13, rue du Horla

Troisième étage – Club philatéliste / Appartement de mademoiselle Rose


— C’est encore la cafetière du bureau qui fait des siennes, sorcière ?

— Ne me cherche pas, démon, ce n’est vraiment pas le moment.

— J’en prends bonne note. Et je devine, à voir ton visage sombre, que tu parles sérieusement.

— Je pensais avoir eu suffisamment de mauvaises surprises pour aujourd’hui. C’était compter sans mon jeune Agent, Jules.

— Le maître espion ?

— Maître espion stagiaire ! Peu de temps après son premier appel m’annonçant…

— … l’échec dans un couloir du métro des trois Auxiliaires que tu avais envoyés en mission, la fuite du chamane mongol et la présence incongrue sur le terrain de l’Agent stagiaire Jasper !

— Je t’ai dit de ne pas me chercher.

— Désolé ! Continue, sorcière, continue.

— Jules m’a communiqué une autre information importante : des voyous qui agressaient le chamane à l’entrée du parc Francescano ont été dispersés par un vampire non fiché, qui n’avait jusque-là commis aucune infraction…

— Encore un vampire.

— Oui. Et quand on considère la facilité avec laquelle le chamane s’est débarrassé des hommes lancés à ses trousses, je n’ose même pas imaginer les conséquences d’une alliance entre lui et des vampires hors de contrôle !

— Pourquoi les vampires sont-ils impliqués en ce moment dans tous les mauvais coups ?

— Bonne question, démon. Peut-être parce que ce sont les Anormaux les plus corruptibles. Peut-être parce que, parmi tous, ce sont eux qui ressemblent le plus aux humains…

— Ce n’est pas faux.

— Il faut absolument neutraliser le chamane ! Cela devient, sous l’angle vampirique, absolument nécessaire. Les raisons mystérieuses invoquées par Walter pour motiver l’intervention sont d’ores et déjà dépassées…

— J’ai connu un chamane, il y a longtemps. Nos rapports étaient tendus comme une peau de tambour…

— Le rapport de Jules et les recherches que j’ai effectuées confirment qu’il s’agit d’un sorcier-chamane du désert de Gobi, un oyun ouïgour, à en croire les motifs brodés sur sa tunique. Mais qu’est-ce qu’un chamane vient faire à Paris ?

— Les boutiques du Chant des Alizés ? Je plaisante, sorcière, je plaisante ! Le mieux serait de poser la question à Walter.

— Excellente suggestion, démon. Malheureusement, c’est impossible.

— Pourquoi ? Il est toujours aussi… sombre ?

— Pire que ça ! Walter s’est envolé.

— Hein ?

— Eh oui, démon ! Disparu, le responsable de l’antenne française ! Comme Fulgence ! Introuvable…

— Youp… euh, je veux dire, ça y est, tu es vraiment seule !

— Seule pour gérer une situation ingérable. Pour garder un œil sur les dossiers ouverts, la disparition du Sphinx et le vol du cercueil d’Ombe. Pour m’occuper du chamane. Pour gronder Jasper. Pour organiser la recherche de Nina.

— Tu comprends quelque chose à l’attitude de Walter ?

— Franchement non. Partir subrepticement, sans explication, sans même un mot, sans emporter son téléphone ! Ça ne lui ressemble absolument pas.

— Remarque, tu me l’as bien dit, ce matin, que quelque chose ne tournait pas rond chez lui, depuis la mort d’Ombe et le silence du Sphinx.

— C’est plus grave que ça, démon. Il a vraisemblablement cédé à la panique ! J’ai rarement vu une expression aussi effrayée que celle de Walter fixant la photo du chamane, dans le dossier. Je me demande qui est réellement ce sorcier oyun. Jusque-là, Walter n’avait jamais perdu son sang-froid…

— Rien n’est éternel, sorcière. Je t’avais prévenue…

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