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Une clameur sourde m’environne. Le bruit de mille gorges.

J’essaye de comprendre où je me trouve. Pourquoi je suis accroupi.

Mes mains sont plantées dans le sable. Je fais le dos rond. Comme un chat.

Comme un tigre.

Je tourne la tête.

Des palissades en bois forment un vaste cercle et je suis au milieu. Au milieu d’une arène. Offert aux regards avides d’une foule dispersée dans les gradins.

Une foule d’ombres, droites et immobiles, drapées dans de longs manteaux noirs.

Les ombres grondent et c’est cette clameur rauque que j’entends.

Je me redresse.

La muraille de poutres et de madriers, maltraitée par des coups de griffes et de dents gigantesques, s’entrouvre pour laisser entrer deux hommes bardés de cuir et de métal, qui brandissent une hache et une épée.

Des colosses, couturés de cicatrices.

Je n’ai pas d’armes, pas de bouclier, mais ce sont eux qui tremblent.

Je n’ai pas peur. Je m’avance vers eux.

Ils se précipitent en hurlant. Lents et maladroits.

Une décharge d’adrénaline m’envahit. Je laisse un sourire s’épanouir sur mon visage. J’évite le premier et je fais craquer son crâne comme une coquille de noix. J’intercepte le second en plongeant ma main dans sa poitrine. J’arrache son cœur et je le jette dans la foule.

Tourbillon de manteaux noirs et feulements hystériques. Frénésie de piranhas géants sur un morceau de viande.

« Je suis le commis sanglant, le fil d’une épée d’acier blanc, d’une lame damassée aux reflets de cauchemar, la hache au manche noir, le bouclier bavard, le casque au cimier grimaçant ! »

Quatre nouveaux guerriers surgissent de nulle part. Mon rire prend possession de l’enclos. Je tourbillonne au milieu des combattants, éventrant, égorgeant, arrachant.

Maculant de rouge le sable clair de l’arène.

« Je suis le rapace avide, l’épervier vorace, le fléau splendide, le râle d’hommes qui sont encore et presque morts, la grogne des linceuls, la mandragore, la main qui déchire les chairs, la gueule qui dévore les corps… »

Huit entrent encore, puis seize, puis trente-deux. Je ne compte plus. Le sang poisse mes mains, alourdit mes vêtements. Je n’en ai cure. Inlassablement, impitoyablement, je décime les guerriers qu’on m’envoie. Sans ressentir de fatigue. Sans éprouver de regret.

Juste la joie. L’intensité de l’affrontement, l’excitation croissante des spectateurs.

« Je suis la montagne qui bouge, le vent tambour, le fleuve qui s’allonge… Je suis la fleur rouge qui court et qui ronge… »

Lorsque l’arène est remplie de cadavres, quand je ne parviens plus à marcher sans glisser sur les flaques de sang, je pousse à mon tour un hurlement, qui rebondit contre les murs de bois et auquel répondent des vociférations enthousiastes.

J’ai triomphé.

Et je lève les bras vers le ciel rouge.

Ce n’est pas normal.

Je vais…

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