Chapitre 11

Le lendemain matin, j’avais découvert comment Tommy Tomm et Jennifer Stanton étaient morts. Je vérifiai mes calculs cinq ou six fois.

Ça n’avait aucun sens. C’était impossible.

Ou nous avions énormément sous-estimé le meurtrier.

Je pris mon manteau pour sortir – sans me préoccuper de mon apparence, à la maison, il n’y a pas de miroir car trop de créatures peuvent les utiliser comme des fenêtres ou des portes. Mais je devais avoir l’air d’une épave. Le rétroviseur de la Studebaker me confirma. L’air hagard, une barbe naissante, des cernes noirs sous des yeux injectés de sang et une crinière digne d’un motard qui a foncé dans un nuage de fumée grasse. Voilà le résultat quand on se peigne avec des mains moites. Surtout quand on le fait pendant douze ou quatorze heures d’affilée.

Tant pis. Il fallait prévenir Murphy. La situation était grave. Très, très grave…

Je me précipitai vers le commissariat, certain que Karrin voudrait entendre mon rapport de vive voix. Elle travaillait dans un vieux complexe qui hébergeait aussi la police ferroviaire. Cet immeuble ancien partait en morceaux comme un soldat fatigué qui tient à préserver les apparences en ramassant ses tripes. Un des murs portait un graffiti qui attendrait lundi avant que le concierge le nettoie.

Je n’eus aucun problème pour me garer chez les visiteurs – c’est facile le dimanche matin – et entrai dans le bâtiment. Le sergent de semaine n’était pas le vétéran moustachu habituel, mais une matrone grisonnante au regard d’acier qui désapprouva ma façon de vivre et ma personne en un clin d’œil avant de me faire patienter. Elle appela Murphy.

Deux policiers arrivèrent en traînant un homme menotté. Le prisonnier ne résistait pas, il pendait lamentablement. Tête baissée, il gémissait d’une manière presque musicale. Mince, l’air assez jeune, il portait un jean et un blouson aussi débraillés que sa coiffure.

Quand ils passèrent devant l’accueil, un des policiers déclara :

— C’est le conducteur drogué. On va le mettre en cellule de dégrisement jusqu’à ce qu’il reprenne ses esprits.

La matrone passa au flic un dossier qu’il prit sous le bras, avant de se diriger vers l’escalier.

J’attendais en frottant mes yeux fatigués pendant que la policière essayait de joindre quelqu’un à l’étage. Elle eut un grognement surpris puis lâcha :

— Très bien, inspecteur, je vous l’envoie.

Elle me fit signe de monter et me regarda pendant que je me passais la main dans les cheveux et sur ma barbe naissante.

Les Enquêtes spéciales disposaient d’une petite salle d’attente, à côté de l’escalier. Quatre chaises et un vieux divan mortel pour le dos de quiconque se risquerait à dormir dessus. Murphy était installée au bout de la deuxième rangée de bureaux.

Je la découvris dans la travée, le téléphone collé contre l’oreille et l’air franchement maussade. On eût dit une adolescente qui se disputait avec un petit ami en voyage. Elle m’aurait arraché la tête si elle avait entendu ça. Je lui fis un signe qu’elle me rendit tout en me désignant l’espace d’attente, avant de s’enfermer dans son bureau. Je m’installai sur une chaise et appuyai la tête contre le mur. Je venais de fermer les yeux quand on hurla dans le couloir. Il y eut un bruit de lutte, suivi de quelques exclamations. On cria de nouveau, plus près cette fois.

Je réagis sans réfléchir, trop fatigué pour penser. Je me précipitai dans l’entrée. À ma gauche, l’escalier, à ma droite, le couloir.

La silhouette d’un fuyard apparut. Il se ruait vers moi. Le babilleur qui était si amorphe entre les deux policiers, quelques minutes plus tôt. C’était lui qui s’égosillait. J’entendis un piétinement, et les deux flics déboulèrent sur ses talons. N’étant plus tout jeunes, ils avaient du mal à courir en maintenant leur ceinture d’une main.

