46 Être forgée de nouveau

Après la traversée triomphale du pont, les événements s’enchaînèrent à une vitesse folle.

Egwene fonça vers la Tour Blanche, Siuan et Gawyn peinant à rester dans son sillage. Une fois arrivée, elle fut prise en charge par des servantes qui la conduisirent dans une pièce aux murs lambrissés meublée en tout et pour tout par deux fauteuils rembourrés. Une sorte d’antichambre du Hall – où, selon les domestiques, les représentantes attendaient leur Chaire d’Amyrlin.

Un brasero réchauffait l’air qui charriait une forte odeur de cuir.

Très vite, une sœur marron aux vagues allures de grenouille vint expliquer à Egwene comment se comporter pendant la cérémonie à venir. Nommée Lairain, cette petite femme aux cheveux bouclés semblait totalement insensible à l’importance du moment. De sa vie, Egwene ne l’avait jamais vue. Sans doute parce qu’elle devait passer son temps à la bibliothèque, en sortant une fois par siècle pour débiter des consignes à une future Chaire d’Amyrlin.

Egwene écouta attentivement. Elle avait déjà vécu la cérémonie, qui suivait un protocole précis.

Comment oublier sa nervosité, des mois plus tôt, quand elle avait été « élevée » à Salidar ? À l’époque, elle n’avait pas vraiment mesuré ce qui lui arrivait. Elle, Chaire d’Amyrlin ?

Aujourd’hui, ce stade dépassé, elle ne s’inquiétait plus de commettre une bévue pendant le rituel. Après tout, ce n’était que du décorum, une fois prise la décision importante.

Alors qu’elle écoutait Lairain, Egwene entendit la voix de Siuan, qui, dans le couloir, discutait ferme avec une sœur. Selon l’ancienne Chaire d’Amyrlin, Egwene ayant déjà été nommée, « toute cette agitation ne servait strictement à rien ».

Faisant signe à Lairain de se taire, Egwene appela Siuan, qui passa la tête par la porte.

— J’ai été nommée par les rebelles, Siuan. Ces sœurs méritent de se lever pour moi à leur tour. Sinon, comment pourrai-je revendiquer leur loyauté ? La cérémonie doit avoir lieu de nouveau.

— Compris, marmonna Siuan, dépitée.

Lairain voulut reprendre sa litanie, mais Egwene lui fit encore signe de se taire.

— Quelles sont les nouvelles, Siuan ?

L’ancienne Chaire d’Amyrlin ouvrit un peu plus la porte.

— Les hommes de Bryne ont presque tous traversé le pont. Notre général a libéré les Gardes de la Tour de leur affectation, derrière la barricade, et, avec plusieurs escouades de nos soldats, il les a envoyés éteindre les incendies qui continuent à faire rage en ville. Pour faciliter leur retraite, les Seanchaniens ont semé la destruction partout.

Voilà qui expliquait en partie le peu de Gardes présent derrière la barricade. Surtout à un moment où le Hall débattait de la nomination d’Egwene au poste suprême.

Tous ces gens ne mesuraient sûrement pas à quel point on était passé près d’un massacre.

— Que comptes-tu faire des sœurs de notre camp ? demanda Siuan. Elles commencent à s’interroger.

— Dis-leur de se rassembler devant la porte du Soleil-Couchant. Qu’elles se tiennent en rangs par Ajah, les représentantes alignées devant elles. Quand la cérémonie sera terminée, j’irai les accueillir et accepter officiellement leur repentir. Puis je les accueillerai de nouveau à la tour.

— Leur repentir ? répéta Siuan, incrédule.

— Elles se sont révoltées contre la tour, Siuan. Même si leur démarche était justifiée, il est normal de s’en excuser.

— Bon sang, tu étais avec elles !

— Oui, mais je ne les représente plus exclusivement. J’incarne la tour, Siuan. La tour entière. Et la tour a besoin de savoir que les « renégates » sont désolées d’avoir semé la division. Nos sœurs n’auront pas besoin de mentir en affirmant qu’elles regrettent de ne pas être restées, mais j’estime juste qu’elles se disent navrées des conséquences de leurs actes. Dès que je les aurai acquittées, on s’attaquera à la réunification, ce qui ne sera pas un jeu d’enfant.

— Bien, Mère, souffla Siuan, accablée.

Egwene vit que Tesan se tenait derrière l’ancienne Chaire d’Amyrlin. Les propos de la nouvelle semblaient la combler d’aise.

Egwene autorisa Lairain à reprendre son exposé. Puis elle lui répéta les phrases qu’elle devrait dire, et récapitula les gestes qu’il lui faudrait faire.

Quand la sœur marron en eut fini, Egwene se leva, approcha de la porte et constata que Siuan était bien partie transmettre ses ordres.

Les bras croisés, Tesan se tenait non loin de Gawyn, adossé au mur, une main posée sur le pommeau de son épée.

