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Sombre. Sombre est le jour. Dans le ciel couleur de sang, les nuages vont beaucoup trop vite.

Je porte un pantalon de cuir et une chemise de soie rouge. Les boutons sont des pierres de cornaline. La boucle de mon ceinturon est en fer poli. Mes pieds sont chaussés de bottes.

Des bottes avec des semelles de métal.

Où je suis ? Autour de moi s’étend, â perte de vue, une plaine aride et caillouteuse.

Les mots d’un poème inconnu me viennent sur les lèvres : « Je suis le chevaucheur, le voleur de nuages, je danse sur la lande comme le faucon en voyage… »

Une brise chaude et légère se lève, charriant des odeurs de rouille.

C’est alors que je les entends.

Les loups.

Ils hurlent.

Je ne les vois pas mais ils sont là. Ils m’ont pris en chasse.

Je me mets à courir, de plus en plus vite. Mon souffle devient léger. Loin de m’épuiser, la course m’électrise.

J’éclate de rire. Mes foulées s’allongent, j’accélère encore.

Je laisse derrière moi des empreintes profondes. Chocs sourds du métal contre la roche. Des étincelles naissent sous mes pas. Les pierres chahutées grésillent.

Soudain ils sont là.

Ils galopent derrière et à côté de moi, la langue pendante. D’énormes loups gris au pelage mité. Une dizaine. Ils tentent de me prendre en étau. De me couper la route.

Je bondis de plus belle. Je gonfle ma poitrine.

Je ne me suis jamais senti aussi bien. De toute ma vie. Débordant de force et d’énergie.

« Je suis le coureur infatigable, celui qui martèle de ses pas les chemins innombrables… »

Les hurlements excités se transforment en jappements de dépit. Je suis en train de leur échapper. Je leur échappe par ma seule course. Ni par des mots ni par la magie.

C’est la première fois…

Les loups hurlent de nouveau. Des hurlements d’espoir.

Devant moi, une cassure dans la plaine. Une faille, vertigineuse.

Je devrais ralentir, m’arrêter, faire face et défendre chèrement ma peau. Mais je me sens plein d’audace.

Invincible.

Indestructible.

Alors, au contraire, j’accélère.

Je prends appui sur le bord du gouffre et je saute haut, haut en direction du ciel, et je saute loin, comme si je voulais m’accrocher à la traîne d’un nuage.

« J’accompagne l’envol du noir corbeau de l’haruspice, le tourbillon des cendres dessus le précipice… »

Interminable suspension dans les airs.

Choc brutal au contact du sol.

Je roule dans la poussière, au milieu des cailloux. Je me redresse, je me relève. Là-bas, de l’autre côté, les loups sont assis, formant une rangée de gueules haletantes. Ils me regardent sans y croire.

Moi non plus je n’y crois pas. Une course pareille. Un saut pareil. Comment j’en serais capable ?

Ce n’est pas normal.

Je vais me rév…

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