— Arrêtez-le ! cria l’un des policiers essoufflé. Arrêtez cet homme !

Mes cheveux se dressèrent sur ma nuque. Le fugitif continuait de beugler, terrifié. Son cri était une suite ininterrompue de… quelque chose. Un flot vibrant de terreur, de panique, de désir et de rage qui se déversait dans l’air.

J’eus une brève vision de ses yeux écarquillés, de son visage sale, de sa veste en jean et de son pantalon élimé. Les mains dans le dos, il était toujours menotté. Je ne sais pas ce qu’il voyait, mais certainement pas le couloir, et je suis sûr que la réponse ne m’aurait pas plu. Il se précipitait vers moi – en fait, vers l’escalier – dans une course aveugle et dangereuse.

J’allais me mêler de ce qui ne me regardait pas, mais je ne pouvais pas le laisser s’écraser dans l’escalier. Je me jetai sur lui l’épaule en avant, pour essayer de le plaquer comme au football américain.

Pourquoi ai-je séché les cours de sport, au lycée ? Simple à comprendre : je lui rentrai dedans de toutes mes forces, et il se contenta de souffler un grand coup en dérapant contre un mur. J’avais l’impression qu’il ne m’avait pas vu arriver et ne savait même pas que j’étais là. Il continuait à regarder dans le vague et à hurler en reprenant son élan. Je m’effondrai et ma tête me fit très mal à l’endroit où la brute m’avait caressé avec une batte.

L’avantage, quand on est grand comme moi, c’est qu’on a de longs bras. Je me retournai et parvins à agripper la cheville du type pour l’arrêter.

Bingo ! Il perdit l’équilibre et s’écroula. La chute lui coupa le souffle, il arrêta de crier. Il était à quelques centimètres des marches et il luttait faiblement. Les deux policiers me dépassèrent pour le récupérer.

Il se passa un phénomène étrange.

Le jeune homme me fixa et ses pupilles se dilatèrent tellement que j’eus l’impression qu’il avait des billes noires injectées de sang dans les orbites. Ses yeux se révulsèrent et il commença à marmonner :

— Magicien ! Magicien ! Je te vois ! Je te vois, magicien ! Je vois les choses qui arrivent ! Je vois ceux qui précèdent et le Traqueur ! Ils viennent ! Ils viennent pour toi !

— Bon sang de bois ! lâcha le plus replet des deux flics en tirant le jeune homme par les bras. Putain de drogué ! Merci du coup de main, mon gars…

Je fixai l’halluciné, hébété, puis tirai sur la manche du policier le plus grand.

— Que se passe-t-il, monsieur ?

Le flic s’arrêta, le pauvre type pendant lamentablement entre son partenaire et lui. Le prisonnier se tourna vers moi en affichant un rictus horrible, et ses yeux étaient toujours révulsés. Son front portait d’étranges rides, comme s’il se concentrait sur moi à travers les os de son crâne, directement avec les lobes frontaux de son cerveau.

— Juste un camé, répondit le flic. Un accro au Troisième Œil. On l’a chopé près du lac : quatre grammes de poudre dans sa caisse et sûrement plus dans le corps. Ça va ?

— Très bien, le rassurai-je. Le Troisième Œil ? C’est la nouvelle drogue ?

— Un truc qui permet de voir le monde des esprits, ce genre de connerie, précisa le flic grassouillet.

— Cette saloperie vous accroche plus vite que le crack, continua l’autre agent. Merci pour l’aide, je ne savais pas que vous étiez un civil. À cette heure-là, je croyais qu’il n’y avait que des policiers, ici…

— Pas de problème, répondis-je. Tout va bien.

— Hé, lança l’autre flic, vous ne seriez pas ce gars ? Le consultant voyant dont m’a parlé Carmichael ?

— Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat, dis-je avec un sourire sans joie.

Les deux policiers rigolèrent, puis embarquèrent leur prisonnier qui continuait à murmurer d’une voix de dingue :

— Je te vois, je te vois, magicien. Je vois le Traqueur.