— Ton Champion ? demanda Tesan à la Chaire d’Amyrlin.

Egwene regarda Gawyn et dut faire face à une déferlante d’émotions. La colère, l’affection, la passion et le regret.

Elle chercha le regard du prince.

— Tu ne peux pas assister à ce qui me reste à faire, Gawyn. Attends-moi ici.

Le prince voulut objecter quelque chose, mais il se ravisa et se fendit d’une révérence très raide. Un geste plus insolent que la pire des tirades.

Egwene soupira discrètement – mais assez fort pour qu’il l’entende –, puis elle ordonna à Tesan de la guider jusqu’au Hall de la Tour.

Le Hall, à la fois un lieu et un groupe de représentantes… Un peu comme le titre d’Egwene, qui désignait aussi bien sa personne que le siège d’où elle régnait.

Devant les portes sculptées de la Flamme de Tar Valon, la jeune Chaire d’Amyrlin hésita, le cœur battant la chamade.

Siuan jaillit de nulle part, une paire de fines chaussures à la main. Impérieuse, elle désigna les bottes d’Egwene.

Oui, bien vu, car le sol du Hall était joliment peint. En se répétant qu’elle n’avait aucune raison d’être nerveuse, Egwene changea de souliers.

Je suis déjà passée par là…, pensa-t-elle. Et pas qu’à Salidar. Pour mon épreuve d’Acceptée, je me suis trouvée face à cette porte, puis aux femmes qui m’attendaient derrière.

Un gong sonna, assez fort, semblait-il, pour faire trembler la tour sur ses fondations. Un son censé informer toutes les sœurs qu’une nouvelle dirigeante allait être nommée.

Alors que le boucan continuait, les portes s’ouvrirent.

À Salidar, la cérémonie avait eu lieu dans un humble bâtiment de bois. Rien à voir avec ce qui se passerait aujourd’hui. Encore que… En un sens, cet événement avait été une répétition générale.

Quand les portes eurent fini de s’ouvrir, Egwene dut étouffer un petit cri. La grande salle où bien des choses se décidaient était aussi blessée que le reste de la tour. Un trou béait dans un mur, directement en face de l’entrée. Dans le lointain, on apercevait le pic du Dragon.

À part ça, le Hall semblait moins endommagé que les autres secteurs de la tour. Peu de gravats, et quasiment aucune destruction intérieure. L’estrade était toujours là, dans un coin, et les sièges qu’elle supportait n’avaient pas souffert.

Dix-huit fauteuils, par groupe de trois, chaque trio étant peint aux couleurs de l’Ajah auquel il était réservé.

La Chaire d’Amyrlin – à savoir le siège qui portait le même nom que la dirigeante – se dressait au fond de la salle, devant le grand trou qui laissait voir le pic du Dragon. Si la frappe des Seanchaniens avait été plus puissante, la Chaire aurait été détruite. La Lumière en soit louée, elle semblait intacte.

Dans l’air, Egwene sentit comme une odeur de peinture. Avait-on ajouté en catastrophe une septième couleur à l’auguste siège ? Dans ce cas, les artisans avaient travaillé à la vitesse de l’éclair. Cela dit, ils n’avaient pas eu le temps de remettre en place les fauteuils des représentantes bleues.

Egwene vit que Saerin, Doesine et Yukiri avaient pris place avec leur Ajah respectif. Seaine était là aussi, ses yeux calculateurs rivés sur la jeune Chaire d’Amyrlin. Quel était le rôle joué par ces quatre femmes dans cette histoire ?

Suana, de l’Ajah Jaune, souriait béatement. Derrière l’impassibilité coutumière des autres sœurs, Egwene devina une profonde approbation. Ou au minimum, une totale absence d’hostilité. Les chasseuses de sœurs noires n’étaient donc pas seules à avoir pris cette décision.

Dans le coin de l’Ajah Marron, Saerin se leva.

— Qui se présente devant le Hall de la Tour ? demanda-t-elle d’une voix qui portait loin.

Egwene hésita, regardant les représentantes assises autour de la plate-forme dans les trios de sièges disposés à intervalles réguliers. Beaucoup trop de ces fauteuils étaient vides. Talene s’étant enfuie des semaines plus tôt, il n’y avait que deux représentantes vertes. Chez les sœurs grises, Evanellein brillait par son absence, car elle s’était volatilisée le matin même.

Velina et Sedore étaient également parties. De mauvais augure, ça… Ces deux sœurs figuraient sur la liste de Verin. Les avait-on prévenues ? La disparition d’Evanellein signifiait-elle que Verin n’avait pas su la démasquer ?

Il n’y avait pas de représentantes rouges non plus. Soudain, Egwene se rappela que Duhara avait quitté la tour des semaines plus tôt. Nul ne savait pourquoi, mais on murmurait qu’elle était en mission pour Elaida. Peut-être avait-elle au contraire des choses à faire pour l’Ajah Noir. Les deux autres représentantes rouges, Javindhra et Pevara, avaient disparu mystérieusement.

