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Une brume épaisse, grise, recouvre la forêt comme un pesant catafalque. Est-ce que c’est le jour ? Est-ce que c’est la nuit ? Tout est sombre et sanglant. C’est peut-être le crépuscule. Je vois à peine où je mets les pieds.

Les fûts noirs des arbres qui grimpent et se perdent dans le ciel sont les colonnes d’un temple ancien.

J’avance. Je ne sais pas où je vais, je suis poussé par l’impérieux besoin d’avancer.

« Je suis le marcheur aveugle, les yeux figés contemplant une lune qui tarde à se montrer… »

Toujours ce poème, que je ne me rappelle pas avoir appris.

Il monte du sous-bois une odeur de mousse, d’humidité mêlée de pourriture. Et aucun bruit d’animal. Tout est immobile, comme l’étang aux eaux glauques que je longe et abandonne derrière moi.

Je sens des gouttes. Tac. Tac. Le bruit d’une averse trouble le silence. Les effluves de la forêt se font plus présents. Pesants. Enivrants.

Je fais le dos rond sous mon manteau. Un manteau épais, fait d’une matière inconnue.

Un flamboiement illumine le ciel, suivi d’un lointain grondement.

« J’arpente l’horizon orange qui fabrique d’étranges orages… Éclair d’ivoire, gouttelettes d’eau pâle, châle de pluie sur l’herbe endormie… La feuille se détache et vient tomber sur la peau de la mare, dans laquelle se reflète un morceau de ciel noir… »

Je bute contre un obstacle que l’obscurité m’avait dérobé. Je me penche : c’est un corps.

Le corps d’un homme mort.

Je n’ai aucun mouvement de recul, à peine surpris. Cette forêt est donc un cimetière ?

Le corps est encore chaud. Sa tempe est poisseuse. On l’a frappé.

Je me laisse tomber, à quatre pattes.

Comme font les chiens. Comme font les hyènes.

Et je renifle le parfum du sang.

Pesant.

Je me retiens pour ne pas passer ma langue sur la blessure.

Enivrant.

Ce n’est pas normal.

Je vais me…

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