Je retournai m’asseoir. J’avais mal à la tête et mon estomac faisait des siennes. Le Traqueur. C’était la première fois que je rencontrais ce camé et je n’avais pas senti la subtile vibration qui imprègne l’atmosphère autour d’un adepte des arts mystiques.

Comment avait-il pu distinguer l’ombre du Traqueur dans ce cas ?

Pour une raison que je n’ai pas le temps d’expliquer, je porte une marque indélébile. Un vestige de la présence d’un esprit chasseur, une sorte d’assassin spectral connu sous le nom de : « Traqueur ». Contre toute attente, j’avais survécu à ceux qui me l’avaient envoyé. Pourtant, même si j’ai toujours réussi à lui échapper, ceux qui ont le don de double vue peuvent voir cette marque qui me suit comme une ombre infâme. Une sorte de cicatrice spirituelle qui me rappelle cette rencontre.

Seuls les magiciens sont capables de percevoir les auras et les manifestations surnaturelles, et ce drogué n’en était pas un.

Mes conclusions au sujet du Troisième Œil étaient-elles erronées ? Cette drogue pouvait-elle vraiment conférer le don de clairvoyance ?

Je frémis rien que d’y penser.

Quand on apprend à ouvrir son troisième œil, on découvre un monde merveilleux, si magnifique qu’il donne les larmes aux yeux – ou une vision d’horreur, des choses qui transforment les pires cauchemars en oasis de réconfort. Le passé, le futur et la véritable nature de l’Univers se dévoilent. On remarque les souillures psychiques, les âmes en peine, les feys de toutes sortes et toutes les nuances de l’éblouissant pouvoir de l’Outremonde. Tout ça se grave dans le cerveau pour l’éternité. Sous peine de devenir fous en quelques semaines, les mages apprennent vite à contrôler leurs perceptions extrasensorielles et à ne les utiliser qu’en cas d’extrême urgence.

Si cette drogue ouvrait pour de bon le troisième œil des mortels – plutôt que de leur donner de simples hallucinations –, elle était bien plus dangereuse qu’on pouvait le croire, même en considérant les effets délétères constatés sur le camé que j’avais arrêté. En outre, si un accro ne perdait pas la raison à cause des visions, il parviendrait à percer l’illusion qui dissimule certains êtres portés à côtoyer régulièrement l’humanité. Dans ce cas, ces créatures se verraient contraintes de se défendre pour protéger leur déguisement. Bref, le drame assuré.

— Dresden, lâcha Murphy. Debout !

— Je ne dormais pas, grognai-je. Je reposais mes yeux.

— Pas à moi, Harry !

Murph me glissa une tasse de café dans les mains. Elle l’avait sucré avec une pelle, juste comme j’aime, et son goût de chaussette était savoureux.

— Tu es un ange, dis-je en avalant une gorgée. Tu veux entendre mon rapport dans ton bureau ?

Murph ne me quitta pas des yeux pendant que je buvais.

— Très bien, allons-y. Au fait, c’est cinquante cents le café, Harry.

Je la suivis jusqu’à son caisson de murs en aggloméré avec une porte du même matériau mal ajustée. On y avait collé une feuille avec l’inscription : « INSP. KARRIN MURPHY » écrite au marqueur noir. La trace d’une ancienne plaque marquait le passage d’un autre policier malchanceux. On n’avait pas pris la peine d’en faire une nouvelle – un autre indice plus ou moins subtil du statut précaire du responsable des Enquêtes spéciales.

L’intérieur contrastait totalement avec l’extérieur.

Le mobilier impeccable était dans les tons sombres, et un PC, allumé en permanence, trônait sur la gauche. Un panneau organisant les différentes enquêtes couvrait l’un des murs, celui de droite était décoré avec le diplôme universitaire de Murphy, plus ses brevets d’aïkido et de tireuse d’élite. On ne pouvait pas les manquer pendant un interrogatoire.

C’était tout Murphy : organisée, directe, déterminée, et un poil belliqueuse.

Comme d’habitude, elle me précéda pour éteindre puis débrancher son ordinateur et sa radio. Elle connaissait mon potentiel destructeur en matière d’électronique. Ces précautions prises, je pus entrer.