Il restait donc onze représentantes. Selon les lois de la tour, pas assez pour nommer une Chaire d’Amyrlin. Mais après la dissolution de l’Ajah Bleu – un des crimes d’Elaida –, cette partie des lois avait été amendée. Moins de représentantes en tout, ça impliquait un quorum moindre pour élever une dirigeante. Aujourd’hui, onze était le nombre minimal requis. Au moins, toutes les représentantes vivant à la tour avaient été prévenues, contrairement à la mascarade qui avait permis la nomination d’Elaida. Et Egwene pouvait être raisonnablement sûre qu’aucune sœur noire ne se prononcerait pour elle.

Saerin se racla la gorge, regarda Egwene, hésitante, et répéta :

— Qui se présente devant le Hall de la Tour ?

Debout dans un coin, Tesan se pencha en avant comme pour souffler la réponse à Egwene. D’une main, celle-ci lui indiqua de ne pas intervenir.

Parce qu’elle avait en tête une idée des plus audacieuses. Un pari, certes, mais très approprié. Elle en était sûre, et rien ne l’en ferait démordre.

— L’Ajah Rouge est en disgrâce ? demanda-t-elle à Tesan.

La sœur blanche hocha la tête, ses nattes frôlant les contours de son visage.

— Les sœurs rouges, tu n’as plus besoin de t’en soucier, dit-elle avec son léger accent du Tarabon. Après la disparition d’Elaida, elles se sont retranchées dans leurs quartiers. Les femmes que tu vois ici ont eu peur qu’elles élisent très rapidement de nouvelles représentantes et les fassent participer à cette cérémonie. Je crois qu’une lettre très ferme du Hall de la Tour les en a dissuadées.

— Et Silviana Brehon, elle est toujours incarcérée ?

— Oui, Mère, pour autant que je sache.

Un lapsus intéressant. « Mère », alors qu’Egwene, officiellement, n’avait pas encore été confirmée par le Hall.

— Ne t’inquiète pas pour Leane. Elle a été libérée puis conduite auprès des rebelles pour attendre ton pardon avec elles.

Egwene acquiesça pensivement.

— Qu’on fasse venir Silviana ici – sur-le-champ.

Tesan se rembrunit.

— Mère, je ne crois pas que ce soit le moment de…

— Exécution ! siffla Egwene.

Elle se tourna vers les représentantes et répondit selon le rituel :

— Une femme qui vient avec obéissance dans la Lumière.

Saerin se détendit un peu.

— Qui se présente devant le Hall de la Tour ? demanda-t-elle encore.

— Une femme qui vient humblement dans la Lumière, répondit Egwene.

L’une après l’autre, elle dévisagea les représentantes. Une main ferme… Oui, elle devrait être inflexible. Ces femmes avaient besoin d’autorité.

— Qui se présente devant le Hall de la Tour ? demanda une dernière fois Saerin.

— Une femme qui vient avec obéissance et humilité répondre à une convocation du Hall – et qui consent à accepter sa volonté.

La cérémonie continua, chaque représentante dévoilant sa poitrine afin de prouver qu’elle était une femme. Egwene fit de même et faillit rougir en pensant à Gawyn, qui avait cru qu’elle lui permettrait d’assister au rituel.

— Qui représente cette femme, demanda Saerin, s’engageant pour elle, cœur pour cœur, âme pour âme et vie pour vie ?

Alors que les représentantes s’étaient rhabillées, Egwene restait torse nu, le courant d’air qui s’engouffrait par le trou la faisant frissonner.

Yukiri, Seaine et Suana furent les premières à se lever.

— Je m’engage pour elle, dirent-elles avec un bel ensemble.

Lors de sa première cérémonie d’élévation, Egwene était en état de choc. À chaque étape, elle crevait de peur de faire une erreur. Plus grave encore, elle avait angoissé à l’idée que sa nomination puisse être une ruse ou une erreur.

Cette peur n’était plus présente. Alors qu’on posait les questions rituelles, Egwene avança de trois pas puis s’agenouilla sur le sol repeint sur ordre d’Elaida pour qu’il n’y ait plus que six couleurs autour de la Flamme de Tar Valon.

Cette fois, insensible à la pompe de l’instant, Egwene voyait le fond des choses. Ces femmes étaient terrifiées. Comme celles de Salidar, à l’époque. La Chaire d’Amyrlin incarnait la stabilité, et c’était de ça qu’elles avaient besoin.

Pourquoi l’avait-on choisie ? Dans les deux occasions, une unique réponse. Parce qu’elle était la seule sur qui tout le monde pouvait se mettre d’accord. Parmi les représentantes, certaines souriaient, mais elles exprimaient la joie mauvaise de femmes qui avaient réussi à barrer le chemin du pouvoir à une rivale. D’autres étaient simplement ravies que quelqu’un se dévoue pour réparer les dégâts.

