le roi de l’Arad Doman, souffla la jeune femme. Où l’a-t-elle trouvé ? Et comment as-tu su ?

— Quelqu’un qui m’est très proche m’a confié un secret… La Tour Blanche a « hébergé » Mattin Stepaneos pour le « protéger ». Partant de là, il n’était pas difficile de comprendre que d’autres monarques avaient pu partager ce sort. Si des sœurs étaient parties pour l’Arad Doman il y a des mois, avant qu’elles sachent ouvrir un portail, il y avait de fortes chances qu’elles aient été bloquées par la neige lors du voyage de retour avec leur « invité ». (Rand soupira d’aise.) Graendal ne détenait pas le roi, Min. Donc, je ne l’ai pas tué. Un des innocents dont je me croyais l’assassin est toujours en vie. C’est quelque chose… Un petit quelque chose, mais ça me réconforte…

Min aida le Dragon à gagner leurs appartements. Ravie, en tout cas pour le moment, de simplement partager sa joie et son soulagement.


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