Je pris une chaise et décidai de finir mon café. Murph s’assit sur un coin de bureau, les fentes de ses yeux bleu acier rivées sur moi. En ce radieux dimanche, elle était habillée comme le reste de la semaine : pantalon noir et chemise noire mettant en valeur sa crinière blonde, avec un collier d’argent et des boucles d’oreilles assorties. Classe. Je me faisais l’effet d’un clochard avec mon vieux sweater froissé, mon manteau crasseux et mes cheveux en bataille.

— Très bien, Harry. Qu’est-ce que tu as pour moi ?

Je pris une gorgée de café et étouffai un bâillement avant de poser mon gobelet près de son PC. Elle le mit sur un sous-verre pendant que je commençais mon rapport.

— J’ai passé la nuit dessus et j’ai eu un mal de chien à analyser le sort. D’après mes recherches, il est presque impossible de le lancer sur une personne, alors deux…

— Ne me parle pas d’impossibilité ! J’ai deux macchabées qui me hurlent le contraire.

— Laisse-moi finir. Il faut que tu comprennes l’ensemble du processus, si tu veux en saisir les subtilités.

Ses yeux lançant des éclairs, Murphy s’appuya un peu plus sur son bureau et sa voix se fit froide et acérée comme un scalpel :

— Aucun problème, explique-moi donc tout ça.

— Le meurtrier a utilisé un sort de thaumaturgie, dis-je en me frottant les yeux. J’en suis certain. Il ou elle a utilisé des cheveux ou des ongles des victimes pour établir un lien avec elles. Après, le tueur a arraché le cœur symbolique d’une poupée rituelle ou d’un animal sacrificiel avant d’utiliser une quantité astronomique d’énergie pour infliger la même chose à Tommy et Jennifer.

— Je croyais que tu avais du neuf, Harry.

— J’y viens. La puissance nécessaire pour réaliser un tel sort est monstrueuse. Il est plus simple de provoquer un petit séisme que d’affecter un être vivant de cette manière. Je pourrais y arriver avec un type qui m’aurait vraiment mis en colère – sans y laisser ma peau, mais ce n’est pas sûr.

— Tu souhaites avouer ton crime ? railla Murphy.

— J’ai dit que j’étais assez fort pour faire ça à une personne… Essayer de toucher deux cibles, ce serait la mort assurée.

— Tu es en train de me dire que le coupable est la version magique d’Arnold Schwarzenegger ?

— On peut le voir comme ça, oui… Je pense plutôt à quelqu’un de très compétent. La puissance pure ne fait pas tout dans le succès d’un sort. Il faut aussi de la concentration. Plus on est concentré, plus grand est le pouvoir investi au même endroit, au même moment. L’effet du rituel est augmenté d’autant. Un peu comme quand un vieux Chinois maître des arts martiaux brise un tronc d’arbre à mains nues. Il serait incapable de soulever un chiot, mais il peut focaliser le peu de pouvoir dont il dispose pour réaliser des prodiges.

Murphy jeta un coup d’œil à ses diplômes d’aïkido et hocha la tête.

— Je te suis mieux… On a donc affaire au M. Miyagi de la sorcellerie.

— Ou alors, dis-je en levant le doigt, il y a plus d’un magicien impliqué. Ils ont pu associer leurs pouvoirs pour renforcer le sortilège. Le travail d’équipe, il n’y a que ça de vrai !

La migraine, l’estomac retourné et la caféine commençaient à me pousser dans le coaltar.

— Plus d’un tueur, murmura Karrin. J’ai déjà du mal à choper celui-là, et tu me dis qu’il pourrait avoir cinquante.

— Treize, précisai-je. Jamais plus de treize. Mais je n’y crois pas. C’est infernal à organiser. Tous les membres du cercle doivent s’impliquer dans le sort, ne pas douter ni avoir de scrupules. En plus, ils doivent se faire une confiance absolue. C’est assez rare dans les bandes de tueurs classiques, à part les plus fanatiques, comme les sectes ou les organisations politiques.