Dans le lot, y avait-il aussi quelques sœurs soulagées que l’étole ne leur soit pas tombée sur les épaules ? C’était bien possible. Le poste suprême, dans l’histoire récente, avait été cerné par le danger, la trahison et la violence. En deux occasions, un règne avait connu une fin tragique.

À Salidar, Egwene s’était d’abord dit que des idiotes l’avaient choisie. Plus expérimentée, désormais, et sans doute plus sage, elle savait qu’elle s’était trompée. Dans cette affaire, il n’y avait pas eu d’idiotes, mais des sœurs qui apaisaient leur peur en se montrant maladivement prudentes. Prudentes, mais singulièrement arrogantes, en même temps. Choisir quelqu’un dont l’échec les aurait laissées de marbre était certes un risque, mais qui ne les mettait pas directement en danger.

Aujourd’hui, ces représentantes jouaient la même pièce. Leur peur, elles la dissimulaient derrière un visage de marbre et des actes apparemment raisonnables.

Onze représentantes unanimes, toutes debout pour la nouvelle dirigeante. Pas une seule dissidente. Lors de cette cérémonie, il n’y aurait pas de lavement des pieds.

Egwene ne fut pas surprise par cette unanimité. Elaida portée disparue, une armée à leur porte, ces femmes n’avaient pas le choix. Et pour des Aes Sedai, le mieux était de se comporter comme s’il n’y avait jamais eu de désaccord. Le consensus avant tout.

Saerin parut surprise qu’aucune femme ne soit restée assise, ne serait-ce que pour montrer qu’on ne lui forçait pas la main. À dire vrai, certaines représentantes étaient étonnées aussi. Fine mouche, Egwene suspecta qu’elles regrettaient de s’être engagées si vite. En restant la seule assise, une sœur pouvait se gagner un certain pouvoir – en forçant Egwene à laver les pieds de toutes les représentantes puis à implorer la permission de servir. Bien entendu, ça pouvait être aussi une façon de se distinguer en mal – et de s’attirer l’antipathie de la nouvelle Chaire d’Amyrlin.

Lentement, toutes les sœurs se rassirent. Pour la suite, Egwene n’aurait besoin d’aucune assistance, et personne ne lui en proposa. Se levant, elle traversa la salle, ses belles chaussures ne faisant presque aucun bruit sur les dalles peintes. Le vent froid qui s’engouffrait la fit frissonner de plus belle. Avoir choisi de se réunir ici, en dépit de la brèche, en disait long sur la valeur symbolique de cet endroit.

Saerin rejoignit Egwene devant la Chaire majestueuse. Après avoir reboutonné le corsage de sa dirigeante, l’Altarienne au teint olivâtre saisit l’étole qui reposait sur le siège.

La vraie étole, celle qui comptait sept couleurs. Elaida l’avait mise au rebut, mais quelqu’un était parvenu à la retrouver.

Soupesant l’étole comme si elle cherchait à l’évaluer, Saerin chercha le regard d’Egwene.

— Es-tu certaine de vouloir porter ce fardeau, Egwene al’Vere ?

— Je le porte déjà, Saerin, souffla Egwene. Elaida a souillé l’étole quand elle s’est permis de la dépouiller d’une couleur. Moi, j’ai repris le flambeau, et je ne l’ai jamais lâché depuis. Je le porterai jusqu’à ma mort, c’est juré.

— C’est pour ça que tu le mérites, dit Saerin. Les jours qui nous attendent seront uniques dans l’histoire du monde. Dans un lointain futur, quand les érudits se pencheront sur notre époque, je parie qu’ils la jugeront plus terrible pour le corps, l’esprit et l’âme que l’Ère de la Folie ou même celle de la Dislocation.

— S’il en est ainsi, nous sommes une chance pour le monde, non ?

Saerin hésita avant d’acquiescer.

— Je suppose qu’on peut le dire…

Elle posa l’étole sur les épaules d’Egwene et, accompagnée par toutes les représentantes, récita la formule rituelle.

— Te voilà élevée au rang de Chaire d’Amyrlin, dans la gloire de la Lumière, et puisse la Tour Blanche continuer à exister pour les siècles des siècles. Egwene al’Vere, Protectrice des Sceaux, Flamme de Tar Valon et Chaire d’Amyrlin…

Egwene balaya du regard les représentantes, puis elle s’assit sur ce qui deviendrait son trône. Euphorique, elle se sentait comme quelqu’un qui revient à la maison après un très long voyage. Le monde pliait sous le contact du Ténébreux, mais il semblait soudain plus beau et plus juste. Plus sûr, aussi ? Eh bien, ça, c’était très subjectif.

