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Le soleil sombrait à l’horizon lorsqu’ils regagnèrent l’île. Un voile de brume recouvrait la mer, atténuant l’éclat du jour et parant d’une nuance dorée les murailles de Tyr, donnant à la cité des allures de château elfique prêt à s’évaporer dans le néant. Everard constata en débarquant que la plupart des habitants étaient rentrés chez eux. L’officier le quitta pour aller retrouver sa famille et le Patrouilleur prit la direction du palais, empruntant des rues naguère agitées où régnait désormais une atmosphère quasi spectrale.

Devant le portique se tenait une silhouette sombre que les sentinelles feignaient de ne pas voir. A l’approche d’Everard, elles se levèrent et empoignèrent leurs lances, se préparant à vérifier son identité. La position de garde-à-vous n’avait pas encore été inventée. La femme vint à sa rencontre en trottinant. Comme elle s’inclinait, il reconnut Sarai.

Son cœur fit un bond. « Que veux-tu ? lança-t-il d’une voix rauque.

— J’ai attendu ton retour toute la journée, ô seigneur, car il m’a semblé que tu étais impatient d’entendre mon rapport. »

Elle avait dû déléguer ses tâches quotidiennes. Comme il devait faire chaud dans cette rue ! « Tu... tu as trouvé quelque chose ?

— Peut-être, maître ; un soupçon d’indice. J’aurais aimé qu’il soit plus substantiel.

— Parle, pour... pour l’amour de Melqart !

— Pour le tien, ô seigneur, pour le tien, puisque tu as confié cette mission à ta servante. » Sarai reprit son souffle. Ses yeux cherchèrent ceux d’Everard, s’y fixèrent. Elle reprit la parole d’une voix posée, empreinte de sérieux.

« Comme je le craignais, aucun des domestiques les plus âgés ne possédait le savoir que tu recherches. Ils n’étaient pas entrés au service du roi Abibaal à cette époque, ou bien ils travaillaient ailleurs qu’au palais – une ferme, une résidence d’été, peu importe. Deux ou trois d’entre eux affirment avoir entendu parler de ces visiteurs, mais ils ne m’ont rien appris que mon seigneur ne m’ait déjà dit. En désespoir de cause, je suis allée prier à l’autel d’Asherat. Je l’ai suppliée de t’accorder sa grâce, toi qui l’as servie par mon intermédiaire alors que les autres hommes s’y étaient longtemps refusés. Et, merveille des merveilles ! elle m’a exaucée. Qu’elle en soit louée ! Je me suis rappelé que le père de Jantin-hamu, un aide valet, avait jadis servi lui aussi au palais. Je suis allé voir Jantin-hamu, qui m’a amenée voir Bomilcar, et celui-ci peut te parler de ces visiteurs étrangers.

— Mais... mais c’est magnifique, bafouilla-t-il. Jamais je n’aurais été capable de faire ce que tu as fait. Je n’aurais pas su qui interroger.

— Je prie pour que ce vieil homme te soit utile, seigneur, dit-elle d’une petite voix, toi qui as été si bon pour l’humble laideron que je suis. Viens, je vais te guider. »

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