— Une secte ? dit Murphy. S’il y a une fuite, Les Arcanes en feront leurs choux gras. Donc, Bianca est bel et bien mouillée, finalement. Je suis sûre qu’elle a assez d’ennemis capables d’aller jusque-là pour se débarrasser d’elle.

La douleur augmentait, mais le puzzle prenait tournure.

— Non, sur ce point, tu te goures… L’assassin ne voulait pas atteindre Bianca en effaçant la pute et le mafieux.

— Comment le sais-tu ?

— Je suis allé la voir.

— Bordel, Harry !

— Tu sais très bien quelle ne t’aurait rien dit, Murph, répondis-je sans me formaliser. C’est un monstre de la vieille école, qui ne collabore pas avec les autorités.

— Mais à toi, elle t’a parlé, c’est ça ?

— Je l’ai demandé poliment.

— Je te briserais en mille morceaux, si tu n’avais pas déjà l’air d’une ruine ! Qu’as-tu découvert ?

— Bianca n’est au courant de rien. Elle était nerveuse et apeurée.

J’évitai de mentionner qu’elle avait essayé de me déchiqueter.

— Donc le message n’était pas adressé à Bianca, continua Murphy.

— Non, à Tommy Marcone, dis-je.

— Une nouvelle guerre des gangs, et messieurs-les-hommes se sont mis à la sorcellerie, par-dessus le marché. De la magie mafieuse, bon Dieu !

— Une guerre des gangs ? avançai-je. Les fournisseurs de Troisième Œil contre les trafiquants classiques, c’est ça ?

— Exact, lâcha Murphy. Comment tu le sais ? On n’a rien dit aux journaux.

— Je viens de me colleter avec un mec éclaté au Troisième Œil. Vu ce qu’il m’a dit, cette came n’est pas pour les enfants de chœur. Faut vraiment être un enfoiré de putain de magicien pour produire une grande quantité de ce type de drogue.

Les yeux de l’inspectrice s’illuminèrent.

— Alors, celui qui inonde les rues avec le Troisième Œil…

— … est l’assassin de Jennifer Stanton et de Tommy Tomm. J’en suis presque sûr.

— Ça colle, dit Murphy. Bon, tu sais combien de personnes sont capables de lancer ce sort ?

— Bon sang, Murph ! Tu ne peux pas me demander de te fournir une liste de suspects pour que tu les passes à tabac !

Elle se pencha sur moi comme un faucon sur un mulot.

— Faux, Harry. Je peux le faire. Je peux te demander de me les donner. Si tu refuses, je te coffrerai pour entrave à la justice et complicité en moins de temps qu’il n’en faut pour dire : « abracadagnouf » !

J’avais si mal à la tête. Elle pulsait, pulsait, pulsait…

— J’ai déjà eu le temps d’attraper la migraine, répondis-je. Tu ne me ferais pas ça, Murph. Je te connais. Tu sais très bien que si j’avais quoi que ce soit d’utile, je te le refilerais. Laisse-moi participer à l’enquête, donne-moi une chance de…

— Non, Harry. Jamais ! Je nage dans un océan de merde, et je n’ai pas besoin de toi sur mes épaules. Tu es blessé, et n’essaie pas de me faire croire que tu es tombé dans un escalier. Je n’ai aucune envie de ramasser ton cadavre. L’assassin de Tommy Tomm s’énervera quand il découvrira qu’on le recherche. Ce n’est pas ton boulot, c’est le mien !


— Comme tu veux. Après tout, c’est toi qui as une date butoir.

Murphy pâlit et ses yeux étincelèrent.

— T’es vraiment qu’un pourri, Harry !

Je m’apprêtai à répondre, sans déconner, mais mon crâne commença à se dévisser, à trembler, et tout se mit à tourner. Ma chaise tangua sur ses pieds et je décidai qu’il était plus sage de me tortiller sur le sol, avec toute la pétulance d’un lombric.

Contre ma joue, le lino était frais et agréable. Très confortable, tout ça…

Ma tête cognait comme un tambour. Dommage, ça gâchait ma sieste.

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