Les Aes Sedai se mirent en rang devant leur nouvelle dirigeante. Par ordre d’âge, Saerin fermant la marche. Une à une, elles s’agenouillèrent devant leur Mère, demandèrent l’autorisation de la servir puis embrassèrent sa bague au serpent avant de s’écarter.

Lors de ce rituel, Egwene remarqua que Tesan était revenue. Passant la tête dans la salle, elle s’assura que tout le monde était rhabillé, puis entra, laissant dans son sillage quatre Gardes de la Tour qui escortaient une prisonnière.

Egwene ravala un soupir. Ces hommes amenaient Silviana, mais couverte de chaînes.

Après le baiser à la bague, la cérémonie était quasiment terminée. Désormais, au terme de tant de mésaventures, Egwene al’Vere était bel et bien la Chaire d’Amyrlin.

Le moment idéal pour surprendre son monde.

— Détachez la prisonnière ! ordonna-t-elle.

Encore dans le couloir, les Gardes obéirent avec force cliquetis de métal. Intriguées, les représentantes tournèrent la tête vers la porte.

— Silviana Brehon, dit Egwene en se levant, tu peux approcher de la Chaire d’Amyrlin.

Les soldats s’écartèrent pour laisser entrer la Maîtresse des Novices. Si sa robe rouge était naguère superbe, elle n’avait pas résisté à un séjour dans les geôles d’Elaida.

D’habitude en chignon, les cheveux noirs de Silviana étaient tressés et… emmêlés. Malgré son piteux état, la tortionnaire d’Egwene gardait toute sa sérénité.

Bizarrement, une fois la salle traversée, elle s’agenouilla devant la Chaire d’Amyrlin. Tendant une main, celle-ci lui permit d’embrasser sa bague au serpent.

Troublées qu’Egwene ait interrompu la cérémonie, les représentantes se regardèrent nerveusement.

— Mère, demanda Yukiri, est-ce le bon moment pour prononcer des sentences ?

Egwene retira sa main à Silviana puis regarda Yukiri et les autres sœurs.

— Vous portez un lourd fardeau de honte, leur dit-elle.

Toujours de marbre, les Aes Sedai n’en froncèrent pas moins les sourcils, les yeux ronds. Étaient-elles furieuses ? Eh bien, elles n’en avaient pas le droit. À côté de celle d’Egwene, leur rage n’était rien.

— Ça ! lança Egwene en désignant le mur percé. Vous êtes responsables de ça. (Elle désigna Silviana, toujours agenouillée.) Et de ça ! Et de la façon dont nos sœurs se regardent lorsqu’elles se croisent dans les couloirs. Et de la division de la tour, qui aurait pu être moins longue sans vous. Mais en réalité, cette division, vous en êtes les artisanes !

» Vous êtes des objets de honte ! Fierté de la Lumière et incarnation de la stabilité et de la loyauté depuis l’Âge des Légendes, la Tour Blanche a manqué être détruite à cause de vous.

Les yeux à présent écarquillés, certaines sœurs semblaient au bord de la crise d’apoplexie.

— Elaida…, commença l’une d’elles.

— Elaida était folle, et vous le saviez toutes autant que vous êtes. Vous ne pouviez pas l’ignorer ces derniers mois, alors qu’elle œuvrait à nous détruire, peut-être sans en avoir conscience. Mais certaines d’entre vous, j’en suis sûre, le savaient déjà le jour où elles l’ont nommée Chaire d’Amyrlin.

» Des dirigeantes à l’esprit dérangé, il y en a eu d’autres, mais aucune n’est passée si près de démolir la tour. Mais qui doit contrôler la Chaire d’Amyrlin ? Vous ! C’était à vous de l’empêcher de faire n’importe quoi. Lui avez-vous vraiment permis de dissoudre un Ajah ? Où aviez-vous la tête ? Comment avez-vous pu laisser la tour tomber si bas ? Au moment où le Dragon Réincarné en personne arpente le monde, en plus de tout.

» Vous auriez dû la destituer quand elle a tenté d’incarcérer Rand jusqu’à l’Ultime Bataille. Vous auriez dû la destituer quand sa mesquinerie et ses obsessions montaient les Ajah les uns contre les autres. Enfin, vous auriez sûrement dû la destituer quand elle a refusé de lever un cil pour rendre son intégrité à la tour.

Egwene croisa le regard de chaque représentante, le soutenant jusqu’à ce que la femme baisse les yeux. Ce qui ne tarda jamais.

Enfin, Egwene vit de la honte sous la façade impassible de ces Aes Sedai. Par la Lumière, il était temps !

— Aucune d’entre vous ne s’est opposée à Elaida. Et vous osez vous faire appeler le Hall de la Tour. Vous, les planquées ? Vous les couardes qui n’avez jamais fait ce qui s’imposait ? Vous qui étiez trop prises par vos querelles d’influence pour voir la véritable menace.

Egwene baissa les yeux sur Silviana.

— Parmi les femmes présentes dans cette salle, une seule a eu le cran de se battre pour ce qu’elle savait juste. Une seule a osé défier Elaida – en acceptant le prix à payer. Et cette femme, vous pensez que je l’ai fait venir pour lui jeter une sentence à la figure ? Histoire de me venger, sans doute… Vous êtes donc assez aveugles pour croire que je punirais la seule personne qui, dans cette flèche blanche, s’est comportée équitablement et dignement.

Toutes les représentantes avaient baissé les yeux, désormais. Même Saerin.

Silviana leva les siens.

— Tu as accompli ton devoir, Silviana, lui assura Egwene. Avec compétence et sérieux. Relève-toi, je t’en prie.

La Maîtresse des Novices se redressa. Hagarde, les yeux bouffis, elle semblait avoir du mal à tenir debout. Ces derniers jours, si chaotiques, quelqu’un avait-il pensé à lui apporter à boire et à manger ?

— Silviana, continua Egwene, une nouvelle Chaire d’Amyrlin a été nommée. Avec des manœuvres aussi illégales que lors de l’élévation d’Elaida. Sur sept Ajah, cinq seulement étaient représentés. Le Bleu me soutiendrait, n’importe où qu’il soit. Le Rouge, en revanche, n’a jamais eu droit à la parole.

— Mère, il y a de bonnes raisons à cela, rappela Silviana.

— C’est sans doute vrai, mais il n’en reste pas moins que mon règne sera perturbé par des tensions entre les sœurs rouges et moi. Elles verront de la mauvaise foi là où il n’y en a pas, et je n’aurai pas le soutien de centaines de femmes. Des renforts perdus alors que nous en avons tant besoin…

— Mère, je ne vois pas que faire contre ça, dit Silviana, avec une grande sincérité.

— Moi, je vois… Silviana Brehon, je te nomme Gardienne des Chroniques. Qu’on ne dise jamais que j’ai discriminé l’Ajah Rouge.

Silviana en cilla de surprise. Quelques représentantes ne purent retenir un petit cri, mais Egwene n’eut pas le temps de voir lesquelles.

S’en fichant, elle chercha le regard de Silviana. Quelque temps plus tôt, cette femme la frappait sur l’ordre d’Elaida. À présent, elle s’agenouillait sans qu’on ait besoin de le lui ordonner. Acceptant l’autorité du Hall, elle ne contestait pas la nomination d’Egwene. Mais accepterait-elle Egwene elle-même ?

La proposition de la nouvelle Chaire d’Amyrlin la mettrait dans une position délicate. Les sœurs rouges, pour commencer, risquaient d’y voir une trahison…

Qu’allait répondre Silviana ?

Egwene se félicita de connaître l’astuce qui empêchait de transpirer. Sinon, elle aurait ruisselé de sueur.

— Te servir sera un honneur, Mère, dit Silviana en s’agenouillant de nouveau. Un grand honneur, même.

Egwene en soupira de soulagement. Réconcilier les Ajah ne serait pas facile, mais si les sœurs rouges la voyaient comme une ennemie, ça deviendrait presque impossible. Avec Silviana de son côté, elle pourrait envoyer aux sœurs rouges une émissaire qu’elles écouteraient. En principe…

— Ma fille, les temps à venir seront difficiles pour l’Ajah Rouge. Depuis toujours, il a mission de capturer les hommes capables de canaliser, mais on raconte que le saidin a été purifié.

— Il y aura encore des Naturels dangereux, Mère. Et les hommes ne sont pas dignes de confiance.

Un jour, pensa Egwene, nous devrons dépasser ce préjugé. Pour l’instant, il reste assez vrai, alors, n’y touchons pas.

— Je n’ai pas dit que l’Ajah Rouge ne servirait plus à rien, mais que les temps changeraient – et lui aussi, par la même occasion. Dans l’avenir, je vois de grandes choses pour les sœurs rouges. Une vision plus large, des objectifs redéfinis… Je suis ravie de t’avoir à mes côtés. Tu m’aideras à guider tes sœurs d’Ajah.

Egwene leva les yeux sur les représentantes, qui écoutaient en silence.

— Je vous condamnerais bien à une pénitence, toutes les onze, mais je sais que certaines d’entre vous, dans la coulisse, tentaient d’éviter la destruction de la tour. Vous n’en avez pas assez fait, mais vous n’êtes pas restées passives pour autant. En outre, je trouve que les punitions que nous nous infligeons sont souvent ridicules. Pour une Aes Sedai, qu’est-ce que la souffrance physique ?

Egwene prit une grande inspiration.

— Je ne suis pas innocente non plus. Une partie de votre honte est la mienne, parce que c’est pendant mon règne que ces désastres se sont produits. M’alliant aux rebelles, je leur ai donné l’occasion de me nommer, puisqu’elles n’avaient pas d’autre choix. Mais cet événement-là est aussi une source de culpabilité.


» Assumez votre honte, représentantes ! Mais portez-la avec détermination, et ne la laissez pas vous détruire. L’heure de la guérison a sonné, et il n’y a plus de raisons de désigner des coupables. Vous avez échoué, mais vous êtes tout ce que nous avons. Et ensemble, nous sommes tout ce qu’a le monde.

Les sœurs relevèrent un peu les yeux.

— Venez toutes, dit Egwene avant de traverser la salle à grands pas, Silviana dans son sillage. Allons accueillir les rebelles.

La petite colonne traversa les couloirs jonchés de gravats où planait encore une odeur de fumée. Autant que possible, Egwene évita de regarder les taches de sang.

Les représentantes suivaient, regroupées par Ajah malgré les remontrances de leur dirigeante. Le chemin de la guérison serait long…

— Mère, dit Silviana tout en marchant, je suppose que tu as une Gardienne parmi les rené… les rebelles. Tu comptes en garder deux ?

Au ton de la sœur rouge, on devinait ce qu’elle pensait d’un tel arrangement.

— Non, répondit Egwene. Mon ancienne Gardienne a été exécutée parce qu’elle appartenait à l’Ajah Noir.

— Je vois, fit Silviana, soudain très pâle.

— On ne peut pas négliger ces choses-là, Gardienne… Avant qu’on vienne me sauver, j’ai reçu une visiteuse très importante. Membre de l’Ajah Noir, elle m’a livré les noms de bien d’autres Suppôts dans son genre. J’ai démasqué toutes les traîtresses infiltrées chez les rebelles. Grâce au Bâton des Serments.

— Le Bâton des Serments ?

— Oui, confirma Egwene en s’engageant dans un escalier. Il m’a été remis la nuit dernière par une de mes alliées, à la tour. Cela dit, il me vient à l’esprit qu’il faudra changer les ter’angreal de place, garder leur emplacement secret, et placer des tissages de protection. Dans très peu de temps, toutes les sœurs assez puissantes sauront Voyager, et je ne peux pas permettre que trop d’entre elles – même parmi mes fidèles – empruntent des angreal quand ça leur chante.

— Compris, Mère… (Silviana baissa le ton.) Je vais devoir m’adapter à beaucoup de changements, dirait-on.

— J’en ai peur, oui… Le moindre ne sera pas de choisir une Maîtresse des Novices. Une femme capable de gérer des centaines de nouvelles initiées, dont la plupart n’ont pas l’âge habituel. J’ai déjà lancé le protocole consistant à former toute candidate, quel que soit son âge, qui montre des aptitudes à canaliser le Pouvoir. Je présage que la tour, très bientôt, sera pleine à craquer de novices.

— Je me trouverai une remplaçante sans tarder, Mère.

Egwene approuva du chef. Lorsqu’elles sauraient, pour Silviana, Romanda et Lelaine seraient livides, mais ça n’importait pas. Choisir la sœur rouge était la bonne décision. Pas seulement à cause de sa « couleur », mais parce qu’elle était très compétente. Saerin aussi aurait été un bon choix, mais trop de sœurs l’auraient vue comme le mentor d’Egwene, donc le véritable pouvoir derrière une dirigeante de paille. D’autre part, choisir une sœur bleue aurait été trop clivant, dans l’état actuel de la tour. De plus, avec une Chaire d’Amyrlin ancienne rebelle – ce que personne n’oublierait, quoi qu’elle dise ou fasse –, choisir une « loyaliste » comme Gardienne était un premier pas sur le long chemin sinueux de la guérison.

Très vite, le petit groupe atteignit le Grand Square, du côté oriental de la Tour Blanche. Selon les ordres d’Egwene, l’endroit était bondé de sœurs regroupées par Ajah. Egwene avait choisi cette esplanade à cause du grand escalier menant à la tour qui la dominait. Elle se campa sur le vaste palier, le dos tourné aux magnifiques portes sculptées. Un endroit parfait pour s’adresser à une foule.

C’était aussi un des lieux qui avaient le plus souffert pendant l’assaut des Seanchaniens. De ce côté, des murs entiers s’étaient écroulés et les pertes avaient été très lourdes. Cependant, depuis l’esplanade, la tour elle-même paraissait relativement intacte, aucune des brèches béantes n’étant directement visible.

Egwene vit des silhouettes penchées aux fenêtres les plus basses. Des Aes Sedai, des Acceptées et des novices la regardaient. En plus des rebelles, elle allait avoir l’occasion de s’adresser à la plupart des résidentes de la tour.

Elle généra un tissage d’amplification. Pas pour que sa voix résonne comme le tonnerre, mais pour qu’elle soit entendue partout.

— Mes filles, dit-elle, je viens d’être nommée Chaire d’Amyrlin selon les règles. Les deux camps qui s’affrontaient m’ont choisie. Tous deux ont respecté le rituel, et ils me considèrent aujourd’hui comme la dirigeante suprême de la tour. L’heure de la réunification est venue.

» Je ne ferai pas comme si nos divisions n’avaient pas existé. À la Tour Blanche, nous sommes parfois trop promptes à oublier les choses qui nous dérangent. Pour toutes celles qui l’ont vécu, ce schisme ne peut pas être occulté. Nous étions désunies, c’est une évidence. Et nous avons failli nous faire la guerre. En cela, nous nous sommes abaissées.

» Rebelles qui vous tenez devant moi, un acte terrible doit peser sur vos consciences. Faisant voler en éclats la tour, vous avez nommé une seconde Chaire d’Amyrlin. Pour la première fois, des Aes Sedai ont levé des troupes pour combattre d’autres Aes Sedai. J’étais à la tête de ces troupes. Donc, je sais de quelle honte je parle.

» Nécessaire ou non, c’était un acte indigne ! Voilà pourquoi j’exige que vous reconnaissiez votre culpabilité. Il vous faut assumer la responsabilité de vos crimes, même s’ils ont été commis au nom du bien de toutes.

Egwene regarda les Aes Sedai qui l’écoutaient, en contrebas. Si les avoir forcées à se regrouper par Ajah – puis à lambiner en attendant qu’elle daigne se montrer – ne suffisait pas à leur faire prendre conscience de leur attitude, son sermon y parviendrait peut-être.

— Vous ne venez pas ici couvertes de gloire ! Vous ne venez pas ici victorieuses ! Savez-vous pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de victoire possible quand des sœurs combattent des sœurs, des Champions tuant des Champions.

Repérant Siuan dans les premiers rangs, Egwene chercha son regard malgré la distance. Leane était là aussi, les cheveux en bataille après sa longue incarcération, mais toujours fièrement debout.

— Les deux camps ont commis des erreurs, dit Egwene. Pour les corriger, il faudra travailler dur. Selon les forgerons, une épée ne peut pas être réparée quand elle a été brisée. Pour redevenir une arme redoutable, elle doit être forgée à nouveau, en commençant par la fonte, puis en suivant tout le processus.

» Durant les quelques mois à venir, nous nous reforgerons, mes filles. D’abord brisées, nous avons été arrachées de notre sol, presque jusqu’aux racines. L’Ultime Bataille approche, et avant qu’elle arrive, j’entends que nous soyons redevenues une épée puissante, dévastatrice et sans le moindre stigmate de cassure. Envers vous, j’aurai des exigences, et elles seront éprouvantes. Poussées bien au-delà de vos limites, vous craindrez de craquer, mais vous résisterez. Toutes les brèches noircies, nous les colmaterons !

» Il faudra passer des accords, car à nous toutes, nous avons beaucoup trop de représentantes. Même chose pour les dirigeantes d’Ajah, du moins dans cinq cas sur sept. Certaines d’entre vous devront accepter d’être rétrogradées et de s’incliner humblement devant des femmes qu’elles n’aiment pas.

» Les jours à venir vous éprouveront. Obligées de coopérer avec celles que vous teniez pour des ennemies, vous marcherez à côté de femmes qui vous ont blessées, repoussées voire haïes.

» Mais nous sommes plus fortes que nos faiblesses. La Tour Blanche est toujours debout, et nous nous dresserons avec elle. Bientôt, nous ne serons plus qu’une ! Un groupe dont les légendes parleront encore dans des lustres. Quand j’en aurai fini avec vous, nul n’osera plus écrire sur la « faiblesse » de la tour. Ensuite, nos victoires effaceront jusqu’au souvenir de la division. On ne se souviendra pas de nous comme des sœurs qui se sont déchirées, mais comme celles qui ont tenu bon face aux Ténèbres. Les jours qui nous attendent seront exaltants. Légendaires, même !

Des vivats retentirent, essentiellement poussés par les novices, les Acceptées et les soldats. Pour de tels débordements, les Aes Sedai étaient bien trop réservées. En moyenne. Emportées par l’intensité du moment, quelques-unes des plus jeunes donnèrent de la voix. La Lumière en soit louée, on trouvait de telles « enthousiastes » dans les deux camps.

Egwene attendit un peu, puis elle leva les mains pour demander le silence.

— Que cette nouvelle se répande dans tout le pays ! Que les gens la répètent, s’en imprègnent et n’oublient plus. La Tour Blanche est de nouveau unie. Et personne au monde – femme, homme ou Créature des Ténèbres – ne nous reverra un jour désunies.

Cette fois, les vivats furent assourdissants, car plus de sœurs y contribuèrent.

Egwene baissa les mains.

Durant les mois à venir, elle espérait que ces femmes se réjouiraient encore. Mais ce serait dur, parce qu’il y avait beaucoup de pain sur la planche.


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