Neil F. Comins ne se doutait pas de l’aide précieuse que son roman m’apporterait lorsqu’il écrivit What If the Earth Had Two Moons : And Nine Other Thought-Provoking Speculations on the Solar System, mais je le remercie quand même. Sans son livre, le Jardin aurait eu une lune et non un anneau, et dix-neuf vaisseaux ne se seraient sans doute pas écrasés à sa surface comme ils le font. En revanche, il n’est nullement responsable des choses que j’ai moi-même inventées, et que les limites de la science, telles que nous la connaissons, sont censées empêcher.
Les jeux de voyage temporel auxquels je m’abandonne dans le présent ouvrage sont une défiance délibérée aux règles consensuelles que la science a fixées en la matière. Loin d’esquiver le paradoxe, je me suis imposé de l’épouser, en adoptant un ensemble de règles dont une d’or : la causalité contrôle la réalité, indépendamment du moment de sa survenue sur l’échelle temporelle. Après tout, si nous pouvons présumer de la possibilité d’une contraction spatiale pour passer d’un point A à un point B instantanément, pourquoi écarter celle d’une contraction temporelle ? Et si une trace se remonte dans l’espace, pourquoi pas dans le temps ?
L’une des difficultés à expliquer les événements dans ce roman venait de l’absence d’un personnage omniscient, ce qui m’a contraint à espérer que les lecteurs feraient eux-mêmes les liens qui s’imposaient. Pour ceux et celles que j’aurais perdus en cours de route, voici en deux mots ce qui s’est « réellement passé » : lorsque le vaisseau de Ram a pénétré la contraction, les dix-neuf ordinateurs de bord ont fait chacun leurs petits calculs et généré dix-neuf ensembles de champs distincts. Ces derniers ont interagi avec l’esprit de Ram et avec son étrange don, celui de moduler le temps. Chacun de ces champs a eu ses effets propres, concrétisés par dix-neuf sauts dédoublés, soit dix-neuf vaisseaux dans le bon sens et dix-neuf autres en marche arrière vers leur point de départ.
Ces derniers sont liés au seul vaisseau d’origine à avoir fait le voyage jusqu’à la contraction. Comme eux le font à l’envers, ils ne peuvent être influencés d’aucune manière par l’univers, dont les événements s’écoulent en suivant une chronologie normale, ni l’influencer. Par essence, ils occupent chacun le même espace sans s’affecter les uns les autres.
Les versions de Ram qui reculent sont nées lors du saut, celles qui avancent, 11 191 ans plus tôt – et en des endroits proches du Jardin, mais isolés (d’où leur non-destruction par télescopage accidentel).
Pour les observateurs terrestres, le signal lumino-thermique du vaisseau de Ram a simplement disparu. Signe non pas qu’il a atteint sa destination, mais qu’il a bondi de sa position spatiale vers une autre. Étant donné la vitesse à laquelle se propage la lumière, il leur aurait fallu trente et une années-lumière pour voir ce signal apparaître à nouveau à proximité du Jardin (si toutefois sa perception était toujours possible à une telle distance). Quel autre choix pour les observateurs humains, dans ces conditions, que de se replonger dans leurs maths et leur physique pour conclure ou non à la réussite du saut ?
Nous verrons dans le prochain volume qu’en peaufinant leurs calculs et leurs théories les humains finirent par bâtir des vaisseaux capables de venir à bout du saut sans duplication. Le principe mathématique sous-tendant leur nouvelle théorie s’accompagne toujours de la création d’un vaisseau inverse à chaque saut, mais à l’existence considérée comme négligeable au vu de l’impuissance totale de ce vaisseau face aux événements de l’univers.
Les dons de Ram n’ayant pas percé jusqu’à eux, ils continuent à ignorer que le(s) vaisseau(x) ayant effectué le saut a (ont) resurgi non pas dans le « présent » mais 11 191 années plus tôt (à trente et une années-lumière puissance 19 de la Terre). Ils ignorent aussi que des humains ont existé sur le Jardin, et pas seulement quelques années depuis que Ram a franchi la contraction, mais depuis onze millénaires. Ils ne s’attendent pas, en effet, à trouver une colonie implantée, puisque, en théorie, les sacrifiables et les ordinateurs de bord devaient encore se trouver dans la phase de préparation d’une vie d’origine terrestre sur le Jardin.
Je remercie mes premiers lecteurs, eux aussi confrontés à leurs propres soucis de voyage temporel. J’écris la plupart de mes livres très vite, d’une traite : rarement s’écoulent plus d’un jour ou deux entre deux chapitres. Pour cet exercice, cependant, en raison de la bizarrerie de l’histoire et du besoin de créer de nouveaux personnages et situations en cours de route, l’écriture s’est étalée sur six mois, avec parfois plusieurs semaines d’un chapitre à l’autre. Malgré ce rythme chaotique, ces relecteurs de la première heure ont fait un travail remarquable. Ma femme, Kristine, reste ma première relectrice, pour tout ce qui sort de ma plume : à ses forces se sont jointes celles de Erin et Phillip Absher, puis de Kathryn H. Kidd.
Mon éditrice, Anica Rissi, a lu ce manuscrit avec une attention redoublée alors qu’il était encore en cours ; merci à elle et à son œil implacable, qui a su repérer des contradictions et erreurs de scénario que mes premiers relecteurs et moi-même avions laissées passer. Je réitère mes remerciements à son égard pour ses commentaires et suggestions si précieux, qui ont considérablement amélioré ce livre complexe. Merci également à notre correctrice, Stéphanie Evans, pour son travail fabuleux, surtout connaissant mon excentricité et mon opiniâtreté, sans parler de mon exceptionnelle capacité de distraction.
Je dédie ce livre à mon agent, Barbara Bova, décédée avant que je finisse de l’écrire. Elle n’aura pas eu le temps de le parcourir mais, sans elle, jamais il n’aurait existé. Merci à son mari, Ben Bova (premier éditeur à avoir acheté une de mes œuvres de science-fiction, en 1976) et à leur fils, Ken Bova, qui, à eux deux, ont su maintenir son agence (et son réseau d’agents de droits étrangers) à flot.
Je tiens également à remercier l’éditrice en chef Kathleen Bellamy et Ed Shubert, éditeur de mon magazine en ligne Orson Scott Card’s InterGalactic Medicine Show (www.oscIGMS.com), pour avoir accepté les premières lignes écrites sur Ram comme nouvelle. Étant propriétaire du magazine, et donc leur patron, j’ai dû leur soumettre l’histoire sous un faux nom pour qu’ils la jugent en toute objectivité. Le fait qu’ils la prennent et décident de la publier avant d’apprendre que j’en étais l’auteur a fini de me convaincre : cette nouvelle se tenait seule, sans tout le reste autour pour l’étayer.
Enfin, que ma reconnaissance aille également à toutes celles et à tous ceux qui ont assuré l’entretien de ma maison pendant mes périodes de quarantaine forcée pour écrire : Kathleen Bellamy, encore elle, comme assistante cette fois, Scott Allen, notre artisan du Web et de l’informatique, et bien sûr ma femme, Kristine, et notre fille Zina, qui ont su tolérer cet étrange écrivain ambulant qui traînait ses savates entre le grenier et le reste de la maison en déclamant parfois des choses sensées mais, le plus souvent, la loufoquerie de son histoire en cours l’emportant, sans queue